Avocat

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Advocatus, assertor, clamator, Anwalt, Prokurator, Fürsprech

Celui qui assiste une partie et prend sa défense dans un procès. L’avocat assiste le plaideur tout au long de la procédure.

L'avocat dans les juridictions ecclésiastiques 

La fonction existe à Rome et est organisée en corporation sous le Bas-Empire. Elle subsiste dans les juridictions ecclésiastiques, prend des contours bien précis à partir du XIIe siècle, est nettement organisée à partir du XIIIe, au moment où se formalise le droit canonique et où se fixe la procédure. Comme le procureur, l’avocat doit avoir fait des études de droit canonique et le plus souvent également de droit civil. Jusqu’au XVIIIe siècle, dans l’Empire, procureurs et avocats exercent les mêmes fonctions : seuls les distinguent le nom de la charge qu’ils revêtent. L’évolution de la pratique judiciaire est marquée par le développement de la procédure écrite qui débute dans les tribunaux ecclésiastiques, puis s’étend aux tribunaux séculiers et imprime sa marque à la profession. L’avocat rédige le mémoire introductif qui fixe les points en litige (positiones), sur lesquels les témoins devront être interrogés (interrogatoria), un mémoire en réponse contestant les témoignages de la partie adverse, et à la fin de la procédure, plaide et conclut. Cependant, dans les degrés inférieurs de la hiérarchie judiciaire, une grande partie de la procédure reste orale et nécessite d’indispensables dons oratoires (NAZ, Dictionnaire de Droit canonique).

 

Les avocats de l'Officialité de Strasbourg 

Il y a certainement eu des avocats auprès des justices ecclésiastiques du diocèse de Strasbourg avant le XIIIe siècle, où apparaît le terme d’officialité pour les désigner (officialité épiscopale, officialité des archidiacres). Mais avec l’institution d’une officialité à Strasbourg (1248), on voit les avocats et procureurs faire partie du personnel judiciaire (official, procureur fiscal, notaires, greffiers, huissiers, messagers). Comme l’Official, les avocats ont fait leurs études de droit à Bologne ou encore à Paris et participent au mouvement qui introduit le droit romain dans les sources du droit utilisé dans la jurisprudence. Les avocats peuvent être clercs, comme le sont en majorité les membres de la curie épiscopale (choisis le plus souvent dans les trois chapitres lettrés de Strasbourg, Saint-Thomas, Honau, Saint-Pierre-le-Vieux), mais ce sont le plus souvent des laïcs, mariés et bourgeois de Strasbourg.

L’Officialité connaît de toutes les causes, pénales ou civiles qui impliquent des clercs ou des clercs dans leurs relations avec des laïcs, de même que pour toutes les causes relevant des affaires de la foi et du respect des sacrements, ainsi que du respect du droit d’asile. Il est en en particulier compétent pour les causes relevant du droit de la famille (mariage, adultère, filiation, parenté, constats de disparitions et toleramus de vie commune, concubinage, inceste, etc…). Enfin, il est compétent pour tous litiges reposant sur des actes authentifiés par les notaires de l’Officialité.

C’est dire l’ampleur de la sphère de l’activité des avocats et des espoirs que les parties d’un litige peuvent attacher à leur diligence. Ils ne sont donc pas épargnés dans le discrédit qui frappe, à la fin du XIVe et au XVe siècle, une Officialité vénale et corrompue. Les avocats sont accusés de toucher leurs honoraires et de ne plus s’occuper de leurs clients. Un règlement va jusqu’à leur interdire de se faire payer par des rapports sexuels avec leurs clientes.

Le plus célèbre des avocats laïcs strasbourgeois est Mathias de Neuenbourg. Originaire de Bâle, il a fait ses études à Bologne et a été avocat auprès de l’Officialité de Bâle, avant de rejoindre Strasbourg, où il entre au service de l’évêque Berthold de Buchegg. Il est avocat de l’Officialité de 1341 à 1354. Il rédige les Gesta Bertholdi episcopi et une Chronique qui s’étend de 1273 à 1350.

Les archidiacres ont également une officialité. Son organisation est la même que celle de l’Officialité épiscopale à laquelle elle sera réunie à la fin du XVe siècle (Rapp, Levresse, Stenzel).

