Maison rouge

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Rothes Haus, Rothüs.

En 1920, Jules Ernest Gerock étudia l’appellation Maison-Rouge et ses variantes Rothes Haus, Rothüs, que ce soit sous forme de toponyme ou, comme encore de nos jours, de nom d’auberge ou d’hôtel. Il s’agirait d’une survivance d’auberges romaines, voire celtiques, dont la couleur rouge devait attirer l’attention des voyageurs (Gerock, 1920). Robert Forrer estime que cette appellation aurait aussi pu désigner des établissements publics à caractère militaire ou fiscal (Forrer, 1927). L’un et l’autre constatent que les Maisons rouges sont souvent situées à proximité d’anciennes voies romaines – le Rothe Hof à Vendenheim – ou à un carrefour ou une bifurcation d’une telle voie – la Maison rouge d’Eckbolsheim. Dans son Manuel d’archéologie gallo-romaine, Albert Grenier, reprenant leurs conclusions, estime que les Maisons rouges constituent « l’un des indices les plus significatifs du passage d’une voie romaine » ; il atténue cependant son assertion, car « l’explication en demeure incertaine » (Grenier, 1934).

La prudence s’impose donc quant à l’interprétation du toponyme et de l’appellation Maison rouge, que ce soient des habitations ou des granges. Seules celles qui se trouvent sur des voies antiques attestées ou à proximité de sites archéologiques gallo-romains pourraient être des survivances de stations routières romaines (mansio, mutatio, stabulum, taberna). Au sujet l’adjectif roth, rouge, déjà Gerock exclut de le rapporter aux matériaux de construction eux-mêmes, briques ou tuiles. Le caractère rouge de l’établissement serait obtenu intentionnellement par une peinture ou un badigeon (Gerock, 1920). Quant à l’hypothèse de Forrer, qui recherche l’étymologique de roth dans le celtique rot, ret, pour laufen, ou dans le latin rota, roue, qui a donné « route » en français, « elle ne mérite pas d’être retenue » (Dauzat, 1954).

Dans tous les cas, l’ancienneté des toponymes peut constituer un indice favorable pour faire remonter l’origine des Maisons rouges à une haute antiquité, telle la Maison Rouge (Rotes Hus) entre Mulhouse et Dornach. Située sur la rive gauche de l’Ill, à un important carrefour de routes, elle est citée dans 25 textes s’échelonnant de 1420 à 1692 (Moeder, 1957).

Liste de quelques maisons rouges dont la plupart avaient déjà été signalées par J. E. Gerock :

Bas-Rhin

  • Barr : Hôtel de la Maison Rouge, au centre ville, 1 avenue du Dr Marcel Krieg ;
  • Eckbolsheim : Auberge de la Maison-Rouge. À la bifurcation route des Romains (N 4) - avenue du Général de Gaulle (D 45) ;
  • Illkirch-Graffenstaden : Rothes Haus. Se trouvait à l’angle de la route de Lyon et de la route Burckel.
  • Schiltigheim  : Maison-Rouge, auberge, disparue. Se trouvait à l’emplacement de l’actuel 138 route de Bischwiller ;
  • Schiltigheim : Rothe Kirche, Schiltigheim, cimetière Sainte-Hélène ;
  • Séléstat - Schnellenbuhl : Maison rouge (ABR C 408) ;
  • Sélestat : La Maison-Rouge, ancienne auberge ;
  • Strasbourg : Ancien hôtel de la Maison-Rouge, place Kléber, anciennement quartier des canabae à l’époque romaine ;
  • Strasbourg : Rothes Haus, route de Strasbourg au Rhin ;
  • Strasbourg : Rothhaeuser. À la Krutenau, l’actuelle rue du Général Zimmer était dénommée rue des Maison-Rouges (1858) puis Rothäussergasse (1872). Mais il semblerait que le toponyme ne soit pas antérieur à 1682 ;
  • Strasbourg : Une « Maison rouge », zum Roten huse, est mentionnée en 1351 mais sans localisation dans la ville. (AMS 1 OND 6, fo152vo) ;
  • Vendenheim  : Rothes Haus, auberge ; sur la voie romaine Strasbourg-Brumath ;
  • Vendenheim : Rothhof. Se trouvait à mi-chemin entre Strasbourg et Brumath, à l’intersection des routes D 263 x D 64 (ancienne voie romaine) ;

