Kauf, Kaufmann

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Marchand.

Le mot allemand kauf a un sens plus large que le mot français « vente ». Il désigne à l’origine toute transaction qui implique de ce fait et le vendeur (Verkaüfer) et l’acheteur (Ankaüfer), mais également le commerce dans son ensemble (Handel). À partir du XIIe siècle, sous l’influence du droit romain, Kauf désigne le contrat par lequel une personne remet à une autre personne, à un moment donné, contre un prix spécifié en monnaie, un objet (emptio, venditio).

Le développement de ces transactions est lié à l’expansion urbaine du Moyen Âge. La ville est une agglomération à laquelle le souverain (empereur, roi, prince, évêque) a accordé le privilège de s’entourer de murs. Sur ces terrains bien identifiés, on élève des maisons. Bâle a fait l’objet, dès le milieu du XIXe siècle, d’une étude pionnière des mutations de la propriété immobilière au Moyen Âge (Arnold). Le projet de recherche « Urkundenbuch der Stadt Strassburg » a réuni pour le Strasbourg du XIIIe siècle un volume entier de contrats de vente d’immeubles, de donations, de contrats emphytéotiques, de constitutions et d’achats de rentes, passés devant l’officialité et les tribunaux de la ville (Aloys Schulte UBS III). La formule des contrats de vente est fixée à partir du milieu du XIIIe  siècle, par l’officialité. Devant le juge qui le certifie, le vendeur (venditor), avec le cas échéant sa femme, ses frères et sœurs, ses héritiers, fait savoir qu’il a vendu pour une somme spécifiée la maison, ou la maison et le terrain (domus et area), située à tel endroit, libre ou non de servitudes et de rentes, à l’acheteur (emptor). La grande majorité des maisons et terrains strasbourgeois sont grevés de rentes. Si le vendeur est une femme (venditrix), elle assure que le bien vendu n’appartient pas à son douaire (wittum) ; si c’est le cas, elle y renonce. Devant le tribunal de la ville de Strasbourg, les formules sont simplifiées. Vendeur et acheteur peuvent s’imposer un délai de réflexion, au terme duquel ils peuvent annuler la vente (Reukauf). Ils peuvent aussi convenir d’un droit de rachat, au terme d’une période convenue (Rückkauf), ou vente à réméré, opération de crédit pour le vendeur, de placement de précaution pour l’acheteur.

Au XIVe siècle, se constitue un marché d’achat et de vente de rentes immobilières (Bail urbain, Erbleihe) et de rentes sur les emprunts du Pfennigturm strasbourgeois des villes du Saint Empire (Finances des villes). Les actes sont conservés dans des registres ou Kopialbücher, dont celui extrêmement riche du couvent des Dominicains. Les registres des actes des couvents ont été versés aux Archives de l’Hôpital lors de leur sécularisation (Kopialbuch).

À partir de 1587, le Sénat réserve l’exclusivité des actes (ventes, cessons, permutations, donations, constitutions de rente) à la Chancellerie de la Ville et à ses notaires (Cartulaire, Enregistrement, Livre foncier, Pfand, Pfandbuch). Mais la ville est d’abord un marché de produits et de services : le souverain y octroie le droit de s’adonner à la production, à l’achat et à la vente de produits (jus emendi et vendendi).

Les villes provoquent l’essor d’un droit commercial (Kaufmannsrecht, Handelsrecht), qui règle production, achat et vente de produits, leur contrôle par les corporations (qualité, poids et mesures), les prix et la circulation de la monnaie et du crédit, la règlementation des marchés et des foires, le commerce lointain.

Seuls peuvent fabriquer, acheter et vendre ceux qui appartiennent à une corporation. Les corporations qui s’adonnent au commerce sont les plus influentes. Dans certaines villes, une seule corporation réunit les commerçants (Colmar), tandis qu’à Strasbourg, six d’entre elles réunissent les marchands : les Kremer ou merciers ; les drapiers et cardeurs, les fruitiers, cordiers, revendeurs ; les marchands de vin et aubergistes ; les marchands d’huile et meuniers ; les marchands de grains, à qui est réservé le commerce en gros et en détail de produits spécifiques (Dollinger, Histoire de Strasbourg, t. 2, p. 139). Mais boulangers et bouchers pratiquent également le commerce des produits achetés et vendus dans leurs échoppes ou sur les marchés. Même s’il est moins délimité que la production de biens, l’exercice du commerce est lié au statut de la personne et à celui de son groupe.

Les statuts urbains contiennent les dispositions de droit commercial et les tribunaux de la ville (corporations, sénat) jugent des différends et délits commerciaux : coutumes et usages y jouent un rôle primordial. Cependant, le commerce en gros ou lointain (et la banque qui lui est liée), est exercé par les membres les plus riches des corporations, qui échappent quelque peu à leur contrôle, ne serait-ce que par l’importance de leurs fonctions politiques.

