Moulin à huile
Ölmühle
« Les plantes oléagineuses sont après les céréales, celles dont la culture est la plus utile à l’homme ; elles servent à le nourrir, à l’éclairer, et elles entrent dans le complément d’un grand nombre d’arts, même de première nécessité » écrit le médecin et botaniste Jean-Emmanuel Fodéré en 1824. Et de poursuivre « pendant de nombreux siècles, les oliviers et noyers ont pu suffire aux condiments de la cuisine et à l’éclairage, et l’huile de lin à plusieurs arts ».
L’Alsace est placée, par Lucien Febvre, dans les régions françaises, où le fond des graisses de cuisine est le beurre et le saindoux, associé à l’élevage bovin et à celui des porcs. Mais dès le XVe siècle, à côté du porc (et du saindoux), dont l’utilité est célébrée par Geiler de Kaysersberg, le cuisinier strasbourgeois fait appel aux huiles végétales de noix (Nussöl), de pavot (Magsamenöl), de lin (Leinöl) (voir : Gastronomie alsacienne). Les usages des huiles végétales sont multiples : alimentaires (cuisine et conservation), soins du corps (onguents, savons, huiles parfumées, huiles pour sacrements), pour l’éclairage (lampes à huile), pour le travail du cuir. Elle est aussi utilisée en menuiserie, par les cordiers, et entre dans la composition de la peinture.
La production d’huile est le plus souvent l’une des activités des moulins alsaciens, en grande majorité polyvalents, les moulins avaient deux à trois fonctions, qui, outre la production de la farine, pressent de l’huile et servent de foulon à chanvre. Le pressage de graines oléagineuses n’était souvent en effet qu’une activité annexe, l’un des tournants du moulin lui étant consacré.
Pourtant, les sources font état de moulins dédiés exclusivement au pressage des oléagineux (Ölmühlen). Des huileries s’installent à la campagne comme en ville. Un dense réseau d’huileries occupe ainsi l’Alsace à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle.
L’équipement mécanique pour extraire les huiles est fondamental. L’extraction de l’huile exige de grandes quantités d’énergie, des broyeurs et des pressoirs efficaces. Nicolas Stoskopf écrit « la culture des oléagineux (pavot, colza, navette) est traditionnelle en Alsace et leur transformation effectuée par de nombreux moulins à huile qui voient leurs pilons généralement remplacés par des meules et des presses au XVIIIe siècle » (voir : Industrie). Roues à eau, manèges, système d’adduction autant de points techniques à surveiller par les huiliers pour un rendement satisfaisant. Une parfaite connaissance du milieu naturel environnant avec ses atouts et contraintes sont aussi essentiels. Les huileries utilisent aussi du matériel spécifique. En 1770, l’huilerie Saint-Rémy à Wissembourg compte Ölstempfel, Ölpfann, Ölklotz, Ölpress, eiserne Rollen (Landsarchiv Speyer, D 2/134 b, Vogt).
Bibliographie
SCHWERZ (Johann Nepomuk), Beschreibung der Landwirtschaft im Nieder-Elsass, Berlin, 1817.
FODERE (François-Emmanuel), « Mémoire sur la culture des plantes oléagineuses et spécialement de celles qui réussissent en Alsace », Journal de la société d’agriculture, sciences et arts du Bas-Rhin, 1824, p. 505-537.
FEBVRE (Lucien), « Essai de cartes des graisses de cuisine en France », Annales Économies, sociétés, civilisations, 16e année, n. 4, 1961. p. 747-756.
VOGT (Jean), « Huiliers et huile à Strasbourg (XVIe-XVIIIesiècles) »,Annuaire des Amis du Vieux-Strasbourg, 1992, p. 35-39.
VOGT (Jean), « Coup d’œil aux oléagineux et huileries de l’Outre-Forêt (XVIIIe-XXe siècles) », Pays rural, 1994, p. 1-7.
VOGT (Jean), « Huile et huileries de la région de Brumath (XVIIIe-XIXe siècles) », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Brumath, 1995, p. 28-32.
VOGT (Jean), « Oléagineux, huileries et huile dans les collines et plaines de Haute-Alsace »,Annuaire de la Société d’histoire du Sundgau, 2003, p. 57-69.
Notices connexes
Christine Esch