Livre bleu

De DHIALSACE
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Das blaue Buch.

Livre bleu, c’est ainsi qu’est désigné, lors de sa parution à Strasbourg en 1795, un ouvrage présenté sous une couverture cartonnée bleue, dont le véritable titre est : Recueil de pièces authentiques servant à l’histoire de la Révolution à Strasbourg, ou les actes des Représentans du peuple En mission dans le Département du Bas-Rhin sous le règne de la tyrannie, des Comités et Commissions révolutionnaires, de la Propagande et de la Société des Jacobins à Strasbourg. Il fut publié en 2 volumes in-8°, imprimés à Strasbourg, le premier en mai, le second en août. Son éditeur, dont le nom n’apparaît pas, fut le Strasbourgeois André Ulrich (1761-1834), journaliste, imprimeur, secrétaire-interprète de la municipalité, officier municipal, membre du conseil du département, suspendu, incarcéré pendant la Terreur, revenu au conseil municipal après Thermidor (NDBA, p. 39-47).

La nouvelle de la chute de Robespierre le 9 thermidor (21 juillet 1794) avait été accueillie avec satisfaction à Strasbourg. Le représentant en mission Foussedoire donne suite aux réclamations des Strasbourgeois modérés et avait mis fin aux fonctions du maire Monet (août 1794) et fait libérer les partisans de l’ancien maire de Dietrich, dont Mathieu d’Heidolsheim, qui accède à la mairie en janvier 1794, ainsi qu’André Ulrich, l’ancien secrétaire-interprète de la ville. Le 23 février 1795, le Conseil général de la Commune de Strasbourg décida dans sa séance du 5 ventôse an III la rédaction puis l’impression d’un Mémoire sur les événemens qui ont eu lieu en cette Commune depuis la révolution, « présentant un tableau fidèle des sacrifices multipliés que la Commune de Strasbourg a fait à la révolution […] au milieu même des cruelles persécutions que lui ont fait éprouver les partisans du règne de sang et de terreur, pour faire connoître à toute la France sa conduite et ses sentimens si longtemps calomniés… ». Il en sera imprimé 1200 exemplaires en français et 100 autres en allemand. Expression de la réaction thermidorienne, son but est énoncé : « La voix de la vérité ne sera plus étouffée par les clameurs de l’intrigue, et la commune de Strasbourg, après avoir gémi, pendant deux ans, sous la hache des assassins, a résolu de tracer un tableau rapide du système atroce de persécution, de calomnie et d’imposture dont elle a été la malheureuse victime » (p. 4). L’Appel de la Commune… fut largement diffusé. Il est envoyé à la Convention nationale et à ses principaux comités, aux 48 sections de Paris, à toutes les administrations départementales de la République, aux principales communes de France…

En mai 1795, André Ulrich, reprit à son compte cet Appel de la Commune et le compléta avec de nombreuses pièces justificatives, notamment tirées des archives de la Ville et d’une collection personnelle d’environ 3000 documents, et procède à leur publication, en deux parutions.

Le premier volume du Livre Bleu s’ouvre sur une Copie de deux lettres sur la situation de la Commune de Strasbourg, écrites au Comité de sûreté générale de la Convention nationale, le 26 Prairéal et le 15 Thermidor de l’an 2e de la République par Frédéric Burger, homme de lettres et ancien administrateur du département du Bas-Rhin, détenu à Strasbourg (p. i à  xi), qui donne le ton, immédiatement suivi de l’Appel de la Commune de Strasbourg…, 35 pages, complété par :

  • les Pièces à l’appui de l’appel de la Commune à la République et à la Convention nationale (arrêtés des représentants, procès-verbaux divers, lettres, discours, dénonciations, ordres d’arrestation, listes de suspects, d’incarcérés, etc.), soit 119 pièces sur 244 pages ;
  • la Copie figurée des procès-verbaux du Comité de surveillance et de sûreté générale du département du Bas-Rhin, établi par ordre des représentans du peuple Milhaud et Guyardin, de 94 pages ;
  • et la Copie exacte du soi-disant protocolle du Tribunal révolutionnaire établi à Strasbourg par la proclamation […] des Représentans du peuple près les armées du Rhin et de la Moselle, de 72 pages ;

