Neujahr
Neujahrstag, Nouvelle année, Jour de l’an
Premier jour d’une nouvelle année du calendrier grégorien.
Le calendrier de l’année en douze mois de 31, 30 (et 28 ou 29 pour le mois de février) est fixé depuis l’adoption du calendrier julien qui fait débuter l’année le 1er janvier. Avec la semaine de sept jours, il est repris par l’Église chrétienne, qui l’organise progressivement par ses liturgies. Le calendrier julien est mis à jour par le calendrier grégorien en 1582 (voir : Calendrier).
Même si, dans le calendrier julien, l’année commence le 1er janvier, les institutions ont souvent fait des choix différents. Elle peuvent adopter le 1er janvier, ou le 25 mars, jour de l’Annonciation, ou Pâques, ou le 25 décembre (Noël) pour débuter leur année particulière. (Grotefend, Taschenbuch, « Jahresanfang ». p. 12-14).
Dans l’Empire germanique, la chancellerie impériale depuis les Carolingiens a adopté le 25 décembre pour débuter l’année (sauf exceptions). Mais de la fin du XIIIe siècle à la mort de Charles IV (1378), elle reprend la date du 1er janvier, puis revient au 25 décembre jusqu’à la première moitié du XVIe siècle, où elle s’en tient définitivement au 1er janvier qui s’impose dans tout le Saint Empire.
Les diocèses font des choix différents. L’archevêché de Mayence et ses suffragants (Strasbourg) choisissent de commencer l’année à Noël, tout comme le diocèse de Bâle (Haute-Alsace). Mais Trèves et ses suffragants (Metz, Toul et Verdun) font le choix du jour de l’Annonciation, le 25 mars, du moins jusqu’à 1648. Car dans le Royaume de France, la chancellerie royale avait adopté le 25 mars pour débuter l’année, mais fait le choix du 1er janvier en 1563. Pourtant, les calendriers qui s’imposent avec la généralisation des bréviaires – encore manuscrits – à partir du XIe siècle, adoptent le tableau romain en 12 mois qui commence le 1er janvier. C’est le cas du bréviaire du diocèse de Strasbourg de 1482 (voir : Liturgie).
Le premier janvier était le jour de l’octave de Noël et c’est sous cette appellation que cette fête est célébrée à la cathédrale de Strasbourg, d’après le rituel du chantre Baldolf (dont les coutumes datent d’entre 1038 et 1047) (Marcel-André Burg, AEA, 1984). Au cours des siècles suivants, la dévotion au nom de Jésus s’impose et c’est la fête de la Circoncision qui prend place le 1er janvier. C’est cette fête que l’Agenda diocésain de Strasbourg demande de célébrer après Noël, la Saint-Étienne, la Saint-Jean l’Évangéliste, les Saints Innocents, et avant l’Épiphanie (« De festis celebrandis », Agenda parochialum ecclesiasticarum Argentinensis diocesis, Levresse, AEA, 1980, p. 49 et ss).
Les livres de comptes, dont la pratique se répand à partir du XIIIe siècle, couvrent des périodes variables : quelques semaines, un semestre, une année. De nombreux comptes sont établis de Noël à la Saint-Jean, puis de la Saint-Jean à Noël. D’autres couvrent une année entière à partir de la Saint-Jean. Certains comptes débutent à la Saint-Mathias (24 février) ou encore à la Saint-Martin ou à d’autres dates. Les comptes couvrant une année civile du 1er janvier au 31 décembre n’apparaissent qu’à partir du XIVe siècle (voir : Comptes).
Il semble pourtant établi que la date du 1er janvier, comme point de départ de l’année, se soit imposée dans la vie des villes,où se généralisent la tenue des comptes des villes et fondations et ceux des négociants pendant tout le Moyen Âge(Grotefend, voir : Finances des villes).
Célébré dans le calendrier liturgique, l’An Neuf était déjà devenue une fête civile.
Voilà comment Jacques Hatt la décrit, citant le Narrenschiff de Brant, dans son Strasbourg au XVe siècle : « Des chants saluent le nouvel an. N’oublie pas, bourgeois, de mettre à ton huis une branche verte de sapin, sinon tu mourrais avant la Saint-Sylvestre ».
Und wer nit etwas nuwes hat,
Und umb das gute jor singen gat
Und gryen tann risz steckt in syn hus,
Der meynt, er leb das jor nit usz.
