Fiscalité

De DHIALSACE
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Fiscalité seigneuriale

Dans une Alsace morcelée en une multitude de souverainetés, on comptait plusieurs centaines de bailliages, eux-mêmes regroupés en nombre de seigneuries. S’il existait des constantes, chaque unité administrative avait ses propres coutumes. Le principe de toute redevance était double : il fallait payer, d’une part pour la protection, d’autre part pour la location de la terre.

Comme elle portait, le plus souvent, sur des communautés rurales, la fiscalité était généralement fondée sur l’exploitation de la terre et les récoltes. Pour l’usage du sol, les paysans étaient redevables d’une taxe (Zins, Zins über Acker) payée au seigneur, propriétaire immanent selon l’adage : « Nulle terre sans seigneur ». Il s’agissait d’un règlement fait, après les récoltes, soit en nature, soit en argent, selon les époques et les lieux. Dans chaque village, il y avait une ferme, une maison ou une grange seigneuriales (Meyerhof) où l’on entreposait les parts de récoltes ainsi levées, le plus souvent à la saint Martin (11 novembre). À l’époque moderne, les redevances étaient encore souvent payées en part de fruits.

À cela s’ajoutait une contribution foncière (Beth, Bethkorn, Bethgeld,Leibbeth), une aide, d’abord exceptionnelle – elle était versée, au départ, comme son nom semble l’indiquer, à la demande (Bette) du seigneur et seulement en cas de nécessité (le plus souvent en cas de guerre) – devenue permanente au cours du Moyen Âge. Son assiette, comme d’ailleurs celle de l’ensemble des droits féodaux, était variable selon les seigneuries.

Il y avait encore une foule de droits, dont les banalités (Zwanggerechtichkeiten), taxes pour l’usage obligatoire du moulin (Mühlzoll) ou du four (Ofengeld) du seigneur, de péages divers (Zoll) pour les ponts (Brückenzoll) ou les routes (Weggeld), le droit de mainmorte (Todgeld,Todfall). Les différentes formes de corvée (Fron, Frondienst, Fronacker), la poule de carnaval (Fastnachthuhn) ou le cens en chapon (Kappenzins), survivances de la condition servile, étaient encore en vigueur à la fin du Moyen Âge.

Fiscalité des villes

Les revenus dépendaient, en partie, des bailliages ruraux qui fournissaient les villes en grains, en vin ou en bois. C’était le cas, par exemple, de Strasbourg qui, pour une part, payait ses fonctionnaires et rétribuait ses magistrats en nature. On trouve, dans les archives, de nombreuses mentions concernant ces rémunérations qui, faute de récapitulatifs précis, sont très difficiles à évaluer en monnaie.

Les caisses des villes étaient alimentées par des impôts divers, principalement indirects, au premier rang desquels on peut citer la taxe de bourgeoisie (Bürgergeld), pour acheter le droit de cité ou le droit de manance pour les étrangers résidant en ville (Schirmgeld). On relève également des taxes multiples comme l’accise (Umgeld) portant sur les transactions du vin, des grains ou de la viande, les droits de douane (Zollgeld), les droits de mutation de propriétés (Pfundzoll), le droit de mainmorte sur les successions (Todfall) ou des redevances insolites, comme la taxe d’équarrissage (Wasenzinns) ou l’impôt sur les Juifs (Judengeld), qui, après les pogroms de 1349 et jusqu’à la Révolution, n’était plus, à Strasbourg, qu’un simple visa d’entrée pour la journée.

L’impôt direct était, en général, une taxe sur la fortune. À Strasbourg, où il était curieusement nommé Stallgeld, il était déclaratif et vérifié postmortem par un inventaire de tous les biens dressé par un notaire. Les héritiers, en cas de fraude, payaient une amende ou, pire, voyaient leur héritage confisqué. Très modéré, cet impôt direct s’élevait à 1 florin et 40 Kreutzer pour 1 000 florins de biens, soit un taux de 0,16 %.

Côté dépenses, c’est la protection qui était le premier poste. Il fallait construire, entretenir les remparts et assurer leur défense, si nécessaire. En cas de conflit, on pouvait engager des mercenaires et payer leur solde. En second lieu, il fallait rétribuer les fonctionnaires, à commencer par ceux qui étaient justement chargés de collecter les impôts. Il y avait encore les jetons de présence des membres du Magistrat qui, non seulement siégeaient dans les conseils, mais assuraient encore diverses fonctions judiciaires ou administratives. Restaient enfin les frais divers, comme l’assistance (Almose), l’entretien des rues et des canaux.

Au cours de la période française, dans le dernier quart du XVIIe siècle, sous la pression de l’Intendant, les villes affermirent les impôts. À Colmar ou à Wissembourg, l’amodiation se fit globalement ; à Strasbourg elle l’était pour chaque impôt. L’avantage était de pouvoir compter à l’avance sur une rentrée d’argent permettant de faire face aux exigences royales.

