Places fortes de vauban

De DHIALSACE
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Les places fortes alsaciennes de Vauban à l’épreuve des invasions, 1814,1815 ,1871.

Introduction

Durant les guerres qui marquant le XVIIIe siècle, l’Alsace a été épargnée, les champs de bataille se situèrent plutôt en Allemagne et le Retournement des alliances de 1756 qui mît fin à la rivalité entre la France et les Habsbourg vint renforcer cette situation. De fait, entre la mort de Louis XIV et le début de la Révolution française, le dispositif de défense de la frontière rhénane a peu changé. Cependant les fortifications imaginées par Vauban et les ingénieurs royaux furent mises à rude épreuve à partir de 1793 notamment dans la région de Wissembourg. Fort Louis rebaptisé Fort Vauban est un temps occupé par les Autrichiens et les royalistes émigrés à la fin 1793. Les affrontements s’éloignèrent ensuite de l’Alsace pour remonter vers Mayence avant que les forces coalisées n’échouent dans leurs tentatives de traverser le Rhin à partir de Kehl ou lors du siège de Huningue en 1796. L’année suivante les Autrichiens tentèrent à nouveau un passage à partir de Kehl sans plus de succès.

Les sièges de la fin de l’Empire 1814-1815

Durant l’Empire, les places fortes alsaciennes ne font pas l’objet d’un intérêt particulier dans la mesure où elles se trouvent alors situé au cœur d’une Europe avec des frontières redessinées par Napoléon. L’empire français s’étend alors sur toute la rive gauche du Rhin et n’a pas à craindre les Etats allemands rassemblés au sein de la Confédération du Rhin. Ce n’est qu’après l’échec de la Campagne de Russie et surtout de la campagne de 1813 marquée par la défaire de Leipzig entraînant la fin de l’emprise française sur le continent que Napoléon est contraint de toute urgence de remettre les places fortes alsaciennes en état. Celles-ci n’ayant plus fait l’objet d’un entretien régulier depuis près de 25 ans sont parfois endommagées comme à Fort Vauban ou Lauterbourg ou disposent de talus effondrés comme à Sélestat, Neuf-Brisach ou Belfort. Quoiqu’il en soit, ces places sont encore suffisamment dissuasives aux yeux de la Coalition européenne pour que le commandant des troupes, le prince Schwarzenberg, ordonne le passage par la Suisse et le pont sur le Rhin situé à Bâle en décembre 1814. Cette manœuvre permis de contourner l’obstacle de places fortes qui auraient retardé l’avancée des armées de la Coalition qui se sépara en trois colonnes, l’une remontant la plaine d’Alsace vers le Nord, l’autre marchant vers Belfort et la dernière vers Besançon et Lyon. Dès le mois de janvier, les armées françaises sont contraintes d’évacuer l’Alsace à l’exception des forteresses qui continuèrent à offrir une certaine résistance face à cette invasion. La place de Neuf-Brisach, par exemple, résiste durant un siège de plus de 100 jours, finalement elle ne fut pas occupée mais accepta l’avènement de Louis XVIII dès la nouvelle connue. De fait, le système défensif imaginé par Vauban a été dépassé par les nouvelles méthodes de la guerre qui étaient à l’œuvre, celles-là même qui avaient permis aux armées révolutionnaires, et notamment au général Bonaparte, de triompher. Conformément aux principes établis par le colonel Guibert, désormais c’est l’armée de campagne qui devient l’élément déterminant dans l’art de la guerre. La rapidité d’action des régiments devient le gage des succès, les places fortes restant uniquement un élément servant pour les manœuvres ou le ravitaillement, mais ne pouvant plus comme cela avait été le cas aux cours des XVIIe et XVIIIe siècles servir d’obstacles destinés à arrêter l’ennemi afin de gagner le temps nécessaire pour le repousser grâce à une armée de secours. L’année 1814 est marquée par la campagne de France et l’avènement de Louis XVIII. Mais le roi doit repartir en exil à Gand dès avril 1815 et le retour de Napoléon durant les Cent jours. La nouvelle du retour de l’empereur a provoqué la reprise de la guerre par la Coalition. L’Alsace se trouve alors une nouvelle fois en première ligne. Le général Rapp est chargé d’organiser la défense du Nord de la région en s’appuyant sur la place forte de Strasbourg. Mais la nouvelle de la défaite de Napoléon à Waterloo le 18 juin 1815 rend inutile la préparation de la défense des places alsaciennes qui n’opposent en général pas d’importante résistance ni aux troupes coalisées, ni au retour des représentants de Louis XVIII. Une forteresse se distingue cependant : Huningue placée sous le commandement du général Barbanègre refuse de reconnaître la défaite de l’Empire. Remise en état sous la direction efficace de Barbanègre, la place-forte défendue par 400 hommes résiste pendant près de deux mois aux 20 000 coalisés qui l’assiègent entre juin et le 26 août 1815. Finalement le général accepte de négocier une capitulation stipulant que la garnison sortira avec les honneurs. En fonction de leur affectation, les soldats français sont libres de rentrer dans leurs foyers, s’ils sont vétérans ou gardes nationaux, ou de rejoindre l’Armée de la Loire s’ils sont toujours en service. La surprenante résistance de Huningue a certainement été renforcée par la qualité des fortifications imaginée par Vauban, les alliés en gardent un souvenir amère et veillent lors du Traité de Paris de 1815 à bien faire stipuler que les murailles de cette ville devaient être rasées sans pouvoir être rétablies. D’ailleurs le même accord est plus sévère avec la France que le Traité de Paris de l’année précédente, la Coalition cherche à amoindrir les capacités défensives françaises en lui retirant des places fortes, en Alsace cette volonté se traduite par la perte de Landau qui défendait le Nord de la région.

