Maraîchers (Colmar) : Différence entre versions
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− | Les métiers agricoles (terre, vigne, [[Jardin|jardins]]) occupent une place importante dans les villes médiévales et modernes alsaciennes. Ils sont souvent organisés en [[Corporation|corporations]] et prennent une part importante au gouvernement des villes. Une enquête non exhaustive relève la présence de corporations de [[Laboureur|laboureurs]] (''[[Ackerleute]]'') dans 6 villes alsaciennes (Colmar, Landau, Mulhouse, Munster, Rouffach, Sélestat), de corporations de [[Vignerons|vignerons]] (''[[Rebleute]]'', ''[[Winzer]]'') dans 14 villes (Bergheim, Colmar, Guebwiller, Kaysersberg, Kientzheim, Landau, Mulhouse, Obernai, Rouffach, Saverne, Sélestat, Thann, Turckheim, Wissembourg), et de [[Jardiniers|jardiniers]], maraîchers ou horticulteurs (''[[Gärtner]]'') dans 4 villes, Haguenau, Sélestat, Strasbourg et Colmar. | + | Les métiers agricoles (terre, vigne, [[Jardin|jardins]]) occupent une place importante dans les villes médiévales et modernes alsaciennes. Ils sont souvent organisés en [[Corporation|corporations]] et prennent une part importante au gouvernement des villes. Une enquête non exhaustive relève la présence de corporations de [[Laboureur|laboureurs]] (''[[Ackerleute|Ackerleute]]'') dans 6 villes alsaciennes (Colmar, Landau, Mulhouse, Munster, Rouffach, Sélestat), de corporations de [[Vignerons|vignerons]] (''[[Rebleute|Rebleute]]'', ''[[Winzer|Winzer]]'') dans 14 villes (Bergheim, Colmar, Guebwiller, Kaysersberg, Kientzheim, Landau, Mulhouse, Obernai, Rouffach, Saverne, Sélestat, Thann, Turckheim, Wissembourg), et de [[Jardiniers|jardiniers]], maraîchers ou horticulteurs (''[[Gärtner|Gärtner]]'') dans 4 villes, Haguenau, Sélestat, Strasbourg et Colmar. |
Dans la plupart des villes, les corporations de métiers agricoles y rassemblent la grande majorité des [[Maître_d'un_métier_de_l'artisanat|maîtres]]. C’est le cas à Colmar. | Dans la plupart des villes, les corporations de métiers agricoles y rassemblent la grande majorité des [[Maître_d'un_métier_de_l'artisanat|maîtres]]. C’est le cas à Colmar. | ||
− | Le maraîchage a tenu une place non négligeable dans l’économie colmarienne. Mentionnée dès le début du XIII<sup>e</sup> siècle, la Krutenau, cette terre humide où l’on cultive le chou, en illustre l’ancienneté. La corporation des jardiniers (''[[Gärtner]]'') est relevée dans la première liste des vingt corporations de 1356 et elle est toujours présente lors de la réduction des corporations de vingt à dix en 1521. Elle a son poêle, au Dévidoir « ''zum Haspel ''», maison située au bas de la rue des Juifs. | + | Le maraîchage a tenu une place non négligeable dans l’économie colmarienne. Mentionnée dès le début du XIII<sup>e</sup> siècle, la Krutenau, cette terre humide où l’on cultive le chou, en illustre l’ancienneté. La corporation des jardiniers (''[[Gärtner|Gärtner]]'') est relevée dans la première liste des vingt corporations de 1356 et elle est toujours présente lors de la réduction des corporations de vingt à dix en 1521. Elle a son poêle, au Dévidoir « ''zum Haspel ''», maison située au bas de la rue des Juifs. |
Dans la ville, c’est le quartier autour de la place Turenne qui semble concentrer les habitations des Jardiniers, alors que les exploitations des [[Laboureur|Laboureurs]] sont plus volontiers installées dans le quartier de la ''Deinheimer Vorstadt''. Les exploitations maraîchères s’étendent dans toute la ville et en particulier dans les grands jardins des nombreux [[Couvent|couvents]]. | Dans la ville, c’est le quartier autour de la place Turenne qui semble concentrer les habitations des Jardiniers, alors que les exploitations des [[Laboureur|Laboureurs]] sont plus volontiers installées dans le quartier de la ''Deinheimer Vorstadt''. Les exploitations maraîchères s’étendent dans toute la ville et en particulier dans les grands jardins des nombreux [[Couvent|couvents]]. | ||
