Lanterne (Corporation A la)

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Zunft zur Luzern (Zu der Luzernen).

Cette corporation strasbourgeoise regroupe divers métiers, dont les marchands de grain (Kornkäufer, Kornlüte, Kornhändler), les meuniers (Müller), les huiliers (Ölleute), les barbiers et chirurgiens (Scherrer, Chirurgen) et les amidonniers (Ammlungmacher).

Le mot Luzern, qui a donné Lanterne en français, vient du haut-allemand lucerne (latin lucerna), laterne en Alsace, et désigne un luminaire (Grimm). La bannière de la corporation À la Lanterne représentait dans un champ noir un ours d’or portant collier d’argent, tenant dans ses pattes une lanterne (In schwarz ein goldener Bär mit silbernem Halsband, der im Ammeister-Wappenbuch eine Laterne in der Tatzen hält) (Martin).

À l’origine, des métiers

Les meuniers sont mentionnés dans la 1ère constitution urbaine (XIIe siècle) et constituent l’un des 16 offices (Officia), terme qui désigne tant l’office lui-même que les obligations qui en découlent. Ces métiers sont au service de l’évêque et de ses ministériaux. Leur structure interne est inconnue et il est impossible de savoir s’ils peuvent être considérés comme des corporations (Zünfte). Les Officia sont, en tout cas, différents des corporations du XIIIe siècle et des siècles suivants, lorsque celles-ci sont devenues des forces politiques, sociales et économiques, sont organisées par la présidence d’un maître, des règlements professionnels, l’adhésion (Einung) et le droit Recht) et l’existence de structures annexes (confréries, poêles), et dont l’utilité professionnelle, pour leurs membres, est d’en faire partie (Alioth, p. 279).

En 1332, 27 métiers (25 selon Heitz, p. 3), désignés à présent comme Zünfte par M. Alioth, entrent au Conseil de la ville, dont les meuniers, les marchands de grain et les barbiers et chirurgiens. Ils acquièrent donc un rôle politique. En 1334, 4 autres métiers s’y ajoutent (Alioth, p. 284). La constitution de 1334 définit à 28 le nombre des corporations présentes au gouvernement de la ville (dont les meuniers – et les huiliers – qui en avaient été absents pendant un temps, avec une seule représentation). (Le conseil se compose en outre de 28 Constofler (dont 4 Stettmeister et d’un Ammeister). À partir de 1349, les corporations disposent d’un important pouvoir au sein du Conseil, toujours avec 28 représentants et un Ammeister issu de leurs rangs. Les meuniers, marchands de grain et les barbiers et chirurgiens font partie du Grand Conseil, comme ils font partie aussi du Petit Conseil (entre  1373 et 1450), composé de 18 membres, dont 11 représentants des métiers (Alioth, p. 316, Heitz, p. 6).

Le rang des métiers de la Lanterne dans la hiérarchie des métiers, au sein du Conseil, lors des processions et des expéditions militaires

Le rang que tiennent les métiers dans ces trois hiérarchies, qui concernent tous les métiers, ne sont en aucun cas le fruit du hasard, comme en conviennent les historiens médiévistes qui se sont penchés sur ces questions. Ils relèvent de critères difficiles à définir (Alioth, p. 318).

Au sein du Conseil

À partir de 1335, et pour 135 ans, la place de chacun des métiers est définie (avec quelques modifications mineures au fil du temps). À la tête de la hiérarchie se trouvent les merciers ; les marchands de grain sont en 17e position, les barbiers et chirurgiens occupent la 20e, les huiliers, les meuniers (et tondeurs de drap) la 28e et dernière position (Alioth, p. 321-323 ; Hatt, p. 16).

Lors des processions, en particulier celle de la Fête-Dieu (Fronleichnamsprozession)

Au milieu du XVe siècle, lors de ces manifestations, les marchands de grain se placent en 17e position, les barbiers et chirurgiens en 22e position et les meuniers, avec les huiliers et les tondeurs de drap en 27e position (en tête de la hiérarchie se trouvaient les bateliers, les maçons ferment la procession à la 28e place) (Alioth, p. 325).

Au moment des expéditions militaires

La hiérarchie des métiers est difficile à établir eu égard aux multiples changements qui interviennent entre 1336 et 1470, avec une absence de sources entre 1404 et 1436. M. Alioth en conclut que cette hiérarchie est plus souple que les hiérarchies politique et religieuse, sa modification plus rapide, en concordance avec le poids économique et politique des métiers, variable, du moment (p. 327).

