Hammerwurf

De DHIALSACE
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Mesure de distance : jet de marteau.

Action de projeter un marteau pour déterminer une distance, une limite. Cette disposition juridique, assez courante dans le monde germanique, semble cependant peu représentée en Alsace. Du moins les sources manuscrites n’en font-elles que rarement état.

Le marteau est l’attribut du dieu Thor, ou Donard, l’un des principaux dieux de la mythologie nordique. À ce titre il fut utilisé pour sceller officiellement des actes religieux (mariage) et juridiques (ventes, prise de possession). Lancé, le marteau servait aussi à déterminer des limites foncières notamment lors de transactions sur des biens fonciers ou de règlements de litiges concernant des limites de propriétés.

En lançant son marteau, le dieu Donard produisait la foudre dont l’impact, marqué par une Donneräxtle (un marteau ou une herminette de pierre), revêtait dès lors un caractère sacré. Par analogie, lors du jet du marteau, son point d’impact constituait une marque de limite, expression d’une volonté divine. C’est de là que la mesure de longueur populaire dite « einen Steinwurf weit » (un jet de pierre) tire son origine, sous entendu « einen Steinhammerwurf weit » (un jet de marteau de pierre).

Le jet du marteau n’était pas, loin de là, une mesure précise, bien que Schertz en donne une valeur fixe : « La longueur du jet [de marteau] a été fixée par un long usage à 24 pas (passus) ». À raison de 1 489 m le pas romain, cela représenterait une distance d’environ 35 m. Mais si l’on donne à passus le sens de Schritt et une valeur unitaire moyenne de 0,70 m, la distance du jet se réduit à 16-17 m.

L’absence de mesure officielle du jet de marteau caractérise bien son coté arbitraire dépendant largement du poids du marteau et de la vigueur du lanceur. C’est peut-être pour atténuer cet aspect aléatoire que furent introduites des entraves au lancer franc, comme d’obliger à lancer par dessous la jambe ou en tournant le dos à la direction du jet. Une entrave de ce type, à vrai dire si acrobatique que le lancer en devient quasiment impossible, a été recueillie par Hanauer dans la rotule de la cours colongère de Bischwiller et Hanhofen (1458) : « Un meunier ne doit pas reculer ses constructions, au delà de la distance à laquelle il peut jeter une bille [einer Billen] en arrière. Il se tiendra sur la haie, prendra son oreille gauche avec la main droite, passera le bras gauche entre le corps et le bras droit, de façon cependant que le coude ne dépasse pas le bras droit, et tenant la bille dans la main, il lancera dans cette position » (Hanauer, Constitutions, p. 332). Schmitter voit dans de telles dispositions une survivance de laisser à la divinité seule le pouvoir de fixer la longueur ; par là le jet devient une sorte de jugement de Dieu.

Le recours au jet du marteau pour marquer une limite semble néanmoins s’être maintenu en Alsace jusqu’au début du XVIIIe siècle. Une des mentions les plus récentes concerne le droit de pêche du meunier de Souffelweyersheim dans le canal d’amenée de son moulin : « Il est deffendu a qui que ce soit qu’audit meunier de pescher dans la rivière à la distance où il peut atteindre, lorsque se tenant sur le seuil de sa porte il jette son marteau dans l’eau » (ABR C439).

Bibliographie

ABR C 439 (1742/1760).

SCHERTZ (Johann Georg), Glossarium germanicum medii aevi, Strasbourg, 1781.

HANAUER (Abbé Auguste), Les constitutions des campagnes d’Alsace, Strasbourg-Paris, 1864, p. 322-338, ici p. 332.

GRIMM, Deutsches Wörterbuch, sous Hammerwurf (Bd. 10, Sp. 321) et Hammer (Bd. 10, Sp. 313).

GRIMM (Jacob), Deutsche Rechtsalterthümer, Leipzig, 1899, Bd. I, S. 78-96.

SCHMITTER (August), « Der Hammerwurf und andere Rechtsbräuche », Elsassland–Lothringer Heimat, t.  XVIII, 1938, n°1, p 15-17.

Notices connexes

Donneraxt

Jean-Marie Holderbach