− | Et l’importante [[Ban-Banlieue|banlieue]] de Colmar, avec ses champs, propriétés de couvents, de nobles et de bourgeois, loués aux agriculteurs contre [[Dîme|dîme]] et [[Cens|cens]], semble répartie entre leurs corporations. Les viticulteurs concentrent leurs terres dans la Harth, les terres maraîchères s’étendent au sud et au sud-est, entre la ville et la forêt du Neuland (lieux-dits Semm, Noehlen, Silberrunz, Niederau, Landwasser). Le premier registre du conseil (''Rotbuch'') mentionne en 1364, les jardins de l’Au, sol alluvial propice à la culture des légumes. Les jardiniers produisent toute sorte de légumes, entre autres, des choux, des oignons et des radis. En 1436, le [[Conseil]] leur interdit de les laver dans les eaux des [[Fossé|fossés]] de la ville. | + | Et l’importante [[Ban-Banlieue|banlieue]] de Colmar, avec ses champs, propriétés de couvents, de nobles et de bourgeois, loués aux agriculteurs contre [[Dîme|dîme]] et [[Cens|cens]], semble répartie entre leurs corporations. Les viticulteurs concentrent leurs terres dans la Harth, les terres maraîchères s’étendent au sud et au sud-est, entre la ville et la forêt du Neuland (lieux-dits Semm, Noehlen, Silberrunz, Niederau, Landwasser). Le premier registre du conseil (''Rotbuch'') mentionne en 1364, les jardins de l’Au, sol alluvial propice à la culture des légumes. Les jardiniers produisent toute sorte de légumes, entre autres, des choux, des oignons et des radis. En 1436, le [[Conseil|Conseil]] leur interdit de les laver dans les eaux des [[Fossé|fossés]] de la ville. |
− | Les ''Gärtner'', comme les autres corporations agricoles, ont recours pour leurs exploitations à l’importante main-d’œuvre des « journaliers ». Ceux-ci peuvent se faire embaucher par les maîtres d’autres corporations, mais sont inscrits dans la corporation des ''Gärtner'', ainsi que des moissonneurs (allemand ?) et grainetiers (''[[Kornleute]]''). Ils doivent être obligatoirement habitants de Colmar, et ne doivent être ni nourris ni logés par les maîtres. | + | Les ''Gärtner'', comme les autres corporations agricoles, ont recours pour leurs exploitations à l’importante main-d’œuvre des « journaliers ». Ceux-ci peuvent se faire embaucher par les maîtres d’autres corporations, mais sont inscrits dans la corporation des ''Gärtner'', ainsi que des moissonneurs (allemand ?) et grainetiers (''[[Kornleute|Kornleute]]''). Ils doivent être obligatoirement habitants de Colmar, et ne doivent être ni nourris ni logés par les maîtres. |
− | Assurant l’approvisionnement de la population locale, les jardiniers proposent leurs produits en 1450 à l’intérieur du [[Cimetière|cimetière]], à côté de l’église Saint-Martin, puis un siècle plus tard, ils s’installent près du couvent des [[Franciscains]] lors du marché hebdomadaire du jeudi. Au XVIII<sup>e</sup> siècle, durant les jours de [[Foires|foire]], les choux et les pommes de terre se vendent au faubourg de Bâle, entre la Saint-Martin et Noël ; les autres légumes sont proposés dans la Grand-rue, depuis la maison des Arcades jusqu’au pont des Bouchers. Au début du XIX<sup>e</sup> siècle, les légumes se vendent sur la place royale (actuelle place du Marché aux fruits). La rue Turenne accueille les étals des jardiniers proposant des choux, des betteraves et des navets tandis que les pommes de terre se négocient sur la place de la Cavalerie (actuelle place Scheurer-Kestner). La présence des jardiniers colmariens est également attestée sur les marchés et foires régionaux comme à Mulhouse, à la foire de Saint-André à Guebwiller, à Vieux Brisach ainsi que sur les marchés de la proche région colmarienne. | + | Assurant l’approvisionnement de la population locale, les jardiniers proposent leurs produits en 1450 à l’intérieur du [[Cimetière|cimetière]], à côté de l’église Saint-Martin, puis un siècle plus tard, ils s’installent près du couvent des [[Franciscains|Franciscains]] lors du marché hebdomadaire du jeudi. Au XVIII<sup>e</sup> siècle, durant les jours de [[Foires|foire]], les choux et les pommes de terre se vendent au faubourg de Bâle, entre la Saint-Martin et Noël ; les autres légumes sont proposés dans la Grand-rue, depuis la maison des Arcades jusqu’au pont des Bouchers. Au début du XIX<sup>e</sup> siècle, les légumes se vendent sur la place royale (actuelle place du Marché aux fruits). La rue Turenne accueille les étals des jardiniers proposant des choux, des betteraves et des navets tandis que les pommes de terre se négocient sur la place de la Cavalerie (actuelle place Scheurer-Kestner). La présence des jardiniers colmariens est également attestée sur les marchés et foires régionaux comme à Mulhouse, à la foire de Saint-André à Guebwiller, à Vieux Brisach ainsi que sur les marchés de la proche région colmarienne. |
