Molsheim
Sa situation au débouché de la vallée de la Bruche, la proximité de Strasbourg et la richesse de ses terres suscitèrent au Moyen Âge la convoitise des Hohenstaufen et des évêques de Strasbourg. Devenue ville épiscopale en 1308, elle connut une histoire mouvementée avant de devenir, à partir de 1580, un bastion de la Contre-Réforme et de connaître un âge d’or.
Sommaire
- 1 Molsheim au Moyen Âge
- 1.1 Molsheim disputée entre les Hohenstaufen et les évêques de Strasbourg
- 1.2 Molsheim devient cité épiscopale
- 1.3 La fin du Moyen Âge : une période de tourments
- 1.4 Le Magistrat : le Schultheiss
- 1.5 Le Magistrat : les Stettmeister
- 1.6 Le droit de bourgeoisie
- 1.7 Les institutions judiciaires
- 1.8 La paroisse
- 1.9 La fabrique de l’église et le chapitre rural de Molsheim-Biblenheim
- 1.10 La présence juive au Moyen Âge
- 2 La guerre des Paysans
- 3 Le bailliage épiscopal de Molsheim
- 4 Molsheim, capitale de la Contre-Réforme : le siècle d’or
- 5 Molsheim aux XVIIe et XVIIIe siècles
- 6 Bibliographie
- 7 Quelques éléments sur la période révolutionnaire
- 8 Notices connexes
Molsheim au Moyen Âge
Molsheim disputée entre les Hohenstaufen et les évêques de Strasbourg
La première mention de Molsheim date du début du IXe siècle. Le fondateur du monastère de Saint-Thomas de Strasbourg, Adeloch, et deux évêques font don au chapitre de Saint-Thomas de terres situées sur le ban de Molsheim (Mollesheim). Celle-ci est alors une modeste bourgade située sur la route du piémont, mais ses bonnes terres aptes à la culture des céréales et de la vigne aiguisent les appétits. Au XIIe siècle, les Hohenstaufen, qui tenaient l’avouerie de Molsheim en fief épiscopal (Vogtei), sont en conflit avec l’évêque de Strasbourg. En 1198, à l’occasion de la succession de Henri VI, Philippe de Souabe, prétendant au trône impérial, dévasta les possessions épiscopales et incendia la bourgade de Molsheim qui n’était pas encore entourée de murailles. À la fin du conflit, le duc de Souabe renonça à ses fiefs épiscopaux (Kirchenlehen) au profit de l’évêque, qui obtint le droit de patronage ainsi que différents droits seigneuriaux dont celui de nommer le prévôt (Schultheiss). En 1219, Frédéric de Hohenstaufen prit possession de Molsheim et accorda à la ville plusieurs droits et franchises. Mais le conflit avec l’évêque de Strasbourg reprit de plus belle après cet accord : peu à peu, les Hohenstaufen lâchèrent prise et Molsheim retourna dans les biens épiscopaux. À partir de 1245, notamment après la déposition de Frédéric II par le pape Innocent IV, les positions des Hohenstaufen en Alsace s’effondrèrent. L’évêque de Strasbourg devint le seul maître de Molsheim.
Molsheim devient cité épiscopale
Pour les deux derniers siècles du Moyen Âge, nous nous appuierons sur le travail de Grégory Oswald (1993-1994). Au milieu du XIIIe siècle, les évêques s’empressèrent de fortifier la ville. En 1254, une charte de Henri de Stahleck autorisa la remise en état des remparts. Elle renouvela également aux habitants de Molsheim les droits qu’ils tenaient de son prédécesseur Berthold de Teck, sous forme d’une redevance sur le vin consommé dans les auberges et destinée spécialement à l’entretien de fortifications (Ungeld). Dix ans plus tard, son successeur, Walter de Geroldseck, autorisa l’instauration d’un nouvel impôt pour construire des ouvrages de défense. Cette décision valait à Molsheim reconnaissance de la qualité de ville.
Les évêques de Strasbourg y possédaient des biens, ce qui fut à l’origine d’une série de conflits avec les empereurs germaniques, jusqu’à ce qu’en 1308 l’évêque Jean de Dirpheim (ou Durpheim) accordât à la bourgade le statut de cité épiscopale. Le statut fut ratifié par les Princes électeurs du Saint Empire. L’évêque réussit à gagner à sa cause la plupart des villes situées autour de Strasbourg. Il lança alors un vaste programme de travaux de fortifications dans une dizaine de villes où il possédait des biens : Molsheim, bien sûr, Mutzig, Dachstein, Boersch, Schirmeck, Dambach, Benfeld, Marckolsheim, Sainte-Croix et Offenbourg. Ces travaux avaient pour but de protéger les cités contre les coups de main auxquels les exposaient d’innombrables guerres privées (Fehden). À la même époque, il fit bâtir sur les berges de la Bruche un château fort où il établit sa résidence. À partir de cette date, Molsheim devint avec Dachstein et Saverne l’une des trois résidences épiscopales.
