Nicolas (saint)

De DHIALSACE
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Culte en Alsace  

Saint Nicolas serait né vers 270 à Patara en Lycie, sur la côte sud de la Turquie actuelle, et serait mort un 6 décembre, entre 345 et 352, comme évêque de Myre, également en Lycie, où il a été enterré. Sa Vita a été écrite en grec au IXe siècle. En 1087, à un moment où Myre était déjà au pouvoir des Turcs, des marins de Bari sont venus voler ses reliques pour les rapporter chez eux. C’est à partir de cette date que son culte a connu sa plus grande diffusion. En Alsace, saint Nicolas est déjà honoré avant 1087 : c’est notamment le pape Léon IX qui a favorisé la naissance du culte en apportant une relique de saint Nicolas à Altorf en 1049 et en consacrant l’église de Hohenburg à saint Nicolas et à la Vierge l’année suivante. Le culte se diffuse rapidement dans la proche région. Lecouvent de Bellevaux (aujourd’hui Saint-Nicolas-des-Bois), près de Rougemont-le-Château, fondé à la fin du XIe siècle, lui est également dédié.

Après 1087, la diffusion du culte se prolonge et s’accentue. Trois autres couvents portent son nom. On remarque également une forte densité d’églises paroissiales placées sous le vocable de saint Nicolas dans la partie de l’Alsace la plus proche de la Lorraine, tout particulièrement entre Masevaux et Rothau. Comme le saint est invoqué comme protecteur des dangers liés à l’eau, des églises paroissiales lui sont dédiées le long du Rhin, de l’Ill et d’autres rivières. Par ailleurs, les 57 chapelles et neuf confréries dédiées à saint Nicolas reflètent l’importance de son culte.  

Le miracle des trois jeunes filles sauvées de la prostitution par saint Nicolas, qui leur a jeté des bourses remplies d’or, a fait de lui un saint de l’assistance. À Strasbourg en 1506, il est question d’inspecter tous les mendiants et de donner à ceux qui ont vraiment besoin de l’aumône un nouvel insigne, qui représentera soit saint Erhard – à qui l’hôpital de Strasbourg était dédié – soit saint Nicolas. Dans ce domaine, il est intéressant de relever qu’un certain nombre d’hôpitaux et de léproseries sont dédiés à saint Nicolas, qui était aussi prisé par les mineurs, car plusieurs puits de mines portent son nom.  

Les miracles de saint Nicolas en Alsace

À la fin du XIIe siècle, deux noyés, un enfant et une jeune fille, ont été ressuscités dans la chapelle Saint-Nicolas d’Ebersmünster. Un demi-siècle plus tard, vers 1230, la chronique du monastère mentionne les miracles récents de saint Nicolas : y ont été guéris instantanément des paralysés, des perclus, des aveugles, des muets, des gens qui avaient des calculs, des possédés et de nombreuses personnes souffrant de maladies diverses. Saint Nicolas apparaît donc ici comme un saint particulièrement puissant : il guérit toutes sortes d’affections et intervient dans toute forme de détresse.

Les deux autres miracles connus opérés par saint Nicolas en Alsace sont bien plus tardifs. Ils ont eu lieu dans la chapelle Saint-Nicolas de Kruth, dans la vallée de la Thur, au pied du col d’Oderen, et datent des années 1775 et 1776. L’un concerne la guérison d’un enfant aveugle, l’autre celle d’un enfant qui ne pouvait pas marcher. L’échantillon est bien maigre pour vouloir tirer des conclusions. Il reste néanmoins que les deux premiers miracles connus de saint Nicolas en Alsace à la fin du XIIe siècle concernent des enfants et les deux derniers également. Par ailleurs, son champ d’intervention est très vaste, mais il n’y a pas en Alsace de miracles liés à la délivrance de prisonniers, comme c’est le cas pour la Lorraine. La seule forme de délivrance évoquée dans les miracles d’Ebersmünster est la guérison de possédés. Il semblerait qu’il ait existé dans ce domaine un rite singulier lié à l’autel Saint-Nicolas de l’église Saint-Étienne de Strasbourg : sous cet autel, il y avait un espace voûté ressemblant à une prison et fermé avec des verrous. On y aurait enfermé des possédés, pour lesquels on disait des messes sur ce même autel.  

