Nachen
Bachot, Barque, Canot ; diminutif Nächel
Reconnaître sous le substantif Nachen un type précis de bateau s’avère particulièrement délicat. Grimm en donne une définition assez large : ce sont de petits bateaux polyvalents, sans mat ni pont, avec ou sans voile, adaptés à la navigation sur rivière, lac et étang. Ils sont utilisés en particulier par les pêcheurs, mais aussi pour le transport de personnes, moins pour l’acheminement de charges importantes. Sans-doute conviendrait-il d’y ajouter « et à faible tirant d’eau », indispensable pour naviguer sur de petits cours d’eau ? Cela semble d’ailleurs confirmé par une définition plus récente : petite barque à fond plat menée à l’aide d’une gaffe ou d’une rame (Kleiner flachbodiger Kahn, der durch Staken oder Ruder fortbewegt wird).
Dans la littérature allemande, Nache et Kahn sont employés indifféremment. En Alsace, selon Charles Schmidt (Els. Mundart, 1901, p. 416), Nachen et Weidling, une barque de pêche, sont synonymes.
D’après une charte de 1453 (AMS CH 5254) il ressort qu’un Weidling est plus petit qu’un Nachen et qu’un Nachen fait partie de la catégorie des grands bateaux. Alors que dans Mone (ZGO, 1853, p. 77), les Weidling sont qualifiés de Nachen (Waidnachen).
Pour la construction des Nachen, le bois de chêne, après au moins 3 ans de séchage, est utilisé de préférence. Le plan de base pourrait être celui du Dreibord (pop. Drüberdel, à La Wantzenau) qui tire son nom des trois bordages ou planches (une pour le fond et deux pour les côtés) assemblés par des couples disposés transversalement par paires et fixés par des clous forgés à section carrée (Schiffnagel). Les couples, dont la courbure spécifique est assez délicate à réaliser, sont façonnés dans des tronçons de branches présentant une courbure naturelle approchante, dits Rangen. En 1643, pour la construction d’un Nachen (ein zweibordiger Nachen !), le forestier de la ville de Strasbourg est tenu de livrer aux charpentiers de bateaux (Schiffzimmermänner) 45 Rangen (AMS VII 1349, f°28v° (1643)). Avec le fond plat, l’absence de quille et d’étrave constituent les caractéristiques fondamentales de ces barques. Les deux extrémités sont simplement relevées et plus ou moins cintrées. Ce modèle de base était produit en différentes longueurs, approximativement entre 9 et 17 mètres.
Le Nachen était généralement utilisé dans la plupart des métiers liés à l’eau : pêcheurs, meuniers, pontonniers, tanneurs. Pour certaines de ses utilisations spécialisées, le nom générique est préfixé par la nature de celles-ci : Eisnachen, Anckernachen, Spitznachen, Fischernachen, Bersig-Nachen. Le Nachen servait aussi de bac pour les passages légers de rivière, pour les travaux dans les fossés des villes fortifiées et pour la chasse (Jagdnachen).
À Strasbourg, bateliers et pêcheurs se servent de Nachen pour conduire mariages et citadins vers les lieux de réjouissances et de promenades à la mode situés le long de la Bruche et de l’Ill comme le Wasserzoll, la Robertsau, Illkirch et Graffenstaden. Il semble cependant que ce type d’embarcation ait aussi pu servir pour des trajets plus longs, comme en 1480, pour aller de Rouffach à Brisach (von Ruffach in einem weidling oder nachen gon Brysach faren mocht ; Code historique et diplomatique de la ville de Strasbourg, 1843, II, p. 98).
Parmi les différents types de Nachen, les Illnachen se rapprochent davantage des bateaux destinés au transport de matières pondéreuses. D’après une note de Marcel Thomann, ce type de bateau, construit à partir du XIe siècle, était adapté pour naviguer sur l’Ill et pour des trajets courts. De forme allongée (12,5 m de long, 3 m de large et 0,75 à 1,20 m de tirant d’eau), l’Illnachen pouvait transporter jusqu’à 10 tonnes de marchandises. De par leur construction robuste en bois de chêne, ils pouvaient également être utilisés sur le Rhin, à condition d’être pourvus d’un gouvernail adapté à ce type de navigation (Steuerruder).
Entre le Nächel, petite barque de promenade, et le bateau de transport, Illnachen, la typologie des bateaux désignés par le substantif Nachen est assurément assez étendue, sans que les caractères distinctifs les uns des autres puissent toujours être précisés. Une autre source de diversité vient de l’adaptation constante du Nachen aux domaines de navigation non moins étendus, entre le chantier quasi permanent du pont du Rhin, l’Ill et les étroits Schiffgraben si nombreux en Alsace.
Bibliographie
AMS CH 5254 (1453) ; 1MR 35, n°28 (9 mai 1743).
GRIMM, sous Kahn, Nachen, Rangen et Weidling.
LÖPER (Carl), Die Rheinschifffahrt Straßburgs in früherer Zeit und die strasßburger Schiffleut-Zunft, Strasbourg, 1877.
SCHMIDT (Charles), Wörterbuch der Strassburger Mundart, Strasbourg, 1896, « Nache » et « Waidling ».
SCHMIDT (Charles), Historisches Wörterbuch der Elsässischen Mundart, Strasbourg, 1901, « Weidschiff », « Weidling ».
BÖCKING (Werner), Die Geschichte der Rheinschiffahrt. Schiffe auf dem Rhein in drei Jahrtausenden, Moers, 1980, p. 119.
PRIETZ (Christine), « Les barques à fonds plats et leurs constructeurs, les calfats », Bulletin de la Société des Amis du Musée régional du Rhin et de la navigation, 1993, p. 67-73.
STENTZ (André), « Langweidling, Halbweidling, Dreibord, Kranzbord : à propos des barques à fonds plats du Rhin », Bulletin de la Société des Amis du Musée régional du Rhin et de la navigation, 1995, p. 52-58. https://www.modellskipper.de/Maritimes/maritime_Begriffe_Deutsch_Abschnitt_N/Nachen [en ligne le 1.5.2021]
Notices connexes
Jean-Marie Holderbach