Paroissiaux (registres)
Kirchenbücher
Ces termes désignent les registres dans lesquels les curés et les pasteurs notent les actes concernant la vie religieuse des fidèles, essentiellement les actes dits casuels, c’est-à-dire de baptême, mariage et sépulture.
Sommaire
Dès le XVIe siècle, un instrument de contrôle pour l’Église
Les ordonnances promulguées par le roi de France en 1539 (Villers-Cotterêts) et 1579 (Blois) n’ayant eu aucun effet en Alsace, alors terre d’Empire, ni même celle de 1667, non appliquée dans la province, la tenue de ces registres est laissée au départ à l’initiative des évêchés pour les catholiques, des seigneurs et des Magistrats urbains pour les protestants.
Le latin est la langue réglementaire (jusqu’en 1946) des registres catholiques, sauf exception (le français pour les actes de la garnison militaire de Fort-Louis, l’allemand quelque temps à Dambach-la-Ville, Uhlwiller…). Les registres protestants sont rédigés en allemand, sauf dans les régions francophones (luthériens du Ban de la Roche, réformés huguenots de Sainte-Marie-aux-Mines et de Bischwiller).
Du côté catholique, certains curés prennent les devants de leur propre chef (Hombourg au diocèse de Bâle, en 1562, Saverne au diocèse de Strasbourg, en 1555). Le concile de Trente demande en 1563 l’ouverture générale des « registres de catholicité ». Cette mesure est apparemment peu suivie, dans le diocèse de Strasbourg à Marmoutier (1571) et dans celui de Bâle à Hirtzbach (1580). Le synode, réuni en 1581 à Delémont, décide d’appliquer la règle dans ce diocèse et, dès lors, un nombre croissant de paroisses y tiennent des registres à partir de 1581. Dans celui de Strasbourg, il semble qu’on laisse aux curés la liberté de s’y soumettre, de sorte que les registres antérieurs à 1600 y sont l’exception (Kertzfeld et Dangolsheim 1594, Dambach-la-Ville 1596). La tenue de la plupart s’échelonne depuis le début du XVIIe siècle (Haguenau, Obernai, Sélestat, Colmar, Thann…). Il est probable qu’elle soit consécutive à une visite ecclésiastique de contrôle.
Le concile de Trente ayant insisté sur le baptême et sur le mariage, qui ne devaient plus être célébrés sans la bénédiction d’un prêtre, les actes de sépulture sont souvent enregistrés à partir d’une date postérieure aux autres actes.
D’autre part, partout où elle a été introduite, la Réforme a sécularisé l’administration religieuse. De nombreux seigneurs et Magistrats urbains font peu à peu ouvrir des registres par les pasteurs. En Basse-Alsace, les plus anciens conservés sont ceux de Strasbourg (Saint-Pierre-le-Vieux 1525, imitée par les autres paroisses de 1543 à 1561) et de Barr (1559) et en Haute-Alsace, ceux de Mittelwihr et des paroisses réformées d’Illzach (1560) et de Sainte-Marie-aux-Mines (1562). Dans l’ensemble, les registres des protestants sont plus anciens que ceux des catholiques, mais leurs actes de sépultures ont souvent également été enregistrés plus tard.
La progressive mainmise de l’autorité civile
L’administration n’est pas pressée d’introduire les règles observées dans le royaume, en dernier lieu par le Code Louis de 1667. L’intendant d’Alsace publie, enfin, en 1685 une ordonnance enjoignant tous les desservants, catholiques et protestants, de tenir des registres paroissiaux, mais en un seul exemplaire, et non en deux comme dans le reste de la France. Dès lors aussi, les actes sont signés par les parties concernées. Les greffes de justice contrôlent la bonne tenue des registres, mais n’imposent pas l’usage de papier timbré. Si l’on constate aujourd’hui l’absence dans certaines paroisses de registres remontant à 1685, il faut, du moins en partie, l’attribuer plutôt à des pertes et à des destructions qu’à de la négligence de la part des desservants.
L’ordonnance royale du 9 avril 1736 prescrit la tenue des registres en double, signés l’un et l’autre par les témoins, en plus des parties. Le jour de la naissance doit figurer dans l’acte de baptême, celui du décès dans l’acte de sépulture. Les décès des enfants doivent être enregistrés. Dans l’acte de mariage, la parenté des témoins, au nombre de deux, doit également être indiquée. Ces mesures sont appliquées assez régulièrement désormais par tous les cultes tenant des registres.
L’évêque de Strasbourg obtient des curés de son diocèse de tenir, à partir de 1743, un double, par année, mais non signé par les parties, des actes de baptêmes, mariages et sépultures, à remettre au doyen du chapitre rural de leur ressort, qui le dépose ensuite à l’évêché. Cette série s’arrête en 1787 et est parvenue, incomplète, aux Archives du Bas-Rhin.
L’évêque de Bâle promulgue à son tour cette mesure, déjà adoptée individuellement dès le début du siècle dans certaines paroisses, durant la période de 1747 à 1787. Le duc de Lorraine suit le mouvement en 1764 : Saint-Hippolyte, Lièpvre, Sainte-Croix-aux-Mines et Sainte-Marie-aux-Mines (partie lorraine) croient bon de tenir les registres en triple exemplaire, parce qu’au spirituel ces paroisses relèvent du diocèse de Strasbourg. Leur double débute donc en 1743, non sans lacunes également. Enfin, Bouquenom (partie de l’actuelle Sarre-Union), paroisse du diocèse de Metz et terre du duché de Lorraine, tient un double de 1765 à 1787. Le registre original est dit autographum et son double apographum (v. Baptême, registres de).