Ne sont pas actes de commerce les transactions portant sur l’immobilier, où s’est exprimée si fortement l’influence du droit romain, pas plus que les activités commerciales des villages, à l’exception toutefois de l’activité des foires autorisées.

Après la réunion à la France, le commerce est régi en partie par l’Ordonnance de commerce de 1673. Elle est appliquée en Alsace, ainsi que les Déclarations ultérieures sur le commerce, quoique n’ayant pas été enregistrée et acquiert force de loi par l’usage (Jurisprudence de Colmar (1805/1806), p. 144).

Elle est fondée sur les mêmes principes et admet les mêmes exceptions que les droits urbains et la jurisprudence antérieurs. Elle consacre le principe du caractère personnel du droit commercial. Les marchands relèvent des tribunaux spécifiques, les tribunaux consulaires. Son article 1 consacré « aux apprentis, négociants, et marchands, tant en gros qu’en détail » prescrit que : « Les lieux où il y a maîtrise de marchands, les apprentis marchands seront tenus d’accomplir le temps prescrit par les Statuts ; néanmoins les enfants de marchands seront réputés avoir fait leur apprentissage, lorsqu’ils auront demeuré actuellement en la maison de leur père et mère, faisant profession de la même marchandise, jusqu’à dix-sept ans accomplis ». 

Mais, dans son article 7, l’ordonnance introduit une exception : « Les marchands en gros et en détail, et les maçons, charpentiers, couvreurs, serruriers, plombiers, paveurs et autres de pareille qualité, seront tenus de demander payement dans l’an après la délivrance ». Autant que l’obligation faite aux marchands et aux artisans du bâtiment d’établir factures ou « comptes arrêtés », sauf à voir leurs réclamations rejetées, l’article introduit pour ces artisans la compétence des tribunaux consulaires, et donc la qualification de commerçant.

Depuis 1687, le contentieux commercial de Strasbourg est jugé par le Corps des marchands, créé à la demande du gouvernement royal. Les membres de quatre corporations commerçantes occupent l’essentiel des sièges, soit désignés par les noms de poêles et les professions d’origine : le Miroir (Merciers, Kraemer), Lanterne (Kornkaüfer), Fribourg (Gourmets, Marchands de vin, Weinsticher, Würte) et Mauresse (Salzleute, Sauniers).

Le Code de Commerce de 1807 change radicalement de système, en définissant le commerçant par son activité, l’exercice habituel du commerce : « Sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ». Et son article 638 précise que : « Ne sont point de la compétence des tribunaux de commerce, les actions intentées contre un propriétaire, un cultivateur ou vigneron pour vente de denrées provenant de son cru ». Comme dans les autres Codes européens (Prusse, États allemands), les paysans des campagnes sont donc exclus de la compétence des tribunaux de commerce.

Bibliographie

DRW, Kaufmann.

JOUSSE (Daniel), Nouveau commentaire sur l’ordonnance du commerce de 1673 par M.*** Conseiller au présidial d’Orléans…, Paris, 1761.

Recueil des arrêts notables de la Cour de Colmar (1805/1806), Colmar, 1808.

SPINDLER (F. X.), Archives de l’ancien corps des marchands de Strasbourg, 1861.

ARNOLD (Wilhelm), Zur Geschichte des Eigentums in den deutschen Städten, Bâle, 1861.

ENDEMANN (Wilhelm),Das Deutsche Handelsrech: sytematisch dargestellt, Heidelberg, 1868.

GOLDSCHMIDT (Levin), Handbuch des Handelrechts, Stuttgart, 1875.

SCHULTE (Aloys), Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. III : Privatrechtliche Urkunden und Amtslisten, Strasbourg, 1884.

DOLLINGER (Philippe), « La ville libre à la fin du Moyen Age » et FUCHS (François), « Les Foires et le rayonnement économique de la ville en Europe », LIVET, RAPP, Histoire de Strasbourg, t. III, Strasbourg, 1981.

ALIOTH (Martin), Gruppen an der Macht, Zünfte und Patriciat in Strassburg im 14. und 15. Jahrhundert, Bâle et Francfort/Main, 2 vol., 1988.

MARIOTTE (Jean-Yves), Les sources manuscrites de l’histoire de Strasbourg. Des origines à 1790, Strasbourg, 2000.

BECKER (Ansgar), Die Entwicklung des Kaufmannsbegriffs im Sinne eines übergeordneten Abgrenzungskriteriums für den persönlichen Anwendungsbereich handelsrechtlicher Vorschriften, Munster, 2004.

KROESCHELL (Karl), CORDES (Albrecht), NEHLSEN-VON STRYK (Karin), Deutsche Rechtsgeschichte, t. II : 1250-1650, Cologne, 2008.

Notices connexes

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