Hôpitaux militaires

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Après la paix de Munster, une ordonnance du marquis de Louvois de 1661 prescrivit l’implantation d’hôpitaux militaires permanents dans les places de guerre des provinces frontières d’Alsace et des Flandres, afin de satisfaire les besoins sanitaires de leurs garnisons en temps de paix et servir d’établissements de soins aux blessés de guerre.
Vers la fin du XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe se développèrent alors les premiers hôpitaux militaires d’Alsace, dont le plus important de la province : celui de Strasbourg. Ils dépendaient directement de l’Intendant, par l’intermédiaire des commissaires des guerres. À chacun de ces hôpitaux étaient attachés, au moins, un directeur, un aumônier, un chirurgien, un apothicaire, des infirmiers, rémunérés par le trésor royal, et dont les effectifs étaient ajustés à la capacité d’accueil de chaque établissement.

Avec les guerres de la Révolution et de l’Empire, la concentration de troupes nombreuses le long de la frontière avec le Saint-Empire, la proximité des combats de part et d’autre du Rhin, le réseau hospitalier militaire existant s’avéra vite insuffisant. Pour faire face aux besoins grandissants, furent alors établis des hôpitaux annexes temporaires, essentiellement dans des édifices religieux nationalisés (couvents des bénédictins à Altorf, des capucins à Blotzheim, des catherinettes à Colmar, des bénédictins à Ebersmunster, des tiercelines à Haguenau, des chartreux à Molsheim, des capucins d’Obernai, des bénédictines à Saint-Jean-Saverne, des dominicains et des dominicaines de Sylo à Sélestat, des capucins, des récollets et des dominicaines à Strasbourg, des augustins et des capucins à Wissembourg).

Claude Betzinger

Colmar

En 1699, une partie des anciens bâtiments conventuels, vendus par les franciscains à la ville de Colmar et transformés en hôpital, fut affectée à l’hôpital militaire de la garnison (place du 2 février 1945), dénommé « Hôpital Français ». Un incendie dû à la foudre en 1735, détruisit totalement les anciens bâtiments du couvent franciscain, mais l’hôpital fut en partie reconstruit sur ses anciennes fondations.

L’hôpital militaire fut transféré en 1792 au couvent des Catherinettes (rue Kléber) où il restera jusqu’en 1887.

Fort-Louis du Rhin (Fort-Vauban)

Vauban posa lui-même la première pierre de la ville-citadelle en 1687. Des casernes et un hôpital militaire occupaient l’intérieur du « Fort Alsace », édifié sur la rive alsacienne du Rhin et relié à la ville par un pont de bois. L’insalubrité de cette place-forte, due à une très forte présence de l’eau, favorisa l’apparition de nombreuses maladies ; le taux de mortalité y fut très important ; c’est ainsi que de 1716 à 1778 y furent relevés 6394 décès, dont plus de 900 pour la seule année 1743. Cependant, peu de renseignements sur cet hôpital subsistent, ses archives ayant disparu (Himly).

En novembre 1793, lors du siège de « Fort-Vauban » par les coalisés, l’hôpital militaire fut touché et flamba presque entièrement durant deux jours.

Haguenau

Haguenau connut plusieurs hôpitaux militaires, auxquels s’ajoutèrent, selon les besoins, des établissements temporaires.

L’hospice Saint-Jacques des pauvres passants (Elendenherberge) qui existait depuis 1474 (quai des Pêcheurs) avait déjà été converti passagèrement en hôpital pour soldats pendant la guerre de Trente Ans. En 1690, l’administration militaire royale le réclamant pour les malades et blessés de l’armée d’Allemagne (guerre de la Ligue d’Augsbourg en Rhénanie), la ville lui céda une partie du bâtiment. Cependant, en 1781, l’hôpital militaire, dans les locaux de plus en plus délabrés de l’hospice Saint-Jacques, était devenu insalubre, et l’intendant Chaumont de la Galaizière (1727-1812) fit alors réserver quelques salles de l’hôpital bourgeois pour les militaires. La cohabitation de personnes militaires et civiles des deux sexes se révéla si difficile que dès 1782 on envisagea la construction d’un hôpital militaire séparé.

