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Les contemporains s’interrogent sur les moyens les plus opportuns de conserver les fruits frais. Le fruitier, sorte de cellier sombre, entre 4 et 7 degrés, muni de claies ou de rayonnages, permet la conservation des pommes et poires. La présence de terre battue et d’aération optimise cet espace. Un tri régulier des fruits est nécessaire. François-Joseph Baumann, dans son ''Catalogue des arbres fruitiers les plus recherchés et les plus estimés qui peuvent se cultiver dans notre climat avec leur description'', en 1788, recommande l’usage d’une « fruiterie » et compare son usage selon les pièces de la maison (caves, chambres, chaudes ou froides). Les fruits sont en outre conservés sous forme de ''Schnitz'' (poires et pommes séchées). Le séchage se faisait alors sur les banquettes du traditionnel ''Kochelhoffe'', ou à l’air libre, quand le climat le permet. Les fruits sont, ensuite, consommés secs ou réhydratés. Bien sûr, la pratique de la distillation était un débouché supplémentaire et permet aussi la conservation des fruits dans l’alcool. | Les contemporains s’interrogent sur les moyens les plus opportuns de conserver les fruits frais. Le fruitier, sorte de cellier sombre, entre 4 et 7 degrés, muni de claies ou de rayonnages, permet la conservation des pommes et poires. La présence de terre battue et d’aération optimise cet espace. Un tri régulier des fruits est nécessaire. François-Joseph Baumann, dans son ''Catalogue des arbres fruitiers les plus recherchés et les plus estimés qui peuvent se cultiver dans notre climat avec leur description'', en 1788, recommande l’usage d’une « fruiterie » et compare son usage selon les pièces de la maison (caves, chambres, chaudes ou froides). Les fruits sont en outre conservés sous forme de ''Schnitz'' (poires et pommes séchées). Le séchage se faisait alors sur les banquettes du traditionnel ''Kochelhoffe'', ou à l’air libre, quand le climat le permet. Les fruits sont, ensuite, consommés secs ou réhydratés. Bien sûr, la pratique de la distillation était un débouché supplémentaire et permet aussi la conservation des fruits dans l’alcool. | ||
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== Saisons et marchés : la grande variété des fruits consommés == | == Saisons et marchés : la grande variété des fruits consommés == | ||
Dans les années 1630, le maître de langue strasbourgeois Daniel Martin (1594-1637) décrit une rencontre avec une fruitière du marché de sa ville. Son étal propose ce « qu’il faut manger incontinent qu’il est cueilli, de peur qu’il ne se pourrisse, comme fraises – en l’occurrence, fraises des bois, car la variété cultivée, décrite par l’ingénieur Frézier (de retour d’Amérique en 1714 et en poste à Landau vers 1728) n’est pas encore arrivée du Chili –, framboises, cerises, groselles d’outre mer (''grieselbeeren überm meer her''), meures, cornoilles (''welsche kirschen'', cornouilles), prunes (''pflaumen''), abricots (''mollelen''=Marillen), pesches (''pfersich''), melons (''melonen''), concombres (''cucumern'') », et « du fruict qui se garde quelques semaines comme nefles (''nespeln''), cormes (''eschröselen''), pommes (''äpffel'') & poires hastives (''birn'') ». Enfin, « le fruict qui se garde iusqu’au nouveau est la noix, la noisette, le citron (''der citron''), coin (''quitte''), limon (''limon''), orange (''pomeranz''), grenade (''granatapffel''), figue (''feigen'') & la poire (''byr'') et pomme tardive (''apffel spath kommend'' ) » (''Le Parlement nouveau'', éd. 1660). | Dans les années 1630, le maître de langue strasbourgeois Daniel Martin (1594-1637) décrit une rencontre avec une fruitière du marché de sa ville. Son étal propose ce « qu’il faut manger incontinent qu’il est cueilli, de peur qu’il ne se pourrisse, comme fraises – en l’occurrence, fraises des bois, car la variété cultivée, décrite par l’ingénieur Frézier (de retour d’Amérique en 1714 et en poste à Landau vers 1728) n’est pas encore arrivée du Chili –, framboises, cerises, groselles d’outre mer (''grieselbeeren überm meer her''), meures, cornoilles (''welsche kirschen'', cornouilles), prunes (''pflaumen''), abricots (''mollelen''=Marillen), pesches (''pfersich''), melons (''melonen''), concombres (''cucumern'') », et « du fruict qui se garde quelques semaines comme nefles (''nespeln''), cormes (''eschröselen''), pommes (''äpffel'') & poires hastives (''birn'') ». Enfin, « le fruict qui se garde iusqu’au nouveau est la noix, la noisette, le citron (''der citron''), coin (''quitte''), limon (''limon''), orange (''pomeranz''), grenade (''granatapffel''), figue (''feigen'') & la poire (''byr'') et pomme tardive (''apffel spath kommend'' ) » (''Le Parlement nouveau'', éd. 1660). | ||
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Version du 8 avril 2024 à 10:57
Produit comestible végétal, consommé pour son sucre ; produits de cueillette, de cultures végétales, arboriculture.
