Pasteur, épouse de
Pfarrfrau
Les Églises de la Réforme protestante ont réintroduit dans la chrétienté occidentale le mariage des pasteurs et leur vie dans un cadre familial. Le mariage est considéré comme une institution divine dont le but est la procréation. Rares sont désormais les pasteurs non mariés.
Dans le vécu du pasteur, l’épouse est perçue comme une aide indispensable, s’occupant de la vie quotidienne au presbytère, en particulier des enfants, le plus souvent nombreux. Sans être absent, l’attachement personnel et affectif n’avait pas la place qu’il occupera à l’époque contemporaine.
Sommaire
Dans le Hanau-Lichtenberg
À la différence des jeunes paysans et des jeunes artisans, les pasteurs se marient en général à un âge compris entre 24 et 30 ans. Ils terminent d’abord leurs études, à Strasbourg ou dans une université étrangère. La tendance à se marier relativement tard se renforce au XVIIIe siècle, où l’on est plus longtemps vicaire, diacre ou précepteur avant d’accéder à un poste pastoral offrant une rémunération suffisante. À la veille de la Révolution, les pasteurs se marient en moyenne à 30 ans.
Par contre, pour la femme, l’âge du mariage suit une évolution inverse. Il passe de 24,4 ans au début du XVIIe siècle à 21,3 ans au temps de la Révolution. Plus que leurs époux, les femmes sont dans leur grande majorité (85,8 %) originaires d’Alsace. Aucune ne venait des villes universitaires autres que Strasbourg, fréquentées par les étudiants alsaciens. La préférence était donnée à une fille de la région dans laquelle le jeune pasteur allait exercer son activité. En ce qui concerne le milieu social dont était issue l’épouse, on relèvera la tendance croissante à chercher une femme dans les presbytères, ou une jeune fille issue d’une famille de pasteurs.
C’est la tendance à la fin du XVIe siècle dans le comté, et pour 46,6 % en 1736. Manifestement, les jeunes théologiens recherchent non seulement une compagne de vie, mais aussi une épouse partageant leur spiritualité et leurs valeurs. Parmi celles qui n’étaient pas issues du milieu pastoral, certaines étaient filles de petits fonctionnaires ou d’artisans. Au XVIIIe siècle, on trouve aussi 21 filles de hauts fonctionnaires parmi les femmes de pasteurs (Schildberg, p. 231).
Le couple pastoral a entre 6 et 11 enfants. D’une moyenne de 7,5 enfants avant 1618, le chiffre monte à 8,7 à la fin du XVIIe siècle, puis à 9,4 après 1764. Certes, environ la moitié des enfants n’atteint pas l’âge adulte. Mais les nombreuses naissances, à côté du travail domestique souvent astreignant, pèsent sur la santé des femmes. Un certain nombre décède en couches. Dans ce cas, le pasteur cherche inévitablement à se remarier.
Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que, progressivement, les épouses de pasteurs exercent une activité professionnelle (institutrices, garde-malades) ou sociale en s’impliquant plus fortement dans la vie paroissiale (catéchisme, cercles de femmes).
Celles de l’Ancien Régime devaient se consacrer à la vie au presbytère et aux enfants, qui pouvaient être particulièrement nombreux si le pasteur s’était remarié avec une veuve avec enfants. L’essentiel de la journée de l’épouse était donc consacré à d’autres activités, aussi bien près des enfants qu’à la cuisine, à la buanderie ou encore au jardin, à part quelquefois une visite à un / e malade ou à une femme en couches. Les « programmes funèbres » (v. Leichenpredigt) valorisent l’action pédagogique et patriarcale du père, à l’origine de jeunes instruits et capables. Quant à la mère, ils soulignent qu’elle s’est sacrifiée pour son mari et les nombreux enfants qu’elle a mis au monde grâce à la bénédiction divine. Mais des femmes de pasteurs ont aussi contribué à l’accueil des visiteurs au presbytère, comme l’a fait de manière impressionnante Catherine Zell, l’épouse du premier pasteur protestant de la cathédrale de Strasbourg.
Catharina Zell Schütz, épouse du pasteur Mathias Zell (1498-1567) Elsie McKee, Catharina Zell (NDBA, 1558-1559) ; M. Lienhard, « La Réforme à Strasbourg » in LIVETRAPP, Histoire de Strasbourg II, 478-480 ; du même : Catherine Zell, née Schütz, in : André SÉGUENNY (ed.), Bibliotheca Dissidentium, Répertoire des non conformistes religieux des seizième et dix-septième siècles, tome I, Baden-Baden, 1980, p. 97-125.
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Si le mari décédait le premier, la veuve se trouvait dans une situation difficile, faute le plus souvent d’économies suffisantes : peu d’emplois étaient offerts aux femmes. D’ailleurs le nombre élevé d’enfants empêchait une telle activité. Il y avait aussi une certaine conscience de classe qui ne permettait pas n’importe quel engagement professionnel.
Il y avait certes la possibilité de se remarier. Le cas le plus connu est celui de Wibrandis Rosenblatt au XVIe siècle. Après avoir été veuve une première fois, elle s’est remariée à trois reprises, avec le pasteur bâlois Œcolampade, puis avec les pasteurs strasbourgeois Capiton et enfin Bucer. Mais sur 124 cas recensés, seules 22 d’entre elles, soit 17 %, ont pu se remarier avec un pasteur ou un homme exerçant une autre profession. En général, la veuve avait droit au quart de la rémunération annuelle du pasteur défunt. Mais cette pension, qui pouvait varier du simple au septuple, suffisait à peine pour vivre. De nombreuses supplications de veuves de pasteurs ont été conservées. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les conditions de vie de la veuve semblent s’améliorer grâce à la création de caisses de veuves de pasteurs (v. Caisse des veuves de pasteurs).
