Krieg (époque moderne)

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« La guerre c’est l’état de ceux qui règlent leurs différends par la force ». La définition donnée par Grotius dans son traité « du droit de la guerre et de la paix » marque la naissance du droit moderne des relations internationales. La guerre y est définie comme un état, avec une avant guerre, un déroulement, une conclusion, et non seulement comme une action de force ou par le fait de guerre. Modalité de règlement des conflits, elle doit être encadrée par des règles de droit. Pour déterminer ces règles, Grotius fait appel au droit naturel, c’està-dire à celui qu’inspire les conduites naturelles et la raison des hommes vivant en société, et au droit des gens, tel qu’il s’exprime dans les récits historiques des guerres, principalement par les auteurs de l’antiquité grecque et romaine et de la Bible, les Scriptores.

Cette doctrine est celle du monde nouveau qui s’ouvre avec la guerre de Trente Ans, où s’affrontent les États et principautés européens, catholiques et protestants.

Grotius, professeur hollandais exilé à Paris, dédie son livre à Louis XIII le Juste. Il y sera, à partir de 1634, ambassadeur en France du Roi de Suède, l’alliée de la République de Strasbourg.

Son traité De jure belli ac pacis est imprimé à Paris en 1625, puis, en 1626, à Francfort-sur-le-Main.

La guerre en Alsace

L’existence historique pluriséculaire de l’Alsace moderne, plus que celle de toute autre province française, est marquée par la guerre.

Au XVIIe siècle, elle y fait des ravages à partir de 1621. La République de Strasbourg a dénoncé l’alliance de l’Union évangélique et proclamé sa neutralité, dans la guerre qui oppose l’Empereur aux princes et états protestants depuis le début de la guerre de Trente Ans, en 1618.

Dans les mois qui suivent, les troupes du condottiere protestant Mansfeld pillent le nord de l’Alsace, et celles de l’archiduc Léopold, évêque de Strasbourg, ne sont pas en reste. On pouvait voir du haut de la cathédrale, les feux des villages incendiés (Reuss).

Les opérations militaires s’y déroulent jusqu’en 1648. La Suède, alliée de Strasbourg en 1630, y intervient en 1632 et installe ses garnisons dans les villes. À son tour, la France intervient aux côtés de la Suède, son alliée depuis 1631, et met en place, en 1634, des garnisons dans les villes de Saverne, de Haguenau, de Colmar et de Sélestat. Les Impériaux s’efforcent de reprendre l’Alsace et se heurtent au condottiere protestant, à qui la France a cédé le landgraviat d’Alsace, Bernhard de Saxe-Weimar, qui installe une principauté sur les terres impériales de l’Autriche antérieure. Il meurt en 1639, et ses troupes passent alors sous le commandement de la France. En 1640, les belligérants s’orientent vers la paix. Les préliminaires de Hambourg, de novembre 1641, prévoient la réunion d’un congrès dans les villes de Munster et d’Osnabruck. Il s’ouvre en 1643.

Le droit de la guerre à l’Université de Strasbourg

Pour prix de sa neutralité de 1621, l’Empereur accorde à Strasbourg, pour son Académie, titre et appellation d’Université. Elle compte alors 7 professeurs dans sa Faculté de Philosophie, 4 dans sa Faculté de Théologie, 4 dans sa Faculté de Droit, et 3 dans sa Faculté de Médecine.

La guerre y a déjà fait l’objet des thèses et mémoires des professeurs et étudiants.

Le professeur de droit féodal, également syndic de la ville, Georges Obrecht (1547-1612) a publié, en 1590, une dissertation, De principiis belli et ejus constitutione (Des principes de la guerre et de sa constitution) et, en 1591, De militari disciplina quae administrationis belli praecipuam partem continet (De la discipline militaire dans l’administration de la guerre). Le professeur Joachim Clüten soutient une thèse sur le droit de la guerre, De jure belli in genere, avant d’être expulsé de Strasbourg, pour sympathies envers le Saint Empire en 1635.