Fut alors décidée la construction d’un hôpital mixte, civico-militaire de grande taille dans lequel seraient reçus séparément tant les bourgeois de la ville que les militaires de la région, et qui sera dé- nommé « Hôpital militaire et bourgeois » prévu pour accueillir 400 à 500 soldats malades. Sa construction fut commencée en 1783 et la ville prit à sa charge les frais de construction sur un terrain qu’elle avait acquis (rue du maire André Traband, anct boulevard Nessel). À peine le gros œuvre terminé en 1788, qu’une ordonnance royale du 20 juillet de la même année supprima les hôpitaux militaires régionaux, dont celui de Haguenau, pour ne plus servir que d’hôpital de garnison. Le bâtiment, même pas achevé et qui avait coûté fort cher à la ville, avait ainsi perdu sa raison d’être. Malgré tout, il fut encore utilisé, mais peu, et dans des conditions d’hygiène et de confort déplorables. Ainsi, en 1789, il n’y eut que deux malades de la garnison, et l’hôpital resta vide un moment. En dépit de son état, pendant les guerres de la Révolution on y logea de nombreux soldats blessés après les combats du Palatinat de l’été et l’automne 1793, et lors de l’occupation du nord de l’Alsace par les Autrichiens et les Condéens, il leur servit aussi d’hôpital militaire. L’armée de Condé installa son ambulance à Haguenau « dans des locaux sordides, d’odeur repoussante », y amenant 350 blessés, dont le comte Achille de Montmorency-Laval, qui y mourut. En 1796, le couvent des tiercelines servit de dépôt de l’hôpital militaire. En novembre 1806, 805 malades et plus de 800 blessés arrivèrent à Haguenau : on réouvrit l’ancien hôpital désaffecté, mais à la fin du mois, tous les malades furent évacués, après quoi, il fut totalement abandonné. Un décret impérial du 3 mars 1809 instituant un « Dépôt de Mendicité du Bas-Rhin », le bâtiment fut affecté à cette nouvelle destination, provisoirement retardée en raison des péripéties de la guerre. La retraite de la « Grande Armée » amena une multitude de blessés dans la ville ; ainsi, entre le 4 et le 11 novembre 1813, environ 1 200 malades et blessés furent dirigés de Mayence à Haguenau où les capacités d’accueil étaient insuffisantes. Remis à la disposition de l’administration militaire, l’ancien hôpital civico-militaire, insalubre, infesté par les rats, les poux et la vermine, fut vite surpeuplé ; l’épidémie de typhus s’y développa, et on dénombra jusqu’à vingt morts par jour ; parmi eux, le médecin-chef et de nombreux soignants. Par la suite, il retrouva sa fonction de dépôt de mendicité, mais le bâtiment n’en servit pas moins à loger des militaires malades ou blessés lors des événements de 1813 et 1815. Il fut ensuite converti, d’abord en caserne, puis en maison centrale de détention pour femmes, et enfin en maison centrale mixte jusqu’en 1986, date de sa fermeture définitive. Resté désaffecté, l’édifice fut partiellement démoli. En 1996 un IUT s’établit dans son aile nord réaménagée, et la ville, ayant racheté le bâtiment (qu’elle avait payé fort cher deux siècles plus tôt !), y installa en outre la médiathèque municipale en 2001. (Inscrit partiellement Monument Historique le 9 août 1990, réf. IA 00061926).

L’hôpital mixte étant devenu dépôt de mendicité, on construisit en 1812 un nouvel hôpital militaire sur la rive droite de la Moder. Un bâtiment isolé, d’une capacité de 400 lits destiné aux militaires malades, fut érigé en prolongement de l’hôpital bourgeois Saint-Martin (place d’Armes). Lors de la retraite de la Grande Armée, il ne put absorber l’énorme afflux de soldats malades, qui furent alors répartis dans des familles bourgeoises, où ils répandirent la contagion dont ils étaient presque tous porteurs. En janvier 1814, les Cosaques et les Autrichiens pénétrèrent dans Haguenau, et en mars, un hôpital russe s’installa dans les locaux devenus vacants après l’évacuation des soldats français. Les frais d’hospitalisation étant entièrement mis à la charge de l’administration française, les Russes en abusèrent largement avec des revendications de plus en plus exagérées. L’hôpital militaire restera opérationnel jusqu’en 1883 quand sera érigé un lazaret sur la route de Bischwiller (démoli). Le bâtiment ayant alors été affecté à l’hôpital civil, a été depuis démoli (parking de la Vieille Île).

