Noviciat (des religieux)

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Noviziat  

Période de probation (Probezeit) ou d’initiation à la vie religieuse. Par extension, ce mot a pris, dans la tradition catholique, le sens canonique du lieu, le bâtiment où se fait l’initiation (Novizienhaus).  

Noviciat, tout comme novice vient de novus, nouveau. Si tout chrétien, comme baptisé, est un « homme nouveau », selon saint Paul, Col 3, 10 (« vous avez revêtu l’homme nouveau »), c’est vrai une seconde fois lorsqu’une personne décide de suivre le Christ. La nouveauté, ainsi que le nouveau départ, se traduit, le plus souvent, par un nouveau nom, le nom de religion (voir : Nom de religion).  

La règle de saint Benoît et l’entrée dans la vie monastique

Les textes des premiers siècles monastiques connaissent le cénobite ou l’anachorète. Ils ignorent, en revanche, le terme de noviciat. Les débutants dans la vie religieuse se voient désignés comme apprentis, voire renonçants, au sens de « renonçants au monde ». Saint Benoît fixe dans sa règle, au chapitre 58, le terme de novice (Novize) pour désigner le candidat à la vie religieuse : « Après avoir bien réfléchi, il (ou elle) promet d’observer tout ce qui lui sera commandé ».  

Le noviciat, en tant que durée estimée nécessaire pour qu’un candidat ou une candidate arrive à une décision personnelle, en ce qui concerne l’appel ressenti à suivre le Christ, est variable : d’un an à deux ans, terme final pas dépassé en principe. Dans le temps de probation, le ou la novice s’initie à la Bible, mais surtout aux règles spécifiques de chaque ordre (contemplatif, mendiant, enseignant, soignant), un aspect souvent mésestimé historiographiquement.  

Le noviciat des Jésuites allemands à Mayence

Lisons ce qu’écrit, dans son Hausbuch, Jean Jacques Lichtlé (1650-1733), bourgeois de Gueberschwihr : « Le 24 février 1719, le jour de la Saint-Matthieu, mon fils, Jean Guillaume Lichtlé, né en 1695, s’est rendu à Sélestat. Le père provincial des Jésuites et six autres pères lui ont fait subir un examen et l’ont tout de suite accepté. Le 27 février, lorsque le révérend père provincial s’est rendu à Rouffach, il a demandé à Jean Guillaume de se préparer à partir pour le noviciat de Mayence. Le 8 mars 1719, il nous a quitté pour Mayence. Le 14 mars, il m’a écrit de Mayence qu’il était entré au noviciat, le soir de la Saint-Joseph. Le 20 juillet, il nous a écrit qu’il était en parfaite santé et que cela se passait très bien. J’ai payé pour mon fils huit louis d’or. En 1721, Jean Guillaume m’a écrit de Mayence qu’il allait prononcer ses vœux, le jour de la Saint-Joseph. Après ses vœux, il a été envoyé à Aschaffenbourg. »  

Un parcours type

Ce récit livre toutes sortes d’informations : la mention d’un examen-entretien préliminaire pour entrer au noviciat, un départ-rupture rapide, souvent sans retour dans la famille, une somme à payer par celle-ci pour le nourri et blanchi du temps de la probation, la durée exacte de deux ans, bornée par une date symbolique, ici la Saint-Joseph, la promesse de fidélité aux trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, un noviciat hors des limites alsaciennes, en Allemagne ou en Suisse, avant les traités de Westphalie de 1648 et même au-delà. Manque cependant la fête avec la famille ou la communauté à l’issue de l’entrée définitive en religion. À la fin de son noviciat de deux ans, le jésuite n’a pas fini sa formation : il entame alors 5 à 6 années d’études de théologie et de philosophie, ainsi que d’études « profanes » (lettres, poésie et théâtre, mathématiques, sciences naturelles, histoire et géographie, etc.), dans une université (jésuite), destinées à le préparer à assurer ses fonctions d’enseignant (ou régent), profession principale du jésuite, dans l’un des innombrables collèges jésuites de l’Europe, où il sera nommé (voir : Jésuites en Alsace).  

