Dédicace

De DHIALSACE
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consecratio, Kirchweihe, Kirwihe, Kilwihe

On appelle dédicace la consécration solennelle d’une église en tant que lieu de culte. Jusqu’au milieu du VIe siècle, il n’y a pas de rituel particulier : une fois la première eucharistie célébrée, l’édifice est consacré. Par la suite, la dédicace d’une église s’accompagnera obligatoirement de la déposition de reliques sous l’autel (avec, au préalable, translation solennelle de ces reliques), de la consécration de l’autel, de la bénédiction du bâtiment avec de l’eau et de son onction avec de l’huile du saint chrême. Dès l’époque carolingienne, la présence de reliques dans l’autel des églises va entraîner de profonds bouleversements dans le mode de sépulture. On souhaite alors être enterré ad sanctos, près des reliques des saints, car ils sont des intercesseurs auprès de Dieu. C’est ainsi que les sépultures, qui se trouvaient en plein champ à l’époque mérovingienne, se regroupent autour des églises paroissiales.

Le rituel de la dédicace est présidé par un évêque (parfois un cardinal, un légat, voire le pape : Léon IX a consacré plusieurs églises en Alsace), entouré du clergé paroissial, en présence des fidèles. La première partie du rituel consiste à remettre symboliquement l’église à l’évêque ou à celui qui préside la cérémonie. Ensuite, celui-ci consacre l’autel avec le saint chrême, d’abord en son milieu, puis aux quatre angles ; cette onction rend l’autel digne de recevoir le corps et le sang du Christ. Puis l’autel est encensé, illuminé et couvert d’un revêtement. Au fil du temps, on ne s’est plus contenté de la consécration de l’autel et on a étendu les rites de la dédicace à la porte d’entrée du sanctuaire, aux murs intérieurs et extérieurs, au pavement, au mobilier et aux ornements. Les parois de l’église sont munies de l’onction en forme de croix tout à l’entour du sanctuaire. Les nappes d’autel, les patènes, calices et vases sacrés, et même les cloches sont bénis avec des formules adaptées à chaque partie du mobilier.

Dans chaque église, on fête l’anniversaire de sa dédicace. De Jérusalem, où on le constate pour la première fois, cet usage s’est répandu partout. Il se double d’une fête profane, dont le nom actuel en dialecte (kilbe, kelwa) dérive de l’alémanique médiéval kilwihe (= Kirchweihe), de même que le flamand kermesse correspond à l’allemand Kirchmesse (même sens). Cette fête s’accompagne d’une foire, le plus souvent d’importance purement locale (quelques stands devant l’entrée de l’église), mais qui parfois prend de l’ampleur, puisque l’allemand Messe (foire) dérive également de Kirchmesse. C’est ainsi que la dédicace de l’église des Antonins d’Issenheim a donné naissance à une foire, attestée dès la fin du XIVe siècle (AHR 36H 43b/7), et assez célèbre pour qu’à Uffholtz, une charte de 1436 soit datée du mercredi après la dédicace d’Issenheim (an der nehsten mittwuchen nach Isenhein kilwig : AHR 9G t.g. 45). L’importance de la fête de la dédicace apparaît dans le Liber miraculorum d’Unterlinden à Colmar : la Vierge apparaît à trois soeurs pour demander que la dédicace de l’autel sur lequel se trouve son image sur le jubé soit célébrée le même jour que celle de la cathédrale de Bâle (BM Colmar Ms. 495, f° 21r), car la fête de la dédicace d’une église ne se célèbre pas forcément le jour anniversaire de celle-ci. C’est ainsi que le 5 janvier 1295, l’évêque de Toul consacre l’autel [majeur] de la chapelle de Haut-Barr en l’honneur de saint Nicolas et de la Trinité. A cette occasion, lui et l’évêque de Strasbourg accordent 40 jours d’indulgence pour le dimanche de la dédicace, qui se fêtera en septembre (RBS II 2361). Les autels latéraux de la même chapelle seront consacrés en 1357 et en 1397 (ABR G 1736). Depuis le XIIIe siècle, pour la dédicace d’une église, voire d’un autel mineur, les autorités religieuses accordent très souvent des indulgences (cf. Haut-Barr), qui présentent pour l’historien l’intérêt de donner lieu à un acte écrit.

Lorsqu’une église est profanée (sanguinis vel seminis effusione), il faut procéder à une nouvelle dédicace, appelée réconciliation. C’est le cas de la chapelle de pèlerinage du Schäfertal, reconsacrée en 1511 par l’évêque auxiliaire de Bâle (reconciliavimus capellam BMV im Schäfertal : BARTH, Handbuch, c. 1214). La reconstruction totale ou partielle d’une église donne également lieu à une nouvelle dédicace, ce qui confère à cette cérémonie un grand intérêt pour l’histoire de l’architecture religieuse. Très souvent, on invoque la date de la dédicace d’une église pour dater la fin du chantier de sa (re)construction. Mais on a aussi mis en évidence des cas où raisonner ainsi aboutirait à un résultat aberrant par rapport à l’évolution stylistique de la région concernée. On est alors obligé de supposer que l’édifice a été consacré avant ou après la fin des travaux, par exemple pour profiter du passage d’un haut dignitaire ecclésiastique, susceptible de donner plus d’éclat à la fête. Mais, de ce fait, la dédicace perd beaucoup de sa force comme élément de datation.

 

Bibliographie

CABROL (Dom Fernand) et LECLERCQ (Dom Henri), Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de liturgie, IV, Paris, 1920, c. 374-405.

BACHMEYER (Léon), « Die Hohbarrer Kapelle », Journal de Saverne, n° 19, 1927 II 12.

 


Notices connexes

Adelphi Tag

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Elisabeth Clementz