Murbach (château abbatial et quartier canonical à Guebwiller)
Le château de la Neuenbourg marque l’entrée de Guebwiller en venant de Soultz. Les vicissitudes de la guerre de Cent Ans, puis de celle de Trente Ans, n’épargnent pas la résidence urbaine du prince-abbé de Murbach. À l’issue du XVIIe siècle, le château est dans un état déplorable. Philippe Eberhardt de Loewenstein, prince abbé de Murbach décide de le reconstruire entre 1715 et 1726. Il confie les travaux à Sylvain de Golbery (1663-1738) qui mène également la restauration des bâtiments conventuels de Murbach (voir : Murbach, seigneurie abbatiale). À partir de 1714, Philippe Eberhardt de Loewenstein réside en Alsace et veille à la réalisation de ses projets. Il confie alors la tâche à un architecte autrichien, Peter Thumb (1681-1766), déjà connu en Alsace comme architecte de l’abbaye d’Ebersmunster. Peter Thumb mène les travaux à Guebwiller de 1715 à 1720 prolongeant ceux de Golbéry. Cette campagne de travaux transforme la résidence fortifiée en un palais abbatial. Un bâtiment en U est conçu autour d’une vaste cour, à proximité de la chancellerie, le centre administratif de l’abbaye de Murbach. Le prince-abbé y demeure, reçoit des invités de marque comme l’abbé commendataire, le cardinal de Rohan en route pour les eaux de Plombières…
Les moines de Murbach y emménagent également à plusieurs reprises, le temps de travaux sur leur abbaye. Une chapelle est construite, dont les travaux s’achèvent en 1727.
Les travaux de l’abbaye Murbach, destinés à remettre l’abbaye en état et au goût du jour ne sont jamais achevés, et dès 1759, le nouvel abbé Casimir de Rathsamhausen œuvre au transfert de l’abbaye à Guebwiller, au château de la Neuenbourg, puis au sein d’un nouveau quartier canonial constitué de sept maisons canoniales (dont cinq encore existent aujourd’hui) autour d’une nouvelle église à partir de 1763, sur les terrains de la chancellerie de la régence et du château. Dans ce contexte, le prince-abbé souhaite donner davantage de faste à la Neuenbourg (voir : Mense, Mense abbatiale de Murbach). Après Louis Beuque, Gabriel-Ignace Ritter est chargé de mener à bien ces travaux : église Notre-Dame, quartier canonial.
À la nouvelle de la prise de la Bastille, les habitants de la vallée de Saint-Amarin se soulèvent et se mettent en marche vers Guebwiller, chef-lieu de la principauté de Murbach. Les 27 et 28 juillet 1789, la Neuenbourg, symbole de la puissance du prince-abbé, est pillée et fortement endommagée. Les dégâts sont considérables, aussi bien sur le bâtiment qu’à l’extérieur.
Le château de la Neuenbourg et toutes les possessions immobilières du chapitre de Murbach deviennent biens nationaux. Dès juillet 1791, Joseph Meister et Jean-Baptiste Rudler soumissionnent pour acquérir le château. En 1792, il est mis aux enchères pour 24 000 livres. Il est acheté par un groupe d’investisseurs représenté par Conrad Meister et Chrétien Kühlmann de Colmar, pour 27 200 livres. Il est rétrocédé avec une maison canoniale et ses dépendances le 13 août 1793 pour 32 250 livres au Mulhousien Pierre Dollfus, ancien gérant de la manufacture de Wesserling qui y installe la première industrie de Guebwiller : une entreprise d’impression sur étoffes. Le manufacturier est compromis juridiquement et politiquement et dépose le bilan en février 1796.
L’entreprise de Bary & Bischoff achète le château et ses dépendances pour 36 000 francs le 3 avril 1805. Dès l’été 1805, Jacques-Christophe de Bary s’installe à Guebwiller avec 200 ouvriers suisses, dont une partie loge au château. Il installe les ateliers de tissage de ruban de soie, de filoselle et de coton dans les dépendances situées à l’ouest du corps de logis. Durant cette période, le château de la Neuenbourg renforce le rang des usines-châteaux, comme les a désignées l’historien de l’industrie Pierre Fluck.
Bibliographie
AHR 1Q 261, Procès-verbal de l’expertise des bâtiments et enclos du chapître de Murbach, 1791.
AHR 3Q 96/5, Achat de la Neuenbourg par un groupe de particuliers L.360 (vente du 28.03.1792).
AHR 1Q 261, Soumission du 4.7.1791 par Rudler et Meister pour 24 000 livres.
AHR 6 E 28 /16 (rétrocession du 13.08.1793), Acte de vente du château à Dollfus.
DIETLER (Séraphin),Chronique des Dominicains de Guebwiller (1723), publiée en 1844.
FERRETTE (Bernard de), Diarum de Murbach, publié par Angel et Auguste Ingold, Paris, 1894, p. 76.
K. (Ch. de), « Le train de maison d’un prince-abbé de Murbach au commencement du siècle dernier », Revue nouvelle d’Alsace-Lorraine : histoire, littérature, sciences, beaux-arts, 6e année, 7e volume, 1887, p. 121-140. Inventaire de succession réalisé le 23 février 1720.
BISCHOFF (Georges),Recherches sur la puissance temporelle de l’abbaye de Murbach (1229-1525), Colmar, 1975.
SCHMITT (Jean-Michel), « Pierre Dollfus (1748-1826) Pionnier de l’industrialisation de la Haute-Alsace », RA, 1981, n°107, p. 115-132.
Notices connexes
Murbach_(abbaye_et_principauté_abbatiale)
Cécile Roth-Modanese