Pratiques et cadeaux liés à la Saint-Nicolas

La fête de saint Nicolas est un autre indicateur de l’enracinement de son culte. A Kaysersberg, le 6 décembre, on distribuait du drap aux écoliers pour de nouveaux habits. À Haguenau, l’administrateur de l’Œuvre Saint-Georges donnait ce jour-là quelques piécettes aux écoliers. Grâce au Namenbuch de Konrad Dangkrotzheim, nous savons qu’au XVe siècle les écoliers se déguisaient en anges le jour de la Saint-Nicolas. Le livret de dons des religieuses de Saint-Nicolas-aux-Ondes, un couvent strasbourgeois qui a vaillamment résisté au protestantisme, révèle tout ce qu’elles ont offert à diverses occasions, entre 1576 et 1592, notamment aux enfants de leur personnel. Pour la Saint-Nicolas, ils trouvaient dans leurs chaussures des bonbons (zucker erbßen), des pains d’épices, des pommes rouges avec quelques deniers à l’intérieur de la pomme. Cette coutume fait très certainement référence à l’argent donné par saint Nicolas aux trois jeunes filles que leur père voulait livrer à la prostitution, les pommes truffées d’une piécette représentant les boules d’or. À l’occasion, les enfants découvraient aussi dans leurs chaussures des châtaignes, des jouets ou des cadeaux plus utilitaires.  

L’iconographie de saint Nicolas en Alsace

Le thème des trois jeunes filles sauvées de la prostitution grâce aux trois « sacs » ou boules d’or, qui à l’occasion deviennent des pommes, offerts par le saint, est particulièrement fréquent dans les pays germaniques. On le retrouve dès le XIIIe siècle sur le tympan du portail sud de l’église Saint-Martin de Colmar. Il restera d’actualité tout au long des siècles suivants (peintures murales de l’église de Baldenheim, XIVe siècle, et de la chapelle de pèlerinage du Schaefertal, XVIe siècle). À Hanhoffen (commune de Bischwiller), les peintures murales figurent également saint Nicolas et les trois jeunes filles, mais aussi le saint sauvant un bateau du naufrage, thème iconographique qui semble assez rare en Alsace. Plus exceptionnelle encore est au Moyen Âge la représentation du saint avec les enfants au saloir. Il y en a une dans l’église de Hunawihr, où est conservé un cycle de peintures représentant quatorze scènes de la vie de saint Nicolas. Mais cette église dépendait du chapitre de Saint-Dié : il n’est donc pas étonnant de trouver ici un thème iconographique très fréquent dans les pays de langue française, mais rare dans les pays germaniques à l’époque médiévale. Il faudra attendre le rattachement de l’Alsace à la couronne de France pour que le thème des enfants au saloir se développe.  

Le culte de saint Nicolas à l’épreuve de la Réforme

Johann Flinner, pasteur de la cathédrale de Strasbourg entre 1559 et 1578, est farouchement opposé à la coutume d’offrir des cadeaux aux enfants le jour de la Saint-Nicolas, qu’il appelle « un reste du papisme et un abus ». Le Magistrat le suit, et décide, en 1570, de transférer la foire de la Saint-Nicolas aux trois jours précédant Noël, en préconisant de faire croire aux enfants que les cadeaux sont apportés par l’Enfant Jésus et non par le saint. C’est ainsi que naît le célèbre marché de Noël de Strasbourg. Mais la tradition des cadeaux pour les enfants le jour de la Saint-Nicolas subsistera en milieu catholique. Ces derniers bénéficieront également de la venue du Chrestkendel (Enfant-Jésus), auquel les protestants avaient attribué le rôle qu’ils ne voulaient pas laisser à l’évêque de Myre.  

Bibliographie

MEISEN (Karl), Nikolauskult und Nikolausbrauch im Abendlande. Eine kultgeographisch-volkskundliche Untersuchung, Mainz, 1931 (rééd. 1981).  

BARTH (Médard), Handbuch der elsässischen Kirchen im Mittelalter, 1960-1963 (= Archives de l’Église d’Alsace 27-29 ; rééd. 1980).  

CLEMENTZ (Élisabeth), « Le culte de saint Nicolas en Alsace », VINCENT (Catherine), GUYON (Catherine), dir., De l’Orient à l’Occident : le culte de saint Nicolas en Europe (Xe- XXIe siècles), Paris, 2015, p. 347-368.  

Notices connexes

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Liturgie catholique

Élisabeth Clementz