Maréchaussée

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Institution militaire de police et de justice, la maréchaussée comprend deux branches complémentaires qui ne forment alors qu’une seule et même institution : une juridiction extraordinaire qui examine les cas prévôtaux et un service de police militarisé en milieu rural.

Une juridiction prévôtale

La maréchaussée constitue d’abord une juridiction extraordinaire du connétable de France et de ses adjoints, les maréchaux. À l’origine, ce tribunal connaît toutes les causes relatives à l’armée. La compétence des prévôts sur les soldats est étendue par François Ier en 1536 aux vagabonds de grand chemin. Les prévôts des maréchaux jugent sans appel les délits et les crimes qualifiés de « cas prévôtaux » énumérés dans l’ordonnance criminelle de 1670 et dans la déclaration du 5 février 1731 (Ordonnances d’Alsace, tome 2, p. 66). Ces cas concernent les militaires, les vagabonds et gens sans aveu ainsi que les vols sur les grands chemins, les vols avec effraction et armes, les séditions et attroupements avec armes, les crimes commis par les gens de guerre.

Une police militarisée

La maréchaussée comprend aussi une troupe montée, armée et militarisée, chargée depuis le règne de François Ier de constater et de poursuivre ces cas prévôtaux, c’est-à-dire du maintien de l’ordre et de la police dans les campagnes. Le corps de la maréchaussée est l’objet de plusieurs ordonnances et règlements successifs aux XVIIe et XVIIIe siècles pour en accroître l’efficacité. La crise économique accentue la méfiance à l’égard des vagabonds. La population réclame plus de sécurité. L’édit de mars 1720 réorganise profondément la maréchaussée qui devient un corps de l’armée assimilé à la maison militaire du roi. Son aspect territorial est renforcé (voir : Justice après 1648, Justice prévôtale).

Chaque généralité possède un tribunal prévôtal et une compagnie de maréchaussée. Les prévôtés sont divisées en lieutenances et en brigades. Seuls d’anciens militaires, les vétérans, peuvent être admis dans la maréchaussée, à condition d’avoir accompli au moins seize années de service selon l’ordonnance du 28 avril 1778. Cette ordonnance prévoit trente-quatre compagnies dirigées par des prévôts généraux. La brigade comprend ordinairement quatre archers, désignés ensuite cavaliers, placés sous les ordres d’un brigadier ou d’un maréchal des logis. Les effectifs demeurent faibles sous l’Ancien Régime avec moins de quatre mille hommes pour l’ensemble du royaume au XVIIIe siècle. Chaque compagnie est à la disposition de l’intendant et subordonnée au gouverneur militaire. Les brigades patrouillent le secteur qui leur est affecté pour assurer le bon ordre. Elles surveillent les auberges, inspectent les foires et marchés, patrouillent sur les routes, contrôlent les marchands et les voyageurs. Elles arrêtent les soldats déserteurs et les vagabonds et assurent le calme lors des levées d’impôts ou de la milice.

La maréchaussée dans la province d’Alsace

La maréchaussée est introduite en Alsace le 19 novembre 1661 et placée sous l’autorité de l’intendant. L’administration royale entend ainsi renforcer son autorité en Alsace. En effet, l’intendant ne dispose pas de l’armée royale qui demeure aux ordres des officiers généraux. Aussi, l’intendant Colbert de Croissy demande au roi une force publique sous ses ordres directs pour inspirer le respect aux soldats et apaiser les campagnes.

L’exercice de la police reste l’apanage des Magistrats des villes et des seigneurs sur leurs terres. Avec l’affaiblissement de leurs pouvoirs coercitifs et l’affirmation du pouvoir du roi, l’implantation d’une force de police dépendant uniquement de l’intendant paraissait indispensable.

Dans son tableau de l’Alsace en 1700, Jacques de La Grange la présente ainsi : « Il y a une Maréchaussée générale établie par toute la Province ; elle est composée d’un Prévôt Général qui réside à Strasbourg ; de trois Lieutenants dont un réside à Brisach pour la Haute-Alsace ; le second à Strasbourg et le troisième à Landau pour la Basse-Alsace. Ils ont chacun avec eux un Procureur du Roi, un exempt [maréchal des logis], un greffier et six archers [cavaliers] ; à Strasbourg il y en a dix. » (L’Alsace en 1700, Colmar, 1975, p. 106).

XVIIIe siècle : effectifs, implantation et rôle de la maréchaussée renforcés

Tout au long du XVIIIe siècle, la maréchaussée multiplie ses brigades et étoffe ses effectifs. De nouvelles brigades s’installent le long des principaux axes de communication comme à Cernay, Altkirch et Sélestat en 1732, à Haguenau l’année suivante, à Belfort en 1734. Les effectifs de la maréchaussée en Alsace s’élèvent à 55 hommes lors de la revue passée par l’intendant Lucé en 1754. L’ordonnance du 28 avril 1778 prévoit que les brigades soient constituées de quatre hommes sous l’autorité d’un brigadier (AMS AA 2424). Les missions de la maréchaussée sont réaffirmées avec la recherche et la poursuite des malfaiteurs, la sécurité sur les grands chemins, le bon ordre lors des rassemblements publics. D’autres brigades sont établies entre 1779 et 1787 à Village-Neuf, Benfeld, Ensisheim, Molsheim, Rhinau, Munster, Niederbronn et Artolsheim.

