Nachbar

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Voisin, Nachbar, Nahgebauer, Nachbarschaft, vicinus, voisinage.  

Voisin : être proche, habiter à proximité des lieux ou des personnes (Nahe, Nähe).  

Le voisinage (Nachbarschaft) : établissement primitif de groupes ou de familles

Le voisinage procède de l’établissement primitif de groupes de personnes ou de familles de paysans (Bür, Nachgebauer). Ils se dotent de règles communes de cohabitation.  

Modalités et chronologie de ces évolutions ont fait l’objet de débats aux enjeux politiques assez évidents. Ainsi, les historiens alsaciens du droit du XIXe siècle ont furieusement débattu de l’origine de la communauté villageoise, pour les uns, « simple réunion d’habitations, ne faisant un tout que par l’unité de nom que portait le sol sur lequel les habitants vivaient dans le voisinage l’un de l’autre » (Raspieler, procès pour Strasbourg contre Barr, cité par Hanauer). Pour le bouillant Hanauer, le droit germanique confère au groupe villageois une organisation communale, aussi ancienne que la localité elle-même (Hanauer, Paysans, p. 43). Philippe Dollinger tente une synthèse prudente : « Au XIIIe siècle se produit … la formation de la communauté rurale, la promotion du village au rang de personne juridique. Jusqu’alors, les habitants d’une même localité vivaient côte à côte sans connaître d’autre cadre juridique que la seigneurie. Assurément, la nécessité les avait amenés à s’entendre entre eux pour régler les questions d’intérêt commun comme les contraintes de l’assolement, l’usage des communaux, l’admission d’immigrés, mais ces ententes n’avaient aucun caractère légal » (Histoire de l’Alsace, p. 108). Le terme de communauté ou Gemeinde se substitue à celui de Nachbarschaft (communauté rurale), dont subsistent quelques contraintes comme les servitudes de voisinage, codifiées dans les Dorfordnungen.  

Les obligations de voisinage

Le voisinage entraîne des obligations de voisinage et d’assistance. Le voisinage impose des servitudes d’assistance, assez rares en Alsace, comme celles énoncées dans le Statut des Onze villages de l’Uffrieth, aux termes duquel le voisin devra remplacer l’absent parmi les six hommes désignés pour inhumer et enterrer un habitant du village (Hanauer, Paysans, p. 153). Les voisins ont également pour devoir d’assister les forces de l’ordre à la poursuite d’un délinquant (Hanauer, Statut de l’Uffrieth, Paysans, et Statuts urbains de Strasbourg, UBS). Les voisins doivent veiller à l’ordre et dénoncer le délinquant recherché. L’enquête de voisinage fait toujours partie de la pratique des procédures policières. L’appel au voisin comme témoin est ancien : le sergent qui réclame un cens impayé doit faire appel aux voisins pour témoigner qu’il a réclamé la dette selon les règles (Schwabenspiegel, Landrecht, art. 84). Et l’édit royal de 1668, enregistré par le Parlement de Metz pour la nouvelle province d’Alsace, prescrit que l’huissier doit se faire accompagner de voisins dans les maisons où il entend faire une saisie (de Boug, Ordonnances d’Alsace, I, p. 31).  

Les servitudes de voisinage en droit rural et en droit de l’urbanisme

Dans le droit rural, où l’on doit respecter le champ du voisin : limites, bornage, plantations, chemins, fossés. Le voisinage de biens ruraux (parcelles) ou immobiliers (bâtiments) entraîne pour les voisins toute une série de droits et d’obligations (Nachbarrechte).  