Noviciat des Jésuites français de Nancy

L’exemple de la famille Lichtlé peut même être considéré comme emblématique, car un autre fils, Jean Joseph Lichtlé, né en 1698, après des études à Porrentruy chez les Jésuites et à Strasbourg, où il décroche le grade de docteur en philosophie, entre lui aussi dans la Société de Jésus, en passant par un autre noviciat : « Il est devenu Jésuite comme il le souhaitait depuis toujours. Il a été accepté dès sa première demande. Le 10 septembre 1717, notre Joseph nous a quitté pour Strasbourg, puis par la diligence est arrivé à Nancy en Lorraine, où il est entré au noviciat. Je l’avais prié d’aller plutôt à l’abbaye de Marbach, mais il nous a répondu qu’il voulait être libre de choisir, ce que j’ai accepté très volontiers. Il a prononcé ses premiers vœux le 8 octobre 1719. » (Hausbuch, Jean Jacques Lichtlé (1650-1733), bourgeois de Gueberschwihr).  

Voici résumée, à travers les deux cas Lichtlé, la question de l’emplacement des noviciats des ordres ayant plusieurs couvents dans la région : ils se situent hors de l’Alsace et la curiosité des deux branches jésuites « allemande » et « française » présentes simultanément dans la région se traduit par deux choix opposés de deux frères.  

Ordres mendiants : Dominicains, Franciscains, Récollets, à l’époque moderne

 Les cursus de recrutement et de formation des ordres mendiants se sont profondément modifiés depuis le Moyen Âge. Aux XIIIe et XIVe siècles, les Dominicains faisant leur formation dans leur studium generale de Cologne et de Strasbourg, alors que les Franciscains avaient établi leur studium generale à Strasbourg. Destinés d’abord à la prédication dans les paroisses, le recrutement et la formation de leurs religieux, principalement locaux, ont peu changé.  

Les noviciats des Frères Prêcheurs (Dominicains) : Saint-Jacques à Paris

Pour les Dominicains, jusqu’en 1761, aucun noviciat n’est vraiment attesté dans la congrégation d’Alsace, fondée en 1690. Tout au plus constate-t-on une concentration de jeunes religieux à Sélestat, où ils semblent commencer une première année. À partir de 1761, les novices de cet ordre font leur deuxième année de probation au couvent Saint-Jacques de Paris, dont le registre de vêture a conservé la trace du passage de Johner, Durr, Rohmer, Pfister, Streicher et Boehrer (A.N., LL 1532). Il s’agit, a priori, de les initier à la pratique de la langue française. Or, dans le même temps, ils s’imprègnent des traditions gallicanes (mais pas jansénistes?), voire des thèses richéristes, au point que les Dominicains fournissent un cinquième de leurs effectifs au clergé constitutionnel en Alsace au début de la Révolution, une anomalie.  

Les noviciats franciscains : pour de nombreux couvents en Alsace

Chez les Franciscains conventuels, appelés Minoriten en Allemagne et Cordeliers en France, on constate la même situation. La province de Strasbourg englobe 21 couvents, répartis en Forêt-Noire, Brisgau, Franconie, Palatinat et Suisse. « Les noviciats sont à Fribourg et à Lucerne. Il n’y a dans les quatre maisons d’Alsace, Haguenau, Liebfrauenberg, Thann, Sarrebourg (géographiquement en Lorraine), ni noviciat, ni maison d’études. » (AM Haguenau, GG 18, f°18). Ce qui nécessite une explication supplémentaire, car le noviciat diffère de la maison d’études. Ainsi chez les Capucins, avec 346 religieux répartis en 20 couvents en 1766, le noviciat change plusieurs fois d’emplacement au XVIIIe siècle, étant le plus souvent à Colmar et à Ensisheim. La maison d’études à Sélestat rassemble, sous la direction d’un seul professeur, appelé lecteur, un groupe de jeunes religieux. L’enseignement dure six années et porte sur le dogme, la morale, la philosophie scolastique et le droit canon. En 1766, selon le provincial Hirsinger, il y a 21 pères et 8 étudiants au grand couvent de Strasbourg et 7 clercs étudiants à Colmar.  