1815-1870, la consolidation des acquis

Les campagnes de Napoléon ont profondément changé la manière de conduire les guerres, désormais la ceinture de fer imaginée par Vauban pour contrer l’avancée d’armées de quelques dizaines de milliers d’hommes ne suffisaient plus pour stopper les centaines de milliers de soldats enrôlés par la conscription. En 1814 ou 1815, fort de leur supériorité numérique les Coalisés n’eurent aucun mal à détacher quelques régiments pour bloquer les places fortes tout en protégeant les communications du gros de l’armée qui pouvait continuer sa progression. Pire la dispersion de la fortification en quadrillage suppose également d’éparpiller les hommes en autant de garnisons qui font face à un ennemi qui lui peut choisir de concentrer toutes ses forces en un point précis. S’ajoutent à ces éléments d’ordre tactique, le nouveau découpage des frontières qui a rendu le Nord de l’Alsace bien plus vulnérable aux invasions ou la situation politique née du Traité de Vienne de 1815 qui permet l’apparition de nouvelles puissances comme la Prusse, la Bavière ou l’Autriche. Malgré des études et des mises en garde entre la fin de l’Empire et 1870, les fortifications alsaciennes évoluent assez peu. Le général Maureilhan étudie à partir des premières années de la Restaura tion la meilleure manière d’adapter la frontière du Nord-Est de la France aux nouvelles tactiques militaires. Il propose notamment la création de places fortes secondaires de manière à soutenir une guerre de mouvement permettant de freiner l’avancée ennemie, le temps que le reste de l’armée française puisse intervenir. Pourtant ni la Commission de défense instituée en 1818, ni celle créée par Louis-Philippe après 1830, ni le gouvernement de Napoléon III ne traitent la question de la frontière du Nord l’Alsace. Seul un fortin supplémentaire est créé à Bitche, les murs de Strasbourg sont simplement réparés. En fait, les pouvoirs en place entre 1815 et 1870 se concentrent sur des projets jugés stratégiquement plus importants comme la défense de Paris. Entre 1841 et 1844, l’enceinte de Thiers est édifiée pour protéger la capitale. Les fortifications sont complétées par la création de seize forts autour de la ville. Autre projet important mais qui concerne l’Alsace : l’extension et le renforcement des fortifications de Belfort. Le général Haxo est chargé de supervisé les travaux durant les années 1830. L’enceinte urbaine de Vauban est consolidée, le château est partiellement reconstruit, les obstacles naturelles et les abords assez raides de la place forte sont exploitées à des fins défensifs. Enfin deux forts complémentaires sont construits, le fort de la Justice et le fort de la Miotte. Ils sont reliés à l’édifice principal par des murs ou des escarpements. En 1838, date d’achèvement du fort de la Miotte, l’accès au Centre de la France par cette trouée est par conséquent bien gardé avec une place de Belfort consolidée.