Huningue

Dans la forteresse de Huningue, dont la construction avait commencée en 1679, Vauban avait inclus un hôpital militaire, un bâtiment de trois corps en U de deux étages, situé à l’est de la ville. Il comportait cinq salles avec 206 lits ainsi que trois greniers pouvant encore contenir cent lits en cas de besoin. En 1690 il y avait 219 malades à l’hôpital et 410 en 1719. Pour parer sa progressive dégradation, d’importants travaux furent entrepris en 1766 ; il fut agrandi en 1780, portant le nombre de salles à sept pour 560 malades. Un directeur, un chirurgien-major et un garçon chirurgien, un médecin, un apothicaire, quelques infirmiers, un aumônier et du personnel administratif étaient ordinairement affectés à l’établissement. Écrasé par les bombes lors du siège de 1813 par les Autrichiens, il fut précipitamment évacué le 29 décembre ; remis partiellement en état, il comptait 338 lits en juillet 1814, occupés tant par des blessés français qu’étrangers. Il fut désaffecté en 1816 et transformé en caserne de cavalerie.

Landskron (à Leymen)

L’ancienne forteresse fut remaniée et renforcée en 1684 selon les plans de Vauban et reçut une garnison d’environ 300 hommes. Elle servit aussi de prison royale jusqu’à la Révolution, ce qui lui valut le surnom de « Bastille alsacienne ». « Hopitaux. - Il n’y en a point, l’on envoye les soldats malades à l’hôpital d’Huningue », relève-t-on dans un Mémoire Concernant le Château de LandsKronn dans l’Estat qu’il est, de 1717 (BnF, nouv. acq. fr. 23 034, fol. 3, publié sur site « notices-patrimoine.region-alsace.eu », 23.2.2016). Cependant, sur un plan anonyme de 1764, est mentionné en légende : « Logement contenant la cantine, des chambres de soldats, l’hôpital et le logement du chirurgien-major ». Pendant la Révolution, l’hôpital du Landskron recevait surtout le surplus des malades de celui de Huningue. En décembre 1813 les Autrichiens et les Bavarois incendièrent et firent sauter la forteresse, qui sera abandonnée dès 1814.

La Petite-Pierre

En 1684, Vauban consolida les fortifications et y aurait aménagé un hôpital militaire (Havé, 2003), mais un plan de la forteresse de 1762 n’en mentionne pas (A. Wollbrett, planche IX) et Horrer (Dictionnaire géographique) ne le fait pas figurer sur sa liste (p. 25).

Lauterbourg

Un hôpital militaire provisoire fut établi en 1707 dans trois maisons bourgeoises aménagées, hors des murs de la ville, le long de la Lauter. Un nouvel hôpital, dont la construction fut achevée en 1735, sur le même emplacement, contenait 432 lits avec possibilité de 72 en plus dans le grenier. Un plan de la ville dressé en 1775 par l’ingénieur militaire Benoist de Neuf-Lieu place cet hôpital au N-N-O de la ville, près de l’enceinte (BNUS, MS.3.909,14). L’annuaire Bottin du Bas-Rhin de l’an VIII (p. 205) mentionne la présence d’un médecin, d’un chirurgien et d’un apothicaire dans l’hôpital militaire de Lauterbourg.

Lichtenberg

Place-forte royale depuis 1682 lorsque Vauban fit améliorer les défenses que Daniel Specklin (1536-1589) avait fait édifier vers 1580. Un hôpital militaire fut installé dans le bâtiment dont le commandant de la place occupait le troisième niveau. Cependant, ni Horrer, ni l’État militaire de la France ne le mentionnent. Pendant la guerre de 1792 à 1794, la place-forte comptait un important hôpital militaire (D. Riehm), mais qui semble n’avoir été que temporaire.