La fin du Moyen Âge : une période de tourments
Le XIVe siècle voit se succéder à un rythme tragique incendies, épidémies et brigandages. En 1328, Molsheim échappa de justesse à un incendie. Elle avait connu douze années plus tôt une épidémie de peste suivie par celle de 1349-1350, sans qu’on en connaisse véritablement l’ampleur. La ville fut également éprouvée par des incursions de mercenaires étrangers, les Anglais, à la suite de la signature du traité de Brétigny (1360), qui mettait fin provisoirement à la guerre de Cent Ans. Durant le conflit que se livrèrent Charles IV et la Ligue helvétique (1386-1388), les féodaux, pour se dédommager de leur défaite en Suisse, portèrent la guerre en Alsace. Le comte palatin Robert ravagea la région de Molsheim. Selon Grandidier, Molsheim fut prise et incendiée, mais aucun document parvenu à nous ne l’atteste réellement. Mais surtout, Molsheim eut à souffrir de malversations tout au long de l’épiscopat de Guillaume de Diest (1394-1433), prélat arrogant et dépensier. Pour tenter de redresser la situation financière du diocèse léguée par son prédécesseur, il engagea en 1406 à la Ville de Strasbourg le domaine épiscopal. Ainsi, pendant dix ans, ses habitants durent prêter serment au Magistrat de Strasbourg.
Jusqu’en 1415, Guillaume de Diest résida dans son château de Molsheim qu’il abandonna par la suite. Molsheim cessa alors d’être résidence épiscopale, la privant de commandes d’un entourage dispendieux. Si la première moitié du XIVe siècle est marquée en Alsace par les incursions et les pillages des Armagnacs (1439-1444), il semble que Molsheim en ait été épargnée.
Le Magistrat : le Schultheiss
Nous suivons ici l’étude de G. Oswald. La cité épiscopale dépendait étroitement de l’évêque de Strasbourg pour assurer le maintien de ses franchises et privilèges et éventuellement pour en obtenir de nouveaux. Le premier document où apparaissent des représentants de la cité est un parchemin datant de 1263. À cette date, les six jurés (die sechs Gesworenen) et les bourgeois de Molsheim concluent une alliance avec les Strasbourgeois. Au fil des siècles, l’organisation de la cité se complique, le personnel devient de plus en plus nombreux et spécialisé. Le schéma est celui que l’on retrouve dans la plupart des grandes cités alsaciennes.
La fonction la plus importante est celle du Schultheiss. Le droit de désigner le Schultheiss avait été concédé par l’Empereur à l’évêque de Strasbourg dans la première moitié du XIIIe siècle. Les accords, longuement négociés, devinrent définitifs à l’orée du XIVe siècle sous l’épiscopat de Jean de Dirpheim. La présence d’un Schultheiss est mentionnée dès 1191 dans un diplôme de l’empereur Henri IV ; en 1194, on en trouve une nouvelle mention dans une charte de l’évêque Conrad de Hunebourg.
G. Oswald en a dressé la liste, forcément incomplète, en fonction de ce qu’il a pu trouver dans les archives. Il constate que la durée de leur fonction est variable. Elle peut aller jusqu’à 10-15 ans. Ainsi pour Hans Wentscheler (1427 à 1439), pour Claus von Stille (1456 à 1471), pour Steffan Jurio (1475 à 1493).
Le pouvoir de nommer le Schultheiss relève de l’évêque qui a aussi celui de le révoquer. Le Schultheiss ne manque pas de protester auprès de la Ville de Strasbourg lorsque l’évêque se permet de l’emprisonner. Sa mission principale est de veiller à l’ordre et à la sécurité. Il préside la réunion du Conseil.
Le Magistrat : les Stettmeister
À côté du Schultheiss, le Magistrat comprenait quatre Stettmeister qui se partageaient le pouvoir alternativement tous les semestres. Il n’est pas avéré que ces fonctionnaires aient été élus par la population, ainsi que l’affirme H. Gerlinger. Dans la liste établie par G. Oswald, beaucoup de Stettmeister apparaissent jusqu’à six reprises. Certains, comme Johanns Wentscheler se retrouvent à la fois comme Stettmeister et comme Schultheiss.
Le conseil était assisté par un greffier, appelé aussi Stadtschreiber. Il participait à tous les événements de la vie locale, tenait les comptes de la cité et exerçait à la fois les fonctions de notaire et de trésorier.
Le droit de bourgeoisie
En 1220, Frédéric, roi des Romains, prend Molsheim sous sa protection spéciale et lui accorde des droits particuliers. Les habitants sont à cette occasion qualifiés pour la première fois de bourgeois (cives de Mollesheim). Les bourgeois sont déclarés francs de toute sujétion et de tout servage vis-à-vis de l’extérieur. Ils ne peuvent pas comparaître devant une juridiction étrangère et ne reçoivent de juges que de l’Empereur. Enfin, privilège notable, ils sont exempts de tout impôt et péage à Strasbourg ainsi que dans les autres villes impériales. À partir de 1246, lorsque les Habsbourg ont perdu définitivement leurs positions en Alsace, les évêques de Strasbourg deviennent définitivement les seuls maîtres de Molsheim. En 1308, les clauses interdisant aux sujets de l’évêque d’acquérir le droit de bourgeoisie dans les villes impériales sont réitérées.
