Mendicité

De DHIALSACE
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Mendiants, Bettler

Moyen Âge

Pendant une bonne partie du Moyen Âge, la mendicité est légitime. Elle est même encouragée par l’Église : le mendiant, comme le pauvre et le malade, est l’image du Christ sur terre. Faire l’aumône aux plus démunis est donc considéré comme une œuvre pie. Les mendiants forment un milieu très différencié. On y trouve des lépreux, des écoliers, des béguines, des pèlerins en route vers les lieux saints, des infirmes, des malades, des enfants trouvés, des mercenaires au chômage, des victimes de guerre, de famines, de catastrophes naturelles, des gens incapables de travailler, des chômeurs et pour finir, des gens en bonne santé qui feignent d’être malades ou invalides.

À la fin du Moyen Âge, l’image du mendiant se détériore. Désormais, certains sont soupçonnés de paresse ou de fraude. L’auteur du Liber vagatorum, qui est un catalogue des escroqueries commises par les mendiants, est de Strasbourg. À partir de la fin du XIVe siècle, ces derniers commencent à être présentés comme des criminels. Il existe désormais deux catégories de mendiants : ceux qui méritent l’aumône, et ceux qui en sont indignes, car ils pourraient subvenir à leurs besoins en travaillant. En 1391, le Magistrat de Strasbourg décide que « tous les mauvais mendiants, et tous les oisifs des deux sexes de notre ville qui n’ont pas chez eux des vivres pour un an, ceux qui sont les valets de mauvais mendiants ou de mauvaises mendiantes – exceptés ceux qui sont nés et ont grandi dans notre ville – devront la quitter dans les trois jours » (AMS 1MR 19 p. 163). À cette époque, les expulsions des mendiants valides hors des villes constituent un indice de la « criminalisation » de ces derniers. Les sources évoquent encore des mendiants valides mis au carcan, exposés à la vindicte de la foule ou alors marqués au fer rouge et expulsés de la ville, nus, sous les coups de fouet du bourreau. La criminalisation de la mendicité a entraîné la mise en place d’une police particulière qui apparaît à la fin du XIVe siècle dans les villes impériales. À Strasbourg, l’obervogt assisté de deux knechten est responsable de la surveillance des mendiants. Au XVIe siècle à Strasbourg, ce responsable est appelé bettelvogt. Il avait le droit de fouiller les maisons, de contrôler et d’arrêter des personnes suspectes, d’expulser des mendiants étrangers qui avaient passé trois jours en ville. Ce processus de marginalisation et de criminalisation va encore être nettement accentué à la fin du Moyen Âge. Il y a différentes raisons à cela : l’augmentation de la population et la paupérisation de larges couches de la société dans un contexte de crise économique. Le seuil de tolérance était dépassé. La société réagissait en employant la répression et en mettant l’exclusion en pratique. On craignait les mendiants pour différentes raisons. Il s’agissait de gens sans attaches, sans liens sociaux, ce qui fait qu’ils étaient difficiles à contrôler. Le mendiant errant est aussi un facteur de risque sanitaire. À une époque où les épidémies frappent de façon récurrente, il est susceptible de véhiculer la peste. Autre source de méfiance : les mendiants peuvent être des espions ou des agents de liaison en cas de troubles. Pour essayer d’enrayer le phénomène, les autorités essaient de faire le tri aux portes même de la ville. Ainsi, vers 1500, le Magistrat prend l’arrêté suivant : « à l’avenir, personne ne devra plus mendier ni dans les rues de Strasbourg, ni dans les églises ni devant elles. [...] les péagers du pont du Rhin et ceux de Grafenstaden ne devront laisser entrer en ville aucune personne qu’ils soupçonnent de vouloir mendier » (AMS 1MR 30 p. 92). En 1464, la ville de Strasbourg avait fait établir un état des mendiants valides (Verzeichnus der mutwilligen betler : BNUS Ms. 1583). Elle en profite pour défendre la mendicité devant les places privilégiées que sont les églises ou dans celles-ci. Autre moyen de contrôler la mendicité : la ville distribuait des insignes qu’il fallait coudre sur le vêtement à la hauteur de la poitrine, ou, si quelqu’un en avait honte, il pouvait garder l’insigne sur lui pour le montrer aux autorités si nécessaire. À Strasbourg, en 1506, de nouveaux insignes sont distribués au cimetière des Franciscains.