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SITTLER (Lucien), « Les Corporations et l’organisation du travail à Colmar jusqu’au début du XVII<sup>e</sup> siècle », ''Artisans et ouvriers d’Alsace'', 1965, p. 47-77. | SITTLER (Lucien), « Les Corporations et l’organisation du travail à Colmar jusqu’au début du XVII<sup>e</sup> siècle », ''Artisans et ouvriers d’Alsace'', 1965, p. 47-77. | ||
− | IMBS (Anne-Marie), « Tableau des corporations alsaciennes XIV<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles », ''Artisans et ouvriers d’Alsace'', 1965, p. 35-45. | + | IMBS (Anne-Marie), « Tableau des corporations alsaciennes XIV<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles », ''Artisans et ouvriers d’Alsace'', 1965, p. 35-45. |
SITTLER (Lucien), « Colmar au XVI<sup>e</sup> siècle », ''Annuaire de Colmar'', 25, 1975-1976. | SITTLER (Lucien), « Colmar au XVI<sup>e</sup> siècle », ''Annuaire de Colmar'', 25, 1975-1976. | ||
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== Notices connexes == | == Notices connexes == | ||
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Version du 14 octobre 2021 à 09:47
Les métiers agricoles (terre, vigne, jardins) occupent une place importante dans les villes médiévales et modernes alsaciennes. Ils sont souvent organisés en corporations et prennent une part importante au gouvernement des villes. Une enquête non exhaustive relève la présence de corporations de laboureurs (Ackerleute) dans 6 villes alsaciennes (Colmar, Landau, Mulhouse, Munster, Rouffach, Sélestat), de corporations de vignerons (Rebleute, Winzer) dans 14 villes (Bergheim, Colmar, Guebwiller, Kaysersberg, Kientzheim, Landau, Mulhouse, Obernai, Rouffach, Saverne, Sélestat, Thann, Turckheim, Wissembourg), et de jardiniers, maraîchers ou horticulteurs (Gärtner) dans 4 villes, Haguenau, Sélestat, Strasbourg et Colmar.
Dans la plupart des villes, les corporations de métiers agricoles y rassemblent la grande majorité des maîtres. C’est le cas à Colmar.
Le maraîchage a tenu une place non négligeable dans l’économie colmarienne. Mentionnée dès le début du XIIIe siècle, la Krutenau, cette terre humide où l’on cultive le chou, en illustre l’ancienneté. La corporation des jardiniers (Gärtner) est relevée dans la première liste des vingt corporations de 1356 et elle est toujours présente lors de la réduction des corporations de vingt à dix en 1521. Elle a son poêle, au Dévidoir « zum Haspel », maison située au bas de la rue des Juifs.
Dans la ville, c’est le quartier autour de la place Turenne qui semble concentrer les habitations des Jardiniers, alors que les exploitations des Laboureurs sont plus volontiers installées dans le quartier de la Deinheimer Vorstadt. Les exploitations maraîchères s’étendent dans toute la ville et en particulier dans les grands jardins des nombreux couvents.
Et l’importante banlieue de Colmar, avec ses champs, propriétés de couvents, de nobles et de bourgeois, loués aux agriculteurs contre dîme et cens, semble répartie entre leurs corporations. Les viticulteurs concentrent leurs terres dans la Harth, les terres maraîchères s’étendent au sud et au sud-est, entre la ville et la forêt du Neuland (lieux-dits Semm, Noehlen, Silberrunz, Niederau, Landwasser). Le premier registre du conseil (Rotbuch) mentionne en 1364, les jardins de l’Au, sol alluvial propice à la culture des légumes. Les jardiniers produisent toute sorte de légumes, entre autres, des choux, des oignons et des radis. En 1436, le Conseil leur interdit de les laver dans les eaux des fossés de la ville.