Pour être bourgeois à Molsheim, il fallait habiter la ville, y posséder une maison et exercer une activité indépendante. Le requérant devait appartenir à la catégorie des hommes libres. Sont exclus du droit de bourgeoisie : les manants (Seldner) désignés au XVe siècle sous le nom de Hindersassen, les clercs, les domestiques des nobles établis en ville, enfin les juifs. Après une interruption, sous l’évêque Guillaume de Diest, du droit de migration que leur avait accordé l’évêque Berthold II de Buchegg (1328-1353), les bourgeois de Molsheim le récupérèrent en 1423.
Les institutions judiciaires
L’évêque de Strasbourg possédait le droit de justice sur ses territoires. Le Schultheiss jouait un rôle important dans l’exercice du pouvoir judiciaire, car il rendait ses sentences au nom de l’évêque. La compétence du tribunal était assez large, puisqu’elle comprenait aussi bien les affaires civiles que les affaires relevant du droit pénal. Selon Grandidier, les hommes de Molsheim pouvaient appeler des décisions du Magistrat auprès de la Régence épiscopale de Saverne. Mais le Conseil de la Régence ne fut mis en place qu’au début du XVe siècle, au moment où Guillaume de Diest fixait sa résidence dans cette ville.
La localisation du gibet ne nous est connue qu’à partir du début du XVe siècle. Il se situait à l’est de la ville, sur la rive droite de la Bruche. Au début du XVIe siècle, la potence est déplacée sur le ban de Dorlisheim, ce qui provoqua la protestation de ses habitants.
La paroisse
L’évêque de Strasbourg détenait tous les droits de l’église dès la première moitié du XIIIe siècle. Dans une charte de 1221, l’empereur Frédéric II cédait à Henri de Veringen le droit de patronage (jus patronatus) avec la dîme et la cour seigneuriale. Le Patronatsrecht fut confirmé en 1223 à Berthold de Teck, puis définitivement accordé en 1236. À partir de cette date, l’évêque se réservait à Molsheim, pour lui et ses successeurs, le droit de collation, de même que la dîme et la taille.
La fabrique de l’église et le chapitre rural de Molsheim-Biblenheim
La paroisse disposait de ressources importantes. Une série de chartes mentionnant des donations des baux et des constitutions de rentes en faveur de la fabrique. Du XIVe au XVIe siècle, les documents font mention de la fabrique de l’église supérieure de Molsheim et Dompeter. Ce qui signifie que les finances de l’Oberkirch et celles de l’église du Dompeter étaient gérées par une seule et même institution. Les rentes en argent (1/10e de la valeur du capital au XIVe siècle) l’emportent nettement sur les redevances en nature, essentiellement en céréales.
Le chapitre rural ou archiprêtré de Molsheim est de taille modeste. Son siège se trouve dans la cité épiscopale. Vers le milieu du XIVe siècle, il regroupe 28 paroisses. Il est frappant de constater que parmi les représentants des autorités diocésaines aux XVe-XVIe siècles, apparaissent des personnages d’un certain rang, tel ce proche parent d’un bailli épiscopal, Jophann Wenser, Leutpriester de Molsheim entre 1408 et 1419, puis archidiacre entre 1481 et 1438.
Peut-on attribuer à la forte emprise épiscopale sur la ville de Molsheim le peu de succès de la prédication de Martin Luther et de ses compagnons? La question reste ouverte.
La présence juive au Moyen Âge
La présence d’une communauté juive à l’intérieur des murs de la cité n’est attestée qu’au début du XIVe siècle. À Rosheim, ville impériale, celleci était déjà présente un siècle plus tôt. En 1308, l’empereur Henri VII cède à Jean de Dirpheim « tous les Juifs de l’un ou l’autre sexe » qui étaient établis dans la localité, en même temps que ceux de Rhinau, Rouffach et Soultz.
Leur présence ne manque pas de susciter l’hostilité des milieux populaires. Déjà en 1337/38, un aubergiste avait pris la tête d’une bande armée et avait parcouru la région, tuant tous les Juifs qui se trouvaient sur son chemin. Selon Francis Rapp, les massacres de Juifs de 1349 ne se cantonnèrent pas à Strasbourg, mais touchèrent également une dizaine de localités alsaciennes. Il n’est pas sûr que les terres épiscopales n’aient pas mis les Juifs davantage à l’abri des autodafés. À partir de cette date, le sort des Juifs devint problématique car ils ne pouvaient plus continuer à vivre que sous une continuelle mesure d’expulsion. L’évêque de Strasbourg concéda alors à plusieurs cités, dont celle de Molsheim, le droit de recevoir ou de refuser des Juifs à l’intérieur de leurs murs. En 1440, Robert de Bavière interdit aux Juifs de séjourner dans la ville. Il n’y aura plus de présence juive dans la cité épiscopale jusqu’au début du XVIIIe siècle.
La guerre des Paysans
Molsheim joue un rôle important dans le soulèvement des paysans de 1524/1525
Avec les cités voisines de Dorlisheim, Dachstein, où se trouve le château de l’évêque, Altorf et Rosheim, Molsheim a été au cœur du grand mouvement de contestation sociale et religieuse qui embrasa tout le sud-ouest et le sud du Saint Empire. Molsheim est le lieu de naissance d’un des chefs de l’insurrection, Erasme Gerber, que les Lorrains appellent Asimus le tanneur. Il participa sans doute dès le début au soulèvement, mais il n’apparaît dans nos sources qu’à la mi-avril 1525. C’est un manant (hintersassen) au sens propre, sujet de l’évêque de Strasbourg, résidant à Molsheim sans avoir le statut de bourgeois. Le jeudi saint 1525 (13 avril), il entre en scène en lançant un appel au soutien, adressé depuis Dorlisheim, à l’ancien Schultheiss Wyrich Lauwelszhans de Marlenheim qui s’ouvre sur l’invocation « louange et gloire universelle à Dieu et Jésus Christ ». Le 17 avril, celui qui est maintenant chef de la bande (haufen) d’Altorf, et dont les idées se sont radicalisées, adhère au programme des XII Articles de Memmingen (Souabe). Ceux-ci réclament que les pasteurs prêchent l’Évangile, la réduction des dîmes et des corvées, la suppression du servage et de la mainmorte et la libre disposition des communaux. Après l’échec de la conférence avec le représentant du bailli impérial de Haguenau, il fait parvenir à d’autres bandes le texte des XII Articles et essaie d’unifier le mouvement de Basse Alsace. Le 2 mai, il tient à Molsheim une réunion des délégués de dix bandes d’Alsace qui le proclament capitaine suprême de toutes les bandes (oberster hauptmann aller haufen).
Du 4 au 11 mai, Molsheim accueille les États généraux de la paysannerie insurgée, où sont représentées les bandes d’Altorf, de Neubourg, de Stephansfeld, d’Ittenwiller, de Truttenhausen, d’Ebermunster, auxquels se joignent des représentants des bandes lorraines, du Sundgau et d’Oberkirch sur la rive droite du Rhin. Le conseil des paysans de Molsheim qui manifeste une grande unité d’action et témoigne de la radicalisation des rustauds rejette la date proposée par le préfet impérial pour l’ouverture de pourparlers. À l’issue de la réunion, les treize bandes décrètent la mobilisation générale et proclament le règlement de campagne de la paysannerie (Feldartikel). Après la réunion de cette assemblée, Gerber aura une influence décisive sur l’organisation du mouvement paysan (Bischoff, p. 177-179).
La répression de Guillaume de Honstein
Le 19 mai au soir, l’armée du duc de Lorraine se présenta devant les portes de Molsheim qu’elle trouva fermées. Le capitaine de Richardménil négocia l’entrée des troupes dans la ville. L’évêque de Strasbourg, Guillaume de Honstein, qui était également lieutenant de l’archevêque de Mayence, Albert de Brandebourg, retenu hors de ses États par ses fonctions, ne revint à Saverne que le 14 août, qu’il quitta à nouveau le 10 octobre. Durant son absence, ses collaborateurs immédiats, le duc de Brunschwick, représentant le chapitre, le chancelier, le chambellan et les baillis furent chargés de préparer le retour à l’ordre. Leurs bureaux étaient installés provisoirement à Dachstein. Ces mêmes officiers épiscopaux, auxquels s’était joint l’écoutète de Saverne, reçurent le 30 juin le serment de soumission des untertaner. Ils durent par la suite renouveler les serments de soumission directement à l’évêque.
Revenu à Saverne, Honstein s’empressa de regarnir ses caisses. Le châtiment pour avoir violé la paix ne pouvait qu’être collectif. Il frappait indistinctement tous les sujets fixés à la campagne d’une peine pécuniaire, mentionnée dans les textes sous le nom d’abtrag. Ses taux étaient calculés en fonction du nombre de feux, mais n’étaient pas les mêmes dans toutes les localités. Des sommes considérables furent ainsi versées dans les caisses épiscopales. Ainsi Marlenheim, Kirchheim et Nordheim versèrent respectivement 462, 126 et 478 florins. Molsheim dut s’acquitter d’un montant de 1 000 florins. L’effort qu’imposait aux vaincus le paiement de l’abtrag pesa lourdement sur le monde paysan (Rapp, p. 121-123).
Les juges ne prononcèrent qu’un nombre restreint de sentences criminelles, mais 13 peines de bannissement furent réclamées pour les manants du secteur de Molsheim. Leur participation aux assemblées de villages est interdite aux paysans condamnés. Par conséquent, ils ne siégeront plus au tribunal et ne seront plus ni maires ni échevins. On notera enfin qu’au mois de novembre 1526, la cour criminelle (Malefizgericht) qui s’était réunie la première fois à Ensisheim siégea quelques jours à Molsheim.
