Billon

De DHIALSACE
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Beet

Plus connus sous l’appellation de champs bombés, les billons se réfèrent à un modelé agraire caractérisé par une succession de crêtes et de creux. Ils sont liés à des pratiques culturales elles mêmes adaptées à des contingences physiques et humaines très variées. En plaine d’Alsace, où l’openfield, avec ses terroirs à vocation céréalière, laniérés et structurés en quartiers (Gewannflur), s’est imposé, les labours par sillons parallèles en ados ont généré à la longue des planches bombées ou voûtées qualifiées de Wölbäcker, de Hochäcker ou de Hochbeete.

Ces bombements sont le fait d’une action répétée de la charrue à versoir fixe adossant les bandes de terre les unes sur les autres en les remontant vers l’axe du champ. Selon Ewald, ces lanières avaient des largeurs pouvant varier entre 3 et 20 mètres pour des dénivelés du profil transversal d’au moins 30 centimètres. À Schillersdorf, au début du XIXe siècle, le pasteur Schroeder nous signale qu’une Beet a généralement une hauteur de 6 à 8 pouces, soit approximativement entre 15 et 20 centimètres, mais il n’en indique ni la largeur (tout en précisant que, si cette dernière est insuffisante, le paysan a intérêt à en faire « deux d’une seule »), ni la longueur qui, si l’on en croit les fréquentes confusions avec des unités de superficie relevées par Jean Vogt et qui lui attribuent environ une quinzaine d’ares, devrait être sensiblement identique d’une pièce à l’autre. Il se trouve en effet que des billons étroits (Bifänge), bien plus répandus dans d’autres régions de France, ont été signalés dans l’Outre-Forêt et le Ried Nord. Dans les terrains argileux et marécageux des Rieds, l’une de leurs raisons d’être serait à chercher dans l’évacuation des excédents d’eau par drainage naturel. Ont été invoqués également, comme arguments ayant motivé la persistance de ces pratiques, le repérage des limites des champs ou encore l’amélioration de la qualité des sols : la culture en billons répondrait parfois à la nécessité d’accumuler, dans les sols minces (Outre-Forêt et une partie du Sundgau), la terre suffisante à des plantes à racines profondes.

La culture en billons peut générer des occasions de conflits : en creusant, année après année, les sillons qui délimitent un billon de part et d’autre, le propriétaire est tenu à la fois de rejeter la terre extraite sur sa propre parcelle, quitte à l’exhausser, avec interdiction d’anticiper sur celle de son voisin, mais bien des paysans contreviennent à ces obligations, comme le montrent les registres des amendes.

Avec l’avènement des techniques modernes, qui sont allées de pair avec l’introduction de charrues à versoir mobile, la culture à plat (Ebenkultur dans les pays germaniques) s’est progressivement affirmée au point de devenir largement dominante dans les paysages ; mais des zones à champs bombés ont persisté jusqu’au XXe siècle dans le Sundgau et, dans les Rieds, lorsqu’ils ont été reconvertis en prairies ou soumis à une exploitation forestière, les billons sont parfois conservés à l’état fossile. La technique du laser aéroporté, utilisée par Benoît Sittler à la fin du XXe siècle, permet désormais l’établissement d’une documentation fine sur ces parcellaires fossiles.

Le mot est couramment utilisé dans l’ancienne civilisation rurale ; il a été parfois déformé en Bett, transcription abusive, elle-même traduite par « lit » dans certains textes français.

Tout comme celui de Bifang, le mot de Beet a fini par revêtir le sens générique et indéterminé de « parcelle » sans contenance précise. Sans être une unité de mesure officielle, elle correspond, dans le langage populaire, à une superficie approximative d’1 / 3 d’arpent du roi ou de Juchert, soit une quinzaine d’ares.

 

Sources - Bibliographie

ABR 63 J 23 (pasteur Schroeder, Schillersdorf, ms. 1805) et 63 J 15 (Philippe Hammer, « Mémoire sur l’économie rurale du département du Bas-Rhin », ms. 1807).

SCHWERZ (Jean-Népomucène), Beschreibung der Landwirtschaft im Niederelsass, Berlin, 1816.

KRZYMOWSKI (Richard), Die landwirtschaftlichen Wirtschaftsysteme Elsass-Lothrigens, Guebwiller, 1914.

EWALD (Hans Christoph), Agrarmorphologische Untersuchungen im Sundgau (Oberelsass) unter besonderer Berücksichtigung der Wölbacker, Tätigkeitsbericht der Naturforschenden Gesellschaft Baselland, t. XXVII, Bâle-Liestal, 1969.

CALLOT (Henri Jacques), La plaine d’Alsace. Modelé agraire et parcellaire, Nancy, 1980.

VOGT (Jean), « La culture en billons en Outre-Forêt », in : Outre-Forêt 112, 2000/IV, p. 39‑40 ; « Encore la culture en billons en Outre-Forêt », ibid., 2004, p. 47-48 et « Indices de la culture en billons en Ried Nord », in :Annuaire Ried Nord, 2005, p. 73-74.

SITTLER (Benoît), « Revealing historical landscapes by using airborne laser scanning. A 3-D model of ridge and furrow in forests near Rastatt (Germany) », in : Thies (M.), Koch (B.), Spiecker (H.) et Weinacker (H.) dir., Proceedings of Natscan, Laser-Scanners for Fores tand Landscape Assessment. Archives of Photogrammetry and Remote Sensing, t. XXXVI, part 8/W2, p. 258-261.

 

Notices connexes

Bifang

Canton-Gewann

Parcellaire

Jean-Michel Boehler, Benoît Sittler