Investiture de fief

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Investitur.

En droit féodal, l’investiture est la remise du fief par un seigneur à son vassal au cours d’une cérémonie publique (manntag), en présence des autres vassaux. D’après le Schwabenspiegel (v. 1270), c’est la condition sine qua non de l’entrée en possession de celui-ci. À l’origine, cet acte, qui fait suite à l’hommage, se matérialise par un objet symbolique, fétu de paille (Feder) ou motte de terre représentant la terre ou les droits donnés en contrepartie du service requis. Ultérieurement, à partir du XIIe siècle, l’hérédité des fiefs se traduit par la reconduction de l’investiture en cas de succession, en principe dans un délai d’un an après la mort d’un des deux partenaires du contrat, seigneur ou vassal.

À partir du XIVe siècle, quand les ayants droit d’un fief se font plus nombreux, l’investiture est accordée à un porteur de fief (lehenträger) qui le reçoit en son nom et au nom de ses parents : c’est généralement le plus ancien du lignage (mais pas forcément) et cela peut également être le tuteur d’un mineur. La description du fief fait l’objet de documents scellés, la lettre d’investiture, à laquelle répond un aveu de fief (reversale de fief, lehenrevers), tous deux étant désignés comme lehenbrief(e) et rédigés dans les mêmes termes, par le même scribe : la première est conservée dans les archives du vassal, la seconde dans celles du seigneur, qui dispose également de registres terriers (livres des fiefs, lehenbücher) dans lesquels sont consignées ces opérations. La consistance des fiefs est définie une fois pour toute, et seule la désignation de leurs détenteurs est remise à jour. De ce fait, il n’est pas rare de retrouver des formulations très anciennes, voire périmées (par exemple, à propos de châteaux forts, qui ont pu être détruits mais y figurent toujours, comme s’ils étaient encore en état) ou des fautes dues à de mauvaises lectures des originaux (notamment pour des questions de toponymie). Quand un vassal se voit attribuer de nouveaux fiefs, ceux-ci sont traités à part, sans être fusionnés avec les précédents et donnent lieu à une investiture différente : une même famille peut donc disposer de plusieurs fiefs distincts mouvant du même seigneur féodal, et il est possible que les codétenteurs ne soient pas les mêmes du fait des mécanismes de dévolution.

Dans les principautés ecclésiastiques, comme celles des évêques de Strasbourg et de Bâle ou des abbayes de Murbach, voire de Munster, la confirmation solennelle des fiefs suit l’élection de son chef. C’est ainsi que l’évêque de Bâle rappelle avec insistance qu’il est le suzerain du duc d’Autriche, puis du roi de France pour son comté de Ferrette. Les Habsbourg s’accommodent de cette dépendance en se reconnaissant vassaux de l’évêché, mais le font par personne interposée, en délégant les sires de Ribeaupierre ou d’autres membres de l’aristocratie pour en recueillir l’investiture. Après 1648, les Bourbons refusent de se plier à l’usage, au motif que le roi très chrétien ne « tient » de personne.

Dans les terres dont le seigneur réside loin de l’Alsace, l’investiture se produit à l’occasion de la venue de celui-ci, comme c’est le cas dans les pays antérieurs de l’Autriche, visités par le duc Sigismond en 1467. Il n’est pas rare que des vassaux autrichiens fassent le voyage à Innsbruck ou dans une autre cour pour obtenir leur investiture. Cependant, sous Maximilien, Charles-Quint et leurs successeurs, ces liens personnels se distendent, et c’est la Régence d’Ensisheim ou des officiers commis à cet effet qui valident la reprise des fiefs, comme c’est le cas en 1500 et en 1520.

À partir de 1680, le rite se traduit pour les fiefs relevant directement du Roi par une déclaration au Conseil Souverain, pour être autorisé par lui à la reprise des fiefs, et à la remise d’un certificat, formalité nécessaire pour recevoir les hommages et donner les investitures des arrière-fiefs, dont les certificats sont établis par les Directoires ou les baillis seigneuriaux. La procédure perdure jusqu’à la Révolution française, mais conserve une certaine vigueur, fréquemment alléguée dans des procès entre nobles ou entre nobles et communautés.

Bibliographie

GOETSMAN (Louis Valentin), Traité du Droit commun des fiefs… notamment en Alsace, Paris, 1768.

BOUTRUCHE (Robert), Seigneurie et féodalité, Paris, 2 vol., 1959-1970.

GANSHOF (François-Louis), Qu’est-ce que la féodalité, 1982.

BISCHOFF (Georges), « Un document mystérieux. Les fiefs de Richard d’Altenach en 1500 », Annuaire de la Société d’Histoire du Sundgau, à paraître.

Notices connexes

Droit de l’Alsace

Feder

Fief

Lehen

Georges Bischoff