Ochs

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Taureau châtré, animal de trait, animal d’élevage.

Parfois, terme générique pour toutes sortes d’animaux d’élevage pour lait ou viande, quels qu’en soient l’espèce, mâles ou femelles.

1. Le bœuf dans le droit du Moyen Âge

Les articles 199 à 201 du Schwabenspiegel (1275) traitent des animaux de trait, cheval ou bœuf.

« Art. 199. Celui qui veut voler un bœuf ou un cheval ou une autre bête et qui se fait tuer par l’animal ne sera pas indemnisé, car il agissait mal, surtout si c’était de nuit ».

« Art. 201. Le bœuf qui aura tué quelqu’un, homme ou femme, avec ses cornes, sera lapidé et on ne mangera pas sa viande, car elle est impure. Mais est coupable, celui à qui appartenait le bœuf, s’il savait que ses cornes étaient dangereuses. Mais si le bœuf n’a fait que blesser la victime qui survit plus de quinze jours, il sera vendu et le produit de la vente sera partagée. Celui qui vole un bœuf ou toute autre chose devra réparer. »

L’importance accordée au bœuf par le Schwabenspiegel reflète la prééminence du bœuf dans l’agriculture médiévale du sud du Saint Empire. Même si la force du cheval comme animal de trait (transports et labours, en particulier hersage) et sa productivité sont supérieures, le bœuf est privilégié car considéré comme moins fragile et peut être plus volontiers recyclé en viande (Rösener, Bauern im Mittelalter, p. 123-125).

Comme le droit romain, le droit médiéval s’est occupé des animaux d’élevage et a élaboré des réglementations en cas de dommages provoqués par d’autres animaux ou par les humains, ou encore de dommages qu’ils infligeraient aux humains.

C’est dans ce dernier cas que le Moyen Âge a varié. Les recherches soulignent les diversités locales et les époques. Elles se fondent souvent sur les procès instruits contre des animaux coupables d’avoir tué des humains – le plus souvent, compte tenu des cohabitations avec les animaux d’élevage –, des porcs dévorant des nourrissons.

Juristes et théologiens hésitent entre les conceptions romaines qui ne retiennent pas la culpabilité des êtres dénués de raison, qui ne sont pas responsables de leurs actes, donc les animaux, et une conception plus large, qui inclut les manifestations du surnaturel, et va jusqu’à admettre la possession de l’animal par les démons. Les procès et exécutions d’animaux, réelles ou symboliques, sont considérés comme des sortes d’exutoires ou des exorcismes destinés à apaiser les douleurs populaires. Les chercheurs insistent sur la crise qui marque la fin du Moyen Âge, avec l’essor des procès de sorcellerie.

Rédigé par les Franciscains d’Augsbourg vers 1275, le Schwabenspiegel, ce code qui reflète le droit du sud-ouest du Saint‑Empire, est bien antérieur. Les dispositions relatives aux accidents dus aux animaux apparaissent contradictoires. L’article 199 laisse sans indemnité le voleur victime du bœuf qu’il voulait voler. C’est le cas aussi dans l’article 201, où le coupable éventuel peut être le maître de la bête dangereuse, qui n’aurait pas pris les précautions nécessaires. Sa responsabilité entraîne l’indemnisation de la victime, si celle-ci survit, par la vente de l’animal.

Restent les dispositions sur la lapidation de l’animal et sur l’impureté de sa viande. Mais l’article 201 est largement repris de la Bible (Exode, 21, 28-37), qui prescrit de lapider le bœuf qui a tué un humain et de ne pas manger sa viande. Cette prescription des Écritures ne peut être ignorée. Mais les historiens s’interrogent sur l’application effective de cet interdit alimentaire vétérotestamentaire et doutent que la prescription sur la lapidation ait été effectivement appliquée.

François Igersheim

2. Ochs-Bœuf (époque moderne), Ochsenmarkt

Au nombre des bovins, les bœufs occupent une place à part en Alsace. Réputés pour leur force de labour, ils sont tout aussi appréciés pour la viande de boucherie qu’ils fournissent et dont la consommation augmente fortement avec le développement des villes, d’où le rayonnement, parfois international, des marchés à bestiaux qui sont en grande partie des marchés aux bœufs (v. Bétail, Ochsenmarkte).

À l’époque moderne, les bovins représentent environ les 2/3 des effectifs corvéables (AHR E 1140 et C 709, exemple du bailliage de Guémar, 1659 et 1774). Un peu moins efficace que le cheval de trait, qui est plus nerveux et plus rapide, le bœuf (environ les 2/3 de la force de traction de ce dernier) se distingue par sa résistance, sa régularité et son adaptation aux pentes, qu’il monte et descend d’un pas lent et assuré. Son ferrage nécessite l’utilisation d’un « travail » ou Notstall, car, contrairement au cheval, il ne peut pas se tenir sur trois pattes lors de cette opération (v. Notstall).

Le bœuf coûte deux fois moins cher à l’achat que le cheval (jusqu’à 200 à 300 livres tournois) et cette somme se trouve doublée si on compte les frais d’entretien. Exclusivement herbivore, il est également plus facile à entretenir que le cheval, surtout dans les terroirs qui accordent une place relativement importante aux herbages, car il se nourrit presque exclusivement de racines et d’herbe et ne constitue donc pas, comme le cheval, un concurrent alimentaire pour l’homme, puisqu’il n’empiète guère sur la récolte céréalière, la Futtergerst, dont il bénéficie,étant distincte de la Weissgerst, réservée essentiellement à l’alimentation humaine. En échange d’une dizaine de kilos de foin par jour, il peut travailler huit à neuf heures, donne du meilleur fumier que le cheval et, tant qu’il échappe à l’abattoir, il augmente de valeur avec l’âge. Ses capacités de labour (moins d’un demi-hectare par tête) sont légèrement inférieures à celles du cheval, ce qui le prédestine en priorité aux exploitations plus modestes des régions de collines (Sundgau, Vignoble, Arrière-Kochersberg, Outre-Forêt), la tenue d’un cheptel bovin dépendant à la fois des conditions topographiques et des structures mêmes de la société rurale.

On comprend dès lors que, pour des raisons économiques, les physiocrates et les agronomes, proches des services de l’Intendance, préfèrent, pour les labours, l’utilisation du bœuf à celle du cheval, spéculation plus onéreuse et génératrice d’endettement, qui doit être réservée aux besoins extérieurs de l’agriculture, à savoir le transport et la traction (AHR C 1119/7 et 1585, rapports et mémoires, 1787-1789).

Jean-Michel Boehler

Bibliographie

MAUGUE (Benoît), « Histoire naturelle de la province d’Alsace » (début XVIIIe siècle), BNF Ms. fr. 8246, p. 17, 103 et 297.

BNUS Ms. 1493, « Réflexions fugitives sur l’état actuel de l’agriculture du département du Bas-Rhin et sur les moïens de l’améliorer », mémoire aux Comices agricoles par Bauer, maire de Wissemborg, 11 octobre 1826.

STOLTZ (Jean-Louis), Manuel élémentaire du cultivateur alsacien, Strasbourg, 1842, p. 226-236 et 260.

BOEHLER, Paysannerie (1994), t. I, p. 939-950.

RÖSENER (Werner), Bauern im Mittelalter, Munich, 1991.

CHÊNE (Catherine), Juger les vers : exorcismes et procès d’animaux dans le diocèse de Lausanne (XV-XVIe s.), Lausanne, 1995.

DERSCHKE (Harