Allmend(e)

De DHIALSACE
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Allemeinde — Almeinde, communs, communaux

1. Dans les régions de forte tradition communautaire comme l’Alsace, ce terme, employé en préfixe, signifie « commun », opposé à « propre », et s’applique à certaines parties de l’agglomération (Allmendgass, Allmendschlupf, Allmendplatz) ou du terroir (Allmendstück, Allmendmatten). Il désigne l’ensemble des biens dont le propriétaire, à savoir la communauté, laisse la jouissance aux habitants qui la composent et s’oppose donc aux biens tenus individuellement par ces derniers en pleine propriété.

2. Utilisé comme substantif, l’Allmend désigne en général un pâturage ou un pâquis forestier commun, de médiocre qualité, situé hors assolement à la périphérie du terroir et auquel peuvent conduire des chemins réservés au bétail (Viehwege) de façon à canaliser ce dernier et à en protéger les terres emblavées. L’alimentation herbagère fournie par l’Allmend répond aux besoins de la traction animale surtout dans les régions à forte prédominance de labours laissant peu de place aux herbages (prés et pâturages). La superficie des Allmende laissés à la jouissance des habitants moyennant le versement d’une taxe infime (Allmendzinsest inversement proportionnelle à la fertilité des finages, oscillant entre moins de 1 % de la superficie exploitée (dans les terroirs loessiques du Kochersberg) et plus de 40 % (dans les Harts et Rieds qui offrent d’importants espaces échappant à la culture). Dans certaines contrées, ce communal, indivis entre plusieurs communautés (tel est le cas du Siebendörferallmend qui s’étend sur plus de 1000 hectares dans le Bruch de l’Andlau), autorise la compascuité entre ces communautés. Tant que la population n’atteint pas de fortes densités, l’Allmend ne pose pas problème. Tel a été le cas à l’époque ou au lendemain des Wüstungen médiévales. A partir du XVIIIe siècle, la politique des défrichements, la nécessaire protection des forêts et la limitation du pâquis forestier, l’extension des surfaces cultivables suite à la pression démographique conduisent à une réglementation de la pâture dans le temps et l’espace et, parfois, à une limitation du nombre de têtes de bétail par habitant admises au pâturage. Peu à peu le communal se trouve grignoté par le labour, en partie cultivé (Früchten auf dem Allmend) et sujet à la dîme (Allmendzehenden), ce qui correspond à une véritable privatisation. S’efface ainsi progressivement la distinction entre les biens communaux, dont la destination est de rester indivis et incultes (Allmende), et les biens patrimoniaux (Gemeindegüter) permettant aux communes de tirer une partie substantielle de leurs ressources de la location à divers particuliers de parcelles de terre, de pré ou de vigne, à la suite d’une prise en charge individuelle. Se pose dès lors le problème de l’appropriation des biens communaux, solution défendue, au nom de la rentabilité, par les exploitants les plus importants et rejetée par la plupart des paysans modestes, qui ne survivent que grâce à la jouissance de l’Allmend : opposition significative entre l’esprit communautaire traditionnel et l’individualisme conquérant, sans compter le poids des intérêts seigneuriaux. Engagé dès les années 1770, le partage des communaux sera consacré par la politique révolutionnaire, sans pour autant être généralisé à l’ensemble des villages alsaciens, et au prix de subtils compromis qui autorisent la survie de l’Allmend malgré l’inéluctable réduction des droits d’usage. Entité économique et lien social, puis enjeu au cœur des conflits sociaux, le communal perdurera partiellement jusqu’au XXIe siècle.

 

Bibliographie

HOFFMANN (Charles), L’Alsace au XVIIIe siècle, 1906.

HERRMANN (A.), Die Allmenden im Bezirk Unter-Elsass, Strassburg, 1914, 2 vol. et « Les biens communaux du Bas-Rhin », Vie sociale en Alsace, 1920, p. 37-39.

LIVET (Georges), « Usages communautaires et servitudes collectives en Haute-Alsace et Sundgau après 1648 », Mélanges Arbos, 1953, p. 177-184.

JUILLARD (Etienne), La vie rurale dans la plaine de Basse-Alsace. 'Essai de géographie sociale, Paris, 1953, p. 222.

JÄNICHEN (Hans), Beiträge zur Wirtschaftsgeschichte des schwäbischen Dorfes, Stuttgart, 1970, p. 199-214.

MARX (Roland), La Révolution et les classes sociales en Basse-Alsace. Structures agraires et vente des biens nationaux, Paris, 1974, p. 127-130.

BOEHLER (Jean-Michel), La paysannerie de la plaine d’Alsace (1648-1789), 3 vol., Strasbourg, 1994, t. I, p. 647, 796, 812-824 et 889 ; t. II, p. 1265, 1284 et 1314-1319.

Notices connexes

Au

Auweg

Communaux

Eau

Egert(e)

Gemeindegüter

Jean-Michel Boehler