La période comprise entre 1362 et 1462 s’achève par la réduction de 28 métiers à 20 au sein du Conseil. Certains métiers y ont un représentant, d’autres partagent un représentant. Les marchands de grain sont dans le premier cas, les barbiers et chirurgiens, les huiliers et les meuniers dans le second (Alioth, p. 329). À partir de 1470, les marchands de grain, auxquels ont été adjoints les meuniers, constituent la corporation À la Lanterne qui se trouve à la 6e place, les chirurgiens et barbiers occupent la 16e.

Le glissement des métiers en entités corporatives n’est pas clairement défini dans le temps, le terme Zunft désignant de façon concomitante la corporation et le métier, Handwerk, ce dernier terme tendant à céder la place. Hormis celle de 1482, il ne semble pas y avoir de date précise de création des corporations, qu’il s’agisse de l’une en particulier ou de toutes.

À la Lanterne, définitivement

En 1482, le rang des corporations est fixé une fois pour toutes et perdurera jusqu’à leur suppression. En voici la succession (certains métiers sont isolés et leur corporation ne porte pas de nom) : 1. À l’Ancre (Zunft zum Enker) ; 2. Au Miroir (Zunft zum Spiegel) ; 3. À la Fleur (Zunft zur Blume) ; 4. Fribourgeois (Freyburgerzunft) ; 5. Drapiers (Tucherzunft) ; 6. À la Lanterne ; 7. La Mauresse (Zunft der Möhrin) ; 8. À l’Échasse (Zunft zur Steltz) ; 9. Boulangers (Bäcker-Zunft) ; 10. Pelletiers (Kürschner-Zunft) ; 11. Tonneliers (Küfer-Zunft) ; 12. Tanneurs (Gerber-Zunft) ; 13. Gourmets (Weinstischer-Zunft) ; 14. Tailleurs (Schneider-Zunft) ; 15. Forgerons (Schmiede-Zunft) ; 16. Cordonniers (Schuhmacher-Zunft) ; 17. Pêcheurs (Fischer-Zunft) ; 18. Charpentiers (Zimmerleut-Zunft) ; 19. Jardiniers (Gartner-Zunft) ; 20. Maçons (Maurer-Zunft) (Heitz, p. 21- 22).

Les poêles (Stuben)

Les marchands de grain disposent d’un poêle en 1368 (1ère mention ; une source atteste aussi ce fait en 1411, alors que le poêle est sis dans une bâtisse nommée Zu dem von Schönecke. Seyboth, p. 55). Les huiliers et les meuniers (avec les tondeurs de drap) disposent d’un poêle en 1419 (autre mention en 1441), les barbiers et chirurgiens en 1391 (autre mention en 1401) (Alioth, p. 333). Il est à remarquer que les poêles fonctionnent indépendamment de la représentation politique des métiers dont ils sont l’émanation. Le poêle de la Lanterne se situe au numéro 6 (18) rue du Vieux-Marché-aux-Grains (AVCUS, 1 Fi 25/10). Il est aussi celui du Magistrat, Herrenstube, où l’Ammeister en fonction, quelle que soit la corporation dont il était issu, prenait tous les jours ses repas (Heitz, p. 48). A. Seyboth cite à ce propos : « … une autre (maison) ayant un ours et une lanterne peints à la muraille, c’est le poële des consuls ou seigneurs, 1636 » (p. 55).

En 1789, la corporation À la Lanterne disposait, comme toute corporation, de 15 échevins (Schöffel). Elle se composait de : 38 Gelehrte et autres (p. ex. des médecins, avocats, universitaires, juristes) ; 24 marchands de grain ; 25 chirurgiens ; 13 meuniers ; 31 fariniers en gros (Mehlleute) (les détaillants faisaient partie de la corporation des boulangers) ; 21  amidonniers ; 3 « meuniers » de tabac (Tabakmüller) (pour le tabac à priser, en poudre) ; 27  propriétaires ou/et rentiers sans emploi (Leibzünftige, qui s’affilient en vertu de « leur personne ») ; 1 autre Leibzünftiger (sans doute un barbier en exercice) ; 58 veuves (dont 4 farinières, 9 amidonnières et 45 sans profession), soit au total 256 membres (dont 191 protestants et 65 catholiques).

Différents personnages assumaient des fonctions dans cette corporation.

