Bibliothèque de Sélestat dite humaniste
Le qualificatif d’humaniste donné à l’ensemble d’ouvrages conservé à Sélestat date du XIXe siècle.
La bibliothèque humaniste de Sélestat se compose de deux collections, d’une part la bibliothèque paroissiale et, d’autre part, celle de Beatus Rhenanus. Avant sa constitution, le prieuré bénédictin de Sainte-Foy, fondé en 1094, avait réuni une bibliothèque importante, de même que d’autres établissements religieux de Sélestat. Mais le besoin d’une bibliothèque publique accessible aux élèves et aux maîtres de l’école humaniste se fait jour ; ainsi la bibliothèque paroissiale, installée dans deux salles voûtées au-dessus des bas-côtés méridionaux de l’église Saint-Georges, se constitue à partir de 1452 jusqu’au milieu du XVIe siècle. Ses ouvrages sont essentiellement à caractère religieux, mais il y figure aussi des grammaires, des classiques ainsi que le célèbre glossaire latin-allemand de Jacques Twinger de Koenigshofen. Plusieurs grandes donations sont venues l’enrichir, celle du fondateur Jean de Westhuss en 1452 puis celle de Jean Fabri en 1470, et celle de Louis Dringenberg en 1477, enfin celle de Jacques Wimpheling en 1500. La donation de Martin Ergersheim, avec 85 ouvrages, a été la plus importante : elle a eu lieu en 1535 et comprend des auteurs religieux, mais aussi des oeuvres d’auteurs de l’Antiquité classique. Tous ces volumes restèrent enchaînés dans la resserre d’archives de l’église Saint-Georges de Sélestat jusqu’en 1840. La Réforme met fin à l’âge d’or de l’école latine de Sélestat, qui avait formé beaucoup d’érudits, auxquels Erasme de Rotterdam vint rendre hommage en 1514. Le 19 juillet 1547, à la veille de sa mort, à l’âge de 62 ans, Beatus Rhenanus fait savoir à Gervais Gebwiler, bourgmestre de Sélestat, qu’il lègue sa bibliothèque à la Ville de Sélestat et à l’OEuvre Notre-Dame, qui gérait déjà la bibliothèque paroissiale. Grand rassembleur d’ouvrages tout au long de ses déplacements, Beatus Rhenanus donne une collection complète, comportant des ouvrages de grammaire et de rhétorique, des écrits des Pères de l’Église, mais aussi des auteurs classiques : Cicéron, Virgile, Lucrèce et des ouvrages d’humanistes récents. Rhenanus est connu pour ses travaux philologiques et de critique textuelle. Il est l’auteur de nombreux avis aux lecteurs dans les éditions qu’il publiait avec les imprimeurs de Strasbourg (Matthias Schürer) ou de Bâle (Jean Amerbach et surtout Jean Froben). Il a réalisé l’édition princeps de Tertullien et de Velleius Paterculus. Il a publié de nouvelles éditions critiques de classiques (Tacite, Tite-Live, Pline…). Il est l’auteur d’une histoire de la Germanie, publiée chez l’imprimeur Froben en 1531 et qui connut un grand succès à son époque. Dans l’édition posthume de 1551, Jean Sturm publia en guise de préface la première biographie de Beatus Rhenanus. La Rhenana fut d’abord conservée avec les archives de la Ville de Sélestat, puis, dès la fin du XVIe siècle, elle fut déposée à la douane, un bâtiment situé à l’emplacement de l’actuelle halle aux blés, où elle est conservée aujourd’hui. Dès leur arrivée à Sélestat en 1615, les Jésuites font revivre la tradition de l’école humaniste et leur école latine attire à nouveau l’attention sur les oeuvres oubliées ; ils obtinrent de la Ville le prêt de nombreux volumes. Avant leur départ de Sélestat, en 1765, le Magistrat fit récupérer les volumes qui réintégrèrent la Bibliothèque. C’est en 1739 que Jean-David Papelier en établit sous la direction de Jean-Daniel Schoepflin le premier catalogue connu. Après cette date, plusieurs prêts ou échanges furent opérés qui entraînèrent la perte d’au moins 80 volumes. Pour éviter ces pertes, le Magistrat de Sélestat nomma en 1757 le premier conservateur de la bibliothèque, Mathieu Kentzinger. Sa