Métayage

De DHIALSACE
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Drittelspacht, Halbpacht, Teilpacht (à l’époque moderne)

Au Moyen Âge

Le métayage ou bail à part de fruit (Teilbau) est une forme de bail rural dans laquelle le propriétaire remet au preneur un bien agricole à exploiter, les dépenses et les récoltes étant partagées selon un rapport convenu. Si ce partage porte sur la moitié, le bail prend le nom de Halbpacht. Ce type de bail est répandu dans les cantons suisses à partir du XIIIe siècle, particulièrement pour le vignoble (DHS). On pourra rencontrer en Alsace le bail de parcelles de vignes à mi-fruit ou sans doute plus souvent à tiers de fruit, mais le métayage proprement dit, soit la location de toute une exploitation, est rare en Alsace médiévale.

Bernhard Metz

Époque moderne

Mode d’exploitation qui laisse au propriétaire la moitié (métayage ou bail à mi-fruits, Halbpacht) ou le tiers (tierçage, Drittelspacht) de la récolte de l’année. Répandu dans l’Ouest, le Centre et le Sud de la France, le métayage ne subsiste en Alsace qu’à l’état résiduel à l’époque moderne, au même titre que la colonge avec laquelle il est souvent confondu. Mode de tenure des régions pauvres, à la portée d’une paysannerie démunie de terres et de capitaux, il tend à s’effacer en Alsace devant le fermage sous toutes ses formes et l’emploi des termes de « Hof » ou de « Hofgut » ne contribuent pas à lever les ambiguïtés ou à éviter les confusions : c’est ainsi que la colonge de Muntzenheim, qualifiée de « Freihof », est présentée par la duchesse Anne de Wurtemberg en  1705 comme «  une métairie donnée en emphytéose » (ADHR 18 J 579). De même, dans le Kochersberg, d’anciennes colonges deviennent des métairies : à Woellenheim (colonge de l’abbaye de Graufthal en  1574, renouvelée en  1594 et  1617, 1761-1762 et 1789 - ADBR G 1554 et 3724, 6 E 7/392, Not Bouxwiller, 1761-1762 et Q 2675, 5700) - ainsi qu’à Ittlenheim (AM Obernai B 587, colonge des Oberkirch, 1780). Ainsi la banalisation du métayage est telle que le mot même fait défaut dans la terminologie officielle.   La formule suppose, en théorie, une étroite surveillance de la part du bailleur sur l’activité dupreneur. Tel est le cas des Melkereien, bergeries ou «  brebiseries  » présentes aux deux  extrémités de la plaine d’Alsace, Sundgau et Outre-Forêt, et en bordure du massif vosgien. Tel est également le cas dans la campagne colmarienne où les membres du Conseil Souverain préfèrent affermer leurs terres « à moitié fruits », sans doute pour des raisons de commodité, encore que le métayage s’accommode mal de l’absentéisme du propriétaire, de plus en plus répandu. L’exemple de la petite métairie de Balgau en 1713 (ADHR E 1349) nous éclaire sur son fonctionnement. Le métayer des Ribeaupierre, qualifié de « domestique seigneurial », cultive, avec deux valets, deux garçons de labour, une servante, des moissonneurs et des batteurs, 180 journaux de terre, moyennant un bail de courte durée. On met à sa disposition, outre un logis, deux bœufs, trois chevaux et trois vaches. La famille bénéficie, pour sa subsistance, d’une allocation de 210 florins et de la moitié de la récolte - 68 sacs de grains auxquels s’ajoutent quelques boisseaux de pois, de lentilles et de navette, quelques mesures de vin, 70 livres de lard, 30 quintaux de sel – et du bois de chauffage nécessaire. Le bailleur contribue aux frais d’exploitation  – semences et main d’œuvre, tout en s’assurant le contrôle de l’exploitation, emblaves et récoltes. Quant au preneur, il pourra jouir, pour son propre usage, d’un journal et demi de terre et des poulains, mais les veaux à naître reviendront au seigneur-propriétaire. Ailleurs il est spécifié que le métayer peut compter sur le droit de glandée et de pâturage, l’exemption des impôts royaux et seigneuriaux, des corvées et gardes, le financement par le propriétaire des gros travaux et des éventuelles constructions neuves.   Formule intéressante pour une paysannerie dépourvue de capitaux au lendemain des guerres, le métayage semble étroitement lié à la « reconstruction », le métayer étant invité à apporter une amélioration au bien-fonds par défrichement ou remise en culture. Il perd de son intérêt au XVIIIe siècle, car une telle subordination, qui porte la marque du régime seigneurial, n’encourage pas l’initiative ou le progrès agraires, comme le soulignent, au XVIIIe siècle, les physiocrates et les agronomes. Aussi ce mode d’exploitation devient-il anachronique au moment où se développe le fermage spéculatif et le passage du métayage au fermage est-il courant.   Mais, si le métayage traditionnel tend à disparaître, il peut survivre s’il s’inscrit dans une combinaison suffisamment souple qui associe fermage pour les grains et partage à mi-fruit pour les productions animales, légumières et fruitières. Certaines de ses variantes peuvent même accompagner la culture intensive. Dans la banlieue strasbourgeoise, il est lié à l’exploitation des potagers qui nécessite une étroite surveillance. Dans la plaine d’Erstein, le Ried Sud et la Hardt, le système est fréquemment lié à la culture du tabac qui exige de multiples soins – plantation, sarclage, cueillette, séchage – et, par voie de conséquence, une abondante main d’œuvre de « journaliers-métayers  ». Les contrats de métayage ou de tierçage revêtent, dans ce cas, une importance sociale considérable, puisqu’ils apportent au XVIIIe siècle une solution de survie à une population pléthorique, peu pourvue en terres et en attelage, mais pouvant assurer sa subsistance par la mise en vente de productions comme le tabac, le chanvre, la garance, le maïs, le safran, la navette, les fèves, produits sur des lopins minuscules. Ce métayage nouvelle formule montre à quel point ce mode de tenure peut s’adapter à des circonstances comme à des exigences et des conditions sociales diverses.   Ainsi l’évolution et l’imbrication des différents types de tenure nous détournent de la dichotomie, simplificatrice et déformante au regard de la réalité, qui enfermerait l’économie rurale dans la classique opposition entre métayage et fermage qui, au-delà des modes de tenure, apparaissent comme des révélateurs sociaux.  

Bibliographie

HABERKERN (Eugen), WALLACH (Joseph Friedrich), Hilfswörterbuch für Historiker, Munich, 1964-1980, t. II, p. 612.  

VOGT (Jean), « Questions agraires alsaciennes. Culture intensive et métayage en Basse-Alsace au XVIIIe siècle », Revue d’Alsace, t. 103, 1965, p. 23-27 et « Notes agraires rhénanes. À propos du métayage dans le nord de l’Alsace », Revue géographique de l’Est, 2, p. 53-59.  

CABOURDIN (Guy), VIARD (Georges), Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Paris, 1978, p. 214.  

QUELQUEGER (Jean-Marie), Bull. Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 122-123, numéro spécial Willgottheim-Woellenheim, 2e  parie, 1983/I-II, p. 167-170.  

BOEHLER, Paysannerie (1994), t. I, p. 574-583.  

LACHIVER (Marcel), Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris, 1997, p. 1127.  

 

Notices connexes

Bail rural  

Dinghof  

Hof-Hofgut  

Meier-Meyerei  

Melkerei

Jean-Michel Boehler