À Strasbourg du XVIIe au XVIIIe siècle
En ce qui concerne l’âge du mariage dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la moyenne d’âge des pasteurs de Strasbourg approche les 29 ans. Au XVIIIe siècle, elle est supérieure à 30 ans et dépasse souvent les 32 ans. L’écart d’âge avec leurs épouses est important : 10 à 15 ans. L’âge tardif peut s’expliquer par la poursuite d’études universitaires, par des voyages à l’étranger, essentiellement à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, mais aussi par le souhait d’obtenir un poste prestigieux.
Marie-Salomé Witter, épouse du pasteur Jean-Frédéric Oberlin (Strasbourg 18/1 1747-Waldersbach 18/1/1783) J.-F. Oberlin (1740-1826) est pasteur depuis un an à Waldersbach lorsqu’en 1768, il se marie avec Marie-Salomé Witter, fille du professeur à l’Université et inspecteur ecclésiastique de Saint-Guillaume, Jean-Jacques Witter (NDBA, 4277), issu lui-même d’une famille pastorale. Ainsi depuis la Réforme, le pastorat est une filière de promotion sociale durable, et dans les pays luthériens les familles pastorales forment près de la moitié des professions académiques, et bien plus à Strasbourg (Luise Schorn-Schütte, Evangelishe Pfarrer, zur sozialen und politischen Rolle einer Bürgelrichen Gruppe in der deutschen Gesellschaft des 18ten und 19ten Jahrhundert, Stutgart, 1987). Mais la courte vie et carrière de Marie-Salomé Oberlin née Witter illustrent le destin de bien des femmes de pasteurs au XVIIIe siècle. |
À Strasbourg, l’endogamie (la recherche de filles de pasteur comme épouses) est un comportement courant. Elle concerne un peu plus du tiers des pasteurs et près de 45 % des vicaires. Ces proportions sont inférieures dans les paroisses de Saint-Nicolas et de Saint-Guillaume, caractérisées par une structure socio-professionnelle spécifique tournée vers le commerce, le transport pour la première et le maraîchage pour la seconde. Elles sont supérieures dans les paroisses du noyau central (paroisses du Temple Neuf et de Saint-Thomas). Certains mariages montrent le désir d’intégration dans les couches dirigeantes de la ville. Les mariages avec des fiancées venant du patriciat demeurent rares. Le corps pastoral du Temple Neuf réussit mieux à s’intégrer dans les familles d’artisans et de marchands, qui font partie des couches dirigeantes comme membres du Grand Sénat ou assesseurs au Petit Sénat : ce type de mariage représente le dixième du total des mariages.
Les familles doivent mener une existence simple, ne pas avoir des goûts ostentatoires et se conformer aux préceptes de la Bible. Le 6 avril 1702, le Convent prononce un blâme contre les filles de pasteur qui font étalage de luxe en se rendant au bal (A.S.T vol. 224, fo 14). Le 20 mai 1706, il décide même qu’elles ne devront plus se montrer en public avec des cheveux poudrés (ibid., vol. 225, fo 43). En 1741, le Convent conseille aux épouses de pasteur de ne plus s’immiscer dans les affaires de la paroisse (ibid., vol. 249, fo 65). Le 10 août 1741, à la demande du Collège des Oberkirchenpfleger, le Convent réprimande certains pasteurs, car leurs épouses entretiennent un intérieur trop luxueux (ibid., vol. 249, fo 75).
Bibliographie
BOPP (Marie-Joseph), Die evangelischen Geistlichen und Theologen in Elsaß und Lothringen, Neustadt-an-der-Aisch, 1959.
SCHILDBERG (Gérard Charles), Le Pastorat du Comté de Hanau-Lichtenberg de 1681 à 1789, thèse de doctorat à la Faculté d’Histoire de l’Université de Strasbourg, 2 tomes, 1980.
VOGLER (Bernard), « Le corps pastoral strasbourgeois au XVIIe siècle », Bulletin de la société de l’histoire du protestantisme français, 126 (1980), p. 287-296.
DENIS (Philippe), Les Églises d’étrangers en pays rhénans (1538-1564), Liège, 1984.
GREIFENHAGEN (Martin) (dir.), Das evangelische Pfarrhaus. Eine Kultur- u. Sozialgeschichte, Stuttgart, 1991.
SCHORN-SCHÜTTE (Luise), « „Gefährtin“ und Mitregentin. Zur Sozialgeschichte der evangelischen Pfarrerin in der Frühen Zeit », WUNDER (Heide), VANJA (Christina), dir., Wandel der Geschlechterbeziehungen zu Beginn der Neuzeit, Francfort-sur-le-Main, 1991, p. 109-153.
WINKLER (Eberhard), « Pfarrhaus », Theologische Realenzyklopädie, t. 26 (1996), p. 374-379.
HEITZ (Anne-Marie), Femmes et Réformation à Strasbourg (1521-1549), Paris, 2009, p. 140-179.
Notices connexes
Jean-Georges Guth, Marc Lienhard