 

Les avocats - Fürsprecher -  des tribunaux de la Ville 

Le Magistrat de Strasbourg s’est toujours efforcé de limiter la compétence de l’Officialité. Les tribunaux de la république se développent en même temps que ceux de l’Officialité, avec au début du XIIIe siècle, trois grands tribunaux, celui du Conseil pour les crimes, celui de l’écoutète ou Schultheiss de l’évêque pour la petite délinquance, celui des échevins pour la justice commerciale et du crédit. Après la révolution de 1263, la Ville développe toute une série de tribunaux, celui du Conseil pour les crimes, celui du Petit Conseil ou Kleiner Rat, et une multitude de tribunaux, dont le Stadtgericht qui exerce l’essentiel des compétences du Schultheissengericht, et un Conseil des bonnes mœurs, pourvu de pouvoirs d’enquête et de répression redoutés, les Siebenzüchter. Enfin, chaque corporation avait son tribunal. Tous ces tribunaux étaient pourvus de greffiers et d’avocats, sur lesquels on ne sait pas grand chose (Dollinger, Histoire de Strasbourg II). Par contre, les ordonnances de procédure édictent des règles sévères pour les avocats (Fürsprechen) à qui les parties peuvent s’adresser pour qu’ils plaident pour eux devant les tribunaux. Il leur est demandé de rester fidèles à leurs clients, d’éviter les conflits d’intérêt, de ne pas allonger les procédures, de ne pas passer de pactes de corruption avec les autres avocats au détriment de leurs clients (Eheberg).

Lorsque la Réformation s’impose à Strasbourg, la compétence de l’Officialité de Strasbourg ne s’étend plus sur les territoires réformés. Strasbourg institue un tribunal particulier pour les affaires relevant du droit de la famille (mariage, adultère, divorce, filiation), l’Ehegericht (Lienhard, Histoire de Strasbourg II).

 

Fürsprecher des tribunaux des territoires : les villages 

Dans l’ensemble de la « mosaïque » des territoires entre Vosges et Rhin s’est mise en place une hiérarchie judiciaire à plusieurs degrés. Dans les grandes villes et pour les tribunaux de niveau supérieur, le Fürsprech appartient à une profession, dont on ne connait pas le niveau d’études exigé. Par contre, ce n’est pas toujours le cas dans les juridictions des tribunaux inférieurs ou des corporations, où l’on peut s’adresser à un simple bourgeois.

Dans les villages, un tribunal seigneurial cumule les fonctions administrative, fiscale et judiciaire, le Gericht, présidé par le Schultheiss, ou encore un tribunal d’échevins, Schöffen, choisis par les habitants et que les juristes du Conseil souverain appellent « jurés de justice ». La pratique judiciaire repose sur les Dorfweisthümer, mais la possibilité de l’appel y répand le recours à la procédure écrite : l’avocat ou Fürsprech est le plus souvent un représentant de la communauté auprès du degré supérieur. Il doit nécessairement être un peu plus lettré, car le tribunal d’appel, tout comme la justice criminelle se situe dans le chef-lieu du bailliage seigneurial. C’est le plus souvent, présidé par un représentant du seigneur, le tribunal de la ville chef-lieu. Ainsi, dans la Landvogtei ou Grand bailliage, le tribunal de Haguenau, présidé par le Schultheiss ou prévôt, est à la fois tribunal de la Ville et instance d’appel des tribunaux des 40 villages (Gerichte) de la Préfecture impériale et tribunal criminel de tout le bailliage. Ainsi à Ribeauvillé, un tribunal de 15 conseillers, présidé par un lieutenant, rend la justice au nom des Ribeaupierre.

 

Régence d'Ensisheim

Il n’y a pas d’appel en matière criminelle, mais pour les causes dépassant 400 florins à la Chambre d’Ensisheim. En 1523, est réorganisée la Cour des Vorder Oesterreichiche Länder (Landgericht), avec siège à Ensisheim. Elle est présidée par un Landvogt, représenté par un Statthalter, avec un chancelier, trois conseillers nobles et trois conseillers de robe, des secrétaires ou greffiers, des registrateurs, archers, huissiers et messagers. La Cour est un tribunal d’appel des tribunaux de bailliage et des seigneurs relevant des Habsbourg, avec possibilité d’appel à Innsbruck. On juge selon les coutumes, auxquelles se surimposent de plus en plus le droit écrit (codification des coutumes) ou le droit romain.

