Parité
Parität
Dans le Saint Empire, la parité est le principe au nom duquel est imposée la présence à égalité dans une même institution impériale des représentants de deux corps, l’Église catholique et l’Église de la Confession d’Augsbourg.
Il peut être appliqué pour d’autres institutions publiques (conseils des villes, administrations d’États…). Ce n’est pas un droit individuel et n’a pas de rapports avec le nombre des sujets des collectivités concernées, même si, ultérieurement, la représentation à la proportionnelle a été revendiquée pour le droit des confessions religieuses.
Ce principe a été défini par la paix d’Augsbourg de 1555. Sont inclus dans cette paix les Électeurs, Princes et États et leurs sujets professant la confession d’Augsbourg, qui ne doivent pas subir de préjudice du fait de leur conscience, foi et engagement (art. 15). La paix d’Augsbourg institue la parité des juges à réaliser par la voie de l’alternative dans la Cour impériale (Reichskammergericht) chargée de juger des conflits portant sur la paix (art. 105 ; 106 ; 107) (C. Duhamelle, « Parität »,Les mots du Saint-Empire).
À partir de 1548, Charles Quint, victorieux, impose de lourdes peines aux villes impériales du sud du Saint Empire (Augsbourg, Ulm, Francfort) : il leur impose l’Intérim (1548) et la restitution, au moins partielle, à l’Église catholique des églises et couvents saisis pendant la Réforme. Enfin, il décrète le changement de constitution urbaine : le patriciat y est désormais majoritaire et les tribus, accusées d’avoir favorisé la Réforme, sont minoritaires ou écartées (Augsbourg, Ulm) (P. Dollinger, Charles Quint et les villes d’Empire ;E. François, Augsbourg). Strasbourg doit également acquitter une forte amende, rendre la cathédrale et les deux églises Saint-Pierre au culte catholique. Le « Regimentsordnung », imposé par Charles Quint à Augsbourg, impose un partage à peu près égalitaire des sièges du Conseil entre catholiques et protestants (E. François, Augsbourg, p. 25). Cette parité n’est plus remise en cause ultérieurement.
Après la paix de Passau (1552) et la paix d’Augsbourg (1555), le Magistrat de Strasbourg revient peu à peu sous la pression des prédicateurs luthériens et des fidèles à l’unité luthérienne et annule les mesures prises pendant l’Intérim (Lienhard, « L’ère du confessionnalisme », Histoire de Strasbourg II, p. 416-429 ; Vogler, L’Intérim à Strasbourg et dans les territoires palatins, p. 208-218).
Les réformes de Charles Quint avaient imposé la présence des catholiques dans les institutions urbaines des villes d’Empire, mais c’est le traité d’Osnabruck (1648) qui en arrête expressément le principe : « Il y aura une égalité exacte et réciproque entre tous les Électeurs, Princes et États de l’une et de l’autre Religion (art. 11 § 2). » Il décrète la parité des villes d’Augsbourg, Dinckelsbühl, Biberach et Ravensbourg : « A l’égard des Dignités de Sénateurs et autres Offices publics, il y aura égalité et même nombre entre ceux de l’une et l’autre Religion (§ 3). » Après avoir prévu les procédures d’alternative pour les Receveurs des deniers publics, les Intendants de l’Arsenal et autres, (§ 4 et 5) ; il généralise : « Les Charges que l’on a accoutumé de ne commettre qu’à une seule personne pour une ou plusieurs années, seront alternativement exercées entre les Bourgeois catholiques, et ceux de la Confession d’Augsbourg. » (§ 8) Et le traité précise : « On ne s’arrêtera nullement à la pluralité des suffrages dans les affaires concernant directement ou indirectement la Religion. » Enfin, il énumère longuement les modalités de restitution des biens de l’une ou l’autre confession, saisis après le 1er janvier 1624. Le § 51 ordonne la parité dans les assemblées ordinaires de l’Empire et prescrit quand États catholiques et protestants se divisent en deux partis : « La seule voie à l’amiable décidera des différends sans s’arrêter à la pluralité des suffrages. » Dans ces cas, si la négociation n’aboutit pas, le statu quo s’impose [texte de la traduction française de Heiss, voir Kogenheim publié dans le tome I desOrdonnances d’Alsace de Boug(v. Jus Supremi Dominii)].
Ces principes constituent le modèle institutionnel des villes « biconfessionnelles ». Les bureaux de la Monarchie et des Intendants et les juristes du Conseil souverain connaissaient bien le droit de l’Empire, où Louis XIV n’a pas encore renoncé à prendre place (Braun, chapitre « Französische Reichslandschaft », p. 36-46).
Colmar s’était ralliée à la Réforme tardivement, en 1575. À partir de 1585 et jusqu’en 1623, Conseil et Magistrats sont majoritairement protestants. Les catholiques ne sont pas exclus des instances mais très minoritaires (Wallace, p. 30). En 1627, l’empereur et archiduc Léopold imposent le retour au catholicisme. Les Suédois rétablissent, en 1632, le protestantisme. À partir de 1635 et de l’alliance avec la France, le culte catholique est autorisé, mais il faut attendre 1673 et l’occupation permanente de Colmar par une garnison française et 1680 pour voir l’intendant forcer la nomination d’un stettmeister et de 4 conseillers catholiques puis, par l’introduction de l’alternative, imposer la parité dans le Magistrat et les conseils (v. Alternative).
Après l’ordonnance sur le simultaneum (v. Simultaneum) ou l’obligation de nommer des baillis et fiscaux catholiques (1683) dans les seigneuries protestantes, l’alternative est appliquée à Strasbourg en 1687 (Livet, L’intendance d’Alsace,« Les étapes de l’entreprise de conversion », p. 435‑462).
Bibliographie
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Notices annexes
Regierung ; Regiment ; Reichshofrat ; Reichskammergericht
François Igersheim