Mandement épiscopal

De DHIALSACE
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Hirtenbrief

Ordonnance ou notification qu’un évêque fait publier dans son diocèse, émise à destination des fidèles ou des prêtres, qui transmet des instructions religieuses. Elle est écrite le plus souvent par l’évêque en personne, ou sans doute aussi par son suffragant ou vicaire général sans que le nom de ce dernier apparaisse. Quelques rares fois, un mandement est signé par le suffragant lui-même : ainsi Jean François Riccius, évêque d’Uranopole, suffragant d’Armand de Rohan, signe, en 1752, un mandement interdisant aux curés de présenter le goupillon à qui que ce soit au cours de l’aspersion. Le mandement est lu par les prêtres à la messe du dimanche, au prône. Depuis le XVIIe siècle jusqu’en 1815, il est bilingue, français et allemand. Il est parfois rédigé uniquement en latin, surtout lorsqu’il est spécialement destiné aux prêtres. On peut distinguer les mandements ordinaires et extraordinaires.

Parmi les mandements ordinaires, celui de Carême (temps clos de quarante jours avant Pâques) est le plus important. Dans le diocèse de Strasbourg, peu d’entre eux sont conservés. Seuls quelques-uns existent à la bibliothèque du grand séminaire de Strasbourg, ainsi celui de Jean Vivant, évêque de Paros, suffragant de Gaston de Rohan, en latin, pour le carême 1731. Ceux de Mgr Simon Nicolas de Montjoie, prince-évêque de Bâle de 1762 à 1775, sont tous conservés (ADHR, 1G7), collection unique en son genre en Alsace. Ils comprennent toujours deux parties. La première explique, de manière récurrente et pourtant toujours renouvelée, la nécessité du Carême. La seconde énumère, de façon précise, les interdits.

En règle générale, comme en 1764, le mandement qui paraît en janvier ou février, fait quatre pages imprimées et comprend toujours un certain nombre de citations bibliques. En  1765, Mgr de Montjoie en use de six. Mais dans le mandement de carême 1767, extraordinaire par sa longueur de douze pages, l’évêque multiplie les citations. Sur une seule page, on en dénombre trente, en français ou en allemand, mais certaines sont en latin. Une constante se dégage : le prélat ne cesse de morigéner ses fidèles, développant une vision négative du genre humain. Son pessimisme ne cesse de percer. « Vous négligez d’entendre la parole de Dieu et plus encore de la méditer », fulmine-t-il en 1768. « Vous avez péché », affirme-t-il en 1773. « Vous êtes des ingrats », réitère-t-il en 1764. À chaque fois, l’affirmation constitue le fil directeur de son mandement.

Après la partie théologique suivent les interdits. À partir de 1765, le prélat ajoute un paragraphe supplémentaire pour les militaires. D’autres aménagements sont à mentionner en 1767 et 1768 pour l’ensemble de la population à cause de la cherté extrême des denrées. Les demandes de dispense, surtout pour les gens aisés ou bien notés, lesquelles aboutissent sont nombreuses (Archives de l’ancien évêché de Bâle à Porrentruy, A85/103). Rappelons ce que l’on dit du cuisinier des Cisterciens de Sturzelbronn à la fin de l’Ancien Régime. Il est tellement habile qu’il réussit à supprimer le maigre tout en respectant religieusement les prescriptions canoniques, au point de faire régner toute l’année, « l’illusion d’un gras perpétuel. »

Les mandements que l’on pourrait qualifier d’extraordinaires sont importants, parce qu’ils font des mises au point dans des querelles doctrinales. À Sens (B.M. Sens, fonds Languet de Gergy), sont conservés tous les mandements épiscopaux de France sur le jansénisme ou plutôt contre le jansénisme entre 1713 et 1727. Dans ce lot figure la position de Gaston de Rohan, prince-évêque de Strasbourg et de Jean Conrad de Reinach Hirtzbach, prince-évêque de Bâle. Rohan, le 7 juin 1718, ne doute pas que ses fidèles « soient pénétrés d’une vive douleur à la vue des troubles dont l’Église est agitée au sujet de la constitution Unigenitus. » Il rappelle qu’il a été mandaté par feu Louis XIV puis par le Régent pour mettre fin à cette querelle. Rappelant sa pourpre cardinalice, il assène : « Une bulle émanée du Souverain Pontife, appuyée du suffrage de l’Église romaine, adoptée par la multitude des évêques, est incontestablement le jugement de l’Église universelle et tous les fidèles sont obligés de s’y soumettre. Telle est la constitution Unigenitus. » Et il affirme des principes ultramontains et non gallicans [à mettre en relation avec l’entrée tardive de l’Alsace dans le royaume de France].

