Formariage

De DHIALSACE
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Ausheirat, forismaritagium

Pour un serf ou une serve (Leibeigen), le formariage consiste à choisir son conjoint hors du groupe auquel il appartient, en épousant une personne relevant d’un autre statut, de condition libre ou servile, dans la mouvance d’un autre seigneur.

Il peut se traduire par un départ effectif hors de la seigneurie d’origine – une femme doit cohabiter avec son mari – et par un changement statutaire à la génération suivante. En effet, les enfants d’une femme serve héritent de son statut « par le ventre », quelle que soit la situation du père, libre ou nonlibre, tandis que ceux d’une femme franche suiventipso facto cette condition.

Le départ de serfs ou le changement de statut constituent un préjudice pour le seigneur. Comme il est difficile d’interdire l’exogamie en raison des règlements de l’Église, on imagine des compensations financières – se formarier donne lieu au paiement d’une taxe – ou on met en place des accords entre seigneurs pour le partage de juridiction qui en résulte (traités d’« entrecours », Wechselverträge). En Suisse alémanique, des maisons religieuses comme Saint-Gall, Säckingen, etc.) exercent une dépendance commune sur leurs serfs (Ehegenossame) à la suite d’un accord renouvelé en 1560 et resté en vigueur jusqu’en 1764.

En Alsace même, les usages les plus anciens sont difficiles à connaître. Certains coutumiers mettent l’accent sur les mesures de rétorsion établies par les seigneurs pour entraver les mariages de leurs serfs. À Neuwiller, une amende de 5 sous frappe les contrevenants. À Grussenheim, l’abbesse d’Erstein les oblige à payer annuellement 30 sous et confisque leurs biens meubles, en dépossédant leurs héritiers de leur tenure. Cependant, malgré ces cas extrêmes, il semblerait que le formariage se soit éteint progressivement au XVIe siècle ou au début du XVIIe siècle. La transmission du statut servile par les femmes semble avoir subsisté dans les terres de l’abbaye de Munster jusqu’à la veille de la guerre de Trente Ans, mais seule une dizaine de personnes étaient encore concernées à ce moment.

Le formariage est indissociable de la légende noire du « droit de cuissage » qui a fait couler beaucoup d’encre au XIXe siècle (mobilisant notamment l’abbé Hanauer dans le camp de ses pourfendeurs) et qui est devenu un mythe indéracinable. Le «jus primae noctis » selon lequel un seigneur pouvait anticiper sur la nuit de noces de sa serve a été magistralement démonté par Alain Boureau. En 1613, à Offemont, Jean-Bernard de Westhouse (Hans Wernhardt von Westhusen), accusé d’avoir engrossé sa servante, avait été disculpé d’une telle accusation portée par la rumeur publique.

Bibliographie

SCHMIDT (Charles), Les seigneurs, les paysans et la propriété rurale en Alsace au Moyen Âge, Nancy-Paris, 1897.

DUBLED (Henri), « Servitude et liberté en Alsace au Moyen Âge. La condition des personnes au sein de la seigneurie rurale du XIIIe au XVe siècle », Vierteljahrschrift für Sozialund Wirtschaftsgeschichte, 50, 3/1963.

LEBON (Michel), « Textes sur le formariage en Lorraine des origines au début du XIIIe siècle », Annales de l’Est, 5e série, 1, 1951.

BOUREAU (Alain), Le droit de cuissage. La fabrication d’un mythe, Paris, 1995.

Notices connexes

Abzug

Affranchissement

Concubinage

Ehegenossame

Eigenleute

Genossame

Landspruch

Georges Bischoff