Heiratsunterhändler

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Heiratsstifter, Heiratsmakler, Ehemakler, Heiratsmaklerlohn, Schadchen, courtier matrimonial, marieur.

Dans les communautés restreintes, le mariage est l’affaire des familles et amis. Ce sont eux, et tout particulièrement le père de famille, qui se préoccupent de la recherche et du choix des conjoints. Mais l’opération implique de plus en plus souvent aussi la rédaction de contrats. Il est donc très souvent fait appel à des négociateurs (Heiratsunterhändler, Heiratsstifter).

Dans les familles nobles, l’endogamie est la règle, mais il faut éviter la consanguinité et, en même temps, préserver le patrimoine du lignage. C’est pourquoi, la recherche d’un conjoint se fait souvent dans le cadre d’un réseau d’amitiés, Freundschaft, qui peut se superposer à l’ordre nobiliaire (Ritterschaft und Adel) pour la noblesse de l’Alsace autrichienne du XVe au XVIIe siècle, la noblesse immédiate de Basse-Alsace ou, pour les familles les plus prestigieuses (Herrenstand). Ces éléments incitent des dynastes comme les Ribeaupierre ou les Lichtenberg à s’allier avec des familles du même niveau (exemple : Ulrich IX de Ribeaupierre et Anne-Alexandrine de Furstenberg en 1522), ce qui suppose des intermédiaires et la préparation d’un contrat (G. Bischoff).

C’est affaire de haute politique pour les rois et princes. À l’article « Reine » de son Répertoire, Merlin se refusait à traiter du « mariage par procureur », pourtant prévu par le droit canonique (cérémonie que l’on doit renouveler quand les époux sont réunis). Le mariage par procuration de Louis XV et de Marie Leczynska a été célébré à la cathédrale de Strasbourg le 15 août 1725, le procureur étant le duc d’Orléans ; il est renouvelé à Fontainebleau le 5 septembre. Le mariage par procuration de Marie-Antoinette a été célébré à Vienne dans l’église des Augustins, le 19 avril 1770, son frère le grand-duc Ferdinand, représentant son mari, le Dauphin, futur Louis XVI.

La rémunération de la transaction est liée à la négociation du contrat de mariage, au montant des donations nuptiales réciproques, dot en droit romain, mitgift ou heimsteuer en droit du Saint-Empire, et des arrhes versées en vue de mariage, et enfin de celles des indemnités ou dédit au cas où le mariage ne se ferait pas. Le droit romain admet le courtage matrimonial et le Code Justinien en limite la rémunération au vingtième de la dot (Code) ou le soumet à l’appréciation du juge en cas de désaccord des parties (Digeste).

Tous les canonistes qui, au Moyen Âge, redécouvrent le droit romain n’ont pas tous condamné la pratique en la qualifiant de simoniaque, puisque l’on devait rémunérer ce que le concile de Latran IV avait élevé au rang de sacrement. Pourtant répandu, et admis par les juristes, elle a mauvaise réputation, et le mot commun proxenetica, rémunération de la transaction, s’applique volontiers à l’entremetteur de prostitution Kuppler ou Kupplerin, dont l’activité est peu recommandable, voire sordide, et la rémunération, le Kupplepelz, le salaire de la tromperie. Pour le Sixième Statut urbain de Strasbourg (1322), le fait pour un domestique homme ou femme de livrer ses enfants – pubères ou non – à la prostitution ou d’y entraîner le mineur sous tutelle de la maison où il est employé entraîne la mort par noyade pour l’homme, les yeux crevés et le bannissement pour la femme (UBS IV. Art.  177). Nombre de statuts urbains du Saint-Empire comprennent des dispositions analogues, et la condamnation du proxénétisme est reprise dans la Peinliche Gerichtsordnung ou Caroline (Art. 122 et 123).