Le bailliage épiscopal de Molsheim
Le bailliage épiscopal de Molsheim comprenait en 1350, toute la vallée de la Bruche, soit 55 localités, dont 5 fortifiées : Boersch, Dachstein, Molsheim, Mutzig et Schirmeck. Après 1452, il est divisé en deux : outre la ville de Molsheim il comprend les bailliages ruraux de Schirmeck et de Dachstein. Ce dernier comprend Altdorf, Avolsheim, Bergbieten, Bischofsheim, Dahlenheim, Duttlenheim, Ergersheim, Ernolsheim, Gresswiller, Griesheim, Hindisheim, Holzheim, Hurtigheim, Lipsheim, Molsheim, Rosenwiller, Soultz-lesBains, Wolxheim.
L’évêque de Strasbourg nomme les baillis de l’évêché ainsi que les procureurs fiscaux. En 1692, la vénalité de ces offices est introduite par l’évêque et les charges sont vendues. La vénalité est supprimée en 1759.
Molsheim, capitale de la Contre-Réforme : le siècle d’or
Molsheim devient métropole religieuse
À partir de l’élection, en 1569, au siège de Strasbourg du comte Johann von ManderscheidBlackenheim, titulaire de riches bénéfices ecclésiastiques dans la région de Trèves et de Cologne, l’évêque résidait définitivement à Saverne laissant à son suffragant Johann Delphius le soin du spirituel. Le suffragant avait sa résidence à Molsheim. L’année 1559 avait marqué la fin du culte catholique à la cathédrale. Les âpres discussions avec le Magistrat de Strasbourg aboutirent, en 1578, à un compromis au sujet des visites des chapitres et des bailliages ruraux. À la suite du passage de la ville de Strasbourg à la Réforme et des conflits entre catholiques et protestants qui s’en suivirent, Molsheim bénéficia de l’arrivée de plusieurs ordres religieux et même, à partir de 1605, de l’installation du Grand_Chapitre.
Les Capucins furent les premiers à devoir quitter Strasbourg. Après avoir reçu l’interdiction de recevoir des novices, ils furent persécutés par la Ville. Les moines, alors établis à Koenigshoffen, se replièrent peu à peu derrière les murs de la cité épiscopale de Molsheim, à proximité du collège des Jésuites. En 1598, ils reçurent l’autorisation de s’installer à nouveau dans la propriété dite Böcklerhof, propriété de Barbe de Schauenbourg, veuve protestante d’un Böcklin de Böcklinsau (Schlaefli). De longues tractations dues à des conflits entre Capucins de Phalsbourg et Récollets de la région aboutirent en 1657 à leur installation définitive. Ils construisirent entre 1657 et 1659 des bâtiments conventuels, puis en 1662 une église. Jusqu’en 1664, la maison ne fut qu’un hospice au XVIIIe siècle, le couvent s’adjoignit le studium pour former des novices sur place (Schlaefli).
Les Bénédictins d’Altorf qui possédaient une propriété à Molsheim acquirent en 1580 un immeuble où de jeunes Bénédictins vinrent ainsi à Molsheim poursuivre leurs études. L’abbé Béda Heldt fit construire, en 1666, une maison près de l’hôpital et ajouta, en 1668, une chapelle dédiée à Saint Joseph.
Mais la plus belle acquisition fut celle du Grand Chapitre. À la cathédrale de Strasbourg, à partir de 1574, la coexistence entre chanoines catholiques et protestants s’avérait impossible, à la suite du passage à la Réforme du Prince électeur et archevêque de Cologne, Gebhard Truchsess, qui, déposé à Cologne puis excommunié par le pape, se rabattit sur Strasbourg, où il était membre du Grand Chapitre. Son arrivée à Strasbourg déclencha la guerre des chapitres (Diebskrieg) qui dura sept ans. À la mort de Johann von Manderscheid, la situation se détériora encore un peu plus. À la guerre des chapitres succéda la guerre des évêques, au cours de laquelle deux candidats élus se disputèrent le trône épiscopal. La victoire de Charles de Lorraine entraîna la signature du traité de Haguenau en 1604. Ces deux évènements provoquèrent le départ de tous les chanoines pour Molsheim. Ils avaient été précédés par l’installation dès 1592 des prébendiers du Grand Chœur et de nombreux vicaires de chœur. Le transfert, le 18 juin 1605, de l’office canonial dans l’église paroissiale de Molsheim érigeait de fait celle-ci en église-cathédrale. La cité épiscopale accueillit également à partir de 1597 le tribunal de l’évêque ; à partir de 1612, c’est dans ses murs que se réunit le Grand conseil ecclésiastique qui procédait aux nominations des membres du clergé. Les ateliers monétaires s’installèrent également à Molsheim.
