Bannière

De DHIALSACE
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Banner, Fahne, Fähnlein

L’utilisation de signes de ralliement constitués par une pièce de tissu fixée sur une hampe se développe à partir du Moyen Âge central, comme l’illustrent des enluminures du Hortus Deliciarum de l’abbesse Herrade (v. 1180). Dans le second quart du XIVe siècle, le rôle héraldique de Zurich reproduit les bannières des évêques de Strasbourg et de Bâle ainsi que de l’abbé de Murbach : ces emblèmes dérivent de leurs blasons mais l’usage n’est pas systématique. Des communautés peuvent arborer l’image de leur saint patron ou des symboles liés à des activités ou un statut. La grande bannière de la ville de Strasbourg figure la Vierge en Majesté portant l’Enfant Jésus sur ses genoux. Un vitrail du XIVe siècle montre les drapeaux d’une vingtaine de corporations strasbourgeoises et des sociétés nobles de la cité : les bateliers sont distingués par une ancre, les tonneliers par un tonneau, les meuniers par une roue à aube, mais d’autres tribus sont identifiées d’une manière moins facile à saisir. Entre 1502 et 1525, les paysans contestataires du Bundschuh se reconnaissent au soulier à lacet, mais aussi à d’autres symboles (aigle impérial, Christ en Croix, image de la Vierge, slogans ou sigles (VDMIE : Verbum Domini manet in Eternum, à Ebersmunster en 1525).

Ces bannières sont souvent des oeuvres d’art d’un certain prix : Maître Mathis Grunewald en réalise une pour les bourgeois de Belfort en 1523.

Le terme générique de bannière recouvre différents types de modèles. Les bannières de procession sont fixées à une traverse horizontale et ne sont pas destinées à flotter au vent dans le sens de la marche : elles participent d’une liturgie ambulatoire. Leur iconographie est évidemment liée à leur usage.

Les drapeaux ont une fonction civique plus marquée. Ils symbolisent la communauté et incarnent la légitimité : en 1332, selon le chroniqueur Fritsche Closener, le premier acte de la révolution strasbourgeoise consiste à s’emparer des clés, des sceaux et de la bannière de la cité. Au moment de la Renaissance, celle-ci donne lieu à une mise en scène très fréquente, sur des peintures, des vitraux et sur des gravures, comme le Fahnenbuch de Jakob Kobel (1544). Dessiné par une équipe d’artistes autour d’Albrecht Altdorffer et Albrecht Dürer, le défilé imaginaire du Triomphe de Maximilien (v. 1515) propose notamment l’image d’une bannière du landgraviat de Haute-Alsace (qui n’a peut-être jamais existé réellement, ou alors, à titre d’accessoire, pour les cérémonies de la Maison d’Autriche).

Lors des opérations militaires, en campagne ou au cours d’une bataille, les différentes unités se reconnaissent par des éléments vexillologiques de différents types : la Grande Bannière (Hauptbanner), la plus précieuse, est au centre de l’armée, éventuellement (au XIIIe siècle, peut-être au XIVe siècle) portée sur un char. Les troupes d’avant-garde ou celles qui vont à l’assaut disposent d’un drapeau particulier (Rennfahne), de plus petite taille, mais du même modèle. Les cavaliers possèdent des étendards, guidons ou des flammes, fixés sur une lance, tandis que les piétons se regroupent en unités, autour d’un drapeau spécifique : celui de la corporation pour une milice urbaine, celui de la compagnie (elle-même appelée Fähnlein, fenlin, par référence à sa bannière) pour une armée de métier. La soie ou le taffetas, peints et montés sur de courtes hampes, ont généralement deux mètres de côté. Au XVIe et au XVIIe siècle, les motifs héraldiques s’estompent au bénéfice d’un système plus abstrait de bandes de couleurs, selon la fantaisie des capitaines entrepreneurs de guerre, mais les troupes au service de l’Empire privilégient la croix de saint André bourguignonne. Dans la sphère d’influence suisse (Mulhouse, noblesse de Haute-Alsace), la mode de couleurs flammées disposées autour d’une croix perdure jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.

La valeur symbolique attachée à ces objets explique des règlements nombreux. En effet, la perte du drapeau est ressentie comme une humiliation : en 1499, plusieurs bannières alsaciennes sont capturées par les Confédérés suisses à la bataille de Dornach : l’une d’elle vient de Strasbourg, une autre, également conservée à Zurich, pourrait être celle de Masevaux. Un exemplaire de la grande bannière à la Vierge disparaît lors du sac de l’Hôtel de Ville, le 21 juillet 1789.

La conservation de trophées constitue un autre aspect de la question : à l’instar des Confédérés suisses, qui conservaient leurs prises de guerre dans des églises ou des arsenaux, les villes d’Alsace ont pu exhiber ce butin honorable : Sélestat se targue d’avoir récupéré trois ou huit bannières des Ecorcheurs du Dauphin Louis lors du combat du Giegerfelsen, en mars 1444.

On comprend dès lors l’importance apportée à la conservation du drapeau. Les coutumes du Val d’Orbey, codifiées en 1513, prévoient un serment spécifique pour les miliciens de la seigneurie : « ils jurent au banneret de rester avec lui, de défendre honnêtement et loyalement la bannière partout et contre tous sans céder ni fuir sous peine de mort ». Cette disposition fait écho au serment (contemporain) du porte-drapeau du bailliage de Ferrette : « Si l’ennemi vous coupe la main droite, qui tient la bannière, vous la saisirez avec la main gauche. Si l’ennemi vous coupe la main gauche, vous la saisirez avec votre bouche et vous irez ainsi à l’assaut… Vous veillerez sur votre bannière avec autant de sollicitude qu’en a eue le disciple bien aimé lorsque Jésus Christ notre seigneur lui eut recommandé sa chère et digne mère Marie ».

 

Bibliographie

BONVALOT (Edouard), Les coutumes du Val d’Orbey, art. 27, Paris, 1864.

BONVALOT (Edouard), Les coutumes de Haute-Alsace, dites de Ferrette, Colmar-Paris, 1870, p. 57.

MERZ (Walther), HEGI (Friedrich), Die Wappenrolle von Zurich. Ein heraldisches Denkmal des vierzehnten Jahrhunderts, Zurich, 1930.

MARTIN (Paul), Die Hoheitszeichen der freien Stadt Strassburg (1200-1681), Strasbourg, 1941.

MARTIN (Paul), Les corporations de Strasbourg 1200-1789, Strasbourg, 1964.

 

Notices connexes

Armoiries

Bundschuh

Colmar (ville de, 1214-1815) (Stadtbanner)

Charron (Wagnerbanner)

Drapeau

Emblème de métier

Fähnlein

Fähnrich

Ferrette (bannière du comté de)

Jésuites (porte-banniere de procession)

Krieg

Trophée

Wappen

Georges Bischoff