Ordination
P'riesterweihe
L’ordination est, chez les catholiques, l’acte liturgique qui confère le sacrement du sacerdoce, appelé sacrement de l’ordre. Celui qui confère ce sacrement, un évêque, est l’ordonnateur ou le consécrateur, celui qui le reçoit est l’ordinand. Cet acte se fonde sur l’Ancien Testament, où le service des Lévites, membres de la tribu de Lévi, le sacerdoce d’Aaron et l’institution des soixante-dix Anciens (Nb 11, 25) constituentl’organisation d’une structure sacerdotale.
Depuis le concile de Lyon (1247), confirmé par le concile de Trente (1545-1549, 1551-1552, 1562-1563), le sacrement de l’ordre est le sixième des sept sacrements avec le baptême, la confirmation, la pénitence et la réconciliation, l’eucharistie, le mariage et l’onction des malades.
Pour l’Église catholique, l’ordination ou l’ordre est le sacrement par lequel la mission confiée par le Christ à ses apôtres continue à être exercée dans l’Église. En plus du don de grâce divine, le sacrement « permet d’exercer un pouvoir sacré au nom et par l’autorité du Christ pour le service du peuple de Dieu » (Compendium du catéchisme de l’Église catholique , §323). Il ne peut être conféré qu’une fois et ne peut être annulé, ni conféré pour une période limitée, car « Tu es sacerdos in aeternum » (Ps 110). Pour recevoir l’ordination, il faut avoir préalablement reçu le baptême, la confirmation et l’eucharistie. Les grades qui conduisent à l’ordination sont portier (ostiaratus), lecteur (lectoratus), exorciste (exorcistatus), acolyte (acolythatus), qui constituent les ordres mineurs, sous diaconat (subdiaconatus), diaconat (diaconatus), sacerdoce (presbyteratus), qui constituent lesordres majeurs.
Le cérémonial de l’ordination, fixé après le concile de Trente, est décrit dans le Pontifical de Clément VIII (1602). Mais il relève des évêques seuls. Ce sont eux qui en décident et le dispensent. Ainsi l’évêque de Metz, Mgr de Coislin dans son Rituale Metense, qui a servi de modèle au monumental Rituale Argentinense du cardinal de Rohan (1742), alors que le Rituale Basiliense (1739) se contente d’une brève description et renvoie au Rituel Romain. Les Rituels des évêques français de Metz et Strasbourg sont de véritables vademecums de droit canonique. Celui de Metz présente l’originalité d’aborder la question de l’interdit fait aux femmes d’être ordonnées, mais exalte le rôle des veuves, diaconesses et vierges dans l’Église depuis les premiers temps, comme le font les ouvrages de piété en direction des religieuses ou les dictionnaires de théologie.
Les étapes de la célébration de l’ordination sont d’abord l’appel du candidat, toujours un homme : « Que celui qui va être ordonné prêtre s’avance. », « Me voici ». Après un dialogue public entre l’évêque et le futur prêtre, ce dernier s’engage. Pendant que l’ordinand est allongé sur le sol (prostration, qui signifie l’abandon à Dieu), se chante la litanie des saints. Le candidat reçoit le don de l’Esprit Saint pour la charge qui lui est confiée. Répétant les gestes adoptés par les premières communautés chrétiennes, l’évêque impose les mains. Aussitôt après la prise d’ordination, l’ordonné est revêtu de l’étole presbytérale et de la chasuble, manifestation extérieure du ministère. Puis, l’évêque répand dans la paume des mains du nouveau prêtre l’huile sainte, mêlée de parfum, appelée saint chrême. L’évêque remet enfin la patène et le calice nécessaires à son nouveau ministère, lui donne le pain et le vin, qui deviendront, dans l’eucharistie, le pain et le sang du Christ. En lui donnant un baiser fraternel, il scelle l’acceptation du nouveau prêtre comme son ministre. Dans la liturgie eucharistique qui suit, l’admis au sacerdoce exerce pour la première fois. Il entre ainsi dans le presbyterium, soit la communauté des prêtres d’un diocèse unis autour de leur évêque.