Avec l’introduction de la Réforme, l’attitude à l’égard de la mendicité devient plus intransigeante, car Luther condamne toute forme de mendicité, même celle des Ordres mendiants. Pour lui, il s’agit d’une pratique indigne qui ne doit pas être tolérée. Il estime que l’assistance aux pauvres doit être organisée par le Magistrat des villes de telle façon que les nécessiteux et ceux qui ne peuvent travailler soient suffisamment soutenus pour qu’ils n’aient pas besoin de mendier. Il s’agit de quelque chose de nouveau, de révolutionnaire même, car la mendicité est indissociable du monde médiéval. Strasbourg va suivre cette voie et défendre toute forme de mendicité dès 1523, avec une seule exception : 100 écoliers pauvres ont le droit de mendier et de chanter devant les maisons le mardi, le jeudi et le samedi. Dans la pratique pourtant, cette mesure d’interdiction totale de la mendicité pose problème. Dès octobre 1523, les lépreux se plaignent, car ce qui leur est versé en compensation de la quête est notoirement insuffisant (AMS V 116h f°32v). Pour pallier ce manque à gagner, certaines quêtes sont à nouveau autorisées au courant du XVIe siècle. Même en milieu protestant, la mendicité n’a pas été éradiquée.

Élisabeth Clementz

Époque Moderne

Sans renier son héritage médiéval, la mendicité à l’époque moderne, dans sa perception et sa gestion, est tributaire de nouvelles conditions autant économiques (guerres et crises de subsistance au XVIIe, surpeuplement au XVIIIe siècle) que culturelles (influence de la l’humanisme dans le cadre théologique de la Réforme, puis aspirations philanthropiques des Lumières). L’évolution s’inscrit par ailleurs dans une situation d’interface entre traditions germaniques et culture française, entre influences catholiques et protestantes. Loin d’être nouvelle, la problématique de la paupérisation à l’époque moderne, de ses causes et de ses effets, a été largement abordée, à partir des archives hospitalières et judiciaires, par les travaux de Jean-Pierre Gutton, qui constituent eux-mêmes le pendant de ceux de Michel Mollat et de Bronislav Geremek pour le Moyen Âge. Mais la conjoncture du XVIIe siècle propre à l’Alsace se traduit par de nouvelles perspectives. Les « crises de cherté » se succèdent à un rythme accéléré depuis la fin du XVIe siècle (1516/1517, 1571/1572, 1586, 1636-1638, 1770/1771, 1778/1779), jetant sur les routes, au même titre que les guerres, de nombreux miséreux. À Strasbourg, durant l’hiver 1516/1517, l’Hospice des Pauvres Passants accueille 450 étrangers à la ville, contre 2200 pour le Grand Hôpital, et, lors de la crise de 1571/1572, le premier enregistre au total 42 000 personnes en détresse. De 1634 à 1636, années de crise, on décompte au total entre 40 et 60 000 réfugiés à Strasbourg, contre 13 à 23 000 pour la période 1605-1610, ce qui est encore énorme pour une ville de moins de 20 000 habitants à l’époque. Or la recrudescence de la mendicité au XVIIIe siècle, période pourtant réputée être relativement prospère, appelle d’autres questionnements, plus précisément celui de l’inégal partage des richesses en cette période de surpeuplement et celui de la quête de travail : au début du siècle, l’hôpital de Colmar n’enregistre jamais moins de 11 000 « passages » par an et celui de Mulhouse fait état, entre 1760 et 1797, de plus de 5 000 personnes effectivement secourues.

