Nacht

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Nuit  

Durée entre le coucher et le lever du soleil, pendant laquelle la lumière naturelle disparaît.  

La nuit du coucher au lever du soleil

À la fin de l’Antiquité et au haut Moyen Âge, les principes romains de la mesure du temps continuent d’être appliqués. Définis en fonction du lever et du coucher du soleil, jour et nuit sont divisés chacun en douze heures, de durée variable selon les saisons et qui ne sont égales qu’aux équinoxes, ce qui impose de diviser l’année en deux périodes, s’étendant de Pâques à novembre. Comme à Rome, les heures sont regroupées en plages de trois heures, auxquelles sont rattachées les prières liturgiques des monastères : matines, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies.  

Les abbayes, dont les moines et abbés disposent des traités astronomiques de l’Antiquité et les rééditent, disposent d’horloges : clepsydres ou bougies graduées. Les horloges mécaniques apparaissent à partir de la fin du XIIIe siècle et se répandent en Europe. Elles équipent progressivement les clochers et permettent de régler les sonneries des cloches de jour et les cris des veilleurs de nuit des villes et des villages. Une horloge mécanique à personnages est installée à la cathédrale de Strasbourg au XIVe siècle (voir : Temps, mesure du).  

Mais les écrivains et poètes de l’Antiquité et du Moyen Âge, les théologiens et exégètes commentant les heures de la Passion du Christ, divisent la nuit en moments : soir, crépuscule, minuit (media nox), chant du coq (gallicianum), aube (matutinum) et aurore (aurora).  

La nuit est le plus souvent synonyme de danger, de mort. La forêt est interdite de nuit et ceux qui y circulent sont présumés comme étant porteurs de mauvaises intentions.  

L’Histoire sainte peut y introduire des exceptions : la nuit de Noël (voir : Noël), la bienheureuse nuit de la Résurrection à Pâques (avec son feu). Et les festivités populaires ne sont pas en reste ; feux de la Saint-Jean, feux d’artifice et pots à feux des grandes fêtes civiques (voir : Feux de la Saint-Jean).  

Les feux allumés sur les remparts des villes sont un signal d’alarme pour toute une contrée. Mais les feux allumés dans la montagne des pays de la moyenne Alsace, tout comme en Forêt-Noire, sont le signal des soulèvements populaires dès la Guerre des Paysans, et ils sont interdits par les autorités tout au long des siècles mais encore pratiqués en 1848/1849.  

Notices connexes

Calendrier ;  Feu ;  Feu dans les habitations (éclairage)  ; Feux de la Saint-Jean ;  Gastronomie alsacienne (heures des monastères et couvents) ;  Liturgie  

Nuit et nombre de nuits : indications de délais

L’indication du nombre de nuits peut être employée au même titre que celui des jours pour indiquer une durée, au terme de laquelle telle action doit être effectuée, telle condition remplie, telle obligation assurée. Elle prend tout son sens dans le calcul des durées pour comparution. Les auteurs du Schwabenspiegel calculent les délais de comparution des inculpés en nombre de nuits, car l’accusé doit comparaître le matin suivant le nombre de nuits écoulées après le jour de la fixation de la date. C’est le cas dans les articles 44 du Landrecht ou 111 du Lehnrecht, qui donnent la date de la convocation des témoins ou de l’audience du tribunal.  

Notice connexe

Justice et institutions judiciaires  

Commission d’un crime ou délit de nuit : en droit pénal, une circonstance aggravante

La nuit est la période où l’absence de lumière, facilitant la commission de délits ou de crimes, entraîne dans le droit pénal la qualification de circonstance aggravante, souvent renforcée encore dans l’expression Nacht und Nebel.  

La circonstance aggravante est déjà établie dans le droit romain : les Institutes de Justinien prévoient la pendaison pour « celui qui mènera paître la nuit furtivement son troupeau dans les récoltes d’autrui ou qui coupera les récoltes d’autrui » (art. 86-1).  