L’Oberherr, membre du Conseil des XIII, des XV ou des XXI préside le collège des échevins. Il est chargé de convoquer le tribunal des échevins, après plainte portée devant le Zunftmeister en cas de contravention aux règlements du métier ; le Rathsherr représente la corporation au Conseil de la ville ; le maître de la corporation (Zunftmeister ou Obermeister ?), le vice-maître (Untermeister) et un adjoint (Beisitzmeister) ; le scribe (Zunftschreiber) ; le vérificateur du pain (Brotschauer) ; le vérificateur de meunerie (Mühlschauer) ; 11 chirurgiens jurés (geschworene Chirurgen) ; 3 caminatores (ramoneurs, ou fumistes, ou poêliers ?) ainsi que 2 dénonciateurs (Rüger) des marchands de grain, des meuniers et des amidonniers (Heitz, p. 49).

Toujours en 1789, la corporation disposait de divers règlements et décrets :

  • Règlement du maître du métier des marchands de grain (Ordnung des Kornmeisters) ;
  • Règlement du marché au grain (Kornmarkts-Ordnung) ;
  • Règlement des remueurs de grain (Kornwerfer-Ordnung) ;
  • Règlement des courtiers et détaillants de grain (Ordnung der Mackler und Unterkäufler) ;
  • Mandat concernant la vente d’avoine (Mandat den Haber-Verkauf betreffend) ;
  • Décret selon lequel le grain doit être vendu sur le marché au grain et non ailleurs (Decret, das die Früchte auf dem Fruchtmarkt, und nicht anderswo verkauft werden dürfen) (renouvelé périodiquement, ce qui démontre qu’il n’était guère appliqué) ;
  • Règlement des peseurs de farine, des meuniers et de leurs vérificateurs (Mehlwäger-, Müller und Mühlschauer-Ordnung) ;
  • Décret concernant la redevance des boulangers pour l’entretien des sacs dans les moulins et des meules (Decret das Beutelgeld und die Mühlsteine betreffend) ; 
  • Règlement des amidonniers (Ammlungmacher-Ordnung) ;
  • Règlement obligeant les barbiers (chirurgiens) à communiquer au Magistrat toutes les blessures dont ils ont connaissance (Verordnung, dass die Barbierer (Chirurgen) gehalten sind alle Verwundungen der Cancelley anzuzeigen) ;
  • Décret concernant les forains : charlatans, dentistes et colporteurs (Decret gegen alle Quacksalber, Zahnbrecher und Storger) (Heitz, p. 49-50).

Bibliographie

Dans la série XI des archives municipales, qui répertorie 80 chartes relatives aux corporations, aucune charte ne concerne la corporation À la Lanterne (Metz, p. 1).

Comme toutes les corporations, la corporation À la Lanterne est supprimée par les lois des 2 et 17 mars 1791 (décret d’Allarde) et celle de Le Chapelier du 14 juin 1791.

HEITZ (Friedrich Karl), Das Zunftwesen in Strassburg. Geschichtliche Darstellung begleitet von Urkunden und Aktenstücke, Strasbourg, 1856.

SEYBOTH (Adolph),Das alte Strassburg, Strasbourg, 1890.

HATT (Jacques), Une ville au XVe siècle : Strasbourg, Strasbourg, 1929.

MARTIN (Paul), « Die Straßburger Zunftfahnen und Zunftwappen », Die Hoheitszeichen der Freien Stadt Strassburg 1200-1681, Strasbourg, 1941.

ALIOTH (Martin), Gruppen an der Macht. Zünfte und Patriziat in Strassburg im 14. & 15. Jh. Untersuchungen zu Verfassung, Wirtschaftsgefüge und Sozialstruktur, 2 vol., 1988 (+ index par Bernhard Metz, disponible aux AVCUS).

METZ (Bernhard), Inventaire analytique des chartes de la série XI, Strasbourg, 2009.

Notices connexes

À l’Ancre (corporation), Artisanat (Poêles-Stube)

Bains (Bader, corporation), Barbiers (corporation), Bouchers-Metzger (corporation À la Fleur), Boulangers (corporation)

Charpentiers-Zimmerleute (corporation), Chaudronniers (corporation), Cordonniers-Schuster (corporation), Corporation

Drapiers-Tucher

Échasse-Zur Steltz (corporation des Imprimeurs et relieurs)

Fer (corporations des forgerons, serruriers, armuriers, horlogers : Schmiede-Zunft)

Gärtner-Jardiniers (corporation), Gastronomie alsacienne (poêles des corporations), Gerber-Tanneurs (corporation)

Imprimerie (corporation de l’Échasse), Industrie (effectifs des corporations au XVIIIe siècle)

Kaufmann (les 4 corporations marchandes de Strasbourg : Miroir (Merciers), Lanterne, Fribourg (Gourmets, marchands de vin, Mauresse (Salzleute))

Marchands, Marché, Maurer

Pelletiers

Monique Debus Kehr