Les deux visages de la mendicité

De fait, la mendicité peut revêtir un double visage : celui des «  pauvres domiciliés  » (« Hausarme », héritiers des «  mendiants-petits bourgeois  » ou « schultheissenbürger »  de l’époque médiévale) qui bénéficient, sauf s’ils sont admis à l’hôpital, de la traditionnelle politique annonaire organisée par la Ville (distribution de grains et gestion des marchés) ; celui des vagabonds sans feu ni lieu (« herumgehende », « durchgehende » ou « durchreisende Arme »), errants de passage dénués d’attaches qui, de ce fait, laissent peu de traces dans les archives et relèvent de mesures spécifiques tenant tantôt de l’assistance, tantôt de la répression, ce qui autorise, tant bien que mal, leur décompte et leur identification. Aussi antagonistes qu’elles puissent paraître, les deux réactions sont le fait de l’autorité municipale qui s’en remet, pour surveiller le vagabondage, au « chasse-mendiants » ou « chasse-coquins » (Bettelvogt), agent seigneurial chargé à la fois d’assurer la police des étrangers et de distribuer occasionnellement des aumônes (Colmar et Strasbourg dès le début du XVIe siècle, Mulhouse en 1582). Si la ville est à l’origine de toutes les initiatives, c’est qu’elle est le siège du pouvoir et qu’elle attire par ses réserves de grains une foule de mendiants qui sont essentiellement d’origine rurale et dont beaucoup d’entre eux viennent des villages alentour. Nous savons par exemple, par la correspondance entre le bailli Hell et les prévôts des différents villages, que les Sundgoviens avaient l’habitude de se rendre à Bâle les jours de fête pour y mendier (AC Dietwiller, 22 décembre 1781), mais gageons que cette mendicité occasionnelle risquait de devenir une habitude…

Le vagabondage, une menace pour la société et l’ordre public

Entre le constat socio-économique et la perception moralisatrice, le pas est rapidement franchi, selon qu’on est bourgeois ou manant, autochtone ou étranger, valide ou invalide : y aurait-il donc de « bons » et de « mauvais », de « vrais » et de « faux » mendiants et en vertu de quels critères ? À Hunspach par exemple (ADBR B 367), c’est avec un certain mépris qu’on dénonce, entre 1763 et 1767, la « canaille vagabonde » (« vagabundierendes Gesindel »). Le manque d’attaches est constamment stigmatisé par les registres paroissiaux – « nullum fixum domicilium habenten », « in nullo loco stabiliter » – comme par les Polizey-ordnungen : « fremde Landläufer, faule Bettler », nous dit-on en 1778 dans la seigneurie de Mundolsheim-Mittelhausbergen à propos de ceux dont aucune autorité ne se réclame : ni les communautés dans lesquelles ils ne sont pas intégrés, ni les paroisses où ils ne font même pas leurs Pâques, ni le seigneur dont ils ne dépendent pas de droit et qui ne tient pas à s’en porter garant. Ce sont des marginaux sans aveu, sans statut, sans droits et sans profession, qui sont déclassés d’office parce que délocalisés de fait. Même si la marge est étroite entre mendicité occasionnelle et vie vagabonde, les « pauvres ruraux », qui se rendent coupables de « simple vagabondage », ne sont pas à confondre pour autant avec les vagabonds organisés, regroupés en bandes (Landstreicher), qui représentent une réelle menace pour la société et l’ordre public. Dans le contexte prérévolutionnaire d’une recrudescence du banditisme, le vagabondage, en alimentant le réflexe de la peur, se charge d’une connotation de subversion et de révolte.