1634 : Grotius exposé à l’Université de Strasbourg

Mais c’est le théologien Jacob Schaller (1604-1676) qui, en 1634, introduit Grotius à Strasbourg, par deux mémoires sous sa direction. Ce sont les premières thèses « grotiennes » soutenues dans une université du Saint Empire. Elles reflètent aussi les débats soulevés dans la population de la ville et de la province. 

Adam Schmidt de Wasselonne

En février 1634, Adam Schmidt de Wasselonne, doit répondre, au cours d’une disputatio sur la guerre, De Bello, aux questions posées par Schaller, devant un jury qui comprend le recteur Bernegger, lui aussi correspondant de Grotius.

Les questions portent sur le De jure belli ac pacis. Les réponses sont souvent des citations littérales du traité. 1) Est-il permis de faire la guerre ? On distingue classiquement entre les guerres justes qui sont autorisées : elles ont pour objet la défense contre l’ennemi, qui s’en prend à vos libertés, à vos ressources et à votre vie, et veut vous arracher à la vraie religion… et les guerres injustes et illégitimes : elles procèdent de l’ambition, de la cupidité, pour des buts de conquête et pour étendre ses frontières. 2) Faut-il tenir pour ennemis les neutres qui livrent des biens à l’ennemi ? Il faut distinguer, dans ce qui est fourni à l’ennemi, ce qui sert à la guerre, comme les armes, ou ce qui n’y sert pas, comme les produits de luxe ou de plaisir, ou encore peut servir aux deux, comme l’argent, les vivres, les navires etc. Mais le neutre qui sert l’ennemi doit être tenu pour un ennemi. 3) La guerre autorise-t-elle le recours à la tromperie et au mensonge ? Quand la guerre est juste, réponse affirmative, négative pour la guerre injuste. Cependant, ce principe ne doit pas s’appliquer en cas de foi jurée, et, en règle générale, il convient de s’abstenir du mensonge. 4) Tuer et blesser l’ennemi en temps de guerre est permis, mais non pas de s’en prendre à celui qui est sur territoire neutre. 6) Peut-on tuer les femmes et les enfants ennemis ? Question délicate : la réponse ne s’embarrasse pas des réserves qu’émet Grotius. La thèse recopie mot pour mot un passage du Livre III, chapitre IV où Grotius relève les exemples historiques en ce sens et conclut : la guerre comprend le droit de tuer les femmes et les enfants ennemis. 7) Est-il permis d’empoisonner son ennemi ? Schmidt reprend encore le Livre III, Chapitre IV, où Grotius observe que le droit des gens permet beaucoup de choses défendues par le droit naturel et en interdit certaines, autorisées par le droit naturel. La guerre implique le permis de tuer. Qu’importe que vous le fassiez par l’épée ou par le poison. Cependant, il est plus généreux de s’abstenir du poison : on ne fait pas la guerre par le poison mais par le glaive. 8) Peut-on recourir à d’autres armes et empoisonner les puits et les sources ? Les Barbares l’ont fait, d’après les auteurs antiques, mais ce n’est la coutume des peuples d’Europe, tranche Grotius. 9) Est-il permis de faire assassiner son ennemi prisonnier ? Le droit de la guerre permet de tuer son ennemi, sauf si, ce faisant, on viole une promesse expresse de vie sauve.

Mais cette disputatio n’était qu’une introduction à l’œuvre de Grotius.

Jean-Philippe Orth de Brumath

En octobre 1634, toujours sous la direction de Schaller, c’est Jean Philippe Orth, de Brumath, qui soutient sa thèse De jure belli. Il est auteur et exposant (author et respondent). Mais même dans ces cas, c’est le professeur qui donne les grandes lignes du mémoire et souvent rédige les parties que le doctorant se contente d’exposer (Oscar Berger-Levrault). Orth est un fils du conseiller du comte de Hanau-Lichtenberg qui figure dans le jury, où siègent également les professeurs Bitsch (droit féodal) et Locamer (Pandectes).

Mais alors que les questions posées à Schmidt portaient sur le Livre III de Grotius, celles que Schaller a posées à Orth portent surtout sur les livres I et II, aux développements beaucoup plus philosophiques.