Les juristes humanistes de l’école de Bourges, dont se réclament les professeurs de l’Académie de Strasbourg, se fondant sur le droit romain, reprennent la définition et distinguent la transaction licite et illicite (Droit, enseignement du). Pour Cujas, les proxenetica sont la rémunération du courtier qui a permis de conclure un contrat de commerce, fonder une société, et de faire un mariage. Et il distingue l’activité licite et illicite. Pour le doyen de l’Académie de Strasbourg devenue alors Université, Justus Meier (NDBA, 2585), le courtage matrimonial est si répandu qu’il fait partie du droit commun. Meier introduit un argument nouveau en se référant à la bible et au mariage de Isaac et de Rébecca contracté par l’office du serviteur d’Abraham (1622). En 1669, le Saxon Findekeller, dans sa thèse soutenue à Strasbourg, rappelle que de très nombreux mariages sont contractés par l’intermédiaire de courtiers matrimoniaux, dont l’activité est si utile, et qui dispensent les prétendants de pudeurs, de timidités, et d’anxiétés sur les montants des apports matrimoniaux. Les juristes insistent bien sur la distinction entre courtage matrimonial licite et proxénétisme illicite. Et d’énumérer les personnes à qui cette activité est interdite, particulièrement les parents ou tuteurs des prétendants. Par contre, nombre d’entre eux contestent la validité de la disposition qui en fixe la rémunération à 5%, et optent pour la liberté contractuelle. C’est une question de doctrine pour les juristes du droit naturel, pour qui les contrats se négocient librement. Réalistes, les Strasbourgeois en sont partisans aussi, ne serait-ce que parce que dans de nombreuses villes du Saint-Empire (et donc à Strasbourg) les courtiers pratiquent un tarif dont le montant est fixé par la coutume du lieu. La pratique est poursuivie après le rattachement à la France. À partir de la Révolution, plusieurs arrêts de la Cour de Colmar se prononcent sur les contrats de mariage sous seing privé. Il est notoire, déclare un arrêt du 4 prairial an 13 (25 mai 1805), que « les Alsaciens pouvaient, avant la nouvelle législation, faire valablement leurs contrats sous seing privé, tout comme ils jouissaient du privilège de changer leurs contrats de mariage après la célébration … Il a été passé une foule de contrats de mariage sous seing privé, sans qu’aucun n’ait été querellé, tant l’usage en était constant… À plus forte raison les dispositions entre vifs ou à cause de mort, ont été également valables comme accessoires et faites en contemplation du mariage dans la vue de le faciliter et de le favoriser et sans lesquelles il eut pu ne pas avoir lieu ou pour mieux dire, ces dispositions deviennent des conventions et pactions matrimoniales qui s’identifient avec les autres comprises dans les contrats de mariage ». (Colmar, Arrêts notables 1805/1806, p. 505). Le Code civil exige pour la validité du contrat qu’il soit passé devant notaire – qui exerce aussi les fonctions de marieur. Les contrats sous seing privé sont rédigés par des courtiers matrimoniaux et cette pratique coutumière s’est maintenue au cours du XIXe siècle.

Au XVIIIe siècle, dans le Saint-Empire, les différents Codes, bavarois, autrichiens, adoptent des réglementations différentes. La Bavière admet l’activité du courtier de mariage, mais les Codes autrichiens (qui n’ont pas été appliqués dans tous les territoires des Habsbourg) sont plus réservés. Le Code Napoléon adopte la même attitude : l’article CC. 1088 édicte la nullité des donations faites en faveur du mariage si celui-ci n’a pas lieu, et donc la restitution d’arrhes éventuelles. Après hésitation, la Cour de Colmar admet cependant que la rupture de promesses de mariage peut entrainer dommages et intérêts en vertu de l’article CC. 1382, rejoignant l’ancienne jurisprudence du Conseil_souverain, mais seulement sur les dommages subis, non plus sur les espérances disparues, comme l’avait admis le Conseil souverain. Dans le silence du Code Civil, c’est la Cour de Cassation qui tranche, très tardivement d’ailleurs (1855) : le courtage matrimonial est prohibé quand sa rémunération « est en rapport avec l’importance du résultat à obtenir ». C’est interdire la rémunération en pourcentages (de 2 à 5% de la dot). Plus net encore, la Cour de Cassation juge que ce contrat repose sur une cause contraire aux bonnes mœurs ; car le mariage repose sur le libre consentement des époux (CC. Art. 1387) et doit être affranchi de toute influence étrangère et intéressée sur la détermination des uns ou des autres… et ainsi « compromettre ou altérer la moralité et la liberté du consentement… ». Par la référence aux bonnes mœurs et à l’ordre public, cet arrêt s’en prend donc également à ceux qui, pour défendre cette occupation, la rattachaient à un mandat commercial. Elle détermine la position du droit français. La Cour met fin à l’incertitude qu’entretenaient plusieurs arrêts de cours d’appel, dans la première moitié du XIXe siècle, parmi lesquels on ne trouve pas la Cour de Colmar, et qui témoignaient de l’activité maintenue des courtiers matrimoniaux. Elle ne la supprime pas – comme en témoigne l’activité des agences, notaires, curés – mais elle rend plus difficile le recours aux tribunaux pour trancher des conflits entre prétendants et agent matrimonial. À moins que, comme l’indiquent les commentateurs, celui-ci ne prenne un forfait par avance sans faire dépendre sa rémunération de son succès, évitant ainsi de peser sur le choix de ses clients (G. Raymond). Dans l’aire allemande du Code Napoléon, les arrêts des Cours d’appel (Karlsruhe, Mannheim, Cologne) ont admis l’activité des marieurs, mais émettent des réserves sur la rémunération en pourcentage de la dot. À la surprise de l’opinion, l’article 656 du Bürgerliches Gesetzbuch (1896) se rapproche de la doctrine française et édicte la nullité de tout contrat en vue de conclure un mariage. Elle interdit donc l’activité des courtiers matrimoniaux.