Et gare aux fraudes de la part de ceux qui abuseraient de l’hospitalité : il s’agit de faire la part entre les vrais nécessiteux et ceux qui font de la mendicité leur profession, escrocs ou simulateurs en tout genre, faux malades et faux pèlerins, faux étudiants et faux clercs. Quoi qu’il en soit, dans des sociétés fermées et stables comme celles de l’Ancien Régime, les vagabonds, même s’il arrive qu’on les tolère, sont le plus souvent indésirables du fait de leur absence d’enracinement, pour des raisons à la fois politiques (les « classes dangereuses », qui seront évoquées par Louis Chevalier pour la période suivante, risquant de compromettre l’ordre social) et sanitaires (les vagabonds, soupçonnés de transporter dans leurs loques puces pesteuses et poux typhiques, donc d’être de potentiels vecteurs de contagion). Toute l’agressivité sociale et l’exaspération qu’elle comporte sont ainsi détournées contre le mendiant, surtout s’il a le malheur d’être étranger.

Quand, dans les années 1520, Luther dénonce les « faux mendiants » et que Bucer évoque les « vrais nécessiteux », de tels propos nous renvoient à l’image du mendiant qui a considérablement évolué entre la fin du Moyen Âge et celle des Temps modernes. De la vertu théologale à la réalité sociologique : on passe progressivement de l’idéal médiéval d’une pauvreté bénie par Dieu et sublimée par le Christ, vertu sanctifiante et signe d’élection pour les assistés, valeur éminemment rédemptrice et source de grâce pour les donateurs, si l’on en croit les sermons de Geiler de Kaysersberg, au constat réaliste d’une pauvreté générée par la société, laïcisée et criminalisée par les autorités, inséparable du vagabondage et promptement assimilée par les classes dominantes à la délinquance. La justification de la révolte des pauvres contre les riches cesse d’être de mise. D’ailleurs, dès  1520, Luther propose que l’on refuse d’emblée les étrangers et les clercs mendiants. Et, deux siècles plus tard, ce sera sans doute à l’encontre de ces vagabonds que l’ordonnance des Eaux et Forêts du 3 mai 1720 (ADBR C 491) exigera qu’on abatte les arbres sur une profondeur de 60 pieds le long des routes en lisière de forêt… Fondé sur l’ordre, le concept de dangerosité tend à l’emporter sur le sentiment de compassion, d’autant plus que se mêlent aux quémandeurs présumés coupables, dans cette province frontière, nombre de contrebandiers et de déserteurs, sans compter les « Bohêmes » et « Égyptiens » qui « gueusent » sans vergogne…

De la Ville à l’État : entre assistance et répression

L’attitude vis-à-vis du mendiant oscille donc entre assistance et répression, moyennant parfois une escalade significative de l’une à l’autre entre le début du XVIe et la fin du XVIIIe siècle. Condamnée par Luther, qui préface la réédition du « Livre des gueux » (Liber vagatorum), la charité privée, par ailleurs peu efficace en raison de la dispersion des efforts, finit par être officiellement interdite (en 1575 puis en 1615 à Strasbourg) dans l’espoir de céder la place à une véritable politique d’assistance : cette dernière, tout en s’ajoutant malgré tout à la traditionnelle pratique de l’aumône individuelle et conventuelle, privée et quasi quotidienne, par troncs et quêtes interposées ou encore par dons ou legs, se décline à différents niveaux. À l’échelle de la paroisse, une comptabilité sommaire peut se solder par la distribution d’attestations d’indigence ou de certificats d’aumônes (Allmosenzettel), mais la caisse des aumônes (Allmosenstock, Allmosenkass, Allmosenpix), alimentée par les quêtes et les amendes, n’est pas inépuisable et subit régulièrement des détournements, sans rapport avec l’assistance, au profit de l’équipement ou l’entretien de l’église paroissiale. La Caisse des pauvres de Haguenau, à partir de 1763, est tellement dégarnie que la Ville doit déroger à la déclaration royale de 1764 en accordant le droit de mendier deux fois par semaine (AM Haguenau CC 219). Ailleurs, les mendiants risquant de tomber à la charge des communautés, certaines d’entre elles mettent en location une partie de leurs biens communaux pour en réserver le revenu au soulagement de la misère (ADBR 8 E 225/26-27, Bettelacker d’Ittenheim, 1737 et 1750).