Sommaire
- 1 Produit de cueillettes sauvages
- 2 Le droit coutumier de la cueillette
- 3 L’arboriculture fruitière : les vergers aristocratiques
- 4 Les vergers monastiques
- 5 Une culture diffuse dans la monde paysan
- 6 Les agronomes du XVIIIe siècle
- 7 Amélioration des techniques arboricoles
- 8 Tailles et formes des arbres fruitiers
- 9 La conservation des fruits
- 10 Saisons et marchés : la grande variété des fruits consommés
- 11 Bibliographie
- 12 Notices connexes
Produit de cueillettes sauvages
L’histoire des petits fruits sauvages et de leur utilisation n’a pas encore été écrite. Ses matériaux se trouvent dans les ouvrages de botanique, dans les livres de recettes de cuisine et dans les comptes des établissements religieux ou charitables. Le Kreutterbuch de Hieronymus Bock dit Tragus (Strasbourg, 1539) signale les mûres (brombeeren, maulbeeren) des ronciers (bremen) qui poussent le long des chemins et les framboisiers qui se développent dans les sites nettoyés par les bûcherons, les groseilles (johannisbeeren), les maquereaux (grosselbeeren), également très courants le long des chemins, notamment dans le Westrich, mais aussi l’épine vinette (saurach), les airelles (heidelbeeren, comme les myrtilles), les prunelles (schlehen). Ces baies et ces fruits d’arbustes peuvent être utilisés comme condiment, pour des sauces ou des électuaires, voire distillés. Les myrtilles donnent lieu à un commerce important : en 1472, la Commanderie Saint-Jean de Strasbourg achète deux setiers (soit 48 l.) de myrtilles.
Le droit coutumier de la cueillette
L’encadrement de l’arboriculture, de la cueillette ou du ramassage des fruits sont régis par le droit coutumier. La jurisprudence germanique considère que les produits spontanés de la terre appartiennent au seigneur territorial (landesherr), ce qui devait être également le cas des champignons, à l’instar des truffes des seigneuries de Heiteren et de Landser ou du miel des abeilles sauvages (Hoffmann, III, p. 507).
La convention conclue en 1782 entre la France et l’évêque de Bâle prévoit une forte amende pour le ramassage des glands et des faines, et probablement des châtaignes. Toutefois, les arbres fruitiers des propriétés privées sont protégés par des règlements locaux, dans l’esprit du § 135 du Schwabenspiegel, qui réprime les dommages causés par un tiers dans les vergers, sur la base du produit annuel de la récolte, et, en cas de destruction, sur une durée de douze ans, de manière à permettre la reconstitution de l’arbre abattu. En 1564, la mise à jour du règlement du Val d’Orbey rappelle que les poiriers, les pommiers et les cerisiers sont la propriété du détenteur du terrain, mais que celui-ci garde la faculté d’en donner la jouissance à d’autres personnes, par un accommodement à l’amiable. À Sundhoffen, dans les terres des Wurtemberg, il semblerait que ces derniers se soient approprié l’ensemble des arbres fruitiers de la cour seigneuriale, au moins sous l’Ancien Régime (Hanauer, Paysans d’Alsace, p. 50) (Georges Bischoff).