Mgr de Reinach Hirtzbach emboîte le pas à Gaston de Rohan le 13  janvier 1719, dans un mandement de treize pages. Dans la constitution Unigenitus, il reconnaît « la sainte doctrine que la religion catholique professe et la règle invariable de la foi orthodoxe ».

Parmi les mandements extraordinaires, les plus nombreux organisent les obsèques à la suite du décès du roi, de la reine, de l’empereur, de l’impératrice ou d’un grand de ce monde. Terminons cette présentation en relevant que le mandement est considéré par beaucoup de prélats comme une coquetterie littéraire. Les textes sont envoyés à beaucoup de cours épiscopales ou d’autres. Lus en public, commentés à l’envi, c’est à qui obtiendra la palme du plus beau style.

Après l’arrestation et l’exil de Louis de Rohan, prince-évêque de Strasbourg (1779-1801), dans l’affaire du collier de la reine, son suffragant, Jean Jacques Lantz, évêque de Dora, se substitue au cardinal, absent. Il demande de prier, en latin, pour la reine Marie-Antoinette qui vient d’accoucher, le 1er mai 1786, annonce le retour d’exil du cardinal le 22 janvier 1789, puis le décès du prince de Rohan, frère aîné de Louis de Rohan le 10 février 1789.

C’est l’amorce d’une mutation importante qui se poursuit avec l’irruption de la Révolution. Les mandements deviennent des textes reflétant les réactions aux évènements plutôt que la théologie. Louis de Rohan en rédige un, le 15 septembre 1789, annonçant les débuts de la nouvelle ère et demandant « des prières spéciales dans toutes les églises », alors que son suffragant Lantz avait déjà demandé la célébration d’une messe dans toutes les paroisses à l’occasion de la rédaction des cahiers de doléance. Par son mandement du 2 mars 1791, le cardinal conteste l’élection de l’évêque constitutionnel, qui prend sa place à Strasbourg, puis il fait connaître, le 16 avril 1791, le bref de Pie VI condamnant l’élection de François Antoine Brendel. Réfugié à Ettenheimmunster, le cardinal fait paraître, en latin, en 1793, un texte sur la conduite à tenir envers les fidèles qui ont reçu des sacrements des prêtres schismatiques : ils sont considérés nuls et non avenus. Le 23 octobre 1799, depuis Ratisbonne, il publie un mandement à l’occasion du décès du pape. Le 15 décembre 1801, s’inclinant devant le Concordat du 15 juillet 1801, il s’adresse au clergé, en latin, pour annoncer sa démission comme évêque pour la rive gauche du Rhin.

Dans le même temps, les évêques constitutionnels du Bas-Rhin et du Haut-Rhin publient eux aussi leurs mandements. Brendel prescrit, le 22 mars 1791, un Te Deum pour rendre grâce à Dieu de l’heureuse convalescence du roi, un autre le 22 avril 1791 sur la situation du pays. À Colmar, Arbogast Martin rédige lui-même le mandement de Carême de 1792. Marc Antoine Berdolet, son successeur, annonce en 1801, la réunion du synode national ou Fränkischer Kirchenrath.

Bien particuliers apparaissent les mandements épiscopaux de Jean Pierre Saurine, évêque concordataire de Strasbourg de 1802 à 1813. Cet ancien député révolutionnaire et prêtre constitutionnel, rallié au Consulat et à l’Empire, Saurine utilise ses mandements pour louer l’Empereur : il remercie Dieu pour la dignité impériale que s’attribue Napoléon Ier en  1804, prie pour renforcer les troupes françaises face à l’Angleterre en 1806, célèbre la prise de Dantzig en 1807, la victoire de Friedland en 1808, celle de Ratisbonne en 1809, etc. Il transforme littéralement ce moyen de communication en un outil de propagande, prolifique et personnel, ne laissant aucun de ses vicaires généraux s’exprimer à sa place. Le temporel tend à se substituer toujours davantage au spirituel.

Bibliographie

CHÂTELLIER (Louis), Tradition chrétienne et renouveau catholique dans l’ancien diocèse de Strasbourg (1650-1770), Paris, 1981.

MULLER (Claude), « Les mandements pour le carême de Mgr Simon Nicolas de Montjoie, prince-évêque de Bâle de 1762 à 1775 », Actes de la société jurassienne d’émulation, 2014, p. 165-173.

MULLER (Claude), « Gaston de Rohan, Jean Joseph Languet de Gergy et la question janséniste (1713-1727) », Bulletin de la société d’histoire de Mutzig, 2020, p. 5-17.


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