Enfin, la pauvreté devenant peu à peu l’affaire de l’autorité publique et revêtant une connotation de plus en plus laïque et de moins en moins religieuse, c’est en ville qu’il faut chercher l’expression d’une assistance publique, même embryonnaire (concept de « Fürsorgwesen »), selon le principe des « Bettelstuben » annexées aux hôpitaux qui rappellent les « bureaux des pauvres » présents en France dès le XVIe siècle. Luther renvoie les autorités de la cité à leurs responsabilités, la sécularisation des biens ecclésiastiques devant faciliter le fonctionnement du système qu’il propose. Les fondations liées à l’Église, qui est traditionnellement chargée de l’assistance, ce que rappelle l’ordonnance ecclésiastique luthérienne (Kirchenordnung) de 1598, s’avérant insuffisantes, la Ville de Strasbourg, conformément aux règlements promulgués en 1464, 1523, 1540, 1555/1556, 1574/1575, 1588 et 1628 (Bettelordnungen, Allmosenordnungen), est conduite à organiser, notamment en 1523, à l’instar d’autres villes de l’Empire comme Nuremberg, une lutte rationnelle contre la mendicité, affirmant ainsi le rôle des municipalités laïques dans ce domaine (AMS 1AH 1193 et 1316).

« Admis » dans telle institution de bienfaisance ? « Assistés » occasionnellement ? « Secourus » en permanence ? La diversité des statuts rend toute statistique des mendiants aléatoire. Par ailleurs, il n’y a rien de plus complexe et de plus déconcertant que le concept d’« hôpital » avant l’époque contemporaine, établissement de soins et de secours à la fois. Il se trouve en effet que les hôpitaux reçoivent à la fois des malades sans ressources et des parturientes, des vieillards, des pensionnaires et des prébendiers, enfin, occasionnellement, en faisant fonction d’hospice, des pèlerins et des mendiants dont le dénombrement s’avère cependant difficile puisqu’ils échappent à tout repérage systématique, malgré la commission d’enquête initiée par le Magistrat de Strasbourg en 1614, et n’y restent d’ailleurs que peu de temps. L’hôpital peut certes procéder à des distributions d’aumônes, mais la politique d’assistance proprement dite s’arroge peu à peu, avec l’appui de l’Église, une certaine autonomie par rapport à la politique hospitalière, par la création des aumôneries. Fondée en 1523, l’Aumônerie ordinaire ou Fondation Saint-Marc (« gemeine Almusen Sankt Marx ») de Strasbourg, dotée d’une administration structurée (Bettelknechte et Almosenschafner) s’occupe des Hausarme, tandis qu’à la fin du siècle, le « neu Almusen » est plus précisément destiné à héberger les étrangers réfugiés. Si l’assistance finit pas être ouverte aux étrangers à la ville, on le doit également à ces vénérables institutions, dont l’Hospice des Pauvres Passants (Elendenherberge), qui existe depuis le XIVe siècle et qui partage la tâche avec le Grand Hôpital (mehrere Spital), luimême doté d’importants biens fonciers en particulier dans le Kochersberg voisin. Lors de la crise de 1571/1572, l’Hospice des Pauvres Passants accueille en moyenne 450 étrangers par mois, puis, entre 1605 et 1613, le nombre des assistés passe de 4 000 à près de 12 000 par an. Lorsqu’en 1590 l’Hôpital de Strasbourg ouvre ses portes à 323 mendiants, y compris éventuellement des enfants misérables (« nackende buben »), ce qui correspond au quart des effectifs admis, il s’agit essentiellement de « petites gens » de la ville. Au cours du XVIIIe siècle, le nombre des entrées passe de moins de 500 (1725) à plus de 1500 (1772) par an.