Le rayonnement des Jésuites
Mais la décision la plus importante fut l’installation, en 1580, des Jésuites à Molsheim qui devint à partir de cette date le centre le plus important de rayonnement et de reconquête du catholicisme dans le Bas-Rhin. Les Jésuites appelés à venir s’installer à Molsheim, venaient de la Province du Rhin supérieur, alors qu’à Strasbourg, le Collège royal, le Séminaire et l’université épiscopale furent confiés à des pères de la Province de Champagne. Ils se mirent immédiatement au travail en s’employant à diffuser dans les paroisses environnantes l’enseignement du concile de Trente et à le mettre en pratique. Les leçons d’instruction religieuse qu’ils donnaient en allemand s’appuyaient sur le catéchisme de Pierre Canicius. Les Jésuites de Molsheim furent de remarquables fondateurs d’institutions d’enseignement et de diffusion du savoir à la fois profane et religieux, en alliant des connaissances très sûres et un sens élevé de la pédagogie. Dès 1581, Molsheim dispose d’un collège de plein exercice avec cinq classes, auxquelles est bientôt adjoint un internat. En 1592, les premiers cours de théologie sont donnés, précédant la création d’un séminaire de cours de théologie morale, puis de théologie pastorale. En 1607, à l’initiative du cardinal de Lorraine, plusieurs fois l’institution peut prendre le nom de séminaire. Celui-ci fonctionne désormais comme un séminaire diocésain jusqu’à l’ouverture, en 1583, du Séminaire de Strasbourg, qui lui enleva de nombreux élèves.
Mais l’institution la plus prestigieuse et qui valut à Molsheim une vaste renommée fut l’Académie. Inaugurée solennellement en 1618, au lendemain de la consécration de l’église et destinée à faire contrepoids à celle de Strasbourg, elle ne comportait que deux facultés, celle de philosophie (arts, lettres) et de théologie, mais elle avait le droit de conférer tous les grades, y compris celui de docteur. De très nombreuses thèses y furent soutenues, même après son transfert à Strasbourg en 1702, où elle rejoignit le Grand Séminaire. Dès 1583, le Collège, le Séminaire et la Domus Leopoldiana furent dotés chacun d’une très riche bibliothèque. Les Jésuites furent de grands bâtisseurs pour abriter leurs nouvelles institutions (Collège, Académie, Séminaire). « L’église des Jésuites », devenue en 1691 église paroissiale sous le vocable de Saint-Georges, fut édifiée en trois ans entre 1615 et 1618 par l’architecte Christophe Wambser. Elle représente un joyau de l’architecture gothique tardif.
Les pères ne se contentaient pas d’assurer les offices dans leur église, multipliant les prédications, confessions, communions et catéchèse. Ils rayonnaient tous dans le diocèse en donnant des prédications dans de nombreuses paroisses et en assurant la desserte des paroisses vacantes. Après la dissolution de l’Ordre en France à la suite du décret du Parlement de Paris de 1762, les pères obtinrent du Conseil_souverain un sursis de trois ans. Le dernier Jésuite quitta Molsheim le 30 septembre 1765.
La multiplication des confréries
Pour accompagner leur pastorale et édifier leurs différents publics, les Jésuites de Molsheim créèrent un nombre considérable de confréries destinées à des publics spécifiques. Louis Schlaefli en a reconstitué la liste exhaustive :
- La Confrérie de l’Annonciation (Sodalitas minor B. M. V. Annuntiatae) : constituée en 1580, dès la création du collège, elle s’adresse aux élèves des classes supérieures.
- La Confrérie des Écoliers (Sodalitas angelica ou Sodalitium angelicum) : elle fut érigée en 1596 pour les écoliers ou les élèves des basses classes.
- La Confrérie des Bourgeois : fondée en 1612, agrégée en 1616 à la grande Confrérie de l’Annonciation de Rome (Sodalitas civica, Sodalität der Herren). Elle se scinda en 1617 en Bürgersodalität (réservée aux artisans) et Grande Congrégation académique, réservée aux gens distingués et aux lettrés. En 1670, du fait de l’afflux des membres, on procéda à une nouvelle séparation avec la création de la Confrérie des Jeunes Gens.
- La Confrérie des Jeunes Gens (1670). Sodalitas B. M. V. Purificatae, Junggesellen.
- La Confrérie de l’Agonie (1658). Todesangstbruderschaft, Agonia Jesu Christi.
Molsheim aux XVIIe et XVIIIe siècles
Molsheim perd son rang de capitale religieuse
L’ouverture du Séminaire de Strasbourg, qui attira rapidement de plus en plus les candidats à la prêtrise, et le transfert en 1702 de l’Académie à Strasbourg portèrent un coup fatal à Molsheim et à son rayonnement. Elle continua certes à attirer des étudiants et des lettrés, elle eut beau offrir ses belles demeures et ses édifices religieux aux chanoines-comtes, aux militaires ou aux membres de la nouvelle administration, mais Molsheim ne se remit pas de la perte de son rang de capitale religieuse. La ville perdit en prestige et en éclat, comme si le destin avait voulu lui rappeler qu’elle n’avait été qu’un modeste bourg de paysans, de vignerons et d’artisans.
Organisation municipale au XVIIIe siècle
Un arrêt du conseil d’État du 23 août 1760 réforme la composition du magistrat des villes de l’évêché de Strasbourg, en en réduisant le nombre. À Molsheim, il n’y a plus que deux stettmeistres et 4 conseillers qui sont renouvelés tous les deux ans. Les stettmeistres sont perpétuels et alternent tous les 6 mois. Il en va de même à Saverne, Benfeld, Marckolsheim et Rhinau. Mais à Dambach, il y a trois bourgmestres et trois échevins, à Soultz (Haute-Alsace), un seul bourgmestre et trois échevins, à Eguisheim, cinq conseillers.
