Mariage
Au moment des grandes invasions, lorsque les Germains s’établissent progressivement en Alsace, l’Église chrétienne avait élaboré les grandes lignes de sa doctrine sur le mariage. Elle est en bonne partie inspirée par le droit romain, que résume la formule du jurisconsulte romain Modestin : « Le mariage est l’union du époux et de l’épouse, une communauté de toute une vie, avec la mise en commun de ce qui relève du droit divin et du droit humain ». Soit l’union conjugale de l’homme et de la femme, selon la formule du Code Justinien. Précédé de fiançailles (sponsalia), le mariage (nuptiae) procède du consentement des époux, validé par les pères de famille, dont le père de la mariée, qui pourvoit celle-ci d’une dot, au cours d’une cérémonie publique.
Nombre de notices du Dictionnaire ont traité de questions relatives au mariage, et on se reportera aux notices qui en traitent comme Concubinage-Winckelehe, Coutume, Divorce-Ehescheidung, Donations nuptiales, Ehesteuer, Heimsteuer-Morgengabe, Droit de l’Alsace, Fiançailles-Verlobung.
Sommaire
- 1 Le Moyen Âge
- 1.1 Les étapes du mariage germanique
- 1.2 Docteurs et officialités : le droit canonique du mariage
- 1.3 Le mariage alsacien dans l’aire du droit du Saint Empire, Schwabenspiegel et statuts urbains
- 1.4 Le régime matrimonial aux XIIIe et XIVe siècles
- 1.5 Le rituel religieux commun avant la Réforme : le mariage en 1490
- 2 La fin du Moyen Âge et l’Époque moderne
Le Moyen Âge
Les étapes du mariage germanique
En règle générale, dans les coutumes germaniques, la femme passe de la tutelle (Munt) de son père à celle de son mari. Ce dernier l’achète (Brautkauf) avec un Mahlschatz (gage du fiancé, Mahl, en français arrhes, symboliquement représenté par un anneau). C’est le fait de démarches et d’entretiens et de festivités (Brautlauf) auxquelles participent les parents, la famille, les voisins. Elles donnent lieu à la conclusion d’un contrat oral ou écrit (Eheberedung). Les leges des peuples germaniques, de plus en plus influencés par la législation romaine, adaptent ces coutumes au droit romain et l’Église chrétienne s’efforce d’en faire des rites chrétiens. Pour être conclu, le mariage des leges germaniques comprend deux étapes : la desponsatio (Verlobung) – qu’on distingue mal des sponsalia – précède la traditio puellae (ou Trauung).
Mais les leges admettent la répudiation et le divorce par consentement mutuel et une forme imparfaite de mariage (contubernium, concubinatus) continue d’exister que tolère l’Église.
Docteurs et officialités : le droit canonique du mariage
Avec la Renaissance carolingienne, dont les monastères alsaciens sont des foyers actifs, on assiste à la renaissance du droit et à la diffusion de compilations doctrinales chrétiennes, qui réaffirment les principes de l’indissolubilité du mariage et l’interdiction du divorce. Les démarches de l’Église pour imposer ses vues à des princes rétifs, polygames, divorcés, entretenant de nombreuses concubines, aboutissent à définir toute une série d’empêchements de mariage, consignés dans des recueils canoniques, comme les Fausses Décrétales (v. 850).
L’Église ne parvient pourtant à imposer cette conception du mariage – à la noblesse, aux princes et souverains – qu’à partir du Xe siècle. Progressivement, la nécessité du mariage s’impose aussi aux non-libres, qui constituent la majorité de la population, mais les serfs ne peuvent se marier qu’avec l’autorisation du seigneur et l’Église interdit la séparation d’un couple servile marié (voir : Concubinage-Winckelehe ; Formariage-Ausheirat), mais à partir du XIe siècle, le droit canonique arrête une doctrine fixe.
Le mariage est fondé sur un double lien : celui du consentement des époux, (qui doivent être de condition libre) et celui du père, du moins dans certains décrets. Ces consentements qualifient le matrimonium initiatum ; mais l’union sexuelle accomplie et possiblement féconde (copulatio carnalis) est nécessaire pour que le mariage soit complet (matrimonium perfectum).