Le second volume de 351 pages est plus homogène et comporte 165 documents supplémentaires divers, venant tous à l’appui de l’Appel de la Commune…, tels le Procès-verbal dressé sur des effets trouvés dans les appartemens de l’ex-maire Monet (p. 1-8), le Compte général de la caisse de la Trésorerie Révolutionnaire (p. 24-38), unExtrait des minutes de quelques séances de la Société des Jacobins de Strasbourg (p. 291-326), etc.

Le Livre bleu (das Blaue Buch) est publié en allemand avec pour titre « Sammlung authentischer Belegschriften zur Revolutions-Geschichte von Strasburg, oder  : Aktenstücke der in dem Nieder-Rhein’schen Departemente, unter der Herrschaft der Tyranney der revolutionnären Ausschüsse und Commissionen, der Propagande und der Jakobiner-Gesellschaft zu Straßburg, auf Sendung sich befindenden, Volks-Repräsentanten », en deux tomes formant souvent un seul volume, au contenu un peu différent de celui de l’édition française. L’intérêt grandissant des contemporains pour cet ouvrage rendit nécessaire une seconde édition française en 1796, plus complète que la précédente.

Ulrich prétend n’avoir voulu que transmettre à la postérité des pièces authentiques indispensables à la compréhension de cette tranche de l’histoire de Strasbourg, mais les jacobins, tels le publiciste jacobin Christophe Frédéric Cotta (1758-1838), stigmatisa dans sa feuille, la Rheinische Zeitung, « un Ulrich, petite créature (kleines Geschöpf) présomptueuse et vindicative ».

Pour plusieurs générations d’historiens, le Livre bleu constitua – et constitue encore – une source incontournable pour l’étude de la Révolution à Strasbourg, en raison de l’importance de la collection de documents publiés, dont certains ont disparu depuis, même si on peut reprocher à André Ulrich certaines omissions.

Bibliographie

Appel de la Commune de Strasbourg à la République et à la Convention nationale, publié par ordre du Conseil général de la Commune, un fascicule in-8° de 35 pages, par l’Imprimerie de la Société typographique (François Xavier Levrault, Michel Thomassin, Claude Jacob et André Ulrich, associés) en allemand sous le titre : Aufruf der Gemeine Strasburg an die Republik und an den National-Convent. Auf Befehl des allgemeinen Raths der Gemeine bekannt gemacht, de l’imprimerie de Philippe Jacques Dannbach (in-8°, 36 p.).

Recueil de pièces authentiques servant à l’histoire de la Révolution à Strasbourg, ou les actes des Représentans du peuple En mission dans le Département du Bas-Rhin sous le règne de la tyrannie, des Comités et Commissions révolutionnaires, de la Propagande et de la Société des Jacobins à Strasbourg. 2 volumes in-8°, Strasbourg, 1795.

HARTMANN (Erich), « Andreas Ulrich, ein Straßburger Publizist und Politiker in den Tagen der großen Revolution », JGSL, 1910, n°6, p. 65-120.

HARTMANN (Erich), Das Blaue Buch und sein Verfasser. Ein Beitrag zur Geschichte der französischen Revolution in Strassburg. Inaugural-Dissertation zur Erlangung der Doktorwürde einer hohen philosophischen Fakultät der Kaiser-Wilhelms-Universität Strassburg, Strasbourg, 1911.

RICHTER (Katrin), « Andreas Ulrich und die Sprachenfrage im Elsaß. eine fast vergessene Straßburger Persönlichkeit aus der Zeit der Französischen Revolution », ZGO, 1986, n°134, p. 227-244.

BETZINGER (Claude), « Ulrich André », NDBA, Strasbourg, 2001, fasc. 37, p. 39-47.

Claude Betzinger