Enfants, valets, gens de métier, truands, vont de porte en porte souhaiter la bonne année (Guots jor) aux graves personnages en robes fourrées. Et gare à celui qui n’offre pas d’étrennes, l’année qui vient toute entière ne sera pas bonne.
Wem man nit ettuas schencken duot
Der meynt, das gants jor uerd nit guot.
Les ordonnances ecclésiastiques luthériennes de Strasbourg et du Hanau-Lichtenberg reprennent cette fête catholique, mais la « laïcisent » sous le nom de Neue Jahrestag. Datant de 1572, l’ordonnance ecclésiastique du Hanau conserve encore les fêtes des Saints, avant celle de la nouvelle année : « Von Feyertagen : Den Christag, St Steffanstag, St Johanstag, Der New Jarstag, Dreyheiligentag… etc. » (Ordonnance ecclésiastique du Hanau, 1572, p. 58). Mais l’ordonnance de Marbach pour Strasbourg (1598) est plus sobre : « Neben den Sontage, sind bisher in unserer Kirchen mit viel Feiertage gehalten worden. Sondern allein diese nachfolgende. Der Weihnacht tag und Neue Jares tag gang, mit den Predigten, der Communion und dem Catechismus allerdings wie an einem Sontage. » (Kirchenordnung wie es in der Kirche zu Straßburg gehalten werden soll, 1598, p. 213).
Cette tradition s’est maintenue : le jour de l’An (et souvent dès la veille, à la Saint-Sylvestre) n’en continue pas moins d’être fêté, relate Charles Gérard qui en fait « une fête générale » (L’ancienne Alsace à table, p. 173), où l’on se donne des gâteaux.
À Strasbourg, où l’on a fêté Noël en famille, c’est le jour où l’on se rend visite et où l’on se donne des gâteaux aux raisins ou Neujahrstollen (auquel se réfère Auguste Stoeber pour le titre de sa revue de 1849, titrée auparavant Neujahrsblaettel). Le jour de l’An semble particulièrement en honneur dans le sud de l’Alsace, dans le pays de Belfort (où les enfants passent dans les maisons en chantant « en langue romence » (H. Schuler) et réclamant des gâteaux. C’est le cas aussi dans le pays de Montbéliard (Tuefferd P-E). Bruno Stehlé relève plusieurs villages où cette coutume du passage des enfants est pratiquée encore au XIXe siècle : Ensisheim et Westhalten (Arr. Guebwiller), Roppentzwiller (Arr. Altkirch). Cette coutume remonte plus haut.
Bibliographie
Breviarium Argentinense, (1-4), Bd. 1, Kalendarium, Strasbourg, 1489.
Kirchenordnung, wie es mit der Lehr und Ceremonien in der Graffschafft Hanaw und der Herrschafft Lichtenberg sol gehalten werden, Strasbourg, 1572. http://data.onb.ac.at/rep/10A7562C
« Ordnung der Feiertage », Kirchenordnung wie es in der Kirche zu Straßburg gehalten werden soll, Strasbourg, 1598, p. 213. https://www.digitale-sammlungen.de/de/view/bsb10164276?page=224
GERARD (Charles), L’Ancienne Alsace à Table, Colmar, 1862.
SCHULER (Henri), « Apologie des langues populaires du Sundgau : les patois de Belfort, Colmar, Mulhouse, Ferrette », RA, 1873, p. 416-426.
TUEFFERD (Paul-Edmond), « Curiosités de l’Histoire de Montbéliard, Mœurs gastronomiques et bachiques », RA, 1875, p. 23-53.
STEHLE (Bruno), « Volkstümliche Feste, Sitten und Gebraüche im Elsass », JGSL, 1894, p. 217-243. GROTEFEND (Hermann), Taschenbuch der Zeitrechnung des Deutschen Mittelalters und der Neuzeit, Hanovre, 1922.
HATT (Jean-Jacques), Strasbourg au XVe siècle, Strasbourg, 1929.
LEVRESSE (Pierre-René), « Les rituels incunables de Strasbourg, partie 2 », AEA, 1980, p. 49-119.
BURG (Marcel-André) , « Les consuetudines de Baldolf (XIe siècle) », AEA, 1984, p. 1-49.
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François Igersheim