première tâche fut de regrouper les deux collections. En 1757, la Rhenana rejoignit la bibliothèque paroissiale à l’église Saint-Georges. Elle y resta jusqu’en 1840, date à laquelle sera ouverte au deuxième étage de la mairie, la bibliothèque de lecture publique, dont elle constitua le fonds ancien. En 1889, la Bibliothèque fut installée au premier étage de la Halle aux blés construite en 1843 par Klotz. Aujourd’hui, le fonds ancien de la bibliothèque humaniste compte 1 684 documents divers dont la Rhenana, avec 421 volumes renfermant 1 285 titres d’imprimés, 33 volumes de manuscrits (94 oeuvres), 41 manuscrits reliés avec des imprimés et 264 lettres autographes. En 1929, le chanoine Joseph Walter publie le catalogue de la bibliothèque humaniste qui relève 2 496 oeuvres imprimées. Depuis cette date, d’autres acquisitions ont eu lieu et sont accessibles dans le catalogue informatisé consultable sur le site Internet de la bibliothèque humaniste ou sur le catalogue collectif de France. En 1962, l’abbé Paul Adam publia le catalogue sommaire des manuscrits. La bibliothèque paroissiale est la plus vieille bibliothèque publique aujourd’hui conservée en Alsace et la bibliothèque de Beatus Rhenanus est la plus importante bibliothèque d’un humaniste de la première moitié du XVIe siècle. À partir de 1840, la bibliothèque n’a cessé de se développer en acquérant des fonds divers surtout d’érudits locaux comme Antoine et Alexandre Dorlan, l’abbé Mury, l’abbé Oberlé, l’abbé Vogeleis… Ce fonds encyclopédique compte aujourd’hui près de 70 000 documents. Un plan de numérisation a été réalisé et un choix important de documents est consultable sur Internet.
http://www.ville-selestat.fr/BH-consult (le 14 avril 2010).
La candidature de classement UNESCO de la Bibliothèque humaniste a été retenue au printemps 2010.
Bibliographie
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WALTER (Joseph), La bibliothèque de Sélestat, catalogue des incunables et imprimés du XVIe siècle, Colmar, 1929.
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MEYER (Hubert), « Propos sur la bibliothèque de Beatus rhenanus », in : Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, 1985, p. 85‑96.
MEYER (Hubert), PETITMENGIN (Pierre), « Ex libris Beati Rhenani : les imprimés qui ont quitté la bibliothèque de Sélestat depuis le milieu du XVIIIe siècle », in : Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, 1985, p. 123‑133.
MEYER (Hubert), « La Halle aux Blés de Sélestat. L’installation de la bibliothèque dans ces locaux », in : Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, 1989, p. 7-22.
MEYER (Hubert), « Il y a 150 ans… Création et ouverture d’une bibliothèque publique au 2e étage de la mairie de Sélestat », in : Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, 1991, p. 161‑169.
MEYER (Hubert), « La bibliothèque du Prieuré Sainte-Foy de Sélestat », in : Annuaire des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1995, p. 15‑18.
HIRSTEIN (James), « La bibliothèque de Beatus Rhenanus : une vue d’ensemble des livres imprimés », in : Les humanistes et leur bibliothèque. Actes du colloque international, Bruxelles 26-28 août 1999, édité par Rudolf de Smet (Travaux de l’Institut Interuniversitaire pour l’Etude de la Renaissance et de l’Humanisme. Université Libre de Bruxelles, 2002, p. 113‑142).
MEYER (Hubert), « Création et développement de la Bibliothèque Paroissiale de Sélestat », in : Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, 2002, p. 19‑25.
MEYER (Hubert), « La Bibliothèque de Beatus Rhenanus (1485-1547) : un fonds de documents des XVe et XVIe siècles à exploiter et à compléter », in : Antiquité Tardive et Humanisme. De Tertullien à Beatus Rhenanus. Mélanges offerts à François Heim, 2005, p. 447‑455.
Notice connexe
Marcel Thomann, Hubert Meyer