Oberrheinischer (Kreis)
Cercle d'Empire du Rhin supérieur
Connue des historiens francophones sous l’appellation trompeuse de cercle du Haut-Rhin, l’Oberrheinischer Kreis est une des dix circonscriptions fictives conçues comme des échelons intermédiaires entre les territoires immédiats et la diète d’Empire. Elle remonte à la création des Reichskreise dans le cadre de la réforme institutionnelle initiée en 1495 sous le règne de Maximilien Ier et validée en 1510, sous une forme qui perdure jusqu’à sa dissolution en 1806. Sa définition régionale est particulièrement élastique puisqu’elle englobe des composantes parfois très éloignées du fleuve, comme les abbayes de Prüm (dans l’Eifel) et de Fulda (dans le Harz), ou le duché de Lorraine, pour le marquisat de Nomény (officiellement immédiat en 1667) et le duché de Savoie, jusque sur le versant piémontais des Alpes. Leur nombre a pu légèrement varier. En 1660, on y dénombre une cinquantaine d’entités : treize d’entre elles appartiennent à l’Église, vingt-et-une relèvent du Herrenstand et quinze autres sont des villes d’Empire, dont quatre avec le statut de ville libre (Strasbourg, Spire, Worms, Francfort). Initialement, l’ensemble comprenait également les trois évêchés lorrains et celui de Lausanne ainsi que les villes de Bâle et Mulhouse. Le cercle du Rhin supérieur comprend notamment l’archevêque de Besançon, les évêques de Worms, Spire, Strasbourg et Bâle, les abbayes princières de Murbach et Lure, l’abbé de Munster, la prévôté de Wissembourg, et l’ordre de Malte (dont la maison mère se trouve à Heitersheim, en Brisgau, seule enclave sur la rive droite), des grands seigneurs comme les Deux-Ponts, les Nassau et les Fleckenstein, les dix villes de la Décapole et la République de Strasbourg et, de ce fait, inclut la totalité de la Basse-Alsace et une partie de la Haute. Les territoires héréditaires des Habsbourg sont, quant à eux, agrégés au cercle d’Autriche, et, par conséquent, lui échappent. Les abbayes unies de Murbach et de Lure occupent une position ambiguë, dans la mesure où elles bénéficient de l’immédiateté, comme les autres membres de l’Oberrheinische Kreis, mais sont aux mains de la dynastie autrichienne de 1587 à 1663.
Malgré ses prétentions, la noblesse immédiate de Basse-Alsace ne fait pas explicitement partie du Cercle, contrairement à ses semblables du Rhin inférieur, de Souabe et de Franconie. Rodolphe Reuss explique son absence par la modestie de ses effectifs et par l’hégémonie du Grand Bailliage de Haguenau, peu enclin à reconnaître son autonomie. Celle-ci n’est admise qu’en 1652, par l’empereur Ferdinand III (Dess heyligen Roemischen Reichs Frey-ohnmittelbarer Ritterschaft in Undern Elsass adeliche Ritterordnung, 1653, trad. fr. 1713).
Les réunions du Cercle du Rhin supérieur (Kreistage) sont présidées par l’évêque de Worms (qui peut, par cumul, être également prince électeur de Trèves ou de Mayence) assisté par un Directoire et se tiennent généralement dans cette ville (mais aussi à Spire). Elles visent à coordonner l’action de ses membres et servent de courroie de transmission avec les autorités impériales. Les convocations ou la correspondance sont remises par des messagers.