Munster

Lors des premières guerres de la Révolution sur la ligne du Rhin un hôpital militaire fut installé dans l’abbaye des bénédictins (place du Marché), dont la communauté avait été dispersée en août 1791. Cet hôpital fut évacué en 1797.

Claude Betzinger

Neuf-Brisach

Neuf-Brisach semble avoir disposé d’un hôpital dès sa construction. En effet, le 28 février 1699, Picon d’Andrezelle, subdélégué de l’Intendant et commissaire ordonnateur à Neuf-Brisach, écrit : « Mon premier soin en arrivant ici... a été de visiter l’établissement de l’hôpital qu’on destine pour recevoir les soldats qui tomberont malades pendant la construction de Neuf-Brisach ». Il y a tout lieu de penser que cet établissement a été érigé au milieu des baraques édifiées en-dehors du périmètre de la place forte, soit dans le camp de la « petite Hollande », dans celui de Saint-Jacques près de la Porte de Bâle ou dans celui de la Sirène, près de Volgelsheim, construits pour loger tout le personnel – civil et militaire – occupé à la construction. Huit régiments se trouvaient sur place en 1698.

Ultérieurement, l’établissement aurait été transféré à l’intérieur de la place au service de son importante garnison. Était-ce déjà le cas en 1702? Nous l’ignorons. La question se pose parce qu’en automne de cette année commença à sévir une épidémie, qu’on mit sur le compte « du mauvais air causé par le remuement des terres ». On enregistra 76 décès de soldats en 1703 et 82 en 1704. En 1709, Jean-Baptiste Bolgera est médecin-major à l’hôpital royal du lieu et Martial Dubois y obtient provision de chirurgien-major.

Il existe un projet de nouvel hôpital daté de 1716. Entre 1772 et 1788, Ignace Hyacinthe Blein (ou Blin) est médecin-chef de l’hôpital royal militaire de la place.

Bibliographie

Archives Départementales de Moselle, C 177, p. 27.

BNUS, Ms 1041.

LIVET, Intendance, 1956, p. 673.

HALTER (Alphonse), HERRSCHER (Roger), ROTH ( Jules), Neuf-Brisach, Colmar-Ingersheim, 1972, p. 11.

NDBA, p. 4249.

SCHLAEFLI (Louis), « De la misère en milieu rural : Rustenhart à la fin du XVIIIe siècle », Annuaire de la Société d’Histoire de la Hardt et du Ried, 2011/12, p. 48-50.

Ville-Neuve-de-Brisach

La Ville-Neuve, créée ex nihilo au bord du Rhin, face à Breisach, disposait probablement d’un hôpital. Jean-Michel Sibylle, « directeur royal de l’hôpital » (1686/87) y est également chirurgien-major. En 1693, il est, en outre « directeur de l’infirmerie de M.M. les gentilshommes d’icy aux forts », ainsi que « chirurgien-major au fort des cadets ». Pierre Oriolt lui a manifestement succédé comme « chirurgien-major des hôpitaux du Roy » en 1699. Le traité de Ryswick obligea Louis XIV à détruire cette Ville-Neuve, démolition entamée en 1698 et pratiquement achevée en 1700, alors qu’on érigeait Neuf-Brisach plus à l’intérieur des terres.

Bibliographie

SCHLAEFLI (Louis), « Un monde éphémère : la société de la Ville-Neuve de Brisach », Annuaire de la Société d’Histoire de la Hardt et du Ried, I, 1986, p. 44.

Louis Schlaefli

Saverne

Un hôpital militaire n’est cité qu’une fois dans les archives, en 1704 et F.-J. Himly pense qu’il aurait pu s’agir d’un établissement éphémère. 

En 1793, l’abbaye des bénédictines de Saint-Jean-Saverne, bien national, fut transformé en hôpital militaire temporaire.