La guerre, un fait social

Classiquement, on commence par définir le sens du mot. Le mot bellum provient de duellum, duel ou Zweykampf, procédure de résolution des conflits individuels, qui n’est plus acceptable désormais. La guerre s’en différencie, car elle oppose un grand nombre d’hommes de part et d’autre, et non pas seulement deux individus. C’est faire de la guerre un fait social, un conflit mettant aux prises deux ensembles institutionnels, deux Etats.

Suivant la leçon de Grotius, Livre I, chapitre II, la thèse annonce les trois questions auxquelles il faut répondre. La guerre peut-elle être juste ? Quelles sont les conditions à remplir pour qu’une guerre soit juste ? Qu’est-ce qui est autorisé au cours d’une guerre ?

Inéluctabilité des guerres

Les juristes médiévaux avaient longuement insisté sur les critères d’une guerre juste. La guerre juste n’est pas seulement autorisée, elle est même nécessaire. Mais elle doit être encadrée, par un droit de la guerre, dont les règles s’inspirent du droit naturel et du droit des gens. L’analyse des causes renvoie à la nécessité de la prévention des conflits tout autant qu’au constat de leur inéluctabilité, du fait des conduites agressives.

La nature n’interdit pas la guerre. L’animal a l’instinct de conservation. Sont autorisées toutes les mesures que l’on prend pour assurer sa défense et faire face à un danger imminent. La raison ni les règles de la vie en société ne s’opposent à l’usage de la force, sauf quand elle s’en prend à la société même et aux droits de chacun. Car la société garantit que chacun puisse vivre en paix en se fondant sur l’aide et la confiance mutuelles.

Et qu’en est-il du droit des gens ? La guerre n’est pas contraire à la Loi divine – la Bible consigne les récits de nombreuses guerres de l’Ancien Testament. Dans le Nouveau Testament, Jean Baptiste n’a pas condamné les soldats. « Ce n’est pas être soldat qui est un péché, mais d’être un soldat qui pille et qui vole (Saint Ambroise) ». La thèse fait l’impasse sur les longs développements de Grotius sur le commandement « tu ne tueras pas » et « aimez-vous les uns les autres ». Grotius y soutient que la société chrétienne n’est pas dispensée d’assurer la justice ni de sanctionner le crime, y compris par la peine de mort.

Typologie des guerres : les guerres justes

Abordant les développements sur les causes des guerres (Grotius Livre II, chapitre I), la thèse fait la distinction classique – déjà faite par les juristes médiévaux – entre les guerres défensives (defensoria) et les guerres de représailles (vindicatoria), où l’on regroupe les guerres de récupération et les guerres de représailles proprement dites. Justes évidemment, les guerres défensives, pour la défense de la République, de sa liberté, la défense de ses familles et celle de la religion, comme pour la guerre contre les Turcs.

On se défend contre ceux qui nous font du mal, pas seulement par charité chrétienne, mais parce que la nature nous impose ce devoir d’aide mutuelle. Les guerres préventives sont autorisées, mais à condition que le danger soit présent et imminent. Il est juste encore de venir au secours de ses alliés et d’aider les révoltes de ceux qui sont opprimés par leur prince. Justes enfin, les guerres de récupération de ce qui est à nous et qu’on nous a pris ou ce qu’on nous doit. Tout comme les guerres faites contre ceux qui nous refusent nos droits élémentaires, comme de se marier avec leurs filles – ce qui équivaut à priver de postérité – de refuser le droit de passage ou de transit aux personnes ou aux marchandises. À la suite de Grotius, la thèse insiste sur l’importance des rapports internationaux du temps de paix et sur la liberté de circulation des hommes et des biens.

Enfin, le droit de faire la guerre doit être limité : pour être juste, la guerre doit respecter des formes précises : elle doit être déclarée par ceux-là seuls qui ont autorité pour ce faire et être précédée d’une déclaration de guerre solennelle.

Les moyens d’une guerre juste : la nécessaire modération

La manière de faire la guerre et les moyens à respecter dans une guerre juste avaient déjà fait l’objet de la thèse de Schmidt quelques mois plus tôt. Les moyens qui aboutissent à une fin moralement justifiée, reçoivent leur justification de cette fin, avait rappelé Grotius. Voilà qui s’applique à l’usage du dol et du mensonge, par exemple quand Thémistocle en use pour la liberté des Grecs, ou pour dissimuler le meurtre (par le poison), mais il est plus honorable de tuer de face par l’épée.

