Cathédrale (de Strasbourg)

De DHIALSACE
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On admet que le premier évêque de Strasbourg fut Amandus (IVe siècle, vers 346). Il faut donc supposer qu’il existait dès lors une cathédrale. Celle-ci, siège de l’évêché, abrita en outre différentes autres institutions. Le chapitre de chanoines, menant une vie commune, est attesté au moins depuis la première moitié du IXe siècle. Dans l’édifice gothique, les stalles des chanoines étaient disposées dans la croisée du transept, et le trône de l’évêque au revers du jubé du milieu du XIIIe siècle. Tandis que les chanoines du Grand Chapitre appartiennent dès le XIIIe siècle à la haute noblesse, le collège de prébendiers formant le Grand Choeur est composé de prêtres d’origine roturière. Ils sont chargés de la célébration quotidienne des offices canoniaux.

Les cérémonies du culte à l’époque médiévale sont décrites dans plusieurs ouvrages, ainsi le coutumier de Baldolf (XIe siècle), le Cantatorium du XIIe siècle, ou le directorium anonyme du début du XIIIe siècle. Un manuel à l’usage du chantre (fin du XIIe siècle) se trouve au Grand Séminaire à Strasbourg (ms. 21). A partir des textes antérieurs, Fritsche Closener, vicaire du Grand Choeur, rédige un Directorium chori très détaillé, achevé en 1364 (copie, du XVIIIe siècle : A.V.C.U.S., 117 Z 2176).

Le bras nord du transept abritait la paroisse de la cathédrale, dédiée à saint Laurent. Le trésorier du Grand Chapitre en était titulaire, mais la fonction est exercée par un pléban, cité dès 1228. À la fin de l’époque médiévale, la prédication destinée aux paroissiens a lieu dans le croisillon nord et dans la crypte ; mais, en raison de l’affluence des fidèles, on construit en 1485 une nouvelle chaire dans la nef, pour le prédicateur de la cathédrale Jean Geiler de Kaysersberg.

A partir de 1521, Matthieu Zell, curé pléban de la cathédrale et pénitencier de l’évêque, commence à prêcher dans un sens luthérien. En 1523, il publie le premier écrit réformateur strasbourgeois, Christliche Verantwortung. Son mariage, le 3 décembre 1523, est béni par Bucer, ancien dominicain rallié à la Réformation. Malgré l’opposition du Grand Choeur de la cathédrale et d’une partie du Chapitre, Zell, excommunié le 14 mars 1524, peut se maintenir en place grâce au soutien des paroissiens et des autorités civiles. Comme dans d’autres paroisses strasbourgeoises, des changements sont introduits dans les célébrations cultuelles : la langue vernaculaire remplace le latin, l’eucharistie est distribuée sous les deux espèces ; on y supprime en particulier tout caractère sacrificiel ; les rites baptismaux sont simplifiés, l’orgue est moins utilisé qu’auparavant, les heures canoniales cessent d’être chantées, une table de bois remplace l’autel majeur, la plupart des images et des statues, et même la grande croix, sont enlevées. En 1529, la majorité des échevins de Strasbourg approuvent la suppression des dernières messes capitulaires. Certains esprits auraient voulu des changements plus radicaux, l’un ou l’autre interrompt la prédication de Zell en le diabolisant. Mais, avec l’adoption d’une confession de foi en 1530, la Tétrapolitaine, et grâce au soutien des autorités et au moyen d’institutions consolidées, le mouvement évangélique s’établit dans la durée. Une Église évangélique est mise en place.

Toutefois, après la victoire de l’empereur Charles Quint sur les états protestants en 1547 et l’introduction de l’ « Interim », la cathédrale est rendue au culte catholique qui y sera de nouveau célébré entre 1550 et 1559. Ce n’est qu’en mai 1561 que les protestants réintègrent la cathédrale, pour une durée de cent vingt ans. Elle est pourtant utilisée par les catholiques à certaines occasions, comme lors de l’élection de l’évêque Johann von Manderscheid en 1569. Un à deux pasteurs titulaires et plusieurs pasteurs auxiliaires, secondés par des prédicateurs suppléants, assurent les cultes dont la liturgie, commune aux églises de Strasbourg, sera fixée par l’Ordonnance ecclésiastique de 1598. Trois cultes sont célébrés le dimanche matin, auxquels s’ajoute un office du soir. L’orgue doit principalement introduire le chant d’assemblée, mais, après le culte, l’organiste peut aussi jouer d’autres oeuvres et faire exécuter des motets, même en latin. Un office est célébré tous les jours de la semaine à 8 heures, un autre dans l’après-midi. Les livres bibliques à commenter dans les divers offices sont indiqués de manière précise. Comme dans les autres paroisses de la ville, celle de la cathédrale comporte une école élémentaire dans laquelle la religion occupe une place importante. Une leçon catéchétique hebdomadaire dans l’église est mise en place dès les années vingt du XVIe siècle.