Pour la période moderne, les grandes ordinations comprenant la tonsure, les quatre ordres mineurs, le sous diaconat, le diaconat et la prêtrise ont lieu normalement à six moments particuliers : 1. aux Quatre-Temps de carême (in angaria quadragesimae) ; 2. le samedi avant la Passion (Sitientes) ; 3. le Vendredi saint (in Parasceve) et le Samedi saint (Sabatho sancto) ; 4. aux Quatre-Temps de la Pentecôte (in angeria Pentecostes) ; 5. aux Quatre-Temps de septembre (in angaria Septembris ou Crucis – à cause de la fête de l’Exaltation de la Croix) ; 6. aux Quatre-Temps de l’Avent (in angaria adventus ou Luciae – à cause de la proximité de la fête de Sainte-Lucie). À partir de 1683, on trouve des ordinations en dehors de ces temps, appelées « extra-tempora », mais le plus souvent pour des candidats isolés. En général, à chacune des ces six époques, les ordinations se font en deux temps : le vendredi la tonsure et les ordres mineurs, le samedi les ordres majeurs. Au XIXe siècle, l’ordination a lieu généralement à la fête de saint Pierre et de saint Paul, le 29 juin.
L’ordination d’un évêque engendre un cérémonial particulier. Si l’évêque est nommé à la tête d’un diocèse, on lui impose la mitre et lui donne l’anneau, ainsi que la crosse. On parle d’un sacre. S’il est transféré d’un diocèse à un autre, c’est une installation. La consécration épiscopale confère des charges d’enseigner et de gouverner par l’imposition des mains et les paroles de la consécration. À cette cérémonie, l’évêque reçoit le livre des évangiles.
Les religieux, dont les abbés ou supérieurs ne sont pas évêques, sont ordonnés par l’évêque diocésain ou par un autre évêque missionné par lui pour ce faire. Un dossier du XVIIIe siècle, conservé à Porrentruy, évoque l’ordination de religieux bénédictins par le prince-évêque de Bâle. Comme ces lévites n’ont pas suivi l’enseignement du séminaire, ils passent un examen préalable devant une commission spéciale. L’abbé présente par un écrit et sans être présent chacun d’entre les ordinands bénédictins, de l’élément érudit à celui plus limité, plus brave.Mais aucun candidat n’est recalé.
Au XVIIIe siècle, les séminaires de Molsheim puis Strasbourg et celui de Porrentruy assurent la formation des prêtres – curés et desservants – en poste dans les paroisses et les offices ecclésiastiques : soit près de 1 200 (v. Clergé, constitution civile du), dont 670 relevant du diocèse de Bâle, en 1789 (v. Bâle, diocèse de), alors que les réguliers réunissent un millier de religieux, la plupart prêtres (v. Clergé, constitution civile du clergé).
Si, pour le diocèse de Strasbourg, les registres d’ordinations ne semblent pas avoir été conservés, en revanche, ceux du diocèse de Bâle le sont pour la période de 1589 à 1802. Il existe à Porrentruy huit registres d’ordinations et à Soleure deux autres. La présentation, texte en latin, est toujours claire. Après l’indication de la date liturgique (le jour et le mois ne sont indiqués que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle), se trouvent souvent notés le lieu où se fait l’ordination, à la chapelle du château de Porrentruy ou à la cathédrale d’Arlesheim à partir de 1683, ainsi que la personne, l’évêque et le suffragant, qui y ont procédé. Après ces indications suit la liste des ordinands, toujours dans le même ordre : tonsure, ordres mineurs, etc. À chaque candidat est consacrée une ligne comportant son prénom, son patronyme et son lieu d’origine. Après les séculiers, sont énumérés les réguliers mais, au lieu de leur lieu d’origine, figure leur famille religieuse. Selon Louis Kammerer, il semble que ce schéma réponde à une tradition administrative bien établie, car on retrouve exactement la même disposition dans les registres d’ordinations du diocèse de Constance (conservés à Fribourg-en-Brisgau) et dans ceux du diocèse de d’Augsbourg.