Un système de défense dépassé

Au cours de la seconde moitié au XIXe siècle, une série de bouleversements entraînent une évolution rapide de la manière de conduite d’une guerre, ces innovations sont rendues possibles par le décollage économique de l’industrie allemande qui favorise par exemple la production massive d’acier. Ces changements affectent d’abord l’armement avec l’apparition de fusils plus précis pouvant être fabriqués en série, les premières mitrailleuses ou le développement de la puissance et de la portée de l’artillerie, les canons rayés Krupp an acier à chargement par la culasse constituent un réel avantage tactique pour les Prussiens en 1870. Sur le plan politique la victoire prussienne face aux Autrichiens à Sadowa en 1866 modifie l’équilibre des forces en Europe. Malgré la montée des tensions, Napoléon III ne saisit pas immédiatement le danger qui pèse sur la France et n’ordonne pas le renforcement des fortifications en particulier en Alsace, région la plus exposée à la menace grandissante d’une Allemagne en pleine unification. Voulue et préparée pour Bismarck pour servir son objectif de création d’un Etat regroupant tous les Allemands, le conflit éclate le 19 juillet 1870 lorsque Paris déclare la guerre à Berlin à la suite de la fameuse « Dépêche d’Ems » qui a chauffé à blanc l’opinion publique française. Bismarck profite du fait que Napoléon III apparaisse comme l’agresseur pour obtenir l’entrée en guerre des Etats du Sud de l’Allemagne aux côtés de ceux de la Confédération de l’Allemagne du Nord et s’appuyer sur l’attentisme de l’Italie et de l’Autriche-Hongrie. À l’instar d’une grande partie de l’armée impériale, l’entrée en guerre est marquée par une grande impréparation du côté français. En Alsace, les places fortes n’ont guère évolué depuis 1815, pire à Strasbourg, les fortifications sont parfois en fort mauvais état, des habitations ont été bâties devant les murs à certains endroits et bouchent la vue facilitant ainsi l’avancée d’un éventuel ennemi. La situation n’est pas meilleure à Neuf-Brisach qui n’a fait l’objet que de quelques adaptations liées au percement à sa proximité du canal du Rhône au Rhin en 1834. À la fin juillet, l’état-major allemand choisit d’exploiter la faiblesse constituée par la frontière septentrionale de l’Alsace en passant à l’offensive. Wissembourg tombe rapidement, le 6 août lors de la Bataille de Froeschwiller les troupes de Mac Mahon sont contraintes de reculer face à la supériorité numérique de leurs adversaires. Les unités repliés sont mélangées et reçoivent l’ordre de se concentrer dans la région de Châlons pour remettre de l’ordre dans leurs rangs. La plaine d’Alsace s’ouvre aux armées allemandes qui mettent le siège devant Strasbourg à partir du 15 août. Malgré les faiblesses évoquées plus haut, la place dispose toujours des dispositifs imaginés par Vauban comme la possibilité d’inonder la plaine alentour grâce à une série de canaux. Elle constitue toujours un obstacle important difficile à prendre sans risquer de perdre de nombreux hommes. Le général prussien von Werder décide donc de faire pression sur la population afin de forcer les défenseurs de la ville à lui ouvrir ses portes en ordonnant un bombardement systématique de la cité. En concentrant les tirs sur les bâtiments et non les murs, les Prussiens espèrent obtenir une reddition rapide alors qu’un assaut ou un siège prendrait des semaines voire des mois. Les bombes déclenchent des incendies qui ravagent la bibliothèque et ses collections, l’Aubette qui accueillait le Musée des beaux-arts ou le toit de la cathédrale. La tactique prussienne est en réalité contre-productive, malgré l’effroi suscité, l’ardeur des assiégés est renforcée. À la fin septembre, arrivée à court de munition, le von Werder doit préparer l’assaut. Face aux brèches apparues dans les murs qui fragilisent sa défense, le général Ulrich commandant de Strasbourg est contraint d’offrir la capitulation de ses hommes. Le 28 septembre 1870, les troupes allemandes font leur entrée dans une cité en ruine qui compte plus de deux cents morts, trois mille blessés, dix mille sans abris et près de cinq cents bâtiments détruits. Le siège de Strasbourg constitue le premier cas d’une ville soumise à un bombardement massif rendu possible par le développement de l’artillerie. Il mêle cette modernité avec une certaine forme de tradition. En effet, von Werder suit, par exemple, à la lettre les douze étapes d’un siège théorisées par Vauban dans son traité sur l’attaque des places paru en 1704. Les Allemands poursuivent leur progression dans la plaine d’Alsace, de violents combats éclatent à Sélestat à partir du 20 octobre, la ville est prise le 24. Neuf-Brisach est assiégée à partir de la fin octobre, la ville est bombardée et connaît à son tour d’importante destructions : les trois quarts des bâtiments sont détruits ou endommagés. Le 10 novembre, la garnison française est contrainte de capituler.

Bibliographie