Le « sacramentum » est donc composé de deux moments : celui du consentement valable de personnes capables et celui de la copulation. Juristes et docteurs, papes et conciles, évêques et officialités, multiplient les consultations et traités, complètent et codifient la législation canonique et développent une jurisprudence diocésaine qui encadrent un mariage qui se généralise.
Le mariage fait partie des libertés urbaines, comme à Strasbourg (UBS, I), Colmar (Franchises de 1278). À Sélestat, la liberté de mariage, quelle que soit la condition des conjoints, est expressément mentionnée (Stadtrecht 1292, art. 13).
Au Concile de Latran (1215), l’Église élève définitivement le mariage au rang des sacrements, désormais au nombre de sept. Elle ramène les empêchements pour consanguinité à quatre degrés au lieu de sept, et surtout impose aux prêtres l’obligation de réclamer des bans de mariage pour dépister ces empêchements et les bigames.
Le mariage alsacien dans l’aire du droit du Saint Empire, Schwabenspiegel et statuts urbains
Le Schwabenspiegel (Miroir des Souabes), code rédigé vers 1275, soit 50 ans après le Concile de Latran, synthétise et influence en grande partie le droit appliqué dans les villes et les campagnes du sud-ouest de l’Empire et de l’Alsace (voir : Droit de l’Alsace au Moyen Âge).
Les auteurs de ce Code – les Franciscains du couvent d’Augsbourg – connaissent le droit romain, dont ils suivent à plusieurs reprises la leçon, et le droit canonique (Décret de Gratien et ses sources), mais aussi les coutumes, dont ils codifient les dispositions et les statuts urbains qui s’en inspirent.
Pour le Schwabenspiegel, le mariage est l’un des sept sacrements, l’un des plus importants que Dieu a créés (Landrecht art. 3). Dès l’article 4, la métaphore de la tête (mari et femme) et des membres (enfants, leurs conjoints et enfants etc.) décrit la famille (Sippe) que les conjoints ont fondée et met en place la ligne successorale et les empêchements de parenté entraînant nullité. Le mariage est jugé par le juge ecclésiastique, qui peut en établir la validité et donc la légitimité des enfants (Landrecht art. 377). Mais ses conséquences patrimoniales ou ses violations – adultère, abandon de domicile conjugal ou désertion – relèvent de la compétence du juge séculier.
Le mariage procède du consentement des époux et des parents. Mais il est valide dès la consommation (copulatio) par des époux âgés de 14 ans et des épouses âgées de 12 ans (Landrecht art. 53).
Le mariage se déroule devant témoins. Ce sont eux qui seront garants du mariage en cas de contestation. L’article 319 du code cite décrit la formule de mariage prononcée par la femme : « Herr, ich bin frei von allen meinen Vorfahren her, seid ihr mein Standesgenossen, nehme ich euch gern » ; à cette promesse, le conjoint répond par une formule analogue. Les conjoints doivent tous deux être libres.
La serve qui se marie avec un libre peut être émancipée et ses enfants seront libres. Mais la femme libre qui se marie avec un serf perd sa liberté et ses enfants seront serfs (Landrecht art. 67-68). Rapt, viol, différences de statut, tromperie sur le statut, entraînent dissolution ou divorce et des pénalités très lourdes, voire la mort.
Le régime matrimonial aux XIIIe et XIVe siècles
La dot avait été le critère déterminant du mariage en droit romain, qui le distinguait du concubinage. Dans les leges germaniques, le mot dot désigne le Munt que verse l’époux à la famille de l’épouse, pour prix du passage de celle-ci dans sa propre famille. Il ne fallait pas le confondre avec la Morgengabe, que l’époux verse à l’épouse au lendemain du mariage consommé. La Morgengabe traduit en droit français par « don matutinal » est la donation que fait le mari au lendemain des noces désormais consacrées par la copula carnalis (Landesrecht art. 25). La Morgengabe est un bien réservé à la veuve en cas de prédécès du mari, d’où sa confusion avec le Widthuum, terme absent du Schwabenspiegel.
Le régime matrimonial commun du Schwabenspiegel est celui de la communauté réduite aux acquêts. En l’absence de testament, et de dissolution du mariage par décès, la veuve reprend ses apports, en particulier son trousseau (Heimsteuer), sa Morgengabe et la moitié des biens mobiliers, qu’elle partage avec ses enfants. Elle passe, si elle l’accepte, sous la tutelle de son fils aîné (Landrecht art. 27). Cette législation est celle d’une partie des dispositions matrimoniales coutumières d’Alsace, en particulier, celles dites « de la plaine » (voir : Coutume, Donations nuptiales).