Les Gärtner, comme les autres corporations agricoles, ont recours pour leurs exploitations à l’importante main-d’œuvre des « journaliers ». Ceux-ci peuvent se faire embaucher par les maîtres d’autres corporations, mais sont inscrits dans la corporation des Gärtner, ainsi que des moissonneurs (allemand ?) et grainetiers (Kornleute). Ils doivent être obligatoirement habitants de Colmar, et ne doivent être ni nourris ni logés par les maîtres.
Assurant l’approvisionnement de la population locale, les jardiniers proposent leurs produits en 1450 à l’intérieur du cimetière, à côté de l’église Saint-Martin, puis un siècle plus tard, ils s’installent près du couvent des Franciscains lors du marché hebdomadaire du jeudi. Au XVIIIe siècle, durant les jours de foire, les choux et les pommes de terre se vendent au faubourg de Bâle, entre la Saint-Martin et Noël ; les autres légumes sont proposés dans la Grand-rue, depuis la maison des Arcades jusqu’au pont des Bouchers. Au début du XIXe siècle, les légumes se vendent sur la place royale (actuelle place du Marché aux fruits). La rue Turenne accueille les étals des jardiniers proposant des choux, des betteraves et des navets tandis que les pommes de terre se négocient sur la place de la Cavalerie (actuelle place Scheurer-Kestner). La présence des jardiniers colmariens est également attestée sur les marchés et foires régionaux comme à Mulhouse, à la foire de Saint-André à Guebwiller, à Vieux Brisach ainsi que sur les marchés de la proche région colmarienne.
Nom du poêle - Stube | Nom de la corporation - tribu | Première moitié du XVIe siècle | 1554 | 1619 |
Sans nom
|
Laboureurs
|
167
|
162
|
143
|
Vignerons Zum Rothen Löwe
|
Vignerons (Rebleute)
|
203
|
222
|
190
|
Au Dévidoir Zum Haspel
|
Jardiniers (Gärtner) Grainetiers (Kornleute)
|
126
|
152
|
66 |
À la Fidélité Zur Treue
|
Marchands (Kaufleute) Merciers (Krämer) Tailleurs (Schneider) Passementiers (Passamentmacher) Boursiers (Säckler) Vitriers (Glaser)
|
78
|
96
|
117
|
Au Géant Zum Riesen
|
Aubergistes (Wirte) Tonneliers (Kiefer) Tourneurs (Dreher) Cuveliers (Kübler) Baigneurs, barbiers/chirurgiens (Bader)
|
62
|
65
|
105
|
Au Lion Zum Löwen
|
Bouchers (Metzger) Pêcheurs (Fischer)
|
54
|
50
|
49
|
À l’Aigle Zum Adler
|
Tisserands (Weber) Pelletiers (Kürschner) Chapeliers (Hutmacher) Cordiers (Seiler) Teinturiers (Färber) Blanchisseurs (Bleicher) Bonnetiers (Kappenmacher)
|
58
|
50
|
64
|
À la bonne vie Zum Wohlleben
|
Cordonniers (Schuhmacher) Tanneurs (Gerber) Selliers (Sattler)
|
53
|
55
|
56
|
Au Sureau Zum Holderbaum
|
Maçons (Maurer) Charpentiers (Zimmerleute) Tailleurs de pierre (Steinmetze) Tuiliers (Ziegler) Menuisiers (Schreiner) Charrons (Wagner) Serruriers (Schlosser) Forgerons (Schmidte) Ciseleurs (Ciselirer) Armuriers (Büchsenschmidte) Orfèvres (Goldschmidte) Potiers (Hafner) Chaudronniers (Kessler)
|
100 | 98
|
131
|
À la Couronne Zum Kränzchen
|
Boulangers (Becker, Hausfeurer) Meuniers (Müller)
|
54
|
51
|
91 |
Ensemble maîtres | 955 | 984 | 1012 |
Bibliographie
SITTLER Lucien, Les maraîchers de Colmar au cours des siècles, 14e Congrès national des maraîchers, Colmar, 13-16 septembre 1962.
SITTLER (Lucien), « Les Corporations et l’organisation du travail à Colmar jusqu’au début du XVIIe siècle », Artisans et ouvriers d’Alsace, 1965, p. 47-77.
IMBS (Anne-Marie), « Tableau des corporations alsaciennes XIVe et XVIIIe siècles », Artisans et ouvriers d’Alsace, 1965, p. 35-45.
SITTLER (Lucien), « Colmar au XVIe siècle », Annuaire de Colmar, 25, 1975-1976.
BRAEUNER (Gabriel), LICHTLÉ (Francis), Dictionnaire historique de Colmar, 2006, p. 182.
Notices connexes
Lanterne (Luzern) Corporation (À la)
Francis Lichtlé