Le recours de plus en plus fréquent à la procédure par écrit, entraîne la multiplication des avocats et procureurs, ce qui mécontente, car il faut leur verser des épices.

 

Les villes impériales 

Les villes de la Décapole ont chacune sa hiérarchie judiciaire, jugeant en dernier ressort en matière criminelle, ou dans certains cas, ressortissant en appel des tribunaux impériaux. Leurs tribunaux comportent également des Fürsprecher (avocats). Les codes de procédure et serments imposés aux Fürsprecher de Sélestat (Gény) comportent les interdits que l’on relève dans les ordonnances strasbourgeoises (devoir d’assurer la défense de tous, riches ou pauvres, fidèlité aux clients, ne pas se laisser corrompre, ne pas se surcharger de causes, respecter les délais de procédure), mais également des indications sur le déroulement de la procédure. Elles doivent être également appliquées à Strasbourg. Le Fürsprech sélestadien doit se borner à trois mémoires pour une cause, le mémoire introductif, le mémoire en réponse, le mémoire en réplique à la réponse. Là aussi, les Fürsprecher sont tenus à la correction dans leurs propos, et à ne pas s’injurier et un barême est fixé pour les actes de leur profession (Geny, Stadtrechte de Sélestat).

Si les juridictions de certaines seigneuries ou villes ont obtenu le privilège de non appelando (ou de non evocando) (Strasbourg, la maison d’Autriche etc.) et ignorent le droit d’appel, les chambres impériales n’en jouent pas moins, dans certaines causes, un rôle important dans la vie judiciaire de l’Alsace et pour l’activité des avocats (Livet–Wilsdorf).

 

Avocats - Prokuratoren - auprès des tribunaux impériaux 

Avocat des États de l’Empire (Reichstände) [des membres immédiats de l’Empire ?] auprès des Chambres de Spire (Reichskammergericht) ou de Rottweil (Königlisches Hofgericht). La plus ancienne, la Chambre de Rottweil juge en appel dans un certain nombre de cas précis. La Chambre impériale de Spire juge des procès en appel entre sujets de villes ou seigneuries immédiates ou de procès entre sujets et seigneurs immédiats, ou entre seigneurs immédiats. Elle a une organisation complète (juges, assesseurs, greffiers, huissiers etc.). Les procureurs et avocats auprès de la Chambre ont les mêmes fonctions et ne se distinguent que par le nombre de charges : 30 procureurs et une dizaine d’avocats. Les États alsaciens ont leurs avocats permanents auprès de la Chambre impériale, le plus souvent un ou plusieurs procureurs (Prokuratoren). Ainsi Colmar y tient divers avocats : Conrad de Schwappach, Sigmund Haffner, Mueg … Les procès en appel concernent le baron Guillaume de Schwendi et les limites du prieuré de Saint-Gilles (1540-1667) ainsi que les différends avec la seigneurie de Ribeaupierre, l’abbaye de Pairis, les villes de Turckheim et de Munster, le juif Menlin de Wintzenheim (1541-1667), l’affaire des biens des Bâlois après le traité de Wesphalie. (HDR, Livet, Livet-Wilsdorf).

 

