Paroisse protestante

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Paroisse dans le protestantisme

Les réformateurs protestants ont conservé la structure territoriale traditionnelle de l’Église, mais ont valorisé davantage la paroisse que par le passé, en mettant fin à la prolifération des chapitres et des couvents et à leur emprise sur les paroisses. La paroisse devient une réalité autonome. En effet, jusque-là, dans une ville comme Strasbourg, huit paroisses sur neuf étaient, avant la Réformation, incorporées à des chapitres ou d’autres institutions. La Réformation met fin à cette situation. Désormais la paroisse concerne tous les chrétiens d’une ville ou d’un village.

La paroisse, une communauté chrétienne locale

Au cœur de la paroisse il y a le culte avec l’annonce de l’Évangile par la prédication, devenue centrale, et l’administration des sacrements. Luther n’a pas voulu supprimer les ministères tels que celui de pasteur, mais, sur la base du sacerdoce universel de tous les croyants, il estime que ces derniers ont la capacité de juger si la prédication des ministres est fidèle ou non à l’Évangile. « Tous les docteurs et leur enseignement doivent être soumis au jugement des auditeurs. » (Qu’une assemblée peut juger les doctrines, 1523). Les paroissiens doivent avoir le droit de participer au choix de leur pasteur. La même année 1523, il propose que les clercs, qui vivaient jusque-là de prébendes, de fondations de messes ou d’autres revenus de ce type, soient rémunérés par une caisse commune qui devait réunir les revenus de la paroisse. Il faut noter que certains Conseils municipaux, tels que celui de la ville de Leisnig auquel Luther s’était adressé, refusèrent de céder à la caisse les droits dont ils disposaient jusque-là sur les fondations, testaments et autres sources financières.

Dès les débuts du mouvement réformateur dans les années 1520 se posait la question de savoir qui avait autorité pour réorganiser les paroisses. Ni le pape ni les évêques ne s’étaient ralliés au mouvement réformateur, pas plus que la majorité des chapitres ou d’autres institutions. Alors, Luther fait appel aux membres laïcs des paroisses, mais ceux-ci ne répondent pas toujours à l’appel, ou recourent à la violence pour changer l’ordre établi, notamment au temps de la guerre des Paysans. C’est pourquoi Luther, mais aussi les autres réformateurs, tels que Zwingli et Calvin, font appel aux autorités civiles, en s’opposant sur ce point à certaines tendances du protestantisme telles que les anabaptistes. Dès la fin du Moyen Âge d’ailleurs, certaines autorités territoriales laïques s’étaient déjà arrogées toutes sortes de droits dans l’organisation de l’Église, en particulier dans le cadre de concordats, par exemple pour la nomination des clercs.

Autorités politiques et communautés ecclésiales

Le XVIe siècle ne connaît pas encore la distinction entre société civile et communauté ecclésiale. La paroisse (ou plusieurs paroisses) s’identifie à une communauté territoriale, gérée par les autorités civiles. C’est pourquoi ces dernières répondent volontiers à l’appel de Luther et prennent une part importante dans l’organisation des paroisses évangéliques. Elles interviennent en particulier dans la nomination des pasteurs et dans le financement de leurs traitements. À Strasbourg par exemple, le Magistrat met en place des anciens ou curateurs ecclésiastiques (Kirchenpfleger). Ils sont trois dans chaque paroisse : l’un est issu du corps des membres à vie du Magistrat, l’autre est choisi parmi les échevins, le troisième parmi les simples fidèles. Ils doivent surveiller la vie et l’enseignement des pasteurs et les conseiller dans les affaires importantes. Ils assistent à tour de rôle aux réunions des pasteurs.

La surveillance des pasteurs

Dans certaines paroisses de campagne, les autorités civiles organisent régulièrement des visites pastorales, c’est-à-dire des inspections, réalisées conjointement par un pasteur et par un administrateur civil. Leur rôle est de surveiller la vie religieuse et le fonctionnement des paroisses, de même que le travail des pasteurs. Dans certains lieux comme à Strasbourg, le pastorat réussit à s’émanciper quelque peu dans la seconde moitié du siècle de la tutelle laïque jugée trop pesante. Mais ce n’est pas le cas partout. Pour autant, les pasteurs s’efforcent de préserver la liberté de la prédication. Luther, déjà, disait que « le pasteur n’est ni un courtisan ni un valet des paysans. Il est le serviteur et le valet de Dieu, et le commandement de Dieu dépasse celui des maîtres et des serviteurs » (WA 31,1, p. 198).