La thèse revient sur le sort des prisonniers, que Schmidt avait réglé sommairement. Certes, la guerre comporte le droit de tuer les prisonniers, y compris les femmes et les enfants ennemis. Mais Orth a lu Grotius de plus près. Grotius insiste en effet sur la place capitale que doit occuper la modération dans le droit de la guerre. La guerre ne doit viser qu’à réparer ce qui a été endommagé. Il recommande donc d’épargner les femmes et les enfants, pour leur âge ou pour leur sexe. C’est la règle suivie par les hommes bons. Elle doit être appliquée aussi aux hommes qui n’ont pas porté les armes.

Le droit militaire,jus militaria

Le sort d’une ville, prise à l’issue d’un siège, est réglé par le droit militaire contemporain, jus militaria, et la thèse cite les articles de l’ordonnance militaire du Reichstag de Spire 1570 (Reutterbestallung von Bestellung des Felds erneuert Reutterrecht) : « les villes prises par nos troupes seront remises au pouvoir impérial et ne doivent être ni démolies ni incendiées. Tous les biens meubles doivent y revenir aux soldats, conformément à la coutume de la guerre. Mais tout ce qui sert à la guerre – munitions, ravitaillement et prisonniers – doit être remis à nos commandants en chef. Pour le reste, la clémence est recommandée ».

La conclusion des guerres : négociations et traités

Comment mettre fin à la guerre (Grotius, Livre III, chapitre 20) ? On insiste sur l’importance du respect de la parole donnée dans les accords et les traités de paix. C’est une condition essentielle du bon fonctionnement des relations internationales. Celui qui décide de la fin de la guerre, le chef de l’État, c’est aussi celui qui a décidé de faire la guerre. Le chef de l’État ne peut pas aliéner de territoires, sauf s’il s’agit de son patrimoine propre. Il a besoin, pour mettre fin à la guerre, du consentement du peuple et de la noblesse (formes contemporaines du plébiscite). Sauf disposition expresse, on ne prévoit pas de dommages de guerre.

Les engagements pris par les acteurs secondaires – commandants, gouverneurs, officiers –, engagent leurs supérieurs, sauf s’ils ont outrepassé leur mandat.

Quatorze ans après la soutenance de ces thèses de droit international, les traités de Westphalie marquent une césure majeure de l’histoire européenne et de l’histoire de l’Alsace.

Strasbourg, une université ralliée à la doctrine de Grotius ?

Débats des universitaires : Boecler et Ulrich Obrecht

Strasbourg est considérée comme la première université du Saint Empire ralliée à la doctrine de Grotius. Le professeur d’histoire Jean-Henri Boecler (1610-1672) publie, en 1663, un commentaire des deux premiers livres de Grotius, où il insiste sur l’importance du recours aux sources d’histoire romaine, pour l’élaboration du « droit des gens ». Il s’attire les foudres de son collègue Rebhan (1604-1689), pour qui les « Grotiens », partisans de la nouvelle science du droit naturel, veulent abolir les trois grands principes du droit romain, à savoir, qu’il faut vivre honnêtement, qu’il ne faut faire du tort à personne, qu’il faut rendre à chacun ce qui lui appartient. En 1675, Rebhan avait fait soutenir une thèse sur les droits des villes impériales libres et immédiates, De statutis civitatum imperii liberarum et immediatarum, par un étudiant originaire d’Ulm, Jean-Louis Adam. Il y concluait que la compétence législative et réglementaire desdites villes, émanation de la souveraineté (superioritas) de l’Empereur romain germanique, n’avait de portée que locale. Voilà qui vaut aussi pour les villes alsaciennes, désormais sous la souveraineté du roi de France.

Boecler réplique, par l’intermédiaire de son gendre alors encore professeur d’histoire, Ulrich Obrecht (Annotationes in Hugonem Grotium de jure belli ac pacis (1684) (préface de la traduction française de Grotius par Barbeyrac, Bâle, 1744).