Parmi ceux-ci :  

  1. Le Näherecht, droit de préemption, droit de retrait sur une propriété familiale ou voisine.
  2. Le droit de passage sur la propriété voisine pour desservir et exploiter sa propriété enclave, qui est une servitude de passage, un chemin de défruitement, etc.
  3. Le droit de couper les branches des arbres du voisin qui pendent sur sa propriété (Überhang).
  4. Le droit de ramasser les fruits tombés sur la propriété du voisin (Überfall).
  5. Le droit d’accéder à la propriété du voisin pour procéder au tournant de son attelage (Anwenderecht)
  6. Le droit de poser une échelle sur la propriété du voisin pour procéder à des réparations sur sa maison (Leiterrecht).
  7. Le droit de laisser passer le timon fixe d’une charrette dans la propriété du voisin par un orifice spécifique, le Deichselloch.
  8. Le droit d’accéder à la propriété du voisin pour nettoyer un égout et d’y déposer les boues (Schaufelschlagsrecht).
  9. De même, le droit de faire procéder à l’arpentage pour établir des limites cadastrales incontestables et poser les bornes ou planter les arbres lisières.

Font également partie des droits ou servitudes de voisinage, toute une série de règles relevant à présent des réglementations d’urbanisme : distances limites pour les constructions voisines, droit de mettre des fenêtres, écoulement des eaux de pluie, etc.  

Dans le droit de l’urbanisme, l’on doit respecter la maison et le terrain du voisin. Le VIe statut urbain de Strasbourg (1322) en développe les prescriptions sur 15 articles dont le principe est énoncé dans son article 414 : celui qui veut construire doit le faire sans entraîner de dommage pour son voisin (UBS, IV 2, p. 149). Les métiers doivent prendre des mesures pour éviter de troubler le voisinage (fondeurs de suif, bouchers, tanneurs, meuniers, etc.). Demeure réservée au voisinage, c’est-à-dire aux voisins proches, la servitude d’entretien des puits ou encore de curage des fossés et rivières (Eheberg). Ces servitudes entraînent un droit d’usage, le Nützungsrecht (voir : Eau, Brunnen).  

Mais dans la ville, ces servitudes relèvent de plus en plus d’un droit général de l’urbanisme (Bauordnung) ainsi que de la police générale (troubles de voisinage : visuels, auditifs, olfactifs, etc.).  

Les bons voisins en affaires – la bourgeoisie conquérante

Le roman « Von Guten und boesen Nachbaren », du romancier populaire et orfèvre colmarien Jörg Wickram, nous replace dans le milieu des artisans et négociants, qui s’élèvent par leur travail et leur esprit d’entreprise. Dans ce milieu de la bourgeoise européenne qui se développe, les bonnes relations entretenues avec les bons voisins (et associés), sur qui on peut compter pour les affaires et la famille, sont essentielles.  

Les États voisins : bons voisins et mauvais voisins, bonnes ou mauvaises relations

Située sur des frontières linguistiques, politiques et culturelles, la notion de voisinage intervient fréquemment dans l’histoire de l’Alsace, avec des qualificatifs qui varient. En 1624, Strasbourg assure que la neutralité qu’elle observe et qui irrite les Habsbourg n’a pour but que de conserver de bonnes relations de voisinage avec la France. La diplomatie française se fixe de son côté de « s’accomoder de plusieurs pays voisins de son royaume, comme elle a fait de Metz, Toul et Verdun » (Kintz, dans Livet-Rapp, Histoire de Strasbourg, t. 3, p. 67). En 1646, l’abandon des Trois-Évêchés par l’Empereur, « pour rétablir … les rapports de bon voisinage et d’amitié avec la France », marque une étape dans la négociation des traités de Westphalie, qui portent désormais sur les frontières et les principaux voisinages le long du Rhin. Les troubles de la Fronde et les incursions des mercenaires du duc Charles de Lorraine réactivent cependant les réflexes des États alsaciens qui appellent à la Landesrettung contre ce proche voisin occidental (1651-1652). « Ô France, trop heureuse, tu n’as qu’à faire la guerre à tes voisins pour être sûre d’agrandir ton royaume » : un factum, datant des années 1709, détourne méchamment la maxime des Habsbourg « Tu Felix Austria » et dénonce les convoitises des dernières années de Louis XIV (Reuss, L’Alsace au XVIIe siècle, p. 728-729). Et l’article 5 du traité d’union et de subsides entre la France et l’Électeur palatin du 30 avril 1759 stipule que l’Électeur palatin « s’oblige à entretenir la bonne intelligence entre la France et l’Empire… et de prêter à SM toutes les assistances qu’elle peut attendre d’un bon voisin et d’un bon ami » (Koch, Table des traités, p. 118).  