La vie économique
La vie économique de Molsheim a de tous temps reposé sur la vigne et les céréales. Située sur la Bruche, la ville avait utilisé la rivière pour ses teintureries et ses blanchisseries, parmi les plus considérables de Basse-Alsace. La rivière avait servi aussi pour ses moulins et pour le transport de pondéreux, en particulier les bûches à chauffage. Usines et batellerie chômaient à la belle saison.
Le creusement du canal de la Bruche ou canal de Molsheim par Vauban, pour transporter les matériaux nécessaires pour la citadelle de Strasbourg changea la donne. Long de 19,7 km, alimenté par la Bruche et la Mossig, il se jette dans l’Ill. Il permet le transport des bois de construction et de chauffage, des vins de Molsheim et Wolxheim ; il alimente 13 moulins, et 63 tournants, qui peuvent moudre toute l’année. Il sert également à l’arrosement des prairies (Peuchet et Chanlaire, p. 7 et 8). (voir : Bruche, Canaux).
Le tissu industriel de Molsheim que relève la statistique du préfet Laumond de 1801, n’est pas négligeable : poteries, tuiles et briques (16 établissements), corderies, teintureries, garance, bières et brasseries, tabac, tanneries, filature de laine et coton, fabriques de bas, fonderies en cuivre et fer. Si les frères Coulaux, manufacturiers d’armes de Strasbourg, qui a fourni toutes les armes des bataillons de la garde nationale des Vosges et qui viennent de reprendre la vieille manufacture d’armes blanches de Klingenthal, jugent bon d’établir un atelier à Molsheim, c’est qu’ils savant pouvoir disposer d’une population ouverte au travail industriel (Laumond, Statistique du département du Bas-Rhin (1801)).
Bibliographie
KÖNIGSHOFEN, Straßburgische Chronike.
GRANDIDIER, Œuvres historiques, t. II, III et VI, 1865-1868.
KRUG-BASSE (M. J.), L’Alsace avant 1789 ou état de ses institutions provinciales et locales, Paris-Colmar, 1876.
REUSS, L’Alsace au XVIIe siècle, 1898. GASS (Joseph Albert), Album Molsheim, 1911.
GERLINGER (Henri), Une page de l’histoire d’Alsace, Molsheim, Molsheim, 1935.
RAPP (Francis), Réformes et Réformation, Paris, 1974.
WOLLBRETT (Alphonse) (dir.), « La guerre des Paysans. 1525 », SHASE, décembre 1975.
RAPP (Francis),L’Alsace à la fin du Moyen Âge, Wettolsheim, 1977, p. 43.
LIVET, RAPP, Histoire de Strasbourg (1980-1982), t. 2, p. 536-538.
CHATELLIER (Louis), Tradition chrétienne et renouveau catholique dans l’ancien diocèse de Strasbourg, Paris, 1981.
MARX (Roland), Recherches sur la vie politique de l’Alsace pré-révolutionnaire et révolutionnaire, Strasbourg, 1986.
ROOT (Jean), « Gerber Erasmus », NDBA, n°12, p. 1 155-1156.
OSWALD (Grégory), Molsheim à la fin du Moyen Âge (1308-1525). Essai d’histoire politique, économique, sociale et religieuse d’une cité épiscopale de Basse Alsace, Société Académique du Bas-Rhin, t. CXIII-CXIV, 1993-1994.
RAPP (Francis), « Les évêques de Strasbourg à l’époque de Jean Tauler », Revue des Sciences religieuses, 75-4, 2001, p. 410-421.
BISCHOFF (Georges), La guerre des Paysans. L’Alsace et la révolution du Bundschuh (1493-1525), Strasbourg, 2010.
OSWALD (Grégory), SCHLAEFLI (Louis) (dir.), « Les Jésuites à Molsheim et ses environs (1580-1765) », SHAME, Molsheim, 2015.
OSWALD (Grégory) (ss. coord.), « La Chartreuse de Molsheim (1598-1792) », SHAME, Molsheim, 2017.
OSWALD (Grégory), « Molsheim au Moyen Âge (vers 820-1525) », SHAME, Molsheim, 2020.
François Uberfill
Quelques éléments sur la période révolutionnaire
Le canton de Molsheim
À partir de 1790, Molsheim fut chef-lieu de l’un des 5 cantons du district de Strasbourg (le département du Bas-Rhin était subdivisé en 4 districts : Strasbourg, Benfeld/Barr, Haguenau et Wissembourg et comprenait 30 cantons. En 1793 s’ajouta le district de Neusaarwerden avec environ 2500 habitants, dont 412 citoyens actifs. Siège de la municipalité cantonale en 1793, qui regroupait 26 communes (ABR, 31, L 27-29), elle redevient chef lieu de canton en 1800, et siège de la justice de paix, ainsi que du curé cantonal en 1802 (voir : Articles organiques du culte catholique).
Molsheim est élevé au rang de chef lieu d’arrondissement en 1871, suite au rattachement des cantons vosgiens de Schirmeck et de Saales, au département.
