Noblesse alsacienne (Révolution et Empire, 1789-1815)

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Conformément aux votes intervenus au cours de la nuit du 4 août 1789, le décret du 23 juin 1790 abolit « la noblesse héréditaire et les titres de prince, de duc, comte, marquis, et autres semblables » (Bulletin annoté, I, p. 134-135).

Lors des assemblées électorales de 1789, la noblesse d’Alsace avait accepté le principe de la fin des exemptions fiscales, mais l’abolition des droits féodaux qui assuraient une partie de ses revenus l’a atteinte profondément dans ses moyens d’existence. Il ne lui reste donc que ses droits et propriétés domaniales ou foncières. La distinction est souvent délicate et a donné lieu à un contentieux interminable, où vont se spécialiser les avocats à la Cour d’appel de Colmar.  

Une partie de la noblesse émigre. Cela entraîne en France la saisie et la vente de leurs biens devenus biens nationaux de seconde origine. Avec l’entrée en guerre du Saint Empire contre la France (1792), les biens de la partie de la noblesse alsacienne possessionnée dans le Saint Empire (comme eux appartenant au Cercle équestre de l’Ortenau), sont également menacés. La noblesse est prise entre deux feux : demeurer en France et se faire saisir ses biens en Allemagne et renoncer aux prébendes et carrières dans les chapitres ou ordres, qui constituent un débouché pour nombre de fils des familles, ou émigrer et risquer le séquestre et la vente de ses biens en France. Il faut donc ruser : ne pas émigrer, user de faux certificats et d’identités multiples. Autant qu’on puisse le savoir, la noblesse alsacienne s’arrangea donc pour émigrer le moins possible. En 1802, avec les décrets sur l’amnistie des émigrés, une partie d’entre elle choisit de se faire indemniser de ses biens saisis en France et de renoncer à ses biens d’Alsace. Selon Roland Marx, la puissance foncière des nobles d’Ancien Régime aurait de ce fait disparu après la Révolution, lorsque des nobles s’installent définitivement sur la rive droite du Rhin. Une partie, enfin, parvient à sauver une bonne partie de sa fortune. En 1810, six nobles de l’ancienne noblesse d’Alsace figurent encore dans les 30 premiers imposés du Bas-Rhin et 20% des « Grands notables » de 1812 appartient à la noblesse d’avant 1789. La création en 1808 d’une noblesse impériale, « héréditaire, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture », et l’autorisation de créer des majorats, ajoute une dizaine de familles à la noblesse d’Alsace.  

La Charte de 1814 arrête : « La noblesse ancienne reprend ses titres, la nouvelle conserve les siens, le roi fait des nobles à volonté », mais elle ne leur accorde que des rangs et des honneurs, sans aucune exemption des charges et des devoirs de la société (Art. 71). Le comte de Bouthillier, préfet du Bas-Rhin en 1818, rapporte pourtant : « La noblesse d’Alsace est à peu près détruite, elle n’a plus de fortune et elle est sans influence. » (Leuilliot, La première Restauration et les Cent-Jours en Alsace, p. 131). C’était sans doute forcer le trait. Jusqu’en 1870, recomposée par le Premier Empire et restaurée par les Bourbons, la noblesse joue un rôle politique et social de plus en plus important, bien supérieur à son importance numérique dans la population. Elle semble encore se réserver les fonctions de haut rang. Car, enfin, sur 88 députés que compta le Bas-Rhin de la Seconde Restauration à 1870, 25 députés sont issus de familles nobles. Retranchons les 34 députés de la Seconde République, où le Bas-Rhin n’envoie aucun noble siéger à Paris, cela fait 25 députés nobles sur 54, soit 44%, soit près de la moitié. La proportion reste considérable pour les conseillers généraux : le Bas-Rhin compte 127 conseillers généraux de 1833 à 1870 ; 27 nobles parmi eux, soit près d’un cinquième de l’effectif. 10 députés nobles sur 38 dans le Haut-Rhin, pour la même période, mais 17 fabricants et 9 juristes. Il serait donc inexact de sous-estimer le rôle de la noblesse alsacienne au XIXe siècle.  

Bibliographie

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General Landesarchiv Karlsruhe : Abt. 72 - Lehen und Adelsarchiv ; N°14 - Lehensgut Groll.  

General Landesarchiv Karlsruhe : Abt. 233 - Staatsministerium.  

ABR : Archives Zorn de Bulach - Ernest (1786-1868), François (1828-1890), Hugo (1851-1921).  

ABR : Fonds Reinach-Werth. Les Reinach Werth étaient seigneurs d’Uttenheim, et partiaires de Roppach, Munsterol et Steinbronn.  

AHR : Archives Reinach-Hirtzbach.  

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Notices connexe

Noblesse alsacienne (Moyen Âge à 1648)  

Noblesse alsacienne (1648-1789)  

Noblesse_immédiate_de_Basse-Alsace  

Notables  

Notables (Grands notables du Bas-Rhin, Grands notables du Haut-Rhin)

François Igersheim