Une nouvelle complication apparaît lorsqu’il s’agit discerner le traitement qui est réservé aux mendiants : faut-il les expulser d’emblée, les renvoyer dans leur lieu d’origine quitte à les faire transiter d’un village à l’autre (ADHR Dépôt 30 BB 1, organisation d’une « Bettelfuhr » dans le bailliage de Guémar, 1730), les « enfermer » et, si oui, pour combien de temps, les mettre au travail ou les condamner aux galères ? Les témoignages de la fin du XVIIe siècle concourent pour dénoncer, en l’absence d’hôpitaux généraux en Alsace, le délabrement des anciennes fondations et la grande misère des hôpitaux ruraux qui manquent ostensiblement de moyens. Tel est le cas à Thann, Wattwiller, Landser, Soultz, Guebwiller, Kaysersberg, Kientzheim, Ammerschwihr, Ensisheim, Turckheim, Munster, Colmar, Ribeauvillé, Bergheim, Riquewihr, Gueberschwihr, Kientzheim, Rouffach, Sélestat, Marckolsheim, Rhinau, Benfeld, Obernai, Molsheim, Saverne, Haguenau, Bouxwiller, Wissembourg, Lauterbourg…, tandis que l’Hôpital des Bourgeois de Strasbourg, en principe réservé aux pauvres malades de la ville, traverse une grave crise entre 1690 et 1710 (AMS AA 2239, 1702) à partir du moment où il est appelé, lui aussi, à développer une politique d’assistance en faveur des pauvres passants : contraste entre la misère matérielle de ces établissements et l’ampleur de leur mission sociale. Or, d’après l’enquête diligentée en 1723 par le subdélégué de Colmar (ADHR C 1287), l’entretien d’un mendiant coûte à peine moins cher que celui d’un pensionnaire (4-5 sols contre 5-6 par jour) et pourtant, avec quelques centaines de livres tournois de revenus, certains d’entre eux ont du mal à survivre. Certaines de ces fondations, apparues entre le XIIe et le XIIIe siècle, sont pourtant plusieurs fois séculaires : tel est le cas de celle de Saint-Nicolas à Haguenau, puis de celles de Sélestat, de Saint-Erhard à Obernai ou de l’hospice de Rhinau, mais se trouvent exposées à une conjoncture particulièrement défavorable.

À travers l’exemple de Strasbourg, on voit combien la politique de l’assistance est liée aux impératifs de la répression quand il s’agit, dans un souci de centralisation et de contrôle, d’étrangers à la ville. On constate en tout cas, dans ce domaine, une belle constance au cours des siècles, comme en témoigne la succession des règlements sur la mendicité (Bettelordnungen). Dans celui de 1464, véritable charte de l’assistance, renouvelée jusqu’en 1506, la Ville de Strasbourg ouvre ses hôpitaux en priorité à « ses » pauvres et malades, accordant ainsi le droit de mendier aux seuls nécessiteux méritants, à savoir les malades et les invalides strasbourgeois qui sont dans l’impossibilité de subvenir à leurs besoins, le séjour des mendiants étrangers étant limité à trois jours. Dans celui de 1523, renouvelé en 1586, les étrangers sont congédiés dès le lendemain de leur arrivée et il est interdit de mendier en ville, tant dans les maisons que sur la rue : autant dire que la mendicité est éradiquée à Strasbourg, du moins en principe. Or la même politique s’applique aux mendiants admis dans les Ehlendenherbergen de Saverne, de Sélestat et de Mulhouse. À Strasbourg, le règlement de 1588 interdit de mendier en ville et exclut de l’assistance ceux qui ne peuvent pas justifier d’au moins cinq ans de résidence. En 1628 (Polizey-ordnung), on peut refuser l’entrée de la ville aux mendiants vagabonds (Strassenbettler) et, à tous les autres, il est interdit de mendier plus de deux fois par semaine ; le règlement de 1660 porte interdiction formelle de mendier aux bourgeois et manants de la ville comme aux non domiciliés. L’assistance aux miséreux s’accompagne donc d’une police des pauvres et, par conséquent, d’un strict encadrement de la mendicité. Cependant, compte tenu d’une conjoncture catastrophique, les autorités municipales de Strasbourg accordent aux indigents malades ou chargés de famille le droit de mendier deux après-midi par semaine au domicile des bourgeois, moyennant autorisation et brassard distinctif. La succession rapide des règlements dans la seconde moitié du XVIIe siècle, en 1660, 1687 et 1692, puis en 1703, plaide en faveur d’une relative inefficacité de ces mesures. Le règlement de police de septembre 1767 interdit une nouvelle fois la mendicité dans la ville et ses dépendances, tout en veillant à la distinction entre vagabonds étrangers, refoulés autant que possible, et manants valides strasbourgeois auxquels est désormais réservé le nouvel Hôpital des Pauvres, fondé en 1767 et conjointement financé par l’Aumônerie Saint-Marc et la Chambre d’Aumônes (AMS AA 2428- 2429 et VI 722).

