Pénitentes de Sainte-Madeleine

De DHIALSACE
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Repenties, Büsserinnen der Heiligen Magdalena, Reuerinnen, Poenitentes

Fondation de l’ordre et fonctionnement

L’ordre des Pénitentes a été créé par Rudolf, chanoine de Hildesheim, pour d’anciennes prostituées, et approuvé par le pape Grégoire IX en 1227. On les appelait également Büsserinnen der Heiligen Magdalena ou Weisse Frauen, à cause de leur habit blanc.

L’ordre des Pénitentes ou de Sainte-Madeleine est dirigé par un prévôt général (Generalpropst). Chaque année, un chapitre général est organisé pour l’ensemble de l’ordre. Chaque couvent est sous les ordres d’un prieur (Prior) qui veille sur les affaires tant spirituelles que temporelles de l’institution. Les tâches du prieur ne se limitent pas à la confession et la prédication. Il est le véritable supérieur de la maison. La prieure, élue par les sœurs, lui est soumise.

Au départ, l’ordre de Sainte-Madeleine suit la règle de saint Benoît et les constitutions de l’ordre de Cîteaux de 1227, puis, à partir de 1232, celle de saint Augustin et les constitutions de Saint-Sixte de Rome (ordre de Saint-Dominique). Les manquements à la règle sont sévèrement punis. La consommation de viande est interdite, sauf aux malades. Il n’y a qu’un repas par jour la plus grande partie de l’année. Deux repas sont autorisés entre Pâques et l’Élévation de la Croix (14 septembre), mis à part le vendredi. Une paillasse et une couverture constituent le lit de la nonne qui couche dans son habit religieux. Le temps qui n’est pas consacré à la prière est dédié aux travaux. Le silence est de règle. Parler n’est toléré qu’au parloir, dont les fenêtres sont munies d’une grille. Il en va de même pour la salle capitulaire et la salle de travail. La clôture est stricte : même à l’église, les sœurs assistent au prêche derrière une grille. Les religieuses ne sont autorisées à quitter le couvent qu’en cas de guerre, d’incendie, d’inondation ou de famine. En plus des sœurs conventuelles, il y a aussi des converses et des sœurs laies.

L’ordre des Pénitentes en Alsace

L’ordre des Pénitentes n’a essaimé qu’en Allemagne. Il compte 49 maisons au XIIIe siècle, dont quatre en Alsace, à Haguenau, Wissembourg, au Crontal et à Strasbourg. Les couvents du Crontal et de Wissembourg, fondés respectivement avant 1246 et vers 1260, semblent avoir eu une existence éphémère. Par contre, celui de Haguenau, créé vers 1300, durera jusqu’en 1572. Quant au couvent des Repenties de Strasbourg, il survivra à la Réforme et ne sera fermé qu’à la Révolution. Des dix couvents de femmes qui s’établissent à Strasbourg au XIIIe siècle, celui des Pénitentes est le plus ancien. Il s’installe hors des murs de la ville au Waseneck au plus tard en 1227. Dans les années qui suivent, sept couvents de Dominicaines et deux de Clarisses viennent compléter l’infrastructure religieuse de la ville – sans oublier les neuf couvents masculins qui apparaissent durant la même période (deux autres suivront au XIVe siècle).

Le couvent de Strasbourg

Dans un premier temps, le couvent est établi à l’extérieur de la Porte des Juifs, au Waseneck. Les débuts sont modestes. En 1232, le pape Grégoire IX accorde une indulgence de 40 jours à tous ceux qui soutiennent la jeune institution. L’année suivante, Humbert Zideler, un ministériel de l’évêque de Strasbourg, qui a déjà donné le terrain au Waseneck, fait une donation conséquente à l’ordre. D’autres donations suivront. Très rapidement, dès le milieu du XIIIe siècle, le recrutement du couvent évolue. Les femmes de mauvaise vie sont remplacées par des filles de familles strasbourgeoises.