Le chadchen ou schadchen, marieur juif

Le recours à un marieur est traditionnel dans la population juive. Elle se justifie par la dispersion des communautés. Au Moyen Âge, cet office est exercé par les rabbins eux-mêmes, aux relations fort vastes. C’est souvent leur seul revenu. Ainsi au XVe siècle, le rabbin Jacob ben Moses Mölln de Mayence qui dispose d’une autorité incontestée en Alsace, y arrange de nombreux mariages. Les revenus qu’il en tire lui servent à entretenir une école talmudique et aider les élèves nécessiteux.

Aux XVIIIe et XIXe siècle, dans les campagnes, le chadchen, entremetteur itinsérant exerce une activité mal définie entre mendicité et colportage. La rémunération du schadchen est toujours un pourcentage de la dot. Elle est en général de 2% de la dot, mais peut monter à 4% si les conjoints réunis viennent de domiciles fort éloignés. Les parents des conjoints donnent chacun la moitié.

L’office du marieur culmine dans la visite aux parents de la jeune fille et la rencontre des prétendants. Si les prétendants s’accordent, on célèbre les fiançailles dès le lendemain, au cours d’un « Knasmahl » où l’on négocie les clauses du contrat de mariage. L’on passe alors dans la stub, où le rabbin célèbre les fiançailles, en proclamant le contrat, où sont stipulés le montant de la dot, celui des cadeaux réciproques, et s’il y avait néanmoins rupture, le montant du dédit ou dédommagement. Puis le rabbin trace à la craie un cercle au milieu de la pièce. Il écrit les lettres hébraïques m et t pour mazal tov. Les fiancés prennent place dans le cercle, pendant qu’on lit le contrat. Le fiancé se saisit des pans d’habit des deux témoins et promet d’accomplir fidèlement les obligations du contrat. Puis l’on brise une cruche en prononçant la formule « de même que ce pot brisé ne saurait être reconstitué, de même cet agrément ne pourra être rompu ». Et chacun de ramasser un tesson pour l’emporter avec soi. Les fiançailles sont consommées. Dans une pièce voisine, l’on règle alors les honoraires du chadchen (Freddy Raphaël).

Bibliographie

Arrêts notables de la Cour de Colmar, 1805/1806, Gallica 15/1/2016.

Encyclopedia Judaica, Jewish Encyclopedia. Davis, Shadkan. Le 7/2/2016.

Judisches Lexikon, Samuel Rappaport, « Schadchan » le 7/2/2016.

UBS, IV/2. Stadtrecht VI, Art. 177, Strasbourg 1888, p. 93.

FINDEKELLER (Johannes-Sigismund), De Proxenitis et Proxeneticis, vulgo Makler und Maklerlohn, thèse Strasbourg 1669, (BNUS).

JUNG (Karin), Der Ehemaklerlohn, Publications universitaires européennes, Francfort/Main, 1991.

MERLIN, Répertoire, art. « Reine ». Gallica 15/1/2016.

RAYMOND (Georges), « Commissions en matière de mariage ». La Revue judiciaire, 1910. p. 298 (Gallica).

SCHINDLER (Ernst), Die gewerbsmässige Heiratsvermittlung : Ihre Geschichte, Dogmatik und Behandlung im deutschen Reichsrecht, Berlin ,1901.

RAPHAEL (Freddy), Le mariage juif dans la campagne, Judaisme. sdv.fr le 7/2/2016.

Notices connexes

Bans de mariage

Concubinage

Coutume

Droit de l’Alsace

Femme (droit de la)

Mariage

François Igersheim