Les Récollets : noviciats à Luppach (Sundgau) et Strasbourg pour 12 couvents

La même distinction entre noviciat et maison d’études se voit clairement chez les Récollets, « cousins » des Capucins, 250  religieux répartis dans 12 couvents en 1766. Le couvent de Luppach, implanté en milieu rural dans le Sundgau, sert de noviciat de 1696 à 1750. Le grand couvent de Strasbourg, en milieu urbain, prend le relais de 1750 à la Révolution. Rouffach fonctionne comme couvent d’études pour la philosophie de 1708 à 1720 et pour la théologie de 1720 à 1750. Sont aussi couvents d’études Saverne, Sélestat et Hermolsheim. Le provincial Josué Ricklin fournit ce détail intéressant, en 1766 : « Les 26 étudiants sont la pépinière des différents états de l’ordre. C’est là qu’on juge des talents des sujets et des fonctions, auxquelles ils sont les plus propres. Ces étudiants ne peuvent subsister si, d’un cours d’études à l’autre ou de chapitre en chapitre, on ne les remplaçait par des novices, dont on proportionne la réception au nombre de pères, qui payent le tribut à la nature dans l’intervalle d’un chapitre à l’autre. » Autrement écrit, le nombre de novices reçus serait régulé par les besoins en postes devenus vacants.  

Personnage central du noviciat, le maître des novices ne fait pas partie de la triade décisionnelle du couvent, composée du prieur, du sous-prieur, du procureur, autrement dit l’économe. Pour autant, son aura est importante. Le choix de cette personne répond à des critères précis : une rigueur doctrinale, critère principal sur le fond, une personnalité suffisamment ouverte pour être à l’écoute des novices sur la forme, tout en rappelant qu’existe alors la coercition pédagogique, allant de la discipline au cachot, sans évoquer la confession obligatoire permettant de sonder les esprits.  

Chez les Récollets, porté par un accroissement des effectifs au XVIIIe siècle, se perçoit plutôt un roulement. Sont connus comme maître des novices : Venance Klopp (1724 et 1735), Chrysostome Drehling (1726 et 1732), Maur Gering (1727), Parfait Weingand (1730), Louis Wincker (1738), Simon Hurstel (1739-1750), Euthymius Hibel (1750-1763), Himon Hurstel (1766)…  

Le noviciat, édifice religieux et mode de vie, magnificence et frugalité

Le noviciat, intégré dans un couvent ou plutôt dans une aile d’un couvent, est un grand bâtiment de pierre, qui donne une impression de magnificence, vu de l’extérieur. Les immenses couloirs représentent une déperdition conséquente de l’espace. L’étroite cellule, nom donné à une chambre, dont le mobilier se limite à sa plus simple expression, un lit, une table, une chaise, une armoire et, le plus important, le crucifix, souligne le paradoxe d’une vie conventuelle : la richesse collective du monastère va de pair avec la pauvreté individuelle du religieux et de la religieuse. Dans certains cas, les novices, mais aussi les religieux, ne dorment pas dans une cellule mais dans un dortoir. Parmi les usages communautaires, citons les offices, moment essentiel, mais certaines prières se font en solitude, ou encore des travaux manuels ou intellectuels, enfin les repas.  

Au noviciat, antichambre de la vie religieuse au couvent, le repas se fait en silence, tandis qu’un religieux ou une religieuse lit, à voix haute, un texte biblique, et de ce fait se passe de sustentation. De toute manière, le repas est frugal, ce qui explique la remarque en creux du Dominicain Gautier, du couvent de Cavaillon, visiteur des couvents de son ordre en Alsace, pour Haguenau, en 1739 : « Dépenses excessives que font les religieux au réfectoire et à la cave. » (Archives générales Ordre Prêcheur, Rome, Sainte Sabine, XIII, 1 B). Un édit royal de 1773 stipule qu’en chaque province religieuse une maison commune pour le noviciat doit être érigée et dans celle-ci les novices doivent être bien séparés dans un logement à part avec un religieux propre à leur éducation. Une pension de 500 livres doit être versée pour « l’an de noviciat », rien pour l’entrée ou l’habit de profession.  

Les novices entrant dans un monastère ont généralement entre seize et vingt ans, les vocations tardives attestées restant minoritaires et celles des veufs ou veuves quasi inexistantes.  

Bibliographie

MULLER (Claude), Les ordres mendiants en Alsace au XVIIIe siècle, Haguenau, 1984.  

MULLER (Claude), Interférences. Histoire du catholicisme en Alsace (XVIIIe-XXe siècle), Strasbourg, 2021.  

Notices connexes

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Claude Muller