Haut-Rhin

  • Andolsheim : Rothes Haus, auberge, disparue. Une portion de voie romaine a été localisée près d’Andolsheim. Elle aurait relié Brisach aux vallées de Munster et de Kaysersberg (Zehner, 1998, p. 92) ;
  • Colmar : La Maison-Rouge, auberge (Zabernell) ;
  • Colmar : Maison-Rouge (rue de la -), autrefois à Colmar ;
  • Lapoutroie : La Maison-Rouge. La route qui traverse Lapoutroie est considérée comme romaine par L. G. Werner, toutefois sans preuve déterminante (Zehner, 1998, p. 227) ;
  • Mulhouse : Rothenhaus, disparu. Se trouvait près de la limite des bans de Mulhouse et de Dornach (Moeder, 1957).
  • Wittelsheim (Haut-Rhin) : Lieu-dit Rothscheuer (Grange rouge). Emplacement d’un site romain, interprété comme une mansio, le long de la voie romaine qui relie Wittelsheim à Ensisheim (Zehner, 1998, p. 323) ;

Moselle

  • Phalsbourg : Rothe Haeuser, Les Maisons-Rouges, sur la voie romaine Strasbourg-Metz.

Territoire de Belfort

  • Courtelevant : Rothes Haus. Courtelevant est situé près de la voie romaine de Mandeure à Augst.

Bibliographie

STOFFEL (G.), Topographisches Wörterbuch des Ober-Elsasses, Paris, 1876, p. 112.

STOFFEL (G.), Topographisches Wörterbuch des Ober-Elsasses, 2e édition, Mülhausen, 1876, p. 344 et 460-463.

CLAUS (Joseph M. B.), Historisch-Topographisches Wörterbuch des Elsass, Zabern, 1895, p. 924.

Reichsland Elsass-Lothringen, Strassburg, 1901-03, t. II, p. 920.

GEROCK (J.-E.), « Les « Maisons rouges » et les voies de communication antiques », Association française pour l’Avancement des Sciences, 44e session, Strasbourg, 1920, p. 566-568.

FORRER (R.), Strasbourg-Argentoratum, Strasbourg, 1927, tome II, p. 649-650 (carte).

GALLUS, JOACHIM (Jules), « Auberges de la Maison Rouge et voies romaines », Revue d’Alsace, 1930, p. 599 et 688-689.

HOFFMANN (Ad.), GALLUS, JOACHIM (Jules), « Auberges de la Maison Rouge et voies romaines », Revue d’Alsace, 78, 1931, p. 781-782.

LABLOTIER (A.), « Auberges de la Maison Rouge et voies romaines », Revue d’Alsace, 79, 1932, p. 178.

GRENIER (Albert), Manuel d’archéologie gallo-romaine, Paris, 1934, t. II, p. 286-291.

DAUZAT (Albert), « Les maisons rouges d’Alsace », Revue Internationale d’Onomastique, t. 6, 1954, p. 180.

MOEDER (Marcel), « La Maison Rouge de Mulhouse, un problème historique », Bulletin du musée historique de Mulhouse, 65, 1957, p. 23-26.

ZEHNER (Muriel), Carte archéologique de la Gaule – Le Haut-Rhin, Paris, 1998, p. 323.

FLOTTÉ (Pascal), FUCHS (Matthieu), Carte archéologique de la Gaule : Le Bas-Rhin, (67/1), Paris, 2000, notice « Eckbolsheim », p. 268.

Jean-Marie Holderbach