Sélestat

Dès 1680, le poêle de la corporation des Pêcheurs (place du Vieux Port, démoli en 1765) fut converti en hôpital militaire. Très rapidement insuffisant, – on compta 740 soldats soignés en octobre 1690 – l’autorité militaire négocia longuement en vue de récupérer l’hôpital bourgeois du Fischerbach (quai des Pêcheurs) construit de 1684 à 1687. Ce ne fut qu’en 1730 que l’hôpital civil et l’hôpital militaire échangèrent leurs bâtiments. Le nouvel hôpital militaire prit alors le nom d’hôpital régimentaire de garnison, aussi dénommé « du Saint-Esprit » (du nom de sa chapelle), et appelé Welscherspital par la population locale. Il pouvait contenir 208 lits en temps normal et le triple en cas de nécessité (il fut démoli en 1960).

Pendant la Révolution, l’accroissement de la garnison, donc du nombre de malades et blessés, contraignit les autorités militaires à réquisitionner le couvent des dominicains (rue des Prêcheurs, rasé en 1804) de 1792 à 1798. En 1796, l’hôptal régimentaire fut transféré dans le couvent des dominicaines de Sylo (rue de l’Hôpital), malgré l’opposition des autorités civiles. Par un arrêté des consuls d’août 1800 sa suppression fut décidée et les bâtiments conventuels furent alors occupés par l’hôpital civil, avec toutefois l’obligation d’y entretenir 200 lits en temps de paix et 300 en temps de guerre pour y recevoir des militaires malades. Cet hôpital mixte prit alors le nom d’« Hôpital civil et militaire », qu’il gardera jusqu’en 1892.

De janvier à avril 1806, de 200 à 250 militaires y étaient hospitalisés, et à partir de 1805, les militaires occupaient toutes les salles. Les civils durent l’évacuer entièrement au profit des blessés et malades de la « Grande Armée ». Ainsi, le 20 octobre 1813, 746 soldats s’entassaient dans les salles, « débris de la campagne de Russie et des troupes qui venaient d’être battues à Leipzig » (Paul Adam). Au cours de cet hiver 1813, la moyenne journalière de soldats soignés tournait autour de 500 ; la mortalité y était élevée : 145 décès en décembre 1813, 446 de novembre à avril 1814 (typhus).

Soultz-sous-Forêts

Un hôpital militaire ambulant fut installé en décembre 1793 dans le château séquestré du baron Charles-Auguste de Bode (1741-1796), émigré en Russie, et s’y maintint jusqu’en août 1795. Le château fut rasé en 1970 et sur son emplacement est installé un supermarché.

Strasbourg

Déjà à l’époque de l’occupation romaine, un valetudinarium (hôpital légionnaire) était implanté à Strasbourg (à l’emplacement de l’actuelle place du Marché Gayot). Mais le premier établissement militaire hospitalier à Strasbourg (le Lazareth) date de 1674. Ce fut après la bataille d’Entzheim (4 octobre 1674), que des centaines de soldats blessés ou malades furent amenés dans la ville pour y être secourus et soignés. Afin de pouvoir faire face à un tel afflux et ne voulant pas encombrer les hôpitaux strasbourgeois, le Magistrat décida d’acquérir une ancienne bergerie, située hors de la porte de l’Hôpital, à quelque distance de la ville (La « rue du Lazaret » dans le faubourg de Neudorf en rappelle la localisation), et la fit convertir en un hôpital pour militaires. Un recensement d’août 1689 y dénombrait alors 941 soldats malades ou blessés. Le Lazareth fut maintenu comme hôpital de réserve jusqu’en 1716, accueillant l’excédent de l’hôpital nouvellement édifié.

À la suite de l’annexion de Strasbourg en 1681 et de la construction de la Citadelle, la garnison s’accrut considérablement et la forte présence militaire française permanente exigea de répondre à ses besoins, notamment en matière de soins. Louis XIV ordonna la construction d’un hôpital militaire (« das welsche Spital ou Welschspital » - « Hôpital des Français »), dont il assumerait les frais pour moitié, le reste à charge de la ville. On choisit de l’implanter entre la Citadelle et la ville, ce qui nécessita la démolition d’une quinzaine de maisons et jardins. Les travaux débutèrent en 1692 sur des dessins de Vauban, qui prévoyaient deux bâtiments parallèles d’une longueur d’environ deux cents mètres, reliés entre eux par des ailes transversales, formant trois cours intérieures. Il ne fut définitivement achevé qu’en 1742, postérieurement à la guerre de succession de Pologne (1733-1738). « Établissement hospitalier de garnison aux périodes de calme, il est l’aboutissement des évacuations sur l’arrière au cours des hostilités se déroulant à proximité du Rhin et de ses alentours plus ou moins éloignés » (Schierer).

