Articles organiques des cultes protestants

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Articles organiques des cultes protestants de la Loi du 18 germinal an X (8 avril 1802)

La nécessité politique d’introduire une réglementation des cultes en application du Concordat, et de ne pas paraître faire de la religion catholique la religion de l’Etat, pousse Bonaparte et Portalis, nommé directeur des Cultes en octobre 1801, à entreprendre de réorganiser aussi les Eglises protestantes et de leur offrir un statut et une reconnaissance. Portalis est chargé de rédiger un texte après avoir pris l’avis de quelques protestants convoqués de manière arbitraire. Mais Bonaparte refuse toute négociation entre Portalis et les représentants du protestantisme qui lui remettent des mémoires. Ceux-ci ont peu d’influence sur la rédaction de la loi. Bonaparte n’en a retenu que ce qui convenait le mieux au gouvernement.

Pour les réformés, il y eut quelques réunions de pasteurs et notables, et des personnalités réformées adressèrent des mémoires et observations, ainsi Rabaut-Dupui à Paris, d’autres à Nîmes, ainsi que le sous-préfet du Vigan, Rabaut-Pomier qui a adressé quatre lettres à Portalis. Mais Bonaparte ne retient que ce qu’il veut, à savoir un contrôle strict du pouvoir politique sur les Eglises et il s’oppose pour cette raison à la tenue de synodes régionaux périodiques et d’un synode national occasionnel.

Pour les luthériens, seuls sont consultés Ulrich Metzger, membre du Corps législatif, au nom des notables colmariens et quelques notables strasbourgeois, présidés par le juriste, ancien professeur d’université et alors membre du Tribunat, Christophe-Guillaume Koch qui dresse un plan d’organisation libéral. Mais Bonaparte préfère un système hiérarchisé et centralisé. Les dernières négociations, auxquelles ne participe qu’un seul Alsacien, le député colmarien Ulrich Metzger, débouchent sur les Articles Organiques promulgués le 8 avril 1802. Ils créent une structure à trois étages, consistoires, inspections ecclésiastiques et Directoire.

 

Dispositions communes aux deux cultes

Ces Articles comprennent trois parties ou titres. La première comprend les dispositions communes aux deux cultes. Ils bénéficient de la reconnaissance publique et reçoivent une place officielle dans l’Etat. Mais aucune disposition dans le domaine de la doctrine ou de la discipline ne pourra être prise sans l’autorisation du gouvernement. Seuls des Français peuvent être nommé pasteurs, ce qui reprend une décision de Louis XIV d’exclure les pasteurs issus de territoires non régaliens. Ils doivent faire toutes leurs études en France, à Strasbourg pour les luthériens, à Genève (alors dans le département du Léman annexé à la France) pour les réformés. Après 1814, Genève a été remplacée par Montauban. Mais cela isole les luthériens alsaciens de leurs coreligionnaires allemands et de leur culture théologique créée par Luther.

Les communautés paroissiales, souvent très petites, sont regroupées de façon artificielle en « églises consistoriales » de 6000 âmes, l’unité la plus petite avec laquelle les autorités auront désormais des relations. Ce chiffre avait été celui retenu par la Constitution Civile du clergé pour déterminer la population et l’étendue de la paroisse. Chaque pasteur est chargé de prier et de faire prier pour les autorités de l’Etat et doit prêter serment devant le préfet. Cependant, arguant de biens de fabrique protestants qui ont échappé à la confiscation des biens d’Eglise sous la Révolution, le gouvernement refuse de rétribuer les pasteurs du Bas-Rhin, il ne rétribue que les pasteurs réformés du reste de la France et ceux du Haut-Rhin. Mais en 1819, Louis XVIII décide de rémunérer aussi les pasteurs bas-rhinois, au même titre que les prêtres catholiques.

Chaque consistoire est formé des pasteurs et de 6 à 12 anciens. Les laïcs, qui doivent être choisis parmi les citoyens les plus imposés, sont donc uniquement de riches notables ou gens influents que les questions d’Eglise n’intéressent pas nécessairement. Les anciennes paroisses perdent toute existence légale. Ces deux défauts, mal acceptés par les fidèles, seront corrigés par des décrets-lois en 1852 qui reconnaissent juridiquement les paroisses et la clause fiscale est supprimée.

 

Les luthériens d’Alsace

A la base sont créées 27 églises consistoriales (23 dans le Bas-Rhin et quatre dans le Haut-Rhin) comportant chacune 6000 âmes. Ce nombre a été porté à 40 en 1853 et il est resté stable depuis. Les 23 consistoires du Bas-Rhin sont les quatre de Strasbourg (Temple-Neuf, Saint-Pierre-le-Vieux et Sainte-Aurélie, Saint-Pierre-le-Jeune et Saint-Guillaume, Saint-Thomas et Saint Nicolas), Landau, Kandel (l’un et l’autre redevenus allemands en 1815), Wissembourg, Woerth, Hatten, Oberbronn, Diemeringen, Sarre-Union, La Petite Pierre, Ingwiller, Bouxwiller, Bischwiller, Brumath, Ingenheim, Wasselonne, Dorlisheim, Wolfisheim, Barr et Sundhouse. Les quatre du Haut-Rhin sont Colmar, Andolsheim, Riquewihr et Munster.