L’arboriculture fruitière : les vergers aristocratiques
La culture fruitière est ancienne en Alsace. La mention, dans les Annales des Dominicains de Colmar au XIIIe siècle, de trois poiriers et de pommiers l’atteste. Hieronymus Bock cite au XVIe siècle 16 variétés de pommes et 20 de poires (Bock, Kreuterbuch, 1539, p. 341). Les figuiers et amandiers faisaient exception mais étaient présents. Toutefois, les vergers étaient réservés aux institutions religieuses et aux propriétés nobles comme les Rohan à Saverne, les Rosen à Bollwiller, les Ribeaupierre, etc. Louis XIV parlait de l’Alsace comme d’un beau jardin. Cependant, la qualité des récoltes fruitières n’était pas en adéquation avec la fertilité reconnue des sols alsaciens. Les arbres fruitiers semblent mal entretenus. Le bailli De Hell (NDBA, p. 1504-1507), ami de Parmentier, constate en 1771 le délaissement des fruitiers du Sundgau, qu’il attribue à l’introduction de la pomme de terre dans l’alimentation paysanne, cette dernière remplaçant progressivement la consommation des fruits séchés en hiver.
Les vergers monastiques
Les institutions religieuses alsaciennes entretiennent des cultures fruitières dans leurs domaines. Notons les chartreux de Molsheim, possédant un important verger, mais aussi les prince-abbés de Murbach à Guebwiller au XVIIIe siècle, l’abbaye de Marbach, où le verger enclos jouxtait le jardin d’agrément au XVIIIe siècle, ou encore l’abbaye de Lucelle qui jouissait d’un verger.
Une culture diffuse dans la monde paysan
En effet, connue essentiellement grâce à l’étude des nombreux traités d’arboriculture des XVIIe et XVIIIe siècle, la culture d’arbres fruitiers se révèle bien plus qu’un simple loisir aristocratique. Elle occupe également un rôle nourricier, qui apporte le goût sucré dans l’alimentation. La consommation des fruits représente donc un apport nutritif non négligeable. Grâce à l’existence de variétés plus ou moins précoces, les fruits peuvent se consommer frais, sur une période relativement étendue. Les habitants du bassin rhénan sont consommateurs de fruits variés, enrichissant ainsi les moyens de subsistance dès la période médiévale (ZGO 1861, p. 258‑262).
Parsemés, en bord de parcelle, sur un coin de terre, ces cultures familiales sont difficiles à identifier par les sources. Rejetons sauvages ou obtenus de noyaux, ils ont pour origine l’opportunisme paysan. Les quetsches, Zwetschke, sont une parfaite illustration de la relation populaire au fruit. François-Joseph Baumann mentionne les quetsches, issus de rejetons sauvages se multipliant par les racines, « les jardins en sont remplis sans jamais les planter », ou la cerise aigre commune qui « se multiplie si fort par les jets de ses racines, que les jardins de nos habitants en sont remplis. […] il est regardé comme une bonne cerise qui n’est pas véreuse » (Baumann, Catalogue…, 1788, p. 57).
Les agronomes du XVIIIe siècle
Certains penseurs du siècle des Lumières encouragent alors l’arboriculture fruitière et incitent à un perfectionnement du savoir-faire populaire. La philosophie des Lumières donne au curé de campagne un rôle dans le progrès des campagnes, si bien que le Journal de l’agriculture du Commerce et des Finances, qui publie un « Mémoire sur l’Instruction des paysans » anonyme en 1771, préconise la création d’un jardin d’expériences menées par les curés parmi les leviers de progrès. Cette idée progressiste contraste avec les curés vivant de la perception de la dîme. En Alsace, l’exemple du pasteur Oberlin, arrivant au Ban de la Roche (67) en 1767, est fréquemment donné. Ce fameux pédagogue, avant tout « apôtre du progrès social », ne rencontre alors que des pommes sauvages et des quetsches. Il impulse ensuite le développement d’autres cultures et crée une pépinière dans son presbytère. Il encourage aussi les parents à planter des arbres à la naissance de leurs enfants, privilégiant les terrains situés le long des chemins. La place accordée par Oberlin aux cultures fruitières, dans sa quête du progrès, est révélatrice de l’importance de la tradition fruitière dans la culture alsacienne.