L’ensemble comportait vingt-quatre grandes salles, réparties dans les deux bâtiments principaux, ainsi que plusieurs plus petites dans les ailes du milieu et dans les vastes mansardes. L’hôpital était prévu pour contenir 1 800 lits, pouvant accueillir jusqu’à 4 000 malades (à trois par lit !). Cependant, certaines salles des rez-de-chaussée devinrent inutilisables en raison de l’humidité ; l’hôpital était, en effet, construit sur un ancien terrain marécageux et restait bordé, à l’est et au nord, par le Rheingiessen, et au sud par l’un de ses bras.

On y traitait des blessés, des galeux, des vénériens, des malades atteints de paludisme, de dysenteries, de fièvres diverses, et il pouvait entrer jusqu’à 80 malades par jour en période de recrudescence des fièvres intermittentes en automne. La mortalité ne nous est connue qu’à partir de 1785, en raison de l’absence (ou de la perte) de registres de décès. On en compte 122 pour l’année 1785, 118 pour 1788, mais 66 pour 1789.

Exerçaient à l’hôpital militaire (état de 1788) : 3 médecins, 2 chirurgiens-major, 1 chirurgien aide-major, 1 adjoint au chirurgien-major, 5 chirurgiens-sous-aides, 1 apothicaire major et
1 aide (K. Engel), dont l’effectif ne variera guère dans le temps.

En plus de l’hospitalisation des militaires, cet hôpital avait aussi une mission d’enseignement, dispensé d’abord aux aides-chirurgiens. Devenu « hôpital-amphithéâtre » en 1775, on y forma des officiers de santé (médecins, chirurgiens, apothicaires, etc.), et en 1779, l’Intendant d’Alsace y créa une École d’accouchement destinée aux sages-femmes des campagnes, essentiellement catholiques. Cette école subsista jusqu’en 1796 et fut alors intégrée à l’école des sages-femmes de l’hôpital civil.

L’hôpital militaire (2, rue de l’Hôpital militaire) prit en 1919 le nom d’Hôpital militaire Gaujot, en hommage au Dr Gustave Gaujot (1828-1913) qui en avait été médecin-chef, et en 1946, les bâtiments furent mis à la disposition de la préfecture du Bas-Rhin qui les convertit en cité administrative. Certaines parties de l’édifice (façades et toitures du pavillon d’entrée, façades sur cour d’honneur des bâtiments Nord et Sud et du bâtiment de l’Horloge) ont fait l’objet d’une inscription comme monument historique le 12 octobre 1929 (base
Mérimée, réf. PA 00085044).

Avec les guerres de la Révolution, l’Hôpital militaire sédentaire devenu insuffisant, furent alors créés à Strasbourg des hôpitaux militaires accessoires, au nombre de sept :

   - l’hospice des Sans-Culottes, dans l’ancienne Maison de Force (Raspelhüs), pour blessés ; rue Saint-Jean (rue disparue), bâtiments occupés par l’Ecole Nationale d’Administration, 1 rue Sainte-Marguerite ;
   - l’hospice de la Montagne au couvent de Sainte-Marguerite (la caserne de gendarmerie, 2 rue de Molsheim a été érigée sur son ancien emplacement), pour blessés et fiévreux,
comportait treize salles et une grande cuisine ;
   - l’hôpital des Enfants de la Patrie dans l’ancienne maison des Enfants trouvés, rue des Enfants trouvés (aujourd’hui, 4 rue de l’Académie : Lycée Jean-Frédéric Oberlin), pour blessés ;
   - les Grands Capucins, comportant trois salles, douze grandes chambres et deux cuisines, sur la place du même nom (place aux Foins à partir de juin 1795), près de l’hôpital sédentaire, servant de maison de convalescence ;
   - l’hôpital de la République au quai de la République (quai Saint-Thomas), pour blessés ;
   - le Camp de l’Égalité, sous tente (localisation non trouvée), recevant les galeux ;
   - l’hospice de la Liberté, 3 (anciennement 14) place du Foin, immeuble démoli en 1972.

