Kirchengesang (culte protestant)

De DHIALSACE
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Chant religieux protestant.

Dès les débuts de la Réforme, l’hymnologie religieuse a connu un changement significatif, voulu par tous les réformateurs qui accordaient une grande importance au rôle de la musique dans l’expression de la foi. Il s’agissait de remplacer le chant grégorien en latin de la messe par les chants de toute l’assemblée, en langue vernaculaire et sur des mélodies simples, variées et faciles à retenir. Luther, le premier, en composa lui-même quarante-trois, de 1523 à sa mort, paroles et musique, en allemand. Il disait que chanter un hymne, c’était prier deux fois. Les sources littéraires de ces cantiques sont bibliques et patristiques, le dernier concile œcuménique reconnu par les protestants étant celui de Chalcédoine (451). Luther a repris du trésor liturgique médiéval certains chants latins qu’il a traduits, tels le Veni redemptor gentium et le Veni creator spiritus de Raban Maur (VIIIe siècle). À la différence du psautier réformé, strictement tiré de textes bibliques, le cantique luthérien ou choral est d’inspiration plus étendue.

En Alsace, Strasbourg joue un rôle prépondérant dans cette évolution. Dès 1524, de nouveaux chants sont diffusés. Les recueils de psaumes, traduits en allemand et mis en musique, se succèdent : 1537, 1538, 1539, en partie sous l’impulsion de Capiton. Bucer a le même souci d’associer les fidèles, en référence au sacerdoce universel, à la célébration du culte en les faisant chanter à l’unisson des psaumes et des cantiques inspirés des Écritures, accompagnés par l’orgue (cité par lui en 1541), sur des mélodies populaires ou composées par les organistes Wolfgang Dachstein et Mathias Greiter. Il publie le sien en 1541, plus restreint en nombre, réédité et augmenté en 1559, notamment par des cantiques de Luther. Il est remplacé par un recueil officiel en 1625, nettement plus orthodoxe luthérien et destiné à toutes les paroisses de la ville et de ses territoires ruraux. Chaque édition comporte les mélodies à l’unisson. Les femmes chantent une octave au-dessus des hommes. Un chantre (Vorsänger) entonne les mélodies et entraîne les fidèles. Cette tradition se maintient longtemps, même jusqu’au début du XXe siècle au Temple-Neuf.

De son côté, Catherine Zell compose entre 1534 et 1536 son recueil de cantiques populaires, souvent empruntés à celui des Frères Moraves de 1531, pour être chantés à la maison ou au travail. Les cantiques moraves ont peu à peu, par la suite, fait leur entrée dans les recueils luthériens, surtout au XVIIIe siècle.

Calvin, dès le début de son séjour à Strasbourg, reprend l’idée, déjà avancée en 1537 à Genève, de faire chanter quelques psaumes en forme d’oraison. Influencé par Bucer, il publie, en 1539, Aulcuns pseaulmes et cantiques mys en chant, le premier psautier en langue française de 18 chants versifiés par lui et surtout par Clément Marot, sur des mélodies, imprimées également, déjà connues ou composées par des musiciens strasbourgeois déjà cités. L’unique exemplaire conservé subsiste à Munich. Réédité sur place et augmenté en 1542 (Manière de faire prières…, un seul exemplaire, à Genève), 1545 (La forme des prières…, un seul exemplaire, détruit en 1870 à Strasbourg), 1548 (un seul exemplaire à Wolfenbüttel) et 1563, il est l’embryon du Psautier dit huguenot ou Psautier de Genève, dont l’édition complète des 150 psaumes versifiés par Clément Marot et Théodore de Bèze et mis en musique par des compositeurs et chantres de la paroisse Saint-Pierre de cette ville, paraît en 1562. Cette version a été révisée plusieurs fois. La mélodie, monodique au départ, est harmonisée à plusieurs voix par Claude Goudimel dès le XVIe siècle, par les Genevois I. de Certon en 1546 (à usage domestique) et Loys Bourgeois en 1547. Par suite de la fermeture de la paroisse réformée francophone de Strasbourg en  1563, l’usage du psautier genevois l’a emporté partout. Au contraire des luthériens, Calvin était opposé à l’accompagnement d’un orgue. Les réformés s’y résolurent bien plus tard. Ce psautier connut un succès considérable et durable et fut bientôt traduit ou adapté en plusieurs langues, notamment en allemand par Ambrosius Lobwasser en 1565 et, à quatre voix, en 1573, sous le titre Der Psalter des königlichen Propheten David.