Les paroisses protestantes n’ont guère exécuté cette mesure, à en juger d’après ce qu’il en reste. Les velléités observées dans le comté de Hanau-Lichtenberg pour l’année 1737 ont tourné court.
Finalement, le Conseil souverain d’Alsace, par une déclaration du 21 octobre 1787 (Burckard, p. 40), impose à toutes les paroisses la tenue de leurs actes casuels en deux exemplaires, signés, de 1788 à 1792.
Les protestants de confession anabaptiste mennonite n’ont pas tenu de registres analogues. Au cours du XVIIIe siècle, ils ont été contraints de déclarer la naissance de leurs enfants au curé de leur ressort qui semble les avoir baptisés à leur cœur défendant, ainsi à Barembach.
Selon les lettres patentes royales du 10 juillet 1784, les communautés juives ont enregistré auprès de juges locaux les naissances pendant quelques années. Celle de Hattstatt se distingue en ayant reconstitué ou consigné ces actes de 1715 à 1791. Un double devait être déposé au Conseil souverain d’Alsace (Burckard, p. 40).
Sous la Monarchie, les paroissiaux sont légalisés et signés par les baillis. Leur caractère juridique et authentique a conduit l’État, sous la Révolution, à décréter leur remise obligatoire aux mairies, pour rendre service aux officiers de l’état civil institué à partir de 1793. Par la suite, ils ont souvent été restitués aux paroisses ou versés au tribunal de Strasbourg et, dans ce cas, anéantis dans son incendie pendant le siège de 1870.
Les desservants des paroisses, tant catholiques que protestantes, ont continué à tenir des registres de casuels, mais ceux-ci n’ont dès lors plus de valeur juridique équivalente à celle de l’état civil.
L’exploitation des registres paroissiaux : une manne pour l’historien
L’essentiel des registres paroissiaux est constitué d’actes de baptêmes, de mariages et de sépultures. À la différence de l’usage suivi généralement dans le royaume, les desservants enregistrent séparément ces trois catégories d’actes et non en une seule série chronologique.
D’autres types d’actes y sont consignés : confirmations, conversions, chronique paroissiale, bénédictions de cloches, inauguration d’orgues et de croix de mission, listes de pasteurs et de communiants, élection des sages-femmes catholiques, etc. On y trouve aussi la description d’événements marquants de l’actualité, tels que tremblements de terre, phénomènes météorologiques, conséquences des guerres, etc.
« Voie royale de la recherche historique » (Pierre Chaunu), les registres paroissiaux ont d’abord connu, entre les années 1950 et 1970, sous l’impulsion de Louis Henry et de Pierre Goubert aux Entretiens de Malher, une exploitation essentiellement démographique menant à la généalogie (reconstitution des familles) et à des monographies tant familiales que paroissiales. Ils peuvent donc être considérés, après un patient travail d’analyse, comme les ancêtres de l’état civil, dont l’institutionnalisation se fait entre 1792 et 1802, moyennant une anticipation notable de la municipalité de Strasbourg (Édith Bernardin), la trilogie des baptêmes-mariages-sépultures pouvant être transposée, en ces temps de pratique religieuse quasi généralisée, à celle des naissances-mariages-décès.
Depuis lors, l’intérêt s’est déplacé au domaine sociologique (structures et mobilité socio-professionnelles, mouvements migratoires) et culturel (pratique religieuse par le choix des prénoms, niveau d’alphabétisation, épidémies et morbidité). Enfin, parfois dans une rubrique Memorabilia, Insolita, Contingentia ou Annalen, il arrive qu’ils mentionnent des phénomènes exceptionnels qui ont jalonné l’actualité et marqué les mentalités (catastrophes météorologiques, tremblements de terre, incursions de loups, destructions consécutives aux guerres, etc.).
La totalité des registres paroissiaux du Bas-Rhin est numérisée et consultable sur le site des Archives départementales ; ceux du Haut-Rhin sont, à ce jour, en cours de numérisation, sur le site des Archives de ce département.
Bibliographie
WOLFF (Christian), Guide des recherches généalogiques en Alsace, Strasbourg, 1975.
BERNARDIN (Édith), Strasbourg et l’installation de l’état civil, 1792-1793, Société savante d’Alsace, Strasbourg, 1986, p. 5-12 et 188-194.
KAMMERER (Louis), « La « scheda » exigée pour le baptême, cause de lacunes dans les registres paroissiaux du XVIIe siècle », Archives de l’Église d’Alsace, 1988, p. 96-100.
ROLL (Claude), Manuel illustré pour la généalogie et l’histoire en Alsace, Illkirch-Graffenstaden, 1991.
Boehler, Paysannerie, Strasbourg, 1994, t. I, p. 29-33.
MULLER (Pierre), « Les registres paroissiaux au service de l’histoire », Annuaire de la Société d’histoire de la Hardt et du Ried, 1995, p. 43-48.
BURCKARD (François), Le Conseil souverain d’Alsace au XVIIIe siècle, Strasbourg, 1995.
Notices connexes
Christian Wolff, Jean-Michel Boehler