Gründonnerstag

De DHIALSACE
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Coena Domini, Grien dornstag, Jeudi saint

Le jeudi saint, dont la fête est attestée depuis le XIIe siècle, est le premier jour du Triduum sacrum de la semaine sainte (Karwoche). Il revêt une importance particulière dans la liturgie chrétienne par la commémoration de l’institution de l’Eucharistie par Jésus lors de la dernière Cène (Luc. 22, 16), la veille de sa mort. La célébration Eucharistique du jeudi saint – la dernière avant Pâques – est marquée par la procession du Saint-Sacrement, le dépouillement des autels et le lavement des pieds. Dans les églises cathédrales, les évêques consacrent les saintes huiles (huile des catéchumènes, celle pour l’onction des malades et le saint chrême). C’est également le jeudi saint que les excommuniés et les pénitents publics sont réadmis au sein de la communauté, assistent à la messe et y communient.

À Strasbourg, le jeudi saint est reconnu comme un jour de fête jusqu’à la Réforme. Ce jour-là, à la fin du XVe siècle, un repas amélioré est servi aux malades de l’hôpital et des indulgences sont proclamées sur le cimetière (auf den Gruben). Dans le Strasbourg protestant, la fête semble avoir perdu de son importance avant qu’en 1663 les XXI ne l’érigent en une fête solennelle : daß der Gründonerstag vnd Carfreÿtag hinfüro jährlich gleich anderen hohen festen hochfeyerlich celebrirt (AMS, 1R 146, fo 30vo). Devant la crainte des pasteurs que cette décision n’entraîne un surcroît de travail, la tenue des sermons est réorganisée et l’instruction religieuse délivrée aux enfants (Kinderlehr) suspendue. Dans les bailliages ruraux de la Ville, la célébration de la Cène du dimanche des Rameaux (Nachtmahl) est déplacée au jeudi saint. Enfin, le changement saisonnier des horaires des sermons est avancé du vendredi saint au jeudi saint : die veranderùng der stùnden aùff den Gründonnerstag soll geschehen (AMS, 1R 146, fo 40ro). L’année suivante, les XXI complètent ces dispositions par l’interdiction de festoyer le jeudi saint : Wird das zechen verbotten (1R 147, fo 46).

L’étymologie de Gründonnerstag suscite bien des controverses. Il est cependant généralement admis que le préfixe grün ne désigne pas la couleur verte. Ce terme vient probablement d’une corruption d’un verbe du moyen haut allemand, grienen, pleurer, en grün. Dans quelques formes anciennes, le jeudi saint est effectivement appelé « Grien Dornstag » (AMS, 1AH 584). Mais alors, à quels pleurs ce terme fait-il allusion ? Dans les évangiles qui relatent la sainte Cène, il est seulement dit que les apôtres étaient tristes, non pas par l’annonce de la mort prochaine de Jésus, mais parce que celui-ci leur révèle que le traître qui allait le livrer se trouve parmi eux (Math. 26, 22). D’après le Brockhaus, le jeudi saint est aussi appelé Karenen-Donnerstag ; Karenen venant de Carena qui désigne la période de 40 jours de pénitence avant Pâques, dont le jeudi saint est le dernier. Grün viendrait là d’une corruption de Karenen en Grünen. Enfin l’hypothèse que grün viendrait de la tradition populaire de consommer ce jour-là des légumes verts est unanimement rejetée. Par ailleurs, celui-ci signale que le qualificatif grün est également utilisé pour désigner d’autres jours du cycle pascal : le mardi après Esto mihi (Grüne Fassnacht), le dimanche des Rameaux (Grüne Sonntag, XIIIe siècle), la semaine sainte (Grüne Woche) et le vendredi saint (Grüner Freitag).

Au jeudi saint sont associées des traditions populaires bien ancrées en Alsace. Le jour même de la fête, une ancienne coutume recommande la consommation de légumes verts, notamment des épinards. Dans certains villages, comme à Souffelweyersheim, ils sont accompagnés d’oeufs du jour même, qui, selon une croyance populaire répandue dans les pays germaniques, auraient des vertus salutaires. D’autres traditions, rapportées par Freddy Sarg, font état de plats composés de sept ou neuf herbes de saison. Curieusement, le repas servi le jeudi saint au Grand Hôpital en 1492 ne mentionne pas de légumes. On sert du poisson (Selmeling) et chaque malade reçoit une portion de pain blanc d’une valeur de ½ denier.

Au cours de la messe du jeudi saint, les cloches sonnent à toute volée lors du Gloria, puis elles restent muettes, ainsi que tout instrument de musique, jusqu’au Gloria de la Messe de la Vigile Pascale. Durant ces trois jours, ce sont les enfants du village, les communiants ou les servants de messe, qui parcourent les rues du village au son des crécelles (ratsche) et des claquoirs (Kleppi) en chantant des petits textes versifiés annonciateurs des principales heures du jour (Tagglock, Mittag) et des messes (Zeichen zur Kirche).

Sources - Bibliographie

AMS : 1AH 584, Seelbuch (1492) ; 1R 146 (1663) ; 1R 147 (1664).

GROTEFEND (Herrmann), Taschenbuch der Zeitrechnung des Deutschen Mittelalters und der Neuzeit, Hanovre-Leipzig, 1891-1898.

GRIMM, Wörterbuch (1854-1960).

Der Grosse Brockhaus, 1954.

SARG (Freddy), « Calendrier », EA, II, 1983, p. 978.

Lexikon des Mittelalters, 1980-1998, col. 990-991.

WANZECK (Christiane), Zur Etymologie Lexikalisierter Farbwortverbindungen, Amsterdam–New York, 2003, p. 101-116.

BAILLIARD (Jean-Paul), Le calendrier et la mesure du temps (coll. Alsace-Histoire, 1), Strasbourg, 2009, p. 67-68, 116-118.

 

Notices connexes

Pâques

Semaine sainte

Vendredi saint

 

Jean-Marie Holderbach