Et le sort de certains États, trop faibles, est d’être agressés et assujettis par leurs voisins. C’est ce qui arriva à la Pologne, démembrée par le traité de Saint-Pétersbourg du 25 juillet 1772. La Russie et l’Autriche, prétextant que les troubles qui agitaient la Pologne entraînaient pour les « puissances voisines » l’obligation de « faire valoir leurs droits », en lui assurant « une existence politique plus conforme aux intérêts de leur voisinage » (Koch, Table des traités, p. 396).  

L’Empereur François II peut bien encore s’alarmer des innombrables agressions et actes hostiles accomplis par notre voisin la France. « Nachdem, nach unzehligen von Unsern Nachbarn, den Franzosen, gegen das teutsche Reich, dessen Stände und Unterthanen ausgeübten Gewaltthätig- und Feindseeligkeiten » proclame son ordonnance impériale du 17 décembre 1792, qui interdit tout commerce et toute relation avec ce « voisin-Nachbar ». Mais, spéculant sur des perspectives d’annexions à l’ouest – l’Alsace annexée un siècle auparavant occupe encore les esprits – il est entré, aux côtés de la Prusse, en guerre au printemps et a été défait à Valmy, puis à Jemappes.  

Les Français occupent fin 1792 Mayence, Aix-la-Chapelle et Bruxelles. La Prusse se tourne vers l’Est et, par le traité de Saint-Pétersbourg du 23 janvier 1793, procède au second partage de la Pologne, avant le troisième (1795). À ce moment-là, la France a annexé 9 départements belges et occupe et administre les quatre départements du Rhin, qui seront annexés définitivement lors de la paix de Campo-Formio (1797). En 1815, la carte de l’Europe aura été réformée et les grands États de l’ancien Saint-Empire auront absorbé leurs petits voisins.  

Bibliographie

DRW, Nachbar.  

DE BOUG, Recueil (1775).  

GUYOT, Répertoire (1775-1798), t. 64, « Voisinage ».  

KOCH (Christophe-Guillaume), Table des traités entre la France et les puissances étrangères depuis la paix de Westphalie à nos jours, suivi d’un recueil des traités, Bâle, 1802.  

HANAUER, Paysans (1865).  

Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. IV/2.  

EHEBERG, Verfassung (1899).  

REUSS, L’Alsace au XVIIe siècle (1898).  

DOLLINGER (Philippe), Histoire de l’Alsace, Toulouse, 1970.  

CHRIST (Hannelore), Literarischer Text und historische Realität: Versuch einer historisch-materialistischen Analyse von Jörg Wickrams "Knabenspiegel" und "Nachbarn" Roman, Berlin-Est, 1974.  

LIVET, RAPP, Histoire de Strasbourg (1980-82), t. 3.  

BAUD-FOUQUET (Catherine), Les romans de Jörg Wickram. Recherches sur une écriture et ses stratégies, thèse de doctorat, 1999.  

KINTZ (Jean-Pierre), La conquête de l’Alsace : le triomphe de Louis XIV, diplomate et guerrier, Strasbourg, 2017.  

Notices connexes

Anwander  

Bauordnung  

Communauté rurale-Dorfgemeinde  

Coutume   Deichselrecht  

Dorfordnung  

Droit de l’Alsace  

Eau-Brunnen  

Frontières  

Industrie (Établissements dangereux et insalubres)  

Landesrettung  

Näherecht  

Niess  

Nutzen  

Nutzung  

Schaufelschlagrecht  

Überhang  

Überfall  

Vicinus  

Voisin

François Igersheim