Outre les lieux habituels de Porrentruy et d’Arlesheim, les ordinations ont lieu souvent ailleurs. Ainsi, l’évêque confère les ordres le Samedi saint à Delémont, en 1596, 1597, 1598, 1600, 1612, 1613, 1614, 1615, 1616. De 1600 (Crucis) à 1607, le suffragant fait toutes ses ordinations à la collégiale de Thann, puis de nouveau de décembre 1610 à Pentecôte 1611. En 1608, il confère les ordres dans l’église des Antonins à Issenheim, face au célèbre retable. De 1617 à 1629 et en 1634 et 1635 les ordinations du Samedi saint ont lieu à Sainte-Ursanne. En 1636, 1639, 1640, 1641, 1645, 1646, les ordinations se font exclusivement par le prince-évêque à la chapelle de son château de Birseck, conséquence de la guerre. En décembre 1651, 1652, 1653, 1654, Fribourg est choisi. À Sitientes et Pentecôte 1663, le suffragant confère les ordres dans l’église paroissiale d’Altkirch. En 1729, quatre ordinations ont lieu à Colmar, à la collégiale Saint-Martin.
Louis Kammerer constate que la grande majorité des ordinations sont conférées par les suffragants : entre 1594 et 1745, il compte 522 ordinations par le suffragant et 181 par l’évêque. En outre, 89 fois évêque et suffragant donnent les ordres le même jour, mais dans des lieux différents. De 1730 à 1745, le suffragant Jean-Baptiste Haus fait à lui seul toutes les ordinations. La plupart des ordinands se recrutent dans le diocèse de Bâle, qui s’étend, en plus de la Haute-Alsace, sur une partie de la Suisse actuelle et de la Franche-Comté. Mais on trouve un nombre important de candidats qui viennent des diocèses limitrophes : Besançon, Constance, Lausanne, Strasbourg, voire de Toul, de Trèves ou de Cologne. Le fait frappe d’autant plus, que, par comparaison, peu d’étrangers se trouvent dans les registres de Constance. Dans le nombre, les futurs prêtres originaires d’Alsace occupent une place relativement modeste qui varie du quart au tiers, alors que les paroisses d’Alsace représentent plus de la moitié du diocèse de Bâle. Louis Kammerer a bien montré, qu’après la guerre de Trente Ans, de nombreuses paroisses sundgoviennes ont été administrées par des prêtres venus de Suisse, non seulement du diocèse de Bâle, mais encore de celui de Constance.
Il reste qu’une statistique exacte reste difficile à établir. Certains noms apparaissent pour le sous-diaconat ou le diaconat, mais disparaissent pour la prêtrise. Ces lévites ont-ils reçu l’ordination sacerdotale ailleurs, peut-être en bon nombre à Strasbourg, où ils ont fréquenté le séminaire ? En tenant compte seulement des ordinations à la prêtrise et en excluant les religieux presqu’aussi nombreux, Louis Kammerer aboutit aux constatations suivantes : de 1600 à 1640, il y a, en moyenne, cinq à six Alsaciens ordonnés prêtres chaque année ; entre 1640 et 1649, un seul pour toute la décennie, conséquence de la guerre de Trente Ans ; de 1650 à 1659, vingt en tout pour cette décennie ; de 1659 à 1700, la moyenne remonte à six par an ; de 1700 à 1739, elle s’élève à douze pour se maintenir de 1740 à 1789, entre douze et treize, avec des années exceptionnelles comme 1748, 1766 et 1789 qui fournissent chacune vingt-quatre ordinations sacerdotales.
La Révolution balaie tout cela et les séminaires sont fermés à Strasbourg et à Porrentruy. Au début de la Révolution naît une nouvelle géographie diocésaine avec un évêché à Strasbourg et un autre à Colmar pour chaque département du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Dans le Bas-Rhin, l’évêque constitutionnel Brendel ordonne 12 prêtres en 1791, 18 en 1792, 8 en 1793, 2 à des dates inconnues. Les 5 dernières ordinations de Brendel datent du 1er juin 1793. Dans le Haut-Rhin, l’évêque constitutionnel Martin ordonne 3 prêtres en 1791, 3 en 1792, 3 en 1793, 3 à des dates inconnues. Mais la plupart de ces personnes abandonnent ultérieurement l’état clérical et se marient. Par ailleurs, Louis Kammerer recense au minimum 77 Alsaciens ordonnés à l’étranger pendant la Révolution, à Augsbourg, Bruchsal, Constance, Fribourg, Gegenbach, Lucerne, Porrentruy, Wurtzbourg. Ces jeunes prêtres, considérés comme réfractaires, reviennent en Alsace à partir de 1798 et plus encore à partir de 1800, sauf les quelques rares prêtres réguliers recensés qui restent dans des monastères outre-Rhin.