Un événement marquant : L’insurrection du 25 mars 1793
Nous ne disposons sur les faits qui ont souvent été qualifiés de façon inexacte « d’insurrection de Molsheim » que de deux sources, les autorités révolutionnaires et les journaux jacobins.
Par décret du 24 février 1793, la Convention ordonna une levée de 300 000 hommes pour aller combattre les esclaves des tyrans coalisés contre la République. Les appels aux volontaires firent fiasco, dans les villes comme dans les campagnes. Dans bien des régions, cette conscription impopulaire s’ajouta à la rancœur contre la politique religieuse, des mouvements de protestation suivirent, tournant vite à l’insurrection.
Il en fut ainsi à Molsheim et environs, région majoritairement catholique, dont les habitants restaient fermement attachés à leurs traditions religieuses et à leurs prêtres qui étaient pourchassés. Ainsi, le 25 mars 1793, un lundi, un cortège de jeunes gens estimé entre 500 et 1 200 arrivant de Dachstein se dirigea vers Molsheim. Ils voulaient protester contre « la loi du recrutement ». (Étaient-ils armés? oui, avec des triques, relevèrent et consignèrent les officiers municipaux de Molsheim qui étaient allés à leur rencontre. Pour d’autres, ils auraient été armés de bâtons, fourches, piques, faux…). Parvenus devant Molsheim, ils y furent accueillis à coups de fusil par les « volontaires » de l’hôpital militaire ambulant. Parmi les « révoltés », il y eut des blessés, il y eut des morts (dont on ne retrouve d’ailleurs aucune trace dans les registres de décès de la commune de Molsheim). « Et à l’instant, led. attroupement s’est dissous, et les attroupés ont pris la fuite. » relève-t-on dans le procès-verbal de la séance du 30 mars du corps municipal de Molsheim (ABR, 1 L 764).
Cependant, si on peut croire le rapport du représentant du peuple Couturier, les choses ne se seraient pas passées de façon aussi lisse. Averti par des maires « patriotes » qu’un rassemblement d’hommes armés se portaient sur Molsheim, en criant Vivent le roi, les princes, etc., le général Coustard fut requis d’envoyer à Molsheim 500 hommes avec du canon. Les « insurgés » ayant donc été dispersés bien avant leur arrivée, on fit des perquisitions dans la ville et dix-huit jeunes gens furent ainsi appréhendés, interrogés et amenés à Strasbourg. Ils comparurent devant le tribunal criminel du département, qui, lors de son audience du 30 mars et, sur réquisition de l’accusateur public Euloge Schneider, condamna trois d’entre eux (Joseph Holtzmann de Molsheim, 25 ½ ans, Joseph Hummel, 26 ans, fils du maire d’Avolsheim et Laurent Jost, 26 ans, de Bergbieten) à la peine capitale. Ils furent exécutés « à la diligence de l’accusateur public » – selon la formule consacrée – le lendemain, dimanche de Pâques, sur la place d’Armes, où la guillotine avait été dressée. Il convient de remarquer que leur condamnation fut prononcée en vertu de la loi du 19 mars 1793 instituant la peine de mort aux opposants à la conscription, mais qui, n’ayant pas encore été promulguée dans le département, n’aurait pas pu être légalement appliquée ; elle le fut pourtant sur l’insistance des Jacobins de Strasbourg.
Et quand on reprocha à l’accusateur public Euloge Schneider, toujours prêtre, d’avoir fait guillotiner trois pauvres hères le saint jour de Pâques, railleur, il répondit à ses détracteurs : « Quoi, faire cela à Pâques ! Mais ne voulaient-ils pas, eux aussi, massacrer leurs frères le jour de l’Annonciation? » (Argos, n°39 du 16 avril 1793, p. 307, note).
Sources - Bibliographie
Les périodiques contemporains : Le Courrier de Strasbourg de Laveaux et Cie, Argos oder der Mann mit hundert Augen d’Euloge Schneider, Strassburgische Zeitung de Frédéric Rodolphe Salzmann.
HEITZ (Frédéric Charles), La contre-révolution en Alsace de 1789 à 1793, Strasbourg, 1865.
MULHENBECK (Eugène), Euloge Schneider. 1793, Strasbourg, 1896.
REUSS (Rodolphe), La Constitution civile du clergé et la crise religieuse en Alsace (1790-1795), Strasbourg-Paris, 1922, 2 vol.
SCHAEFLI (Louis), « L’insurrection de Molsheim 25 mars 1793 », Annuaire SHAME, 1977, p. 97-107.
Claude Betzinger
Notices connexes
Molsheim (atelier monétaire) : v. Monnaie
Molsheim (collège) : v. Collèges
Molsheim (coutume) : v. Coutume
Molsheim (Université de) : v. Université
- M
- Artisanat et Industrie
- Droit (sources et pratique du droit) et Justice
- Echanges, Commerce, Banque, Circulation (routes et canaux), Monnaie
- Education, production intellectuelle et artistique
- Eglises et cultes
- Environnement (Bois et forêts, Eaux, Air)
- Etat et pouvoirs
- Guerres et armées
- Villes et institutions urbaines