Avocats au Conseil souverain

Avocat (période française). En 1659, un édit royal crée le Conseil souverain d’Alsace, dont est fixé le rôle : juridiction d’appel au civil comme au criminel de toutes les juridictions urbaines, seigneuriales ou ecclésiastiques, doté d’un président, de conseillers d’honneur d’épée et d’église, de conseillers de robe, d’un procureur général, d’un avocat général, de greffiers et d’huissiers, de secrétaires interprètes, de 12 charges d’avocats et de 12 procureurs, ce nombre étant porté à 18 en 1694. En 1683, le Conseil souverain enregistre l’édit royal de 1679, fixant les conditions d’accès à tout office de judicature royale, soit être âgé de 25 ans, avoir accompli trois années d’étude de droit civil et canonique, obtenu les grades de bachelier et licencié et prêté le serment d’avocat. Le procureur, par contre, est formé par la pratique. En 1685, le Conseil enregistre l’arrêt qui impose l’usage du français dans les actes judiciaires, dans toutes les juridictions de la Province. Voilà qui pouvait attirer en Alsace des jeunes gens résolus à faire usage de leur maîtrise du français en se dispensant des conditions d’études pour accéder à une charge judiciaire en Alsace. Un édit de 1710 oblige les candidats à se munir de certificats des Parlements dans le ressort duquel se trouvent les universités auprès desquelles ils ont obtenu leurs grades, et de les faire vérifier par le Parlement ou la Cour souveraine du ressort où ils sollicitent leur admission. Cet arrêt ne fut pas sans conséquence sur l’enseignement du droit à Strasbourg, qui certes se poursuit en latin et en allemand, mais où la connaissance du droit français s’impose également aux professeurs de droit. Par contre, comme les avocats devaient être catholiques, la formation des collèges de Jésuites d’Ensisheim, Colmar, Strasbourg, suivie d’études de droit à Strasbourg ou Pont-à-Mousson, s’impose pour l’élite administrative et judiciaire alsacienne. Études, serment, inscription au tableau ne suffisaient pas : il fallait, si l’on voulait avoir une clientèle, se pénétrer de la jurisprudence du Conseil, et pour cela assister aux audiences du Conseil. L’édit de 1691 sur la taxe des avocats et procureurs précise leurs différentes fonctions. Les avocats peuvent se charger de l’ensemble d’une procédure, mais doivent faire appel soit à un procureur, soit à un confrère pour les actes écrits. Les procureurs sont limités pour la plaidoirie aux questions de procédure ou de faits, et aux causes ne dépassant pas 100 livres et, pour le reste, doivent consulter un avocat. Ils se chargent cependant de l’ensemble de la procédure écrite : mémoires introductifs, répliques, exceptions etc. Leur office se limite à l’activité du Conseil souverain. Alors qu’en 1711, avocats et procureurs s’étaient réunis en une communauté, ils se séparent en 1721. En 1712 est créé le barreau de Colmar, présidé par un bâtonnier, qui régle les conflits entre avocats, censés ne pas s’interrompre dans leurs plaidoiries et ne pas user « de paroles aigres » à l’égard de leurs confrères. Le bâtonnier nomme les assesseurs chargés d’assister les conseillers empêchés. Il est assisté d’un « avocat de communauté », chargé de la police interne du barreau. A Colmar, seigneurs et corps de la province ont des avocats attitrés, dits « de retenue » : c’étaient les meilleurs avocats, grassement rémunérés : ainsi Me Marquaire, avocat de la Ville de Rouffach, ou les avocats du Prince de Deux-Ponts, Bruges et Chauffour le Jeune (1731-1809). Mgr de Bâle avait pour avocat, le célèbre Me Kieffer, qui se plaignait d’être mal payé, mais était le beau-père du premier président de Boug.

Les avocats au Conseil souverain peuvent plaider devant tous les tribunaux du ressort. Mais ils se heurtent à l’hostilité des procureurs praticiens des tribunaux locaux.

Le serment d’avocat ouvre à d’autres offices : certains d’entre eux sont baillis ou receveurs. La profession d’avocat est une pépinière de l’élite alsacienne pour le XVIIIe et le XIXe siècles alsaciens : ainsi des Chauffour ou Schirmer, Reubell, Albert, Ritter, Salomon…

 

Bibliographie

DE BOUG, Recueil des Edits, Déclarations... du Conseil d’Etat et du Conseil Souverain d’Alsace..., Colmar, 1775.

EHEBERG, Verfassung (1899), Gerichtsordnung : p. 189 à 212 et Uber die Honorare der Fürsprechen :  p. 763 à 765.

GENY (Joseph), Schlettadter Stadtrechte, Heidelberg, 1902, p. 573-576.

HOFFMANN (Charles), L’Alsace au XVIIIe siècle,1906, t. II, p. 234-287.

LIVET (Georges), RAPP (Francis), (dir.), Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, 4 t., Strasbourg, 1980-1982, t. II (Dollinger).

BURCKARD (François), Le Conseil Souverain d’Alsace au XVIIIe siècle, représentant du roi et défenseur de la province, Strasbourg, 1996.

LIVET (Georges), WILSDORF (Nicole),Le Conseil souverain d’Alsace au XVIIe siècle, Strasbourg, 1997.

 

Notices connexes

Conseil souverain

Fürsprech

Justice

François Igersheim