Dans les années 1280, un violent conflit éclate entre le prévôt général de l’ordre prénommé Witicho et les Pénitentes de Strasbourg. Ces dernières, avec l’aide de l’évêque de Strasbourg, tentèrent de passer à l’ordre dominicain. En 1281, l’évêque Conrad demande aux Dominicains d’exercer le ministère spirituel auprès des Pénitentes. Ce transfert ne fait pas l’unanimité au sein du couvent, qu’un certain nombre de sœurs choisit de quitter, alors que d’autres refusent de porter l’habit dominicain. Lorsqu’en 1287, tous les couvents de Pénitentes d’Allemagne sont incorporés à l’ordre dominicain, la situation est particulièrement tendue à Strasbourg à l’égard de cet ordre. En effet, en mai 1287, les Dominicains sont expulsés de Strasbourg à l’initiative du Magistrat, ce qui entraîne la mise sous interdit de la ville, mesure qui durera jusqu’en 1290. Dans ce conflit, les Pénitentes se mettront du côté des Franciscains, contre les Dominicains. En 1291, l’incorporation des couvents de Pénitentes est levée pour l’ensemble de l’Allemagne. Les Pénitentes strasbourgeoises restent désormais liées à leur ancien ordre, même s’il y aura une autre tentative d’incorporation à l’ordre dominicain au XVe siècle.

Dans la première moitié du XIVe siècle, les sources ne livrent que des chartes de donation, de fondations d’anniversaires, de prébendes et des actes concernant les biens. À cette époque, la vie conventuelle semble relativement exempte de conflits. Mais dès la seconde moitié du XIVe siècle, la règle ne semble plus respectée dans toute sa rigueur, car certaines religieuses possèdent des biens personnels. À la fin de ce siècle, le contrôle de la ville sur le couvent s’exerce par l’intermédiaire d’administrateurs (pfleger) laïcs.

En 1437, la prieure et la majorité des sœurs du couvent, soutenues par le Magistrat, souhaitent une réforme du couvent. Le Dominicain Peter von Gengenbach est chargé de la mettre en œuvre. Mais la tentative de ce dernier se heurte à l’opposition de certaines sœurs qui quittent le couvent. Peter von Gengenbach fait alors venir à Strasbourg des Dominicaines étrangères qui remplacent la prieure des Pénitentes, la sous-prieure et d’autres religieuses occupant des fonctions au sein du couvent, qu’il a destituées. Les relations entre ces religieuses étrangères et les Pénitentes restées sur place sont tendues. De surcroît, les membres du Magistrat, qui initialement avaient soutenu la réforme, s’insurgent contre l’introduction d’étrangères à Sainte-Madeleine. Ils se plaignent que désormais ce sont ces étrangères qui jouissent des biens du couvent qu’eux et leurs familles ont donnés pour leurs enfants. Finalement, la tentative d’introduire l’observance dominicaine chez les Pénitentes échoue une seconde fois. Les religieuses étrangères quittent Strasbourg. La réforme sera menée à bien par le concile de Bâle, mais dans le cadre de l’ordre des Repenties.

En 1475, devant la crainte d’une attaque de Charles le Téméraire, cinq couvents situés extra muros sont rasés et transférés intra muros, dont celui des Pénitentes. À cette époque, ce dernier compte une cinquantaine de personnes, religieuses et sœurs laies (Laïenschwestern) confondues, alors qu’il n’y avait plus que huit sœurs de chœur en 1442. Vu la faiblesse de leurs revenus, la ville leur achète le Blenkelshof (Blenklinshof) dans la rue Sainte-Madeleine (Utengasse) et leur donne une portion du communal (Traub Graben ou Taubengraben ?) pour construire un nouveau couvent. La construction de ce dernier s’étalera jusqu’à la fin des années 1480 et sera en partie financée par des indulgences. Mis à part le chœur, cette église a été détruite par un incendie en 1904. Les six fenêtres du chœur étaient dotées de vitraux réalisés par le célèbre maître verrier Peter Hemmel d’Andlau. Actuellement, trois d’entre eux sont exposés au musée de l’Œuvre Notre-Dame. Après l’incendie, un fragment d’une peinture murale représentant la Dormition de la Vierge (XVe siècle), située dans le chœur, a été découverte. Elle vient d’être restaurée et se trouve elle aussi au musée de l’Œuvre Notre-Dame. Le musée des Beaux-Arts de Dijon conserve un retable de la fin du XVe siècle, dédié à sainte Marguerite, qui provient du couvent des Pénitentes. On l’attribue au maître des ronds de Cobourg. Par ailleurs, dix panneaux d’un cycle de la Passion provenant de l’église Sainte-Madeleine sont conservés dans le chœur de l’église Saint-Pierre-le-Vieux à Strasbourg.

Depuis la réforme des années 1430, les sources insistent sur le fait que les Pénitentes respectent l’observance de leur ordre. A partir de cette date, aucune infraction contre l’abstinence, la pauvreté ou l’obéissance n’est rapportée dans les sources. Geiler de Kaysersberg disait la messe et prêchait régulièrement à Sainte-Madeleine. Ces prêches nous sont parvenus, car ils ont été notés par les religieuses. Sont également conservés d’autres manuscrits rédigés à Sainte-Madeleine à la fin du Moyen Âge (Nigel Palmer).