Le second étage est constitué par six inspections (Strasbourg Temple-Neuf, Strasbourg Saint-Thomas, Wissembourg, Bouxwiller, La Petite‑Pierre et Colmar), plus celle de Montbéliard. Elles sont dirigées par un inspecteur ecclésiastique assisté de deux inspecteurs laïcs. Leur rôle, flou, semble se limiter à l’élection d’un député au Consistoire général. L’inspecteur est chargé de veiller sur les pasteurs et le maintien du bon ordre. Il est à noter que Bonaparte, qui se méfie de la puissance des protestants de Strasbourg, a tenu à les séparer en deux inspections (trois en 1877), séparation maintenue jusqu’en 1994 (une seule inspection depuis).

La direction pour les deux départements alsaciens est assurée par un Consistoire général qui embrasse après 1815 toutes les églises luthériennes de France et siège à Strasbourg dans les locaux du quai Saint-Thomas. Il se compose d’un président laïc nommé par le chef de l’Etat, de deux inspecteurs ecclésiastiques choisis par le gouvernement et d’un député de chacune des sept inspections. Mais son efficacité est faible : il ne peut siéger qu’une fois tous les cinq ans pendant six jours au maximum. Aucune décision doctrinale ou dogmatique ne peut être publiée sans l’autorisation du gouvernement.

Aussi la réalité du pouvoir (droits épiscopaux) est-elle assurée par un directoire de cinq membres, composé du président, de l’aîné des deux inspecteurs et de trois laïcs, dont l’un est nommé par le Premier Consul et les deux autres choisis par le Consistoire général. Notons, pour mémoire, que les quatre départements annexés depuis 1797 sur la rive gauche du Rhin (Sarre, Mont-Tonnerre, Rhin-et-Moselle et Roer) ont eu deux autres directoires jusqu’en 1814.

La nomination du juge originaire de Bouxwiller, Philippe-Frédéric Kern (1746-1826), comme président du Directoire favorise le ralliement des églises rurales peu désireuses de se soumettre à des dirigeants strasbourgeois. Mais la création de consistoires locaux, perçus comme des entités factices, suscite peu d’enthousiasme. La concentration de l’autorité ecclésiastique aux mains d’un directoire dépendant du pouvoir politique déplaît. Dans la pratique, le pouvoir réel de ce dernier se limite à la nomination des pasteurs, importante avec les antagonismes entre tendances théologiques, et au contrôle, souvent tatillon, des budgets des consistoires. Par contre la réorganisation favorise une cohésion et une solidarité chez les luthériens, jusqu’alors trop enclins à limiter leur horizon à leur seul clocher. Ils peuvent créer des œuvres communes d’instruction, de propagande, de mission et de charité.

 

Les réformés en Alsace

Les consistoires demeurent isolés les uns des autres, car si un synode national est prévu en théorie, en fait il n’y en a eu aucun avant 1872 et il n’y a jamais eu de synodes régionaux. Aussi les réformés en Alsace et en Lorraine, désignés sous le nom de membres de la Confession helvétique, sont-ils regroupés dans cinq grands consistoires qui n’ont aucun lien entre eux jusqu’en 1895, date à laquelle ils ont obtenu une structure commune en Alsace-Lorraine (ERAL) : Strasbourg, Bischwiller, Mulhouse, Sainte-Marie-aux-Mines et Metz.

 

Sources - Bibliographie

Textes dans LEHR (Ernest), Dictionnaire d’Administration ecclésiastique à l’usage des deux Eglises de France, Paris, 1896.

STROHL (Henri), Le protestantisme en Alsace, Strasbourg, éd. 2000, p. 313-319.

ROBERT (Daniel), Les Eglises réformées en France : 1800-1830, Paris, 1961, p. 69-83 et 510-512.

ROBERT (Daniel), Textes et documents relatifs à l’histoire des églises réformées en France : 1800-1830, Paris, 1962.

SCHEIDHAUER (Marcel), Les Eglises Luthériennes en France 1800-1815, Strasbourg, 1975.

 


Notices connexes

Augsbourg (confession d'-)

Académie ou Séminaire protestant

Calviniste

Consistoire

Corps pastoral

Costume religieux

Diacre

Dimanche

Directoire

Fabrique

Fondation

Inspecteur

Kirchenordnungen

Stift

Surintendant

Bernard Vogler