Le régime du nord de l’Alsace est illustré par les dispositions du VIe statut de Strasbourg de 1322. Le régime matrimonial commun est également celui de la communauté aux acquêts. En cas de prédécès d’un des conjoints, ces derniers sont partagés entre le conjoint survivant et les enfants. Si c’est la mère qui décède, père et enfants hériteront du tiers de la masse – immeubles et meubles – des acquêts, le père conservant les deux-tiers. Et si c’est le père, la mère et les enfants se partageront les deux tiers de la masse, la mère en conserve un tiers (art. 310-311). Mais le statut strasbourgeois introduit une exception analogue à celle relevée par le Schwabenspiegel : « En cas de prédécès du père, la veuve prendra prioritairement le trousseau qui lui appartient et les bijoux jusqu’à concurrence de 5 livres strasbourgeoises et pas plus ». Et le mari prendra ce qui lui appartient, vêtements, armes, outils, jusqu’à concurrence de 5 livres. Il s’agit là de l’application de la distinction entre Schwerttheil (part de l’épée paternelle) et Spindeltheil (part du rouet).
Le rituel religieux commun avant la Réforme : le mariage en 1490
Dans les provinces ecclésiastiques du sud-ouest du Saint Empire, le mariage continue d’être une cérémonie civile et familiale, qui peuvent d’ailleurs donner lieu à une bénédiction par le prêtre. Les bans de mariage doivent être proclamés au cours de la messe, mais leur absence n’entraîne pas la nullité d’un mariage que l’on dit « contractae per seipsos ».
L’Agenda parochialum ecclesiarum Argentinensis diocesis de 1490, promulgué avant la Réforme protestante strasbourgeoise de 1530 et avant le Concile de Trente marque une étape importante dans l’évolution du mariage.
Les fiançailles religieuses, cérémonie qui accompagne la proclamation des bans et ouvre la période qui doit s’achever par la bénédiction nuptiale, apparaissent dans les rituels au courant du XVIe siècle. On n’en retrouve pas trace dans l’Agende de Strasbourg de 1490 (Agenda parochialum ecclesiarum Argentinensis diocesis 1490, Levresse P-R AEA 1980, 121-125). L’Agende prévoit cependant une interrogation discrète, pendant la confession, sur d’éventuels empêchements de mariage, en particulier auprès de ceux qui seraient déjà mariés (seipsos contraherint) et qui souhaitaient « régulariser ».
Le mariage proprement dit (Solemnisatio Matrimonii) a lieu devant le parvis de l’église. Il s’articule en plusieurs moments. Le premier est celui de l’examen et de la donation réciproque avec jonction des mains, – qui est le cœur du sacrement – puis de la remise de l’anneau, qui sont suivis de la messe de mariage qui se clôt par la bénédiction des mariés.
Le prêtre s’adresse aux fiancés dans leur langue maternelle (lingua materna) : Ir wellen ingon den stat der heiligen ee. Und begeren das die bestetiget werde in angesicht der heiligen kyrchen? Responsio: wir begerens.
Le prêtre s’adresse à l’assistance qu’il interroge : « Si quelqu’un connait un empêchement à la célébration de cette cérémonie, qu’il le dise ». Puis le prêtre joint les mains des conjoints. Mais c’est le mari qui s’adresse à sa femme : ich nim dich N. zu miner eefrowen. Et celle-ci répond : Und ich nim dich N. zu minem eeman.
Puis a lieu la remise de l’anneau (suburratio annuli). Il n’est pas fait mention de bénédiction de l’anneau et il semble bien n’en avoir qu’un. En conclusion, le prêtre prononce : Matrimonium, per vos contractum, ego confirmo in nomine patris et filii et spiritus sancti. Amen. Ce sont bien les mariés qui se sont donnés le sacrement que le curé se contente de « confirmer ».
Puis a lieu, dans l’église, la messe de mariage (missa super sponsum et sponsam), dont les textes figurent dans les missels. Dans le Missale Argentinense de 1486 (BSB, Ink M 413, contemporain de l’Agende), le prêtre a le choix entre deux évangiles, celui de Matthieu sur l’indissolubilité du mariage, – ais le texte s’arrête avant l’incise sur le cas d’adultère – et celui sur les noces de Cana, qui est le seul proposé dans le Missale Basiliense de 1483 (BSB Ink M. 420). Dans le Missale Argentinense de 1520 (GB), le seul évangile proposé est celui de Matthieu.