Amélioration des techniques arboricoles
L’arboriculture fruitière a fait l’objet de la rédaction et l’édition de traités dès le XVIIe siècle participant à sa diffusion et son progrès. Dans les traces de Jean-Baptiste de La Quintinie, le célèbre créateur du potager du Roi à Versailles, qui écrit une Instruction pour les jardins fruitiers et potagers, le XVIIIe siècle laisse place à l’édition de nombreux traités, cours et autres ouvrages qui favorisent la circulation des connaissances relatives à l’arboriculture fruitière mais alimentent également la mode autour de cette pratique dans le monde aristocratique (Quellier, p. 30-31). L’édition d’ouvrages d’arboriculture en Alsace tarde à s’épanouir, comparée au reste de la France. Plus d’un siècle après l’inventaire imprimé du verger de Le Lectier à Orléans, rassemblant 468 variétés fruitières en 1628, une liste des variétés de la pépinière seigneuriale de Sierentz est imprimée sur quatre pages dès 1775 environ, publiée par François de Hell (AHR 2E 70).
En 1788, François-Joseph Baumann enrichit à son tour la région d’un ouvrage consacré aux arbres fruitiers par la publication du Catalogue des arbres fruitiers les plus recherchés et les plus estimés qui peuvent se cultiver dans notre climat avec leur description, ouvrage approfondi, dans lequel l’auteur décrit minutieusement les variétés, en précisant la taille des fruits, la période de maturité ou encore les éventuels synonymes. Les variétés présentées illustrent parfaitement le goût du jour en matière d’arbres fruitiers. Tout d’abord, les poires, pour lesquelles sont présentées 83 variétés en 1788. Le catalogue évoque aussi 33 variétés de pommes ou encore 36 variétés de pêches. L’étude statistique du livre de compte (1782-85) du pépiniériste met en exergue l’évolution des pratiques arboricoles en Alsace par une différenciation des variétés et des formes, dont les pépiniéristes bollwillerois développent un savoir-faire indéniable. Concernant les espèces fruitières produites, les pommiers et poiriers (45 %) s’imposent. Les fruits à noyaux figurent également dans une large palette : pruniers, abricotiers, pêchers, cerisiers, etc. Ce n’est qu’en 1784 que débute la différenciation des variétés qui se généralise ensuite très vite. Les extérieurs des demeures sont agrémentés des variétés de fruits les plus goûteux. Des personnalités aisées développent une passion pour l’arboriculture fruitière jusqu’à en constituer des collections.
Tailles et formes des arbres fruitiers
Les arbres fruitiers sont cultivés en leur donnant différentes formes, selon leur usage. Ces différents types de taille sont diffusés grâce à l’édition de nombreux traités d’arboriculture dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les arbres haut-vent, appelés actuellement plein vent ou encore haute-tige, sont destinés aux vergers extérieurs au village ou en bordure de champs. Ils sont obtenus par greffe, et la première branche se situe à 1,8 m du sol. Les porte-greffes sont choisis pour leur vigueur. Une autre forme répandue est celle en espalier. Elle est souvent utilisée le long des murs de clôture par exemple. Des greffes sont réalisées sur des porte-greffes à faible vigueur, pour éviter que l’arbre ne prenne trop d’ampleur mais produise rapidement des fruits. Enfin, apparaissent des formes intermédiaires, tels que les demi-haut-vent, équivalents des demi-tige actuels. La première branche se situe alors à 1,2 m du sol. Les pommes et poires sont largement majoritaires parmi les arbres en haut-vent. Ce sont des plantations pour l’avenir, sans rendement immédiat, puisque les arbres ne portent des fruits qu’au bout d’environ une dizaine d’années. À contrario, les pêchers sont privilégiés sur une forme en espalier, qui favorise la maturité des fruits les plus méridionaux.