Le culte, l’instruction catéchétique et les casuels

Les cultes célébrés le dimanche mais aussi en semaine viennent en tête des activités paroissiales. C’est la communauté paroissiale qui devient l’agent et le support de la réforme liturgique. Elle est aussi un lieu de formation et d’instruction religieuse. Dès 1526, des leçons dominicales de catéchisme pour les jeunes sont introduites dans les paroisses protestantes de Strasbourg. Un certain nombre d’adultes y participent d’ailleurs. L’Ordonnance ecclésiastique de Strasbourg de 1534 prescrit que, en plus des séances catéchétiques ordinaires, qui avaient lieu en principe tous les dimanches, une instruction catéchétique extraordinaire devait avoir lieu tous les trimestres.

Les petits cercles à l’intérieur des paroisses

Tout en valorisant la paroisse, des réformateurs comme Luther et Bucer, puis au XVIIe siècle Philippe-Jacques Spener, ont regretté les faiblesses de bien des paroissiens, en estimant qu’ils connaissaient insuffisamment la Bible et les vérités de la foi, ou qu’ils menaient une vie pas toujours conforme aux commandements divins. C’est pourquoi Luther propose dans sa Préface à la messe allemande de 1526 des réunions spécifiques pour « ceux qui sont déterminés à être chrétiens et à confesser l’Évangile en action et en paroles ». « Réunis dans quelque maison, ils pourraient prier, écouter des lectures, baptiser et recevoir l’eucharistie. » Dans le cadre de telles réunions, ceux qui ne se comportaient pas de façon chrétienne pouvaient être sanctionnés. Mais c’est surtout Bucer qui a mis en place dans les années 1540, dans le cadre de certaines paroisses strasbourgeoises, de tels cercles appelés Christliche Gemeinschaften. Au XVIIe siècle, l’Alsacien Philippe-Jacques Spener, père du piétisme allemand, a mis en place de telles Christliche Gemeinschaften afin de lire la Bible dans un autre cadre que celui du culte dominical et pour approfondir la piété personnelle.

Les Articles organiques

En 1802, les Articles Organiques destinés au culte protestant, et élaborés par le Conseiller d’État Portalis sous l’égide de Bonaparte, retirent tout statut juridique aux paroisses. L’instance de base est désormais le consistoire qui regroupe environ 6 000 personnes. Ce changement suscite la protestation des protestants, toutes tendances confondues. Alors, Portalis finit par admettre les paroisses comme des « sections d’église consistoriales ». Mais c’est surtout le décret du 26 mars 1852 qui redonne un statut légal aux paroisses. Celles-ci sont dotées de conseils presbytéraux élus au suffrage universel.

Bibliographie

ADAM (Johann), Evangelische Kirchengeschichte der Stadt Strassburg bis zur Französischen Revolution, Strasbourg, 1922.

Scheidhauer (Marcel), Les Églises luthériennes en France, 1800-1815, Strasbourg, 1975.

BORNERT (René), La Réforme Protestante du culte à Strasbourg au XVIe siècle (1523-1598), Strasbourg, 1981.

HAMMANN (Gottfried), Entre la Secte et la Cité. Le Projet d’Église des Réformateurs, Strasbourg, 1984.

Theologische Realenzyklopädie, t. 12 C (1984), Gemeinde, p. 320-324.

LIENHARD (Marc), Martin Luther. Un temps, une vie, un message, Genève-Paris, 1983, 4e édition, Genève, 1998.

DÖRNER (Gerald),Die Territorien und Reichsstädte (außer Straßburg), Tübingen, 2013.

Notices connexes

Catéchisme ; Consistoire

Droit ecclésiastique protestant

Fabrique (protestante) ; Fondation

Kirchenpfleger ; Kirchenordnungen

Paroisses de Strasbourg ; Pasteur ; Piétisme ; Présbytère (protestant) ; Protestantisme

Marc Lienhard