Le Schwabenspiegel établit que, la nuit, les exigences de la sécurité imposent plus de sévérité. Le vol commis de nuit doit être puni de mort (LR art. 201). Le Code pénal de Charles V, la Caroline, établit également cette distinction entre le jour et la nuit : il prescrit que celui qui a volé du bois ou l’aura coupé illicitement, de nuit ou un jour de fête, sera puni avec plus de rigueur que le voleur de plein jour (art. 168).  

Le droit français, appliqué peu à peu en appel par le Conseil_souverain (voir : Droit de l’Alsace), adopte les mêmes principes. Le voleur de nuit est présumé violent car l’on présume qu’il en viendrait à l’homicide si l’on voulait l’empêcher de commettre son crime. Du coup, il y a excuse absolutoire pour la victime qui s’en prend à l’agresseur : « On peut pareillement tuer impunément un voleur qui, pendant la nuit, est surpris brisant une porte, perçant un mur, escaladant des fenêtres, ou forçant quelque serrure au-dedans d’une maison ; mais à l’égard des voleurs de jour, on ne peut les tuer impunément que dans le cas où ils se défendent à main armée, et que l’on court risque de sa vie en voulant les arrêter. » (Guyot, Répertoire ; vol. 64).  

Sous le Premier Empire, l’article 386 du Code Pénal de Napoléon définit comme « le vol commis de nuit, soit après le coucher et avant le lever du soleil de crime ». La Cour d’appel de Colmar établit que ces horaires sont impératifs et casse le jugement qui a correctionnalisé un vol commis dans une maison aussi active de jour que de nuit et elle renvoie le criminel en cour d’assises (Jurisprudence de Colmar, 1813, p. 194). Mais le vol fait de nuit dans une voiture stationnée devant la maison du livreur d’une balle de mousseline qui va de Mulhouse à Belfort relève de la négligence du voiturier s’il n’y a pas eu effraction (Cour d’appel de Colmar, Jurisprudence, 1807, p. 548).  

De même, l’art. 329 du Code pénal de Napoléon rattache «  l’homicide commis … en repoussant pendant la nuit l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrée d’une maison ou d’un appartement habité ou leurs dépendances » à la légitime défense.  

Notices connexes

Droit de l’Alsace (droit pénal) ;  Justice et Institutions judiciaires  

Nuit, repos nocturne

Durée pendant laquelle les activités humaines s’interrompent, du fait de l’absence de lumière. Toutes les communautés s’imposent des règles d’ordre public pour la préservation et de la sécurité et du repos public, en particulier par la répression du tapage nocturne. Pour s’en assurer, ils déterminent une heure légale de couvre-feu (Polizeistunde) où s’imposent calme et sécurité et organisent des gardes de nuit pour la faire respecter.  

Le couvre-feu

D’après le règlement de la garde de nuit (Scharwache de 1477, Eheberg, p. 765-766) de Strasbourg, la nuit commence après la sonnerie de 9 heures (Neunerglock) en hiver ou 10 heures (Zehnerglock) en été. L’hiver commence à la Saint-Gall le 16 octobre et se termine à la Saint-Matthias le 24 février (voir : Neunerglock).  

Cette sonnerie signale le début de l’heure légale avec la fermeture des portes de la ville, des auberges et de toutes les activités de la ville. Les circulations de charrettes et la prise d’eau au puits doivent cesser.  

La garde armée de nuit (voir : Nachtwache, Scharwache) est réunie au poste de garde (Scharwachterhus) près de la Pfalz. Répartie en trois brigades, elle se rend dans ses postes. Une brigade volante de réservistes ou d’intervention spéciale est à la disposition de l’Ammeister.  

Les deux veilleurs de nuit (Nachthüter) ont rejoint la plateforme de la cathédrale et ils ne doivent y emporter ni vin ni compagnes. En cas d’incident grave, ils hurleront et mettront la Mordglocke en branle, qui mobilisera la milice.  