La conservation des fruits
Les contemporains s’interrogent sur les moyens les plus opportuns de conserver les fruits frais. Le fruitier, sorte de cellier sombre, entre 4 et 7 degrés, muni de claies ou de rayonnages, permet la conservation des pommes et poires. La présence de terre battue et d’aération optimise cet espace. Un tri régulier des fruits est nécessaire. François-Joseph Baumann, dans son Catalogue des arbres fruitiers les plus recherchés et les plus estimés qui peuvent se cultiver dans notre climat avec leur description, en 1788, recommande l’usage d’une « fruiterie » et compare son usage selon les pièces de la maison (caves, chambres, chaudes ou froides). Les fruits sont en outre conservés sous forme de Schnitz (poires et pommes séchées). Le séchage se faisait alors sur les banquettes du traditionnel Kochelhoffe, ou à l’air libre, quand le climat le permet. Les fruits sont, ensuite, consommés secs ou réhydratés. Bien sûr, la pratique de la distillation était un débouché supplémentaire et permet aussi la conservation des fruits dans l’alcool.
Cécile Roth-Modanese
Saisons et marchés : la grande variété des fruits consommés
Dans les années 1630, le maître de langue strasbourgeois Daniel Martin (1594-1637) décrit une rencontre avec une fruitière du marché de sa ville. Son étal propose ce « qu’il faut manger incontinent qu’il est cueilli, de peur qu’il ne se pourrisse, comme fraises – en l’occurrence, fraises des bois, car la variété cultivée, décrite par l’ingénieur Frézier (de retour d’Amérique en 1714 et en poste à Landau vers 1728) n’est pas encore arrivée du Chili –, framboises, cerises, groselles d’outre mer (grieselbeeren überm meer her), meures, cornoilles (welsche kirschen, cornouilles), prunes (pflaumen), abricots (mollelen=Marillen), pesches (pfersich), melons (melonen), concombres (cucumern) », et « du fruict qui se garde quelques semaines comme nefles (nespeln), cormes (eschröselen), pommes (äpffel) & poires hastives (birn) ». Enfin, « le fruict qui se garde iusqu’au nouveau est la noix, la noisette, le citron (der citron), coin (quitte), limon (limon), orange (pomeranz), grenade (granatapffel), figue (feigen) & la poire (byr) et pomme tardive (apffel spath kommend ) » (Le Parlement nouveau, éd. 1660).
Georges Bischoff
Bibliographie
BOCK (Hieronymus), Kreuterbuch, 1539.
« Mémoire sur l’Instruction des paysans », Journal de l’agriculture du Commerce et des Finances, 1771, vol. 12.
BAUMANN (François-Joseph), Catalogue des arbres fruitiers les plus recherchés et les plus estimés qui peuvent se cultiver dans notre climat avec leur description, Colmar, Neukirch, 1788.
MONE (F.-J.), «Ueber den Obstbau vom 8. bis 16. Jahrh. », ZGO, vol. 13, 1861, p. 257-273.
MOLL (Pierre), « Un développement social exemplaire « Oberlin le bâtisseur », Lire Jean-Frédéric Oberlin, Strasbourg, 1992.
QUELLIER (Florent), Des fruits et des hommes, l’arboriculture fruitière en Île de France (vers 1600-vers 1800), Rennes, 2003.
OBERLE (Roland), L’Alsace, les saveurs d’un terroir, Strasbourg, 2009.
CHALMEL (Loïc), Jean-Frédéric Oberlin, l’apôtre du progrès social, 1740-1826, Strasbourg, 2012.
MODANESE (Cécile), La dynastie des pépiniéristes Baumann de Bollwiller et leur influence sur l’horticulture et le goût des jardins (XVIIIe-XXIe siècles), thèse UHA, 2020.
Notices connexes
Adelphi_Tag, Aehrenlese, Bois de coupe (interdiction de coupe des arbres fruitiers), Eau-de-vie, Emblème de métiers (marchands de fruits et légumes, obser), Forêts (arbres fruitiers, baies), Gärtner, Gastronomie_alsacienne, Lohn-salaire (part de repas), Marchés, Mûriers, Nachtisch (dessert), Noël (décorations des arbres de), Nutz-Nutzung (fruits des arbres du voisin tombés dans son jardin)
Georges Bischoff, Cécile Roth-Modanese