Avant l’annexion de Strasbourg : la raison de guerre

Les thèses de droit international soutenues à Strasbourg après 1648 se répartissent entre études sur des points particuliers du droit international et traités de droit militaire germanique.

Deux thèses sont soutenues avant l’annexion de Strasbourg (en 1681).

En 1671, le Francfortois Jean Daniel Stallburger fait une étude approfondie du droit militaire germanique, jus militare germanicum.

La thèse la plus remarquable est soutenue, sous la direction d’Ulrich Obrecht en 1675, par le Suédois Hermann Fuchs. Elle porte sur un sujet qui occupera beaucoup les positivistes du XVIIIe siècle : la raison de guerre et les nécessités de guerre, De ratione belli, vulgo raison de guerre, analogue à la raison d’état ou à la force majeure. C’est encore un commentaire de Grotius. Fuchs part de la définition de la guerre par Grotius – status per vim certantium, qua tales sunt – et définit la raison de guerre : c’est le principe pratique, qui permet de distinguer, dans le déroulement des opérations de guerre, au delà des apparences, ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Il introduit ce faisant la notion de nécessité de guerre. Il conteste qu’on puisse y faire appel dans l’occupation de régions que l’on peut contrôler sans peine ou dont l’on a rien à craindre – c’est introduire la délimitation du théâtre. Il admet que le recours à la terreur fait partie de l’action de guerre, mais elle implique, pour être pleinement opératoire, la possibilité de ne pas y recourir, selon la formule de Grotius « l’avantage que l’on tire de la mise à mort nous donne le droit de ne pas y recourir ». Enfin, l’excuse des « nécessités de la guerre » vaut avant tout pour les guerres justes. Elle n’a d’ailleurs plus de raison d’être à la fin des hostilités, où s’impose le retour à la normale, avec l’évacuation des territoires occupés.

Procédures diplomatiques et coutumes de guerre

En 1685, Jean-Adam Thanner soutient une thèse sur les prisonniers de guerre, De captivis in bello, et, le Strasbourgeois Gerhard Stökken, fils d’un professeur d’origine danoise décédé, soutient sa thèse sur le droit des neutres en 1693, Quid in solo pacato liceat belligeranti contra hostes ad Hugon. Grot. Lib III. XVII, 1 (chapitre qui porte sur le droit des neutres).

L’Université de Strasbourg s’oriente également vers l’étude des coutumes de guerre (Kriegsbraüche, Kriegsmanier) et vers la formation des diplomates. En 1708, le Strasbourgeois Jean-Henri Schoell soutient une thèse où il décrit minutieusement la procédure de la négociation des fins de conflit : De preliminaribus pacis. Fils du professeur de théologie, Jean-Joachim Zentgraf (1643-1707), le Strasbourgeois Joseph-Michel Zentgraf soutient, en 1709, une thèse sur les sièges De jure circa obsidionem, et son frère Fréderic-Albert Zentgraf une thèse sur la justice militaire, De judicio militari criminali vulgo Kriegsrecht. Enfin, Jean-Fréderic Fleischmann, encore un fils de conseiller d’Hanau-Lichtenberg, soutient, en  1712, sous la direction de Jean-Henri Boecler, une thèse sur les prises de guerre, De acquisitione Bellica. En 1747, le Strasbourgeois Jean-Frédéric Oesinger Joh. Fred soutient une thèse de licence De jure belli statuum imperii romano germanici.

Définition des sources du droit – limites du droit naturel et importance des traités entre Etats : les positivistes