Les seigneuries rurales ne sont pas en reste. Dans le bailliage de Cleebourg, à défaut de Bettelvogt, le seigneur doit embaucher, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, deux visitatores chargés de multiplier les rondes de jour comme de nuit, de réclamer les laissez-passer aux voyageurs étrangers et d’assister les gardes champêtres en difficulté. En effet, la maréchaussée d’Alsace, organisée en 1661, puis réorganisée en 1692 et en 1720, est complètement débordée, ne serait-ce qu’en raison des réticences de la population locale à lui prêter main forte, de l’allongement des procédures du fait de l’absence de présidiaux en Alsace et des conflits de juridiction avec les autorités judiciaires locales, le tout se soldant par de multiples relaxations faute de preuves.

L’introduction de la politique monarchique en Alsace, avant même la déclaration royale du 6 août 1713, ne change guère la donne, sinon pour aggraver les peines encourues, en particulier à l’encontre des récidivistes. Les déclarations du 31 mai et du 11 juillet 1682 donnent le ton en assimilant les repris de justice aux vagabonds, en particulier aux Bohémiens qui risquent la condamnation aux galères et il est interdit à tout sujet de leur « donner retraite ». La déclaration du 12 octobre 1686, complétée par l’arrêt du Conseil d’État du 17 octobre 1687, enjoint aux mendiants valides, sous peine de cinq ans de galères, de se retirer dans les huit jours dans leur paroisse d’origine respective pour s’y mettre au travail ; les vagabonds, qui sont en principe du ressort prévôtal, partageront cette peine avec les mendiants domiciliés, qui dépendent de la justice bailliagère, à la troisième récidive. L’ordonnance enregistrée par le Conseil Souverain, en date du 14 novembre 1693, qui interdit de demander l’aumône sous peine d’exposition au carcan, de huit jours de prison et de trois ans de galère en cas de récidive, en réservant l’hôpital aux seuls malades incurables, accorde un mois de délai aux mendiants valides pour rejoindre leur domicile. En 1700, 1750 et 1762, l’Intendance prendra de nouvelles mesures contre la mendicité et le vagabondage, décidément considérés comme des maux endémiques. Les Déclarations de 1724 et de 1764 constituent les deux grandes chartes de la politique monarchique à l’égard des mendiants et des vagabonds qui trouvent leur application à Strasbourg (AMS VI 100 pour 1764). C’est également en 1764 qu’on assiste à la création des dépôts de mendicité (AN F 15 138 et 231) destinés au « renfermement » des vagabonds accusés de « fainéantise », qui ne pourraient pas faire état de profession dans les six derniers mois et auraient été arrêtés, pour la deuxième fois consécutive, en flagrant délit de mendicité à plus de six lieues de leur prétendu domicile. Ils encourent des peines aggravées : trois ans de galères pour les mendiants de sexe masculin âgés de 16 à 70 ans, neuf ans en cas de récidive, avec marquage de la lettre M sur l’épaule, et à perpétuité à la troisième arrestation. Le dépôt d’Ensisheim, fonctionnel à partir de 1767 (ADHR C 1233-1237 et 1289), remplit toutes les conditions pour une telle incarcération dans les bâtiments abandonnés par les Jésuites.