Ces « diétines » (Kreistage) statuent sur des questions variées, les relations de bon voisinage (par exemple le change des espèces monétaires), le fonctionnement de la cour impériale de justice (Reichskammergericht, à Spire, 1532), les questions de sécurité, notamment la répartition des charges financières et militaires, et disposent d’un réseau de messagerie (pas toujours efficace). Leurs propositions font l’objet de recès (v. Abschiede), relevés de conclusions soumis aux autorités locales. On peut donc les considérer comme un organe de concertation, plus proche et plus réactif que la diète d’Empire, notamment en cas de danger. Les troubles liés à la Réforme (notamment l’épisode des Anabaptistes de Munster/Westphalie, 1535, l’arrivée des réfugiés huguenots des Guerres de Religion, etc.), la menace turque et les passages de troupes hostiles donnent lieu à des échanges nombreux. En 1539, le Cercle sert de cadre à la matricule d’Empire (Reichsmatrikel) en indiquant les effectifs mobilisables en temps de guerre. Le « Rhin supérieur » fournit théoriquement 888 cavaliers et 4 064 fantassins, mais ces chiffres sont faussés par la surévaluation des ducs de Lorraine et de Savoie, censés contribuer à hauteur de plus du quart du total ; l’évêque de Strasbourg doit 30 chevaux, la ville libre de Strasbourg 80 et 450, fantassins, Rosheim à 2 et 18… En 1681, le contingent est fixé à 491 gendarmes à cheval et 2 853 piétons.
Le commandement de ces soldats est confié à des aristocrates issus de la région, à l’instar du comte de Solms, en 1569, ou du comte de Salm, colonel de l’Oberrheinischer Kreis en 1581-1587. Les opérations de défense donnent lieu à des subsides gérés par une caisse commune comme celle qui se trouve à Strasbourg en 1633, sous la tutelle de Jean-Henri Gambs.
Les relations entre le Cercle du Rhin supérieur, qui dépasse largement l’Alsace, et les États d’Alsace (v. Landstände), qui se calent sur le Grand Bailliage de Haguenau mériteraient des recherches approfondies. En effet, on peut considérer que ces deux institutions font double emploi, ou, du moins, se chevauchent. La seconde répond plus spécialement aux intérêts de la Maison d’Autriche, qui cherche à unifier l’Alsace à travers une défense commune (v. Landsrettungen).
Après 1648, l’obstination des villes impériales à prendre part aux Kreistage du Rhin supérieur doit être interprétée comme une forme de résistance à la souveraineté française. Elle donne lieu à de nombreuses frictions avec le gouverneur de Haguenau, ou Oberlandvogt (v. Haguenau, Grand Bailliage).
Deutsche Reichstagsakten. Entreprise depuis la fin du XIXe siècle et toujours en cours de parution, la série des Deutsche Reichstagsakten rassemble l’essentiel des actes de la diète et de ses sections locales.
Bibliographie
Mittlere Reihe – Deutsche Reichstagsakten unter Maximilian I., t. 5-11.
Jüngere Reihe – Deutsche Reichstagsakten unter Kaiser Karl V., t. 1-21.
Reichsversammlungen 1556-1662, 9 vol. parus.
ZEILLER (Martin), Tractatvs De X. Circulis Imperii Romano-Germanici, oder Von den Zehen deß H. Römischen Teutschen Reichs Kraißen. Georg Wildeysen, Ulm 1660.
BERNEGGER (Matthias), Forma Reipublicae Argentoratensis, delineata olim a Matthia Berneggero, nunc autem paulo fusius exposita per Jo. 'Casparum Berneggerum, Strasbourg, 1667.
REUSS (Rodolphe), L’Alsace au XVIIe siècle (1898).
LIVET (Georges), L’Intendance (1956).
LIVET (Georges), Recueil des instructions aux ambassadeurs et ministres de France. XXVIII, États Allemands, t. I, Électorat de Mayence, Paris, CNRS, 1962.
SCHINDLING (Anton), ZIEGLER (Walter) (dir.), Die Territorien des Reichs im Zeitalter der Reformation und Konfessionalisierung. Land und Konfession 1500-1650, vol. 5, Der Südwesten, 1993, vol. 6, Nachträge, 1996, vol. 7, Bilanz - Forschungsperspektiven - Register, 1997, Münster Aschendorff, 1989-1997.
Notices connexes
Abschid-recès, Députation à la Diète, Droit de l’Alsace, Empire, Fürsten-Princes possessionnés, Haguenau, Grand_Bailliage, Immédiateté, Kreis, Landsrettung, Landstände, Noblesse_immédiate_de_Basse-Alsace, Reichskammergericht.
Georges Bischoff