En 1797, il ne resta plus que trois établissements militaires de soins (l’hôpital de Sainte-Marguerite, celui des Enfants de la Patrie et l’hôpital sédentaire).

Combien de malades et de blessés y furent-ils hospitalisés ? Très peu de chiffres nous étant parvenus, seules quelques indications partielles peuvent être avancées. Ainsi, un état du mois d’août 1794 recensa un total de 2 966 hospitalisés dans six établissements ; en mars 1795 on compta 2 974 malades et blessés dans seulement trois hôpitaux (hôpital sédentaire, hôpital de l’Égalité et hôpital de la République).

Deux maux principaux affectaient malheureusement tous ces hôpitaux. Il y eut d’abord l’encombrement en raison d’une affluence considérable de malades et blessés, souvent couchés à même le sol, entassés les uns sur les autres, faute de place et de lits. La malpropreté, la promiscuité due à la surpopulation, une hygiène déplorable, voire inexistante, la mauvaise nourriture, contribuaient largement à l’apparition périodique d’épidémies mortifères. Le typhus fit de nombreuses victimes en 1794, 1806 et 1813-14 ; la mortalité fut importante, y compris parmi le personnel soignant. Quelques chiffres du nombre de décès pour l’ensemble des hôpitaux militaires de la ville : 6 712 en l’an III ; 1 745 en l’an IV ; 1 667 en l’an V ; 418 en l’an VI ; 51 en l’an X ; 1 202 en 1806 ; 373 en 1810 ; 2 770 en 1813 ; 2 028 en 1814.

Wissembourg

Horrer mentionne l’existence de huit hôpitaux militaires en Alsace, mais Wissembourg ne figure pas dans sa liste (Dictionnaire géographique, 1787, p. 25), alors qu’il est mentionné par l’État militaire de la France pour l’année 1761 (p. 358). À partir de 1710 l’ancien bâtiment de l’hôpital civil servit d’hôpital militaire (dit l’ambulance, place du Marché aux Poissons) jusqu’à sa vente en 1791. Dans une description de 1775 un officier du génie rapporte que l’hôpital militaire, en mauvais état, comportait un rez-de-chaussée, deux étages et deux étages de greniers aménagés en salles de malades. Il pouvait contenir 200 lits et abritait, entre autres, une chapelle, une pharmacie et une cuisine. Il servira encore ponctuellement d’hôpital. Cependant, en juillet 1792, le directoire du district de Wissembourg décida que le couvent des augustins (rue des Augustins) servira d’hôpital ambulant de l’armée ; il le fut encore en 1796, après un abandon temporaire. Lors de la réoccupation de Wissembourg par les armées républicaines le 28 décembre 1793, le couvent des capucins (rue du Tribunal, aujourd’hui disparu, emplacement occupé par un parking), fut transformé en hôpital militaire, qui fut cédé en 1807 à l’hôpital de Landau.

Bibliographie

État militaire de la France pour l’année 1761, Paris, 1761.

HORRER, Dictionnaire géographique (1787).

GRAFFENAUER (Jean-Philippe) (Dir.), Topographie physique et médicale de la ville de Strasbourg, Strasbourg, 1816.

ENGEL (Karl), Strassburg als Garnisonstadt unter dem Ancien Régime, Strasbourg, 1901.

BUCQUOY (Eugène Louis), « Les hôpitaux civils et militaires de Sélestat »,L’Alsace française, Strasbourg, 25.8.1925, p. 195-199.

KLIPFFEL (Lucien), Les hôpitaux militaires de Lauterbourg, Thann, 1938.

SCHIERER (Fernand, Dr), L’hôpital militaire Gaujot de Strasbourg. Ses origines et son histoire (1691-1939), Thèse de doctorat en médecine, Strasbourg, 1954.

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EYER (Fritz), Lichtenstein, son château, son histoire. Nancy, 1965.

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Claude Betzinger