Épave (droit d')

De DHIALSACE
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Ius naufragii, Grundruhr, Grundruhrrecht, Grundrührung, Strandrecht, Strandregal, Stromgeld, Wrackrecht

Droit régalien qui confère à l’Empereur le droit de récupérer les marchandises échouées sur une voie fluviale ou sur ses rives à la suite d’un accident. Il concerne également les marchandises des chariots qui se sont renversés sur les ponts ou dans les gués. Ce droit fut l’objet au Moyen Âge de conflits entre l’Empereur, les princes territoriaux et les villes, qui s’amplifièrent au fur et à mesure que le commerce par voie d’eau s’accroissait.

Le Rhin est reconnu par la constitution de 1165 de Frédéric Barberousse comme « eine freie und königliche Strasse ». Le Sachsenspiegel considère tous les fleuves comme frei, c’est-à-dire libres pour la navigation. Du XIIe au XIIIe siècle, les textes tendent à réaffirmer les droits régaliens. Selon ce droit, c’est l’Empereur ou le roi qui donne l’autorisation de construire des ponts, des ports, de creuser des canaux, d’installer des bacs et de percevoir des redevances. En 1196, Henri VI confirme les droits régaliens et met fin aux abus concernant la récupération des biens des bateaux échoués. Ce droit concerne non seulement les rivages, mais englobe également les îles qui parsèment le cours du fleuve. Parmi tous les droits régaliens, c’est celui qui concerne les fleuves qui a été le mieux préservé par les Empereurs.

Le droit d’épave signifie également, pour le seigneur riverain d’une route, le droit de récupérer les marchandises des chariots accidentés ou tombés en panne ou d’exiger une certaine somme d’argent. Cette pratique qui s’est perpétuée jusqu’au début du XIVe siècle était extrêmement préjudiciable au commerce. Il semble que ce droit ne s’applique au départ que si l’accident a lieu lors de la traversée d’un cours d’eau sur un pont ou par un gué. Mais, à partir du XIVe siècle, ces droits passent entre les mains des seigneurs territoriaux.

Lorsque, à partir du XIIIe siècle, le commerce fluvial se développe, ces droits constituent une entrave à la libre navigation sur le Rhin. Dans les villes rhénanes se constituent des corporations de bateliers qui sont souvent, comme à Strasbourg, parmi les plus puissantes de la cité ; elles entrent en conflit avec le pouvoir impérial. En 1216, un décret du pape Innocent III abolit le droit d’épave qui autorisait tout seigneur de confisquer la cargaison des bateaux qui s’étaient échoués accidentellement sur leurs terres. En 1349, un conflit éclate avec les villes rhénanes, quand Charles IV autorise les seigneurs du Rhin moyen à augmenter les péages sur le fleuve, ce qui risquait de ruiner le commerce. Les villes édifient alors un barrage sur le Rhin à l’aide de pieux et d’une chaîne en acier. Le conflit dura deux ans et l’Empereur finit par céder ; le Rhin fut ouvert au trafic commercial. Un peu plus tard, en 1356, l’abbaye de Neubourg obtient de Charles IV le droit d’expédier 170 foudres de vin sur plusieurs bateaux, sans payer aucun droit. Le texte du privilège impérial précise que si « un de ces bateaux venait à toucher le fond et faire naufrage, nous voulons que les susdits abbé et couvent ne soient nullement tenus de payer ce qu’on appelle en langue vulgaire le Grundruhr ni à l’Empereur, ni à quelconque prince ou seigneur, que ce soit dans le domaine ou district où l’accident a eu lieu : ce droit leur est remis ».

Les textes de la fin du Moyen Âge interdisent la levée d’un droit d’épave, l’assimilant à un vol ou à une rupture de la paix civile. La Constitution Caroline de 1532 l’interdit formellement. À la fin de l’Ancien Régime, un mémoire du Conseil souverain d’Alsace en donne la définition : « un droit régalien ordinairement réservé au fisc, mais appartenant souvent aux seigneurs territoriaux », et fait le rapprochement avec le droit de déshérence. Il rappelle que le Receveur des Domaines qui a obtenu les adjudications concernant « les droits d’aubaine, déshérence, bâtardise, confiscation et autres droits domaniaux » consentit à les abandonner (Mémoire de 1775, Extr. M, III, 19).

Bibliographie

Lexikon des Mittelalters, Ius Naufragii (H. Lieberich), Strandrecht (A. Cordes).

Deutsches Rechtswörterbuch, Grundruhr, Grundrühren.

De BOUG, Ordonnances (1775).

SPACH (Louis), L’abbaye de Neubourg au Moyen Âge et la navigation sur le Rhin, p. 171-173.

NITEMAA (Vilho), Das Strandrecht in Nordeuropa im Mittelalter, 1955.

CONRAD (Hermann), Deutsche Rechtsgeschichte, Karlsruhe, 1962, p. 277 et 374.

HIMLY (François-Jacques), Strasbourg, deux mille ans de vie économique, Strasbourg, 1965, p. 183

KOENIG (Claude), Les bateliers strasbourgeois sur le Rhin moyen au XVIIIe siècle, Annuaire des Amis du Vieux Strasbourg, 1975, p. 78-92.

LIVET, RAPP, Histoire de Strasbourg (1980-1982), t. 2, p. 144-159.

Notices connexes

Aubaine (droit d’)

Batellerie

Constitution Caroline

Déshérence (droit de)

Étape (droit d’)

Schiffbruch

François Uberfill