Le développement et l’approfondissement du droit de la guerre portent sur les nouvelles définitions des sources du droit, particulièrement du fait des apports des juristes Pufendorf (1632-1694 - Heidelberg, Stockholm, Berlin) et Wolff (1679-1754 - Halle). Le droit naturel comme source du droit international est de plus en plus défini comme un idéal moral communautaire, auquel adhèrent les États qui forment la société internationale : ils aspirent à la paix et au bonheur de leurs peuples. Mais le caractère trop vague de ces notions est peu à peu contesté par les positivistes. Ce sont les juristes positivistes qui étendent les sources du droit aux traités et conventions passés entre les titulaires du droit de guerre, les Etats. Pour le Suisse au service de l’Électeur de Saxe, Vattel (1714-1767), le droit international régit les relations entre les États qui doivent observer les traités qu’ils ont contractés. Martens (1756-1821) de Göttingen publie sa collection de traités à partir de 1791. La doctrine des professeurs et diplomates a approfondi les conditions de déclenchement des guerres, réservées aux titulaires du droit de guerre – les États –, les formes et effets des déclarations de guerre, précisé les distinctions à observer entre armées et populations civiles, proposé des règlements pour les alliances, pour le statut des neutres. Les recherches et traités sur les Kriegsbräuche ont été développés. Ont fait l’objet d’études : les passages de troupes et sauf-conduits, les passeports, les prisonniers, leur captivité et leur libération sur parole, des tributs sur villes épargnées du pillage ou de l’incendie, les trêves, parlementaires et drapeaux blancs, les armistices, les capitulations, les négociations de paix, les traités de paix (Mattéi).

Positivistes strasbourgeois : l’importance de l’histoire

L’école positiviste s’appuie sur l’histoire des relations internationales, pour en tirer un droit pragmatique, à la fois utile et efficace.

À Strasbourg, les professeurs d’histoire et de droit, Schoepflin et Koch, fondateurs et dirigeants de l’École des Diplomates, font de l’équilibre européen la norme légitime de l’ordre international, à laquelle les souverains, titulaires du droit de la guerre, doivent se conformer, pour le maintien de la paix et du bien des peuples.

L’introduction de l’Abrégé des traités de paix entre les puissances de l’Europe, depuis la paix de Westphalie, publié à Paris en 1817, reflète le contenu des cours qu’il a dispensés à Strasbourg depuis 1771.

« On se propose de faire connaître, dans cet ouvrage, les traités qui jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, ont servi, et ceux qui, conclus depuis cette époque, servent encore de base au système politique de l’Europe. Ce système a pour objet de maintenir la tranquillité publique, de protéger le faible contre l’oppression du fort, d’opposer des barrières aux projets ambitieux des conquérants, et de prévenir les dissensions qui amènent à leur suite les calamités de la guerre. Unissant dans un intérêt commun les différents souverains de l’Europe, il les engage à sacrifier au bien général leurs vues personnelles, et en forme, pour ainsi dire, une seule famille. Cependant telles sont et la faiblesse des vues humaines et la force impérieuse des passions, que souvent les moyens qu’on croyait propres à prévenir les guerres, en ont été précisément les mobiles. Le moyen auquel on a eu principalement recours dans le dix-septième et le dix-huitième siècle, est celui qu’on a appelé le système de l’équilibre européen » (Koch, Abrégé des traités de paix entre les puissances de l’Europe, Introduction, p. 3-4).

C’est celui qu’on s’efforce de restaurer au Congrès de Vienne (1815).

Sources et bibliographie

Sources

Hugonis Grotii de Jure belli ac pacis libri tres, in quibus jus naturae et gentium, item juris publici praecipua explicantur, 1625 (Gallica).

Le Droit de la guerre et de la paix, par Hugues Grotius. Nouvelle traduction par Jean Barbeyrac,... avec les notes de l’auteur… et de nouvelles notes du traducteur, Bâle, 1746.

Hugonis Grotii De Jure Belli Et Pacis Libri Tres, with the notes of the author, Barbeyrac, and others. Accompanied by a translation of W. Whewell, Cambridge (UK), 1853.

Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, trad. Paul Pradier-Foderé Paris, 1867 (Gallica).

Thèses, disputes, exercices, portant sur le droit de la guerre soutenus à l’Université de Strasbourg (avec l’indication des cotes de la BNUS)

Dissertatio de iure belli … / quam sub praesidio J. Schalleri ; publice discutiendam proponit Joh. Ph. Orth. - Argentorati : J. G. Simon : 1634 1 vol. ; In-4. - Recueil factice : Thèses de droit de Strasbourg (1705-1805). - provenance, 1871. - Dissertatio : Strassburg : 1634 F.13.338, 1634.

