Dimanche (Sanctification du, travail du)

De DHIALSACE
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Origines

Le dimanche a été institué comme jour de repos par l’empereur Constantin Ier en 321 (Code Théodosien II, 8, 1), mais seulement pour les actions en justice, à l’exception de l’émancipation et de la manumission. Les autres travaux, comme ceux des champs, n’étaient pas concernés. Ce jour férié judiciaire ne comportait aucune référence particulière à la religion chrétienne : c’était le dies Solis, ou jour du Soleil (racine de Sonntag et de Sunday). En 392, les courses de chars et les spectacles ont été interdits à Constantinople le jour du Soleil (Code Théodosien II, 8, 20), ce qui est confirmé en Occident en 409, dans une loi qui donne les deux dénominations, en précisant que le nom courant est dies Solis (II, 8, 25). Ce n’est en effet qu’en 399 que le Code Théodosien II, 8, 23 christianise officiellement ce repos hebdomadaire, en remplaçant le terme de dies Solis par celui de jour du Seigneur (dies dominicus, origine du mot dimanche), sans imposer l’interdiction des travaux des champs ou artisanaux.

Moyen Âge

Ce sont les conciles de l’Eglise wisigothique d’Espagne et de Narbonnaise (Tolède, Narbonne), puis ceux des royaumes mérovingiens (Orléans) qui introduisent l’obligation de la sanctification du dimanche et donc de l’interdiction de travailler. Présidé par Charlemagne, un concile de Francfort-sur-le-Main (794) renouvelle cette interdiction. Ces interdits sont pourtant fort mal respectés, puisque répétés dès l’époque carolingienne (Tours 813) puis encore aux XIIe et XIIIe siècles.

Pourtant, les réglementations des autorités civiles ne se font pas faute de veiller au respect du dimanche et à la sanctification.

A Strasbourg, l’on édicte des arrêts réglementant le travail du dimanche. Ils portaient notamment sur les activités commerciales. Ainsi, à partir de 1480, le dimanche matin, seuls le pain, le lait et la viande pouvaient être proposés à la vente (AMS 1MR2, f° 107v°). En Autriche antérieure, l’assistance à la messe est obligatoire pour tous et vérifiée par les bedeaux. Les auberges doivent fermer pendant la durée de l’office.

Les confréries édictent également leurs règlements. Ainsi, les arbalétriers, réunis dans une association à l’échelle du Rhin supérieur et moyen, prévoient dans leur règlement de 1449 que les salariés de ce métier n’auraient le droit de fabriquer qu’une seule arbalète par an hors leur temps de travail, mais ni le dimanche ni un autre jour de fête (Brucker, p. 18). Tous les musiciens de ces contrées avaient l’obligation d’adhérer à leur confrérie et de verser une cotisation annuelle qui se montait, en 1431, à une poule et à un setier d’avoine. […] Les confrères devaient promettre de se comporter fraternellement les uns avec les autres et de ne pas jouer le dimanche. Par ailleurs, les statuts des meuniers bâlois (1427) précisent le montant de l’amende irrémissible en cas de défection aux funérailles de l’un des leurs : un quart de cire. Or cette amende n’est pas appliquée si le compagnon est retenu par son maître en raison de son travail le dimanche. Les meuniers et leurs compagnons peuvent donc travailler le dimanche, ce que leur impose le caractère saisonnier de l’activité des moulins. On constate que les statuts des charpentiers, des maçons, tonneliers et tourneurs de Bâle contiennent les mêmes dispositions (meuniers de Bâle, 1427, et charpentiers, maçons, tonneliers et tourneurs de la même ville, 1455).

La Réforme protestante

Dans les villes et seigneuries passées à la Réforme, l’on confirme l’obligation de sanctification du dimanche par le catéchisme (troisième commandement du Décalogue, le sabbat étant remplacé par le dimanche) et par les ordonnances ecclésiastiques luthériennes et réformées imposant aux pasteurs, conseillers presbytéraux et paroisses de veiller à la sanctification du dimanche sous la double forme de l’assistance obligatoire aux cultes, avec souvent un contrôle dans les rues pendant les offices par des censeurs, et du respect du repos dominical. A Strasbourg, en 1532, un édit demande aux parents d’envoyer au culte leurs enfants et leur personnel domestique chaque dimanche. En 1534 est publié un édit sur la sanctification du dimanche qui, remanié, est inclus dans l’ordonnance ecclésiastique de 1598, applicable jusqu’en 1789.

Tout travail manuel est interdit. Les activités commerciales sont réduites au minimum. La plupart des boutiques doivent rester fermées ; ce n’est qu’en 1708 que les cinq pharmacies de la ville sont autorisées à rester ouvertes. Les foires annuelles ne doivent plus se tenir le dimanche. La circulation des transporteurs est restreinte. A Strasbourg, navigation et lessive sont interdites, de même que la pêche et la chasse. Les boulangers des alentours ne peuvent vendre leur pain en ville le dimanche. Le débit de vin et d’alcool (Brandwein) est strictement encadré ; il est notamment interdit à l’heure du sermon. Promenades, jeux, représentations théâtrales sont également réglementés ; les champs de tir restent fermés du moins jusqu’après le sermon. A partir de 1690, il est interdit aux juifs de faire des affaires le dimanche et personne ne doit en faire avec eux.