Comme dans les diocèses germaniques, la bénédiction nuptiale a lieu après la messe. Les époux viennent s’agenouiller devant l’autel et le prêtre procède la bénédiction sur les mariés. Il n’y a pas de bénédiction nuptiale pour les secondes noces précise l’Agenda et les Missels strasbourgeois et bâlois. À partir de la fin du XVe siècle, le mariage religieux se généralise.
La fin du Moyen Âge et l’Époque moderne
La crise du mariage
Strasbourg et l’Alsace prennent part aux grands débats qui agitent le monde européen et germanique des XVe et XVIe siècle et qui vont déboucher dans la Réforme.
La Ville a cosigné nombre de Gravamina (plaintes) présentées aux Diètes d’Empire sur la crise de la chrétienté. Parmi elles, le mécontentement devant le relâchement des mœurs, contre lequel il faut réagir. En 1524, à la Diète d’Ulm, Strasbourg présente douze articles à débattre devant un concile national. Parmi eux, le mariage des clercs, l’abolition des ordres religieux et le caractère sacramentel du mariage.
Ce que l’on remet en cause, dans le droit du mariage, c’est le droit canonique et la juridiction des officialités. Familles et Magistrat s’insurgent contre les mariages « privés » ou « clandestins », contractés sans leur accord mais reconnus valides dès qu’il est consommé, et exigent un contrôle plus important. L’évêque de Strasbourg, dans son Agende de 1480, insiste sur la nécessité de la publicité du mariage, avec la publication des bans et le consentement prononcé devant le prêtre (Trauung), sans être fort bien écouté.
La première ordonnance matrimoniale de Strasbourg de 1530 le souligne expressément, en interdisant le mariage « alleynig zwischen inen selbst » des jeunes gens de moins 25 ans et des jeunes filles de moins de 20 ans, sans l’autorisation des parents et familles qui les plongent dans la discorde et la haine en cas de dissolution par prédécès. À la fin du siècle, le statut de Sélestat relatif aux « Eheberednungen » évoquent cette ancienne et mauvaise habitude de se marier civilement avec parents et amis, mais de ne pas confirmer, sans qu’on sache, en cas de prédécès comment opérer successions ou usufruits. Statuts urbains, ordonnances matrimoniales, études de démographie historique ont souligné l’importance du remariage religieux des veufs ou veuves, quand elles/ils se remarient officiellement : entre 25 à 30% des mariages.
Mais les doctrines elles-mêmes sont remises en cause. Erasme, en particulier, conteste la doctrine canonique du mariage, mettant en relief les hésitations des théologiens antérieurs sur son caractère « sacramentel », dispensateur de grâces. Les théologiens de la Réforme adopteront tous une définition étroite du sacrement. Luther emprunte nombre de ses arguments à Erasme. Le caractère « sacramentel » du mariage n’a pas de fondement dans l’Écriture. La séparation de corps prévue par le droit canonique contraint au célibat, ce que ne recommande pas l’Écriture, qui admet le divorce pour adultère. Enfin, le mariage est d’abord chose civile (Weltlich Ding), et il doit être réglementé par les autorités civiles, ne serait-ce que pour éviter les « mariages clandestins ». Ce point de vue est généralement celui des Réformateurs, qui renvoient au droit romain et au Code Justinien.
La Réforme en Alsace
Strasbourg
De 1521 à 1523, sous l’impulsion d’une partie de son clergé, l’opinion strasbourgeoise est gagnée à la Réforme : le mariage des clercs, la sécularisation des couvents, la municipalisation du droit et de la juridiction du mariage. Il est d’abord pris en charge par le groupe des curés devenus pasteurs, et dès 1524, le groupe des pasteurs les plus influents de la ville prononcent le premier divorce. En 1529, le Magistrat décide la suppression de la messe et confirme ainsi le ralliement définitif de la ville à la Réforme.
Suivant l’exemple de Zurich datant de 1524, et tout comme Bâle, Strasbourg institue un tribunal matrimonial, composé de juges compétents, désignés par les Conseils de la Ville, pour toutes les affaires matrimoniales (Ehegericht).
