Nom de religion

De DHIALSACE
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Ordensname  

Nom nouveau (de baptême) donné à ou adopté par le ou la novice d’un ordre ou d’une congrégation religieuse lors de son entrée définitive dans la vie religieuse. Mais il s’agit sur le plan civil, de son prénom.  

D’après le droit canonique, l’entrée dans la vie religieuse marque une rupture totale, l’adoption d’un statut personnel et de liens familiaux nouveaux. Elle entraîne donc l’adoption d’un état civil nouveau et donc d’un nouveau nom de baptême –  soit d’un nouveau prénom – (Kirchenlexikon Encyklopedie der katholischen Theologie, vol. 9, Fribourg-en-Brisgau, 1893, art. Name, christlicher). Il entraîne également la renonciation aux droits de succession (voir : Mort_civile, la mort civile des religieux).  

La coutume du changement de nom de baptême à l’entrée dans un ordre ou une congrégation remonte à l’époque du concile de Trente (1545-1563). Les règles monastiques n’imposent pourtant pas le changement de nom des religieux et religieuses. Mais la pratique s’étend au XVIe siècle, dans le sillage de la Contre-réforme, dans les ordres, congrégations, instituts, et souvent jusqu’aux Tiers-Ordres, tant masculins (Bénédictins, Franciscains, Dominicains) que féminins (Danielle Rives, Mourir au monde et renaître au divin). Liés aux cérémonial des vœux (coupe des cheveux, dépôt des vêtements, prise d’habits de religieuse, etc.), ce sont les changements de noms dans les congrégations féminines qui ont fait l’objet des recherches les plus nombreuses.  

L’importance du changement de nom tient aussi à la coutume sociale des différentes congrégations masculines ou féminines. Le nom de religion – un prénom – peut y être l’appellation exclusive de la religieuse ou du religieux, alors que le nom de famille continue d’être employé dans nombre de congrégations masculines ouvertes au public.  

Choisi rarement par la religieuse, le nom de religion est plus généralement donné par la supérieure. Il est puisé dans le catalogue des saintes et saints de l’ordre, bénédictin (Benoît, Scolastique, Mechthild), franciscain (François, Françoise, Claire, Bonaventure), carmélite (Thérèse ou Jean) ou est qualifié par une dévotion contemporaine particulièrement en vogue : Sacré-Cœur, Saint-Sacrement, Enfant-Jésus. Chez les Franciscains, on pouvait choisir le nom d’un frère défunt de l’année.  

Le changement de prénom n’a pas d’incidence sur le changement d’état civil proprement dit, composé du nom de baptême et du nom de famille. Sous l’Ancien Régime, ce dernier ne peut changer qu’avec la permission du roi (ordonnance de Blois de 1555).  

Les noms de religion sont admis par l’autorité civile, qui tient cependant à les connaître : « l’entrée au noviciat, la vêture, la prise d’habit, qui entraînent un changement d’état civil, doivent être dûment portés sur un registre dont un exemplaire est remis au greffe du tribunal royal » (9 avril 1736, de Boug, II, p. 137) (voir : Femme, droit de la femme religieuse). Mais, paradoxalement, l’autorité royale semble avoir été plus laxiste que l’autorité révolutionnaire : le catalogue des Dominicains d’Alsace établi en 1750 ne relève qu’un seul prénom – d’après la variété des prénoms de baptême – alors que les enquêtes de l’autorité révolutionnaire mettent en regard, pour les Dominicains de Guebwiller (1791, AHR H3 Dominicains de G.), comme pour ceux de Sélestat (1790, AM Strasbourg, GG 134, reconstituée par Hubert Meyer, Sélestat), le prénom en religion – un choix concentré sur les saints dominicains – et le prénom de baptême (Muller Claude, « L’Ordre de Saint Dominique au XVIIIe siècle », AEA, 1985, p. 166 et 168).  

On a relevé qu’en France les enquêtes qui accompagnent la sécularisation des couvents et la dispersion des religieuses portent le plus souvent les deux noms – civils et de religion – des sœurs (Danielle Rives). C’est le cas des registres qui relèvent tous les cinq ans la poursuite ou la cessation des vœux simples des congrégations autorisées depuis 1808 : reconnaissance implicite du nom de religion par l’État (voir : Femme, droit de la femme religieuse).  

Les registres haut-rhinois publiés relevant les noms des Sœurs de la Divine Providence ou Vatelotes en 1808 ne permettent pas de déterminer la nature des prénoms retenus – de religion ou civils – (Muller Claude, « Les sœurs dites Vatelotes dans le département du Haut-Rhin en 1808 », AEA, 1982, p. 312).  

Cette pratique se poursuit après la Révolution et au XIXe siècle, « le grand siècle des religieuses françaises » (G. Cholvy). Dans la congrégation de la Divine Providence de Ribeauvillé, l’usage, qui n’est pas systématique, aurait consisté à donner le nom d’un de ses deux parents, associé à celui de Marie (Danielle Rives, p. 183, qui ne donne pas la date où cette coutume s’est imposée). Et aux sœurs hospitalières de Niederbronn, fondées en 1849, un de leurs directeurs spirituels les plus en vue signifie : « Tout pour vous est changé, jusqu’au nom que vous portiez avant votre entrée au couvent, pour indiquer que vous n’avez plus rien de commun avec le monde. » (Simonis, Instructions aux religieuses du Saint-Sauveur, dites Sœurs de Niederbonn, 1877, II, p. 236). Les sœurs enseignantes et garde-malades des villages alsaciens ne seront connues que par leurs « noms de religion ». Mais les ordres et congrégations religieuses masculines ont appliqué eux aussi la règle du changement de nom, par exemple, les Capucins ou Franciscains, les Frères enseignants de Matzenheim.  

Bibliographie

HELYOT (Hippolyte), Histoire des ordres monastiques religieux et militaires et des congrégations séculières de l’un et l’autre sexe, Paris, 1715.  

SIMONIS (Ignace), Instructions aux religieuses du Saint-Sauveur, dites Sœurs de Niederbonn, 1877.  

Kirchenlexikon Encyklopedie der katholischen Theologie, vol. 9, Fribourg-en-Brisgau, 1893, art. Namen, christliche, p. 14.  

MULLER (Claude), « Les sœurs dites Vatelotes dans le département du Haut-Rhin en 1808 », AEA, 1982, p. 310-315.  

LANGLOIS (Claude), Le catholicisme au féminin, Paris, 1984.  

MULLER (Claude), « L’Ordre de Saint Dominique au XVIIIe siècle », AEA, 1985, p. 161-208.  

RIVES (Danielle), « Taking the Veil: Clothing and the Transformation of Identity », Journal of the Western Society for French History, vol. 33, 2005.  

RIVES (Danielle), « Mourir au monde et renaître au divin », FINE (Agnès), États civils en questions, Paris, 2008, p. 178-201.  

Notices connexes

Clergé régulier  

Femme (nom de la femme religieuse)

François Igersheim