Dans l’arrêté de 1534 (AMS 1 MR3, f° 227), la plupart des dispositions en faveur de la sanctification du dimanche sont assorties d’amendes de 5 à 30 Schilling, tant pour les contrevenants que pour les personnes qui n’appliqueraient pas la réglementation, notamment les aubergistes. En 1661, à Bischheim et à Hoenheim, un arrêté interdisait la vente de boissons le dimanche, durant le prône.

Contre-Réforme et réglementations catholiques

Les réglementations épiscopales catholiques (agendes) renouvellent ces prescriptions et sont sans doute suivies avec plus d’attention à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, parce que contrôlées par les inspections plus fréquentes. L’Agenda Ecclesiae Argentinensis de 1670 répète encore la règle de l’assistance obligatoire à la messe du dimanche, vérifiée par un bedeau à la porte de l’église et par un autre bedeau qui fait le tour des maisons, pour s’assurer qu’il ne s’y trouve pas plus d’une personne, indispensable pour assurer la garde. Tout travail est proscrit. Après la messe, les paroissiens se retrouvent sur le parvis où le Schultheiss leur lit les communications officielles et où l’on débat des affaires communales ou paroissiales. Les contraventions à la sanctification du dimanche peuvent en rester au niveau local de ce plaid paroissial, ou faire l’objet d’une plainte devant l’official. Les sanctions locales auront lieu dans l’église paroissiale, où pénitents et pénitentes doivent suivre l’office, à genoux, au milieu de l’église. Fêtes solennelles et les processions soulignent l’importance de certains dimanches (Chatellier 129-133).

A la même époque dans le diocèse de Bâle, en 1664, l’évêque prescrit que «ceux qui négligeront la Sainte Messe les (…) festes ou dimanches, travailleront sans permission, charrieront, boiront, joueront, danseront ou commettront autres insolences pendant le Saint office divin (…) seront mis à l’amende de trois liures de Basle, la moitié au profit de l’église et l’autre moitié en celuy du curé».

En 1695, une Déclaration du roi de France introduit les ordonnances d’Orléans (1560) et de Blois (1579) et renouvelle l’obligation d’assister au service divin et interdit que se tiennent le dimanche, « foires et marchés et danses publiques ». Les cabarets doivent rester fermés et les bateleurs ne peuvent se livrer à leurs activités. De même, aucune annonce publique séculière ne doit avoir lieu pendant le prône. Cependant pour éviter que tout le monde ne se disperse à la fin de la messe sans avoir pris connaissance de communications importantes, l’Intendant rajoute en 1700 que le curé pourra annoncer que ces communications auront lieu.


La Révolution

Après avoir promulgué une réglementation nouvelle pour l’Eglise de France, la Révolution introduit un culte nouveau lié à un calendrier nouveau : le décadi remplaçait le dimanche (v. Décadi).

Le Consulat et l’Empire

L’article 57 des Articles organiques introduisant le Concordat (du 18 Germinal An X, 8 avril 1802) précise que « le jour de repos des fonctionnaires est fixé au dimanche ». De même son article 41 prescrit : « Aucune fête, à l’exception du dimanche, ne pourra être établie sans la permission du gouvernement ». Un arrêté du 29 avril 1802 publie le texte d’un indult du légat du pape réduisant le nombre de fêtes en France à quatre : Noël, l’Ascension, l’Assomption et la Toussaint. Il s’agissait donc de jours tombant en dehors d’un dimanche, mais où, comme pour le dimanche, il n’était pas permis de travailler (Merlin). Le calendrier chrétien cohabite donc avec le calendrier républicain qui est supprimé seulement le 1er janvier 1806. Mais la réglementation de la vie religieuse et de la « sanctification du dimanche » en particulier de l’assistance aux cérémonies religieuses reste cantonnée aux fidèles des cultes reconnus, qui dans les campagnes rassemblent toute la population. L’interdiction du travail du dimanche est en général appliquée en Alsace, sauf dans le travail à domicile, qu’il s’agisse de l’artisanat ou du domestic system. Le repos dominical peut se poursuivre le lundi (Blauer Montag).

Bibliographie

De BOUG, Recueil des Edits, Déclarations... du Conseil d’Etat et du Conseil Souverain d’Alsace..., Colmar, 1775. 

GUYOT,Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, ouvrage de plusieurs jurisconsultes, Paris, 1775-1798.

MERLIN (Philippe-Antoine), Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Paris, 1812-1825.

CHATELLIER (Louis), Tradition chrétienne et renouveau catholique dans le cadre de l’ancien diocèse de Strasbourg (1650-1770), Paris, 1981.

Die evangelische Kirchenordnungen des XVI. Jahrhundert, 20, Elsass, 1ère partie, Strassburg, bearbeitet von G. DÖRNER, Tübingen, 2011, p. 246-247 et 679-680.

BERGHOLZ (Th.), « Sonntag », TRE, 13, 2000, p. 449-472.

Notices connexes

Blauer Montag

Calendrier

Danse

Décadi

Monique Debus Kehr, Jean-Marie Holderbach, François Igersheim, Louis Schlaefli, Bernard Vogler