En 1530, le Magistrat promulgue une ordonnance sur le droit matrimonial (Eheordnung). Elle insiste sur l’importance religieuse du mariage : le mariage a été institué par Dieu tout puissant, Notre Seigneur, et confirmé par Jésus-Christ, notre sauveur, il convient cependant, dans les affaires pratiques de mariage, de demeurer dans la crainte de Dieu. En 1534, les pasteurs font adopter une ordonnance ecclésiastique (Kirchenordnung) qui comprend un passage sur le cérémonial du mariage : il devient un moment capital dans l’évolution du mariage protestant, en particulier pour déceler les empêchements, éviter les « mariages clandestins », tous les cas qui peuvent être cités devant l’Ehegericht. Une ordonnance de 1560, publiée en 1565, précise les empêchements pour consanguinité. L’ordonnance générale de 1598 codifie l’ensemble de ces règlements particuliers.
Les villes ralliées à la Réforme protestante
Ralliée à la Réforme, Colmar connut de 1581 à 1628 un tribunal matrimonial qui appliquait une ordonnance matrimoniale proche de celle de Strasbourg. Après le rattachement à la France, les affaires matrimoniales, y compris les divorces, relèvent du Consistoire de Colmar (Véron-Réville). Quant à Mulhouse, la ville applique et suit l’ordonnance de Bâle (1534), fort proche de celle de Strasbourg.
Principautés et seigneuries protestantes
Le comté du Hanau-Lichtenberg, celui de Horbourg-Wihr et la seigneurie de Riquewihr appliquèrent les ordonnances matrimoniales du Wurtemberg de 1537 et de 1553. Elles prévoyaient la possibilité d’un divorce pour cause d’adultère, qui entraînait la sanction du coupable, ou pour l’abandon du domicile conjugal (désertion). Le texte wurtembergeois de 1553 aborde la question de l’incompatibilité d’humeur ou de difficultés de cohabitation, mais il ne prévoit qu’une conciliation devant le juge, lui laissant en cas d’échec, la possibilité de dissoudre le mariage. Ce cas est également prévu par l’ordonnance matrimoniale de l’Électeur palatin de 1554, appliquée également à Landau et à Deux-Ponts. L’interdiction faite en 1690 aux juges strasbourgeois de prononcer des divorces vaut pour tous les sujets protestants alsaciens du roi, selon un arrêt du Conseil_souverain de 1716, annulant un divorce prononcé par le consistoire de Landau, ville entrée en 1511 dans la Ligue des villes alsaciennes et soumise en tant que telle au roi de France par le traité de Munster de 1648. Cet arrêt, il est vrai, n’est pas toujours respecté par les consistoires, car à l’exception de celui de Strasbourg, bien surveillé, les consistoires prononcent encore quelques divorces après cette date (Pagny-Ber).
La Contre-Réforme catholique : le Concile de Trente
En 1563, le Concile de Trente adopte le Décret Tametsi sur le sacrement de mariage. Il réaffirme la pleine compétence de l’Église sur la législation et la réglementation et le jugement du mariage chrétien : indissolubilité, empêchements. Le mariage procède du consentement des mariés qui se prennent en mariage, mais il doit être public – devant un prêtre et trois témoins – et être précédé de bans. La séparation peut être prononcée pour adultère, désertion et absence définitive, mais sans possibilité de remariage. La réception des décrets conciliaires par les États entraînait pour eux l’obligation de les appliquer dans leurs législations. Ce fut le cas de l’empereur Ferdinand II, mais elle ne pouvait pas avoir d’effets pour l’ensemble de l’Empire, divisé entre protestants et catholiques. La Ville de Strasbourg s’oppose à la publication du concile, pour la ville et pour ses bailliages ruraux (1586). La France de Henri III refusa de publier tels quels les décrets du concile, mais les reprend en promulguant l’édit de Blois de 1579. L’assemblée générale du clergé de France les inscrit en 1615.
Les instances juridictionnelles : officialités, Ehegerichte
Les contraventions au mariage
Le contentieux du mariage n’est pas le principal objet des officialités catholiques, tribunaux ecclésiastiques. L’officialité de Strasbourg n’a été saisie que de 1036 mariages de 1685 à 1788, alors que l’on contracte de 400 à 450 mariages par an