L’arrivée de Napoléon Bonaparte au pouvoir modifie la donne, avec la mise en place du Concordat de 1801 et des Articles Organiques de 1802. Un nouveau diocèse de Strasbourg englobant le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la région de Porrentruy est créé. Le premier évêque concordataire en devient Mgr Jean-Baptiste Pierre Saurine, qui obtient la réouverture du séminaire en 1807. Les premières statistiques d’ordinations datent de 1811 : une quinzaine de prêtres (AN F 19.831). L’évêque décède à Soultz lors d’une tournée de confirmation. Pendant plus de sept ans, le diocèse de Strasbourg reste sans évêque. L’une des conséquences de la vacance du siège est l’impossibilité de procéder à Strasbourg aux ordinations et la nécessité de faire appel à un autre évêque. Les vicaires capitulaires, qui administrent le diocèse, envoient les ordinands à Nancy, Mayence et Fribourg-en-Brisgau. Mgr Joseph Colmar, un Strasbourgeois évêque de Mayence, se rend à Strasbourg pour procéder à deux ordinations en 1816 et 1817. Mgr Gabriel Cortois de Pressigny, à peine promu archevêque de Besançon, futur métropolitain, vient aussi à Strasbourg conférer aux candidats les ordres mineurs, le sous-diaconat, le diaconat, la prêtrise les 24 et 26 juin. Le 25 juin est consacré à la confirmation des fidèles. « La cathédrale fut constamment remplie… Elle semblait affamée de voir au milieu d’elle un évêque exerçant les sublimes fonctions de son ordre », note un chroniqueur local.
Bibliographie
CLERCK (Paul de), « Ordination. Ordre », Catholicisme, 10, col. 162-206.
KAMMERER (Louis), « Les registres d’ordinations du diocèse de Bâle (1589-1802) », Archives de l’Église d’Alsace, 40, 1980-1981, p. 121-129 (fondamental).
CHÂTELLIER (Louis), Tradition chrétienne et renouveau catholique dans le cadre de l’ancien diocèse de Strasbourg (1650-1770), Strasbourg, 1981.
KAMMERER (Louis), Le clergé constitutionnel en Alsace (1791-1802), Strasbourg, 1987, tapuscrit, p. XVII-XIX.
MULLER (Claude), Dieu est catholique et alsacien. La vitalité du diocèse de Strasbourg (1802-1914), Lille, 1987.
KAMMERER (Louis), « Les ordinations d’Alsaciens à l’étranger pendant la Révolution », Archives de l’Église d’Alsace, 50, 1992-1993, p. 150-156.
VARRY (Dominique), MULLER (Claude), Hommes de Dieu etRévolution en Alsace, Paris, 1993, p. 149-151.
MULLER (Claude), « Relation de l’ordination faite à Strasbourg par Mgr Cortois de Pressigny (23 au 26 juin 1819) », Archives de l’Église d’Alsace, 51, 1993-1994, p. 247-249.
BLATZ (Jean-Paul), Le recrutement séculier et régulier du diocèse de Strasbourg (1801-1918), thèse, Strasbourg, 1994.
MULLER (Claude), « Le chemin de Porrentruy. L’ordination des Bénédictins de Munster par le prince évêque de Bâle au XVIIIe siècle », Annuaire de la société d’histoire du Val et de la Ville de Munster, 65, 2011, p. 21-25.
Notices connexes
Admission_à_la_charge_d'âmes (des prêtres ordonnés), Articles organiques catholiques (en application du Concordat de 1802), Clergé_catholique, Clergé_séculier, Clergé (Constitution civile du), Diacre, Dispense_canonique (pour ordination), Liturgie_catholique (sacrements), Ordination_dans_le_protestantisme
Claude Muller