Une première brigade patrouille en ville de onze heures à minuit, dans la vieille ville (alte Stat) autour de la cathédrale, puis marché du Vieux-Marché-aux-Poissons à Saint-Thomas par les quais et revient par la Grand-rue (en inspectant les ruelles) pour s’assurer de la fermeture des stuben et auberges (wirtshüsern)  ; une autre, rendue aux portes, surveille les faubourgs. En cas d’incident ou de rixe, les proches et témoins, tout comme les voisins doivent assistance aux gardiens. Ils doivent empêcher les personnes recherchées de se réfugier dans un lieu d’asile. Retour des patrouilles au poste de garde chauffé où des valets ont assuré un repas, vers minuit. Nouvelles rondes à partir de minuit, pour s’assurer du calme et du silence et de l’absence de tapage nocturne dans les stuben, les auberges et les Frauenhaüser (voir : Frauenhaus).Le service prend fin au jour, qui est signalé à coups de trompe (Eheberg, Ordnung der Schachwache 1477, p. 765). La nuit, s’appliquent les dispositions du règlement d’incendie avec l’allumage des pots à feu aux maisons désignées et le plein des fûts à eau (voir : Eau, Feuerordnung) (Hatt, Strasbourg au XVe siècle). À partir de 1770, les rues de Strasbourg sont éclairées par des lanternes (voir : Éclairage public).  

La garde de nuit dans les petites villes et les villages

Dans le village de Habsheim, où la codification villageoise (Dorfordnung) date de la fin du XVe siècle, il y a un seul garde. Il parcourt les rues tout particulièrement la nuit ou par temps de brouillard (nacht und nebel) et doit courir avertir le Schultheiss sans retard en cas d’incendie ou d’incident. Le droit d’asile y est reconnu aux étrangers pour une seule nuit. Par contre, l’ordonnance s’étend plus sur les délits ruraux : les vignes doivent être gardées nuit et jour et deux gardes embauchés pour prévenir les dégâts des sangliers. Et le bangard doit veiller nuit et jour à éviter les vols de bois. Nuit et jour, mitternacht und mittag : c’est aussi l’astreinte imposée à la sage-femme (Wacker, « die Habsheimer Dorfordnung », Jahrbuch des Sundgau-Vereins, 1940-1943).  

A.M.P. Ingold a décrit le règlement des gardiens de nuit de la petite ville de Soultz en Haute-Alsace. Un garde de clocher (Turmhüter) s’installe au clocher et crie chaque soir l’heure de neuf heures et chaque matin celle de quatre heures, horaires qui déterminent l’heure légale et les débuts et fins du couvre-feu. Lui aussi devait mettre en branle la grosse cloche en cas d’alarme. La garde de nuit de la ville est composée de 4 hommes, les crieurs d’heures, deux pour avant minuit et deux pour après minuit. L’un après l’autre, ils doivent parcourir les rues de la ville et crier les heures. La datation du texte est assez floue (A.M.P. Ingold, Revue d’Alsace, 1898, p. 76-78).  

Toujours est-il qu’en 1762, le Maréchal de Contades, commandant en chef de la Haute et Basse-Alsace, « constatant une grande négligence dans le maintien du bon ordre et de la sûreté publique », prend une ordonnance qui rétablit « la garde établie d’ancienneté dans chaque communauté de la province. Aux termes de l’ordonnance, la règle introduite de crier les heures de la nuit aux principales rues et carrefours sera observée partout ». La nuit commence à neuf heures en hiver et dix en été. Les personnes qui se trouvent dans les cabarets s’en retournent chez elles, sous peine d’être détenues dans les corps de garde. Vagabonds et soldats devront être transférés à la maréchaussée la plus proche. La maréchaussée est chargée de vérifier que les communautés assurent le service de garde prescrit, mais sans pouvoir se substituer à elles (de Boug, Ordonnances d’Alsace, II., « Ordonnance qui prescrit ce qui doit être observé dans chaque communauté de cette province pour y maintenir le bon ordre et veiller à la sûreté publique », 4 nov. 1762, p. 627).  

Respect du droit d’asile et protection du domicile pendant la nuit

Sauf cas de flagrant délit et de poursuite en cours, le domicile du particulier et le lieu d’asile sont inviolables pendant la nuit. Cette disposition des statuts et codes médiévaux est reprise dans les codes pénaux et les codes de procédure pénale modernes.  