Une police royale sur l’ensemble du royaume, mais à la charge de la province

Les réformes du XVIIIe siècle aboutissent à créer la première force de police à caractère national sur l’ensemble du royaume. L’institution s’efforce de remplir au mieux ses missions malgré ses faiblesses. Le pouvoir royal intervient ainsi auprès du Magistrat de Strasbourg pour mettre un logement à la disposition du prévôt général de la maréchaussée (AMS AA 2424). La solde, l’équipement et le logement des hommes de la maréchaussée sont aux frais de la province, à raison d’environ 65000 livres par an. La première levée d’impôt pour leur entretien semble dater de 1768 (Hoffmann, t. 2, p. 406). En 1787, le prévôt Macquart a sous ses ordres 94 hommes pour l’ensemble de la province. Il déplore le manque d’effectifs et en réclame le double pour « maintenir le bon ordre et veiller de toute part, avec célérité, à la sûreté publique ».

La maréchaussée en 1789

À la veille de la Révolution, la maréchaussée de la province est placée sous les ordres d’un prévôt général qui réside à Strasbourg. Elle est composée de vingt brigades réparties dans dix-huit localités et commandées par deux lieutenants qui siègent à Strasbourg et à Colmar, et quatre sous-lieutenants qui résident à Strasbourg, Wissembourg, Colmar et Belfort. En 1789, les brigades de la maréchaussée stationnent à Strasbourg, Wissembourg, Saverne, Haguenau, Rheinzabern, Rhinau, Benfeld, Molsheim, Niederbronn, Roeschwoog, Sélestat pour la Basse-Alsace, à Colmar, Village-Neuf, Ensisheim, Cernay, Altkirch, Belfort et Réchésy pour la Haute-Alsace (Krug-Basse, p. 146).

Contestée par les cahiers de doléances

La maréchaussée n’est pas exempte de critiques. Plusieurs soulignent ses négligences, ses excès et ses malversations, voire ses accommodements avec des délinquants. La justice prévôtale, sévère et expéditive, conserve une mauvaise réputation auprès des justiciables et de la noblesse car elle empiète sur les prérogatives des justices seigneuriales (Hoffmann, t. 2, p. 394). Elle commet des excès et des vexations parmi la population (Hoffmann, t. 2, p. 394-399). En 1789, les membres du clergé du district de Colmar-Sélestat demandent dans leur cahier de doléances que les officiers de la maréchaussée soient jugés devant le Conseil souverain des excès commis par leurs cavaliers, et non plus devant le siège de la maréchaussée « où ils obtenaient toujours l’impunité » (Krug-Basse, p. 131). Si les habitants de Sarre-Union demandent augmentation du nombre de cavaliers, les autres communautés remettent en question l’utilité, voire la probité, de la maréchaussée. Le tiers état du bailliage de Haguenau-Wissembourg souligne le coût de son entretien. Ailleurs, on dénonce la corruption et l’impunité des cavaliers de la maréchaussée. Ainsi, à Sierentz et Hégenheim, les habitants mentionnent « les gratifications en argent ou en denrées » qu’il faut offrir pour échapper à la surveillance et à la sévérité des cavaliers qui « dispensent ces communautés de la régularité et exactitude de la garde, tandis qu’ils sévissent contre les communautés qui ne leur donnent point de présents ».

La maréchaussée remplacée par la Gendarmerie nationale

La maréchaussée est abolie par la loi du 16 février 1791 et remplacée par la Gendarmerie nationale qui reprend ses attributions de service d’ordre en milieu rural tandis que la justice prévôtale est supprimée dans le cadre de la refonte des institutions judiciaires.

Bibliographie

KRUG-BASSE (Jules),L’Alsace avant 1789, Paris-Colmar, Sandoz-Barth, 1876.

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LARRIEU (Louis), Histoire de la gendarmerie des origines jusqu’à nos jours, Paris, 1927-1933.

« En Alsace, sur les traces de la Maréchaussée », Revue d’études et d’informations de la Gendarmerie nationale, n°88, 2e trimestre 1971, p. 17-24, et n°92, 2e trimestre 1972, p. 57-67.

STEEGMANN (Robert), Les cahiers de doléances de la Basse Alsace, Strasbourg, 1990.

PELTZER (Erich), Les cahiers des plaintes et doléances de la
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BELY (Lucien) (dir.),Dictionnaire de l’Ancien Régime, 1996, p. 793-794.

BROUILLET (Pascal) (dir.), De la maréchaussée à la gendarmerie, histoire et patrimoine, Maisons-Alfort, Service historique de la Gendarmerie nationale, 2004.

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ALARY (Éric), Histoire de la gendarmerie, 2011.

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Notices connexes

Gendarmerie

Justice

Prévôt royal

Philippe Jéhin