Les pasteurs contrôlent la vie de leurs fidèles et veillent à la discipline, en particulier à l’intérieur de la cathédrale. Ils sont eux-mêmes surveillés par trois Kirchenpfleger (curateurs). Quelques éminents théologiens tels que Marbach, Pappus, Jean Schmidt, Dannhauer et Sébastien Schmidt ont régulièrement prêché à la cathédrale.

Au temps de la guerre de Trente ans, les efforts se multiplient du côté catholique pour retrouver l’usage de la cathédrale. Ils aboutissent en 1681 avec la capitulation de Strasbourg. L’article 3 de cette capitulation stipule que « l’église de Notre-Dame, appelée autrement le Dôme, sera rendue aux catholiques ». En octobre, l’édifice est reconsacré. Le 23 octobre, l’évêque Egon de Furstenberg y accueille Louis XIV.

Le choeur, qui n’avait guère été modifié durant la période protestante, est réaménagé en fonction des préceptes du Concile de Trente. En 1681, l’évêque François Egon de Furstenberg demande à l’architecte Jean-Georges Heckler de démolir le jubé gothique, et de supprimer le maître-autel médiéval. En 1691-1692, le menuisier Claude Bourdy établit dans l’abside des lambris de style classique et trois rangées de stalles. Un autel à baldaquin est construit par le sculpteur Martin Frémery dans la croisée du transept (1686). Le culte paroissial quitte, peu après 1698, le bras nord du transept et est transféré dans l’ancienne chapelle Saint-Martin, qui devient la chapelle Saint-Laurent ; pour celle-ci est créé en 1699-1705 un autel avec un monumental retable en bois. En 1732, afin de permettre l’organisation de fastueuses cérémonies, le choeur est allongé vers l’ouest et étendu à la première travée de la nef. Après l’incendie de 1759, Joseph Massol réalise un nouveau maître-autel en marbre, conservé en partie.

La Révolution entraîne la suppression de l’ancien Grand Chapitre et du Grand Choeur. La cathédrale devient Temple de la Raison, avant d’abriter le culte de l’Être suprême. Les célébrations catholiques reprennent en 1795. Succédant à l’évêque constitutionnel François Antoine Brendel, Mgr Saurine est nommé en 1802 ; le Chapitre, reconstitué, est installé l’année d’après.

Durant la restauration de 1843-1852, l’architecte Gustave Klotz démonte les lambris de style classique et les stalles de l’abside, et restitue l’aspect général de l’époque romane. À l’initiative de Mgr Joseph Doré, nommé archévêque de Strasbourg en 1997, le choeur reçoit en 2004 ses dispositions actuelles, avec large escalier assurant une meilleure communication avec la nef, nouveau maître-autel face au peuple, stalles des chanoines et du clergé, ayant leur place sur les deux côtés, ainsi qu’ambon et cathèdre, symbole de la fonction épiscopale.

Sources - Bibliographie

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XIBAUT (Bernard), La cathédrale de Strasbourg au lendemain de la grande révolution. Mutations et continuité (1800-1820), Strasbourg, 1987.

LUDMANN (Jean-Daniel), « Les aménagements successifs du choeur de la cathédrale depuis 1681 », Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, 18, 1988, p. 15-29 et « Les aménagements successifs du choeur de la cathédrale depuis 1681. Projets et réalisations. Suite 1 », Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, 21, 1994, p. 45-56.

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MEYER (Jean-Philippe), La cathédrale de Strasbourg. La cathédrale romane (1015 - vers 1180), Strasbourg, 1998.

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DORE (Joseph) (dir.), Strasbourg. La grâce d’une cathédrale, Strasbourg, 2007.

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