La Hanawische Kirchen- und Schulen-Ordnung de 1659 donne des instructions sur le chant : les jeunes, catéchumènes compris, doivent chanter avec l’assemblée ; celle-ci chante avant et après la prédication, en particulier le Notre Père, le Décalogue et quelques cantiques dont les titres sont donnés. On recommande de faire chanter par les élèves de l’école latine de Bouxwiller un choix d’hymnes en latin. D’autres titres sont énumérés pour la célébration de la Cène et pour les fêtes, les périodes du calendrier liturgique et les enterrements. Ainsi, de la Pentecôte à Noël, on chante en priant le Saint-Esprit. Selon les lieux, le chantre ou le maître d’école veille à la prononciation correcte des textes.

À Mulhouse où la messe est abolie dès 1529, on s’inspire du recueil de Zurich, supplanté à la fin du XVIIe siècle par le psautier de Lobwasser. Colmar, passée à la Réforme seulement en 1575, adopte le cantique luthérien en usage à Strasbourg et, en même temps, dès 1606, le psautier de Lobwasser, parce qu’elle penche du côté réformé.

Le Convent ecclésiastique luthérien de Strasbourg impose en 1707 dans les paroisses de son territoire un recueil unique de 195 cantiques. Jugé insuffisant, il est réédité en 1735 avec 661 numéros et utilisé jusqu’à la Révolution. Le chant est conduit par l’orgue, dont le jeu se poursuit, surtout lors des fêtes, par les interventions d’un orchestre ou d’une chorale, dirigés par un Kapellmeister. Cette musique, cependant, ne s’est guère renouvelée avant le milieu du XVIIIe siècle, étant longtemps peu perméable à l’influence extérieure.

Dans le comté de Hanau-Lichtenberg, un nouveau livre de cantiques est introduit en 1696, mais le pasteur Jean Jacques Engelbach, Spezial (sorte de président de consistoire) du secteur de Bouxwiller, est gagné au courant piétiste de Zinzendorf. Pour affirmer sa foi par une pratique personnelle permettant l’union de l’âme au Christ, l’émotion entre dans son expression par le chant. Avec sa famille et ses amis, étudiants de l’université de Halle, Engelbach propage ce courant jusque dans les seigneuries voisines, au grand dam du Convent ecclésiastique de Strasbourg, gardien de la tradition luthérienne. Engelbach ajoute au recueil de 1696 une série de chants empruntés à celui, nettement piétiste, de Johann Anastasius Freylinghausen, de Halle, le Geistliches Gesangbuch, et le fait adopter dans le comté en 1737 sous le titre significatif Das girrende Täublein, d’après le Cantique des Cantiques, chapitre 2, verset 14. Malgré la mise en garde du Convent et l’intervention brutale du prince de Hesse-Darmstadt, entraînant la disgrâce d’Engelbach en 1749, l’influence du piétisme et des Frères Moraves a longtemps subsisté dans la région.

À Colmar aussi, on se préoccupait de se mettre à jour. Un nouveau cantique fut utilisé à partir de 1661, enrichi à son tour en 1707 par le pasteur Ziegler, lui-même révisé en 1722 (Colmarisches Gesangbuch) et 1736 par son successeur Lichtenberger, puis réédité en 1766. Cette évolution se constate également à Mulhouse, liée aux cantons suisses réformés, où le psautier de Lobwasser est enfin remplacé en 1771 par la version bâloise de Spreng. La paroisse française a choisi, à partir de 1744, le Psautier huguenot de Genève, comprenant quelques cantiques en plus.