Les heures du début et de la fin de la nuit sont sonnées à cloche ou à trompe. Ainsi, leur respect est parfois appliqué de façon très pointilleuse. Ainsi, par la Cour d’appel de Colmar dans son arrêt du 4 août 1804. Le 25 décembre 1802, le dénommé Schoellkopf d’Osthouse tire une lettre de change sur la banque Merian de Bâle au bénéfice de Moyse Ettinger d’Osthouse. Elle est protestée dès le 19 janvier 1803. Le 25 janvier 1803, le tribunal de commerce de Strasbourg condamne de remettre caution de la dette au prêteur. Défaut ! En fin de compte, l’huissier d’Erstein capture le débiteur le 28 novembre 1803 et le fait incarcérer à la prison de Strasbourg, incarcération annulée par le tribunal civil de Strasbourg le 23 janvier 1804. L’incarcéré sort de prison le soir du 23 janvier, ayant pris soin d’attendre pour sortir que la cloche [de Strasbourg] ait sonné pour la fermeture des portes. Mais il est arrêté à nouveau ce même jour, à 4 heures et 30 minutes par un huissier de Strasbourg. Le prisonnier porte plainte mais est à nouveau condamné, le 21 mars 1804. Appel. La Cour d’appel de Colmar ne s’occupe que d’un seul grief : « L’arrestation a été faite après le coucher du soleil ». « Dans la nouvelle, comme dans l’ancienne jurisprudence, [rappelle-t-elle] les huissiers ne peuvent, sans doute, exploiter, ni avant le lever, ni après le coucher du soleil… cela veut dire seulement, qu’un huissier ne doit pas faire de capture de nuit, par respect pour la liberté individuelle ». Le procès-verbal porte 4h30. Or aux dates concernées, l’Almanach du Messager boiteux du Haut et du Bas-Rhin porte que le coucher du soleil a lieu à 4h28 et les Tables astronomiques nationales à 4h29 minutes. L’arrestation est donc frappée de nullité. Le prisonnier élargi se voit accorder 600 F de dommages et intérêts pour les 6 mois de prison effectués « par suite d’une incarcération… illégale et vexatoire » (Jurisprudence civile ou commerciale ou Recueil des arrêts notables de la Cour d’appel de Colmar, 1805, C. Pénal, art. 328 – contrainte par corps). La Constitution de l’an VIII a rappelé l’inviolabilité de la maison de toute personne habitant le territoire français. Pendant la nuit, nul n’a le droit d’entrer. La Cour d’appel avait fait une interprétation très pointilleuse de l’heure légale. En 1806, un décret impérial définissait l’heure légale de nuit à 6 heures du soir jusqu’à 6 heures du matin, du 1er octobre au 31 mars et de 4 heures du matin à neuf heures du soir du 1er avril au 30 septembre, disposition restée en vigueur pendant le XIXe siècle.  

On peut cependant s’interroger sur les motivations de la Cour d’appel à censurer les magistrats de Strasbourg, compte tenu des protagonistes de cette affaire.  

Bibliographie

DRW, Nacht.  

De BOUG, Ordonnances d’Alsace, t. II, 1775.  

GUYOT, Répertoire (1775-1798), t. 64.

Journal de jurisprudence civile, commerciale et notariale ou Recueil des Arrêts notables de la Cour impériale de Colmar, 1805.  

MERLIN, Répertoire (1812-1825), t. 7.

Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 4(2), 1884.  

BRUCKER, Polizei-Verordnungen (1889).  

INGOLD (A.M.P.), « Histoire de la ville et du bailliage de Soultz », RA, 1898, p. 47-82.  

EHEBERG, Verfassung (1899).  

HATT (Jacques), Strasbourg au XVe siècle, Strasbourg, 1920.  

WACKER (A). « Die Habsheimer Dorfordnung », Jahrbuch des Sundgau-Vereins (1940-1943).  

DERSCHKA (Harald), Der Schwabenspiegel, übertragen in heutiges Deutsch, Munich, 2002.  

Notices connexes

Cloche ;  Dorfordnung ;  Droit de l’Alsace (Pénal) ;  Eau ;  Éclairage public ; Feuerordnung ;  Loisirs-Jeux (horaires des) ; Nachtwache ;  Neunerglocke ;  Polizeistunde ;  Scharwache ;  Turmhüter

François Igersheim