Lors de l’introduction de la Réforme, les religieuses de Sainte-Madeleine se défendent énergiquement contre la fermeture de leur couvent et acceptent une rente viagère et le remboursement de leur dot.

À partir de 1523 et jusqu’en 1681, les religieuses de Sainte-Madeleine subissent diverses intimidations de la part du Magistrat de Strasbourg, intimidations classiques à l’égard d’une minorité confessionnelle : défense de donner des aumônes et d’en recevoir, défense de vendre du grain, de recevoir des novices, de sonner les cloches. Quand le Magistrat leur impose un prédicateur protestant, elles réagissent en installant dans l’église de grandes poupées vêtues du costume des religieuses de leur ordre. Pour soulager les institutions d’assistance de la ville, le Magistrat envoie des malades ou des enfants à Sainte-Madeleine, favorisant ainsi sans le vouloir le couvent qu’il souhaitait voir disparaître. En 1604, le Magistrat stocke une importante quantité de poudre dans la cour du couvent. Pour se défendre contre ces agissements, les religieuses cherchent des appuis auprès de puissants personnages, entre autres auprès de l’empereur Mathias (1612-1619) et du pape Urbain VIII (1623-1644). Ce dernier nomme en 1625 l’évêque de Strasbourg, Léopold d’Autriche, conservateur de leurs biens et privilèges. Au gré des événements, la célébration de la messe dans l’église du couvent est défendue (en 1525) ou autorisée, par exemple lors de l’Intérim (1548-1552). Entre 1633 et 1637, les Dominicaines de Sainte-Marguerite sont obligées de se replier au couvent des Pénitentes. Pendant ces quatre ans, Sainte-Madeleine est le seul couvent de Strasbourg où la messe est autorisée. En 1642-1643, on y célèbre même des mariages et des baptêmes. En 1646, Gabriel Haug, le nouvel évêque-coadjuteur, administre chez les Pénitentes, les sacrements de la confirmation et de l’ordre. En 1661, les chevaliers de Saint-Jean sont accusés d’enseigner depuis quatre ans le catéchisme aux enfants dans le couvent des Pénitentes tous les dimanches.

En 1681, le rattachement de Strasbourg au royaume de France met fin au statut de minorité confessionnelle de ces religieuses. Le culte catholique est reconnu et largement favorisé par Louis XIV. Dès le 23 octobre 1681, la reine Marie-Thérèse visite le couvent. Les Capucins, qui s’installent à Strasbourg en 1681, sont désormais leurs confesseurs. Comme de nombreux autres établissements religieux au XVIIIe siècle, le couvent de Sainte-Madeleine connaît une période de renouveau. Les effectifs augmentent et se situent entre 20 et 30 religieuses tout au long de cette période. Le recrutement, issu de milieux sociaux divers, s’effectue à l’échelle de l’Alsace. À la veille de la Révolution, qui entraîne la suppression du couvent, les religieuses de Sainte-Madeleine sont 29. Dans l’obituaire du couvent, l’une des sœurs a relaté la fin de l’institution et le devenir d’une partie de ses membres. Le 29 septembre 1792, la prieure remet les clés du couvent au commissaire. Le 17 août 1794, quatorze religieuses qui étaient encore présentes à Strasbourg sont incarcérées pendant six mois pour avoir refusé de prêter serment à la constitution.

Bibliographie

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PFLEGER (Luzian), « Geschichte des Reuerinnenklosters St. Maria Magdalena in Straßburg », SPEICH (Eugen), St. Magdalena in Straßburg, p. 1-84.

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FUCHS (François-Joseph), « Les catholiques strasbourgeois de 1529 à 1681 », AEA 23, 1975, p. 141-169.

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SCHLAEFLI (Louis) et alii, L’obituaire des Pénitentes de Sainte-Madeleine de Strasbourg, Paris, 2020.

JOUEN (Camille), « Étude et conservation-restauration de la Dormition de la Vierge, fragment de peinture murale provenant de l’église Sainte-Madeleine de Strasbourg, (Vers 1480, musée de l’Œuvre Notre-Dame, Strasbourg) », Actes du colloque La peinture murale en Alsace au cœur du Rhin supérieur du Moyen Âge à nos jours, 2-5 octobre 2019, Guebwiller. À paraître.

HIRBODIAN (Sigrid), « Les religieuses à Strasbourg à la fin du Moyen Âge », Hommage à Francis Rapp,à paraître.

Notices connexes

Articles organiques des cultes catholiques

Congrégation ; Couvent

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