Le travail, valeur suprême

S’esquisse, au cours du XVIIIe siècle, la notion de d’obligation de travailler pour une population rurale surnuméraire en quête d’embauche, les ateliers ou manufactures textiles ne pouvant pas, à eux seuls, résorber le trop-plein des campagnes. L’exaltation du travail, bien ancrée dans la tradition chrétienne et défendue par Luther – l’aumône ne doit pas servir à entretenir le vice –, s’accompagne à présent du rejet de la mendicité des hommes valides : la moitié des 2200 indigents admis au Grand Hôpital de Strasbourg, lors de la crise de 1516/1517, auraient été en état de travailler d’après les témoignages, plus ou moins objectifs des contemporains. La grande déclaration royale du 18 juillet 1724, qui devait déterminer, pour les quarante ans à venir, la répression de la mendicité et du vagabondage en Alsace, dénonce « l’oisiveté criminelle » de nombreux vagabonds (AMS AA 2428), arrêtés par la maréchaussée pour être transférés, à partir de 1781, à la Maison de Force (Raspelhaus), une partie du couvent Saint-Guillaume appartenant à la Ville et transformée depuis 1724 en dépôt de mendiants, ce qui préfigure la création des dépôts de mendicité, et que l’intendant d’Alsace appelle, de façon significative, la « Maison du Travail » (200-300 « renfermés » dans la seconde moitié du XVIIIe siècle). Ceux qui sont affectés à des travaux d’intérêt général en particulier sur les chantiers publics sont au nombre de 1830 entre 1724 et 1746, plus souvent étrangers que strasbourgeois, sans compter l’immigration artisanale, essentiellement en provenance de l’Empire, suffisamment précieuse pour être relativement épargnée par ces mesures discriminatoires (AMS 1AH 1130 et 11629). L’application de la Déclaration devait s’avérer plus difficile dans le reste de l’Alsace (Colmar, Haguenau, Sélestat). En 1750, le Magistrat de Mulhouse ouvre à l’Hôpital un atelier de filature (Spinnstube) à l’intention des marginaux non intégrés dans la « société de travail » et, après 1767, les « renfermés » à Ensisheim sont appelés à filer la laine et le coton.

La mendicité, affaire publique et œuvres de bienfaisance privées

La pauvreté étant progressivement devenue l’affaire de l’État, il est normal que la Constituante fasse, en 1790, de l’assistance « un des devoirs sacrés de la Nation » en établissant un Comité de Mendicité (AN F15 138, correspondance du Ministère, an II-an XIII, avec rétrospective jusqu’en 1670 et F16 972), muni d’un budget, expression d’une prévoyance publique et d’une assistance sociale authentiques. Dans le même esprit, apparaîtront en 1814 les Bureaux de bienfaisance pour l’assistance à domicile, puis les Ateliers de charité destinés à faire travailler les indigents valides sur des chantiers d’utilité publique (travaux de voirie, curage des cours d’eau, réparation de digues). Voilà qui n’exclut pas les initiatives privées. 

Symbole de l’évolution du mental collectif, même s’il est circonscrit aux élites de la société : à partir des années 1770, on assiste au développement du courant philanthropique qui, transcendant les clivages de la solidarité confessionnelle des catholiques comme des protestants sans renier les apports de l’humanisme évangélique du XVIe siècle, se nourrit de l’atmosphère des Lumières et de l’influence de la franc-maçonnerie ; il repose sur la générosité individuelle des plus fortunés à l’égard des plus misérables au nom de motifs humanitaires et non plus pour des raisons d’ordre public. Les initiatives mulhousiennes de Mathieu Mieg, Jean Dolfuss et Nicolas Koechlin procéderont, au siècle suivant, du même état d’esprit. L’assistance est assimilée à une dette de la société, notamment des plus aisés, à l’égard des individus qui sont dans le besoin.

Sources et bibliographie

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Archives nationales (ministères) AN F15 et F16.

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