Fiscalité d’Empire

Avant que la province ne passe sous la souveraineté du roi de France, sa situation fiscale était complexe. Morcelée, à l’instar du reste de l’Empire, en de nombreuses entités territoriales (villes, seigneuries laïques et religieuses), l’Alsace entretenait avec le pouvoir impérial des liens aussi divers que lâches. Faute d’une fiscalité commune, tout reposait sur le système de la matricule. Les États réunis à la diète, les seigneurs ecclésiastiques et laïcs et les villes, décidaient ou non de fournir des hommes pour une expédition, qu’il s’agisse d’une guerre ou de la Romfahrt. Maximilien Ier tenta d’introduire une réforme, mais la diète la repoussa. Faute d’avoir pu mettre en place une administration fiscale, le seul aboutissement de cette tentative fut que la contribution ne se fit plus en contingents, mais en espèces : 12 florins pour un cavalier, 4 pour un piéton en 1541. Les sommes versées servaient essentiellement à financer l’effort de guerre contre les Turcs menaçant la frontière orientale et Vienne jusqu’à la fin du XVIIe siècle.

La matricule de Strasbourg était fixée à :
 

  cavaliers piétons
1467 40 80
1471 20 40
1481 40 80
1521 40 225
1551 25 150

 

Cela représentait 900 florins pour l’année 1551, ce qui constituait un effort financier raisonnable pour la ville et faisait une somme bien dérisoire à l’échelle de l’Empire. À la même époque, Haguenau était redevable de 192 florins, Sélestat de 64. Les villes alsaciennes, que ce soit celles de la Décapole ou Strasbourg, ne s’empressaient pas de verser leur contribution et ce, d’autant plus que la protection impériale, pour ce qui concerne la frontière occidentale, était pour le moins aléatoire. Pour les mêmes raisons, les seigneurs, comme les Lichtenberg ou les Fleckenstein, faisaient de même. En plus de cela, les États versaient une faible contribution, le Kammerziele, pour l’entretien de la Chambre_impériale de Spire. On peut donc dire, en conséquence, qu’il n’existait pas de véritable fiscalité centrale. Le changement de souveraineté après la Guerre de Trente Ans devait modifier les choses.

Fiscalité royale

En 1660, s’inspirant du système de la matricule, le roi de France réclama à l’Alsace une somme de 60 000 livres de France, à la fois pour l’entretien des troupes et celui des routes. Ce montant, plutôt modéré, était plus un droit de reconnaissance du souverain qu’un véritable impôt. Très vite, cependant, les impositions royales, gérées par une administration efficace, prirent de plus en plus d’importance. La tutelle royale sur les villes et les bailliages se fit de plus en plus pressante. On en vint à examiner le rendement des taxes locales, largement détournées par ceux qui étaient chargés de les collecter (ordonnance de l’intendant du 28 septembre 1672). Il s’agit là d’une véritable réorganisation du système fiscal, dont le premier acte avait été l’interdiction de toute levée de taxe seigneuriale sans l’autorisation du roi (décision du Conseil Souverain du 13 décembre 1659).

En 1680, l’intendant imposa une subvention ordinaire pour la défense de la province. C’était là un substitut de la taille payée dans le reste du royaume. D’abord modérée, cette subvention fut fixée à 300 000 livres de France en 1700. Son pied était calculé sur la base de l’ancienne matricule impériale. Dans les campagnes, les préposés des différentes communautés de chaque bailliage étaient chargés de la répartition, après les récoltes, en tenant compte des conséquences des aléas climatiques. Dans les villes, les impositions royales (Königlische Gelder), réparties au départ sur la base de la taille municipale (Gewerf), finirent par être directement réclamée par l’intendance.

Durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, d’autres impôts furent introduits. Il y eut d’abord la capitation (Kopfsteuer), mise en place de 1695 à 1698. Restaurée en 1701 à l’occasion de la Guerre de succession d’Espagne, elle devint perpétuelle à partir de 1715. À Strasbourg, cet impôt était levé par abonnement, le Magistrat se chargeant d’en faire la répartition.

À cela s’ajoutaient des impôts pour la protection en cas de guerre, tel l’entretien des épis du Rhin et des fortifications (d’un montant de 40 000 livres en 1697) et des charges temporaires pour fournir les troupes, tel le fourrage pour les chevaux.

Le roi fixait le montant de la subvention et c’est l’intendance qui se chargeait d’opérer la répartition et qui demandait aux magistrats des villes et aux baillis d’en faire la collecte. Un receveur royal transférait la somme levée au receveur général de la généralité de Metz, dont l’Alsace faisait partie. En 1696, une réorganisation du système aboutit à la mise en place de trois bureaux de recettes à Brisach, Strasbourg et Landau, tenus chacun par deux receveurs appointés à 6 deniers par livre (2,5 % des sommes collectées).

En 1697, l’Alsace contribuait au total pour plus de 1,9 million de livres au trésor royal, en 1787, à la veille de la Révolution, pour 4,5 millions.

Bibliographie

HANAUER, Constitutions (1864).

HANAUER, Études économiques (1876-1878).

REUSS, L’Alsace au XVIIe siècle (1898).

CRAEMER, Verfassung (1931).

LIVET (Georges), « Finances municipales et souveraineté royale, le cas de la ville de Strasbourg », dans Pouvoir, ville et société en Europe : 1650-1750, Strasbourg, 1981.

LIVET (Georges), L’intendance d’Alsace 1750-1790 : l’administration de la province d’Alsace, Strasbourg, 1992.

HIMLY, Dictionnaire (1983).

Notices connexes

Accise

Angalt

Bede

Bette

Boespfennig

Corvée

Denier_(mauvais)

Douane

Ferme_(des_impôts)

Finances des villes

Gabelle

Gewerf(f)

Maspfennig

Impôts

Salzsteuer

Ungeld

Zoll

Paul Greissler