Territoire francophone, le Ban de la Roche a bénéficié de la sollicitude du pasteur Stuber. Pendant son intérim à Barr de 1755 à 1760, il rédige pour ses anciens paroissiens une adaptation simple du cantique en usage dans les Églises de langue française (de la principauté de Montbéliard ?). Ses Cantiques sur des airs choisis, parus en 1770, rencontrent un succès tel qu’il a fallu les réimprimer en 1773, 1779 et 1786, sous les auspices de Jean Frédéric Oberlin. Il est possible qu’ils aient aussi servi pour les cultes en français, introduits au milieu du XVIIIe siècle dans certaines paroisses luthériennes de Strasbourg.

Cependant, à partir de 1750, le mouvement de l’Aufklärung et du rationalisme se traduit par un appauvrissement de l’hymnologie protestante en Allemagne, puis en Alsace. Le Lobwasser est remplacé en 1798 chez les réformés par celui de Matthias Jorissen, Neue Bereinung der Psalmen.

Après la Révolution, l’Empire réorganise les cultes en unifiant en France l’Église de la confession d’Augsbourg, sous la houlette d’un Directoire établi à Strasbourg. Celui-ci a cru bon de reprendre le projet d’un recueil de cantiques préparé sous l’Ancien Régime par le Convent, « modernisés dans la forme et rationalisés dans le fond » (Strohl, p. 361). L’influence des Lumières y est, en effet, patente. Le Directoire veut en faire le recueil officiel de son Eglise en 1808, mais il suscite des réserves et rencontre des résistances. Colmar préfère remanier le sien, dû en 1781 et 1782 au poète Théophile Conrad Pfeffel et à Jean Ulrich Metzger, comportant 365 chants de la même eau, sous le titre de Colmarisches verbessertes Gesangbuch. À Bouxwiller, on prétexte que ce recueil est fait pour les citadins et ne convient pas aux ruraux, attachés aux anciens cantiques du Hanauerland. En Alsace Bossue et autour de La Petite Pierre, on ne veut pas renoncer à celui de Nassau. Malgré la vente de 48 000 exemplaires de son recueil en six ans, les critiques formulées amènent le Directoire à temporiser. Il autorise, en 1816, la réimpression du vieux cantique du Hanauerland. L’indigence de celui de 1808 a été de plus en plus ressentie au cours du siècle sous l’influence conjuguée du Réveil religieux, des sociétés bibliques, du piétisme toujours vivace et enfin du retour à la tradition luthérienne.

Hanauische vermehrte Kirchen- und Schulen-Ordnung, Strasbourg, 1659 (passim, index).

PIDOUX (Pierre), Le psautier huguenot du XVIe siècle. Les mélodies, Bâle, 1962.

WEBER (Édith), La musique protestante de langue française, Paris, 1979.

WEBER (Édith), La musique protestante en langue allemande, Paris, 1980.

Encyclopédie du protestantisme, Genève, 1995, p. 1231-1232.

STROHL (Henri), Le protestantisme en Alsace, 2e éd., Strasbourg, s. d. (vers 2000).

WEBER (Édith), La recherche hymnologique, Paris, 2001.

KELER, (Yves), Les 43 chants de Martin Luther, Paris, 2017.

FÖLLMI (Beat), « Le « Psautier de Strasbourg ». Musique et chant pendant la réforme protestante », RA, t. 143, 2017, p. 35-52.

HUG (Marc), site http://colmarisches.free.fr, avec son aimable autorisation.

Notices connexes

Calvinisme

Confession d’Augsbourg

Kirchenordnungen

Liturgie

Piétisme

Christian Wolff