Jus militare germanicum, quod… solenni examini… exhibet Joh. Daniel

Stalburger,… die 18 maii / Johann Daniel Stalburger. - Argentorati : literis J. W. Tidemanni : 1671 40 p. ; In-4. F.13.338, 1671.

Exercitatio de ratione belli, vulgo «  Raison de guerre » / quam, praeside,… Ulrico Obrechto,… a. d. 17. aprilis solenniter defendet Magnus Hermannus Fuchs. - Argentorati : typis J. W. Tidemanni : 1675 1 vol. (44 p.) ; In-4.

Recueil factice Thèses de droit de Strasbourg. - Achat, n°27601. - Dissertatio : Argentorati : 1675. F.13.338, 1675.

De Captivis in bello / Jean Adam Thanner. - Strasbourg : Jean Welper : 1685 40 p. ; 19 cm.- Diss. ; Jur. ; 1685 ; Strasbourg. F.13.338, 1685.

Quid in solo pacato liceat belligeranti contra hostes…/ defendet Johannes Gerardus von Stökken..., d. [30.] mensis [octobr.] an. 1693 ; Jean-Joachim Zentgraff, praes. - Argentorati : s.n. : [1693] In-4. F.13.338, 1693.

Quid in hostem aqua liceat / Jean-Joachim Zentgraff ; publice proponet Johannes Philippus Theurer... die [ ] februarii 1685… - Argentorati : s.n. : 1685 In-4. F.13.338,1685.

Disputatio inauguralis de occupatione bellica / Joh. Adam Brunleger. - Argentorati : Staedeli J : 1702 50 p. ; 19 cm . - Recueil factice: Thèses de droit de Strasbourg, 1702. M.22.802. F.13.338, 1702.

Dissertatio inauguralis de praeliminaribus pacis/ quam… solenni eruditorum examini submittit Joh. Henricus Schoell,… ad d. [ ] octobr. 1708…- Argentorati  : literis D. Maagii  : 1708 1  vol. (42 p.) ; In-4.- Recueil factice : Thèses de droit de Strasbourg. – Dissertatio : Argentorati : 1708. F.13.338, 1708.

Disputatio inauguralis de jure circa obsidionem/ quam … pro licentia summos in utroque jure honores … consequendi, publico eruditorum examini solenniter subjicit Joh. Michael Zentgravius, … ad d. [22.] februar. 1709. Argentorati : literis D. Maagii : [1709] 24 p. ; in-4. F.13.338,1709.

Dissertatio inauguralis de judicio militari criminali vulgo Vom Kriegsrecht / Friedrich Albert Zentgraf. - Argentorati : Literis Danielis Maagi : 1712 40 p. ; 20 cm . - Thesis, Strassburg, 1712. F.13.338.

De acquisitione bellica / praeside dn. Joh. Henr. Boeclero… ; disseret Jo. Frid. Fleischmann. - Argentorati : Pastorius : 1712 1 vol. (26 S.) ; In-4. Recueil factice : Thèses de droit de Strasbourg (1802-1870). - Dissertatio : Strassburg : 1712. F.13.338, 1712.

Dissertatio inauguralis juridica de jure belli statuum imperii romano-germanici/ quam… eruditorum examini submittit ad d. 27 augusti a. 1749 Joh. Fridericus Oesinger. - Argentorati : typis J. H. Heitzii : 1749 1 vol. (II-38 p.) ; In-4. - Recueil factice : Thèses de droit de Strasbourg. - Achat, n°32465. - Dissertatio : Argentorati : 1749. D.141.912 ; M.703.142 ; F.13.338, 1749.

Table des traités entre la France et les puissances étrangère : depuis la paix de Westphalie jusqu’à nos jours, suivie d’un Recueil de traités et actes diplomatiques… Vol. 1/ par Chr. Koch,… J. Decker (Basle), 1802.

Histoire abrégée des traités de paix, entre les puissances de l’Europe, depuis la paix de Westphalie. Tome 1/ ; par feu M. de Kock. Ouvrage entièrement refondu, augmenté et continué jusqu’au congrès de Vienne et aux traités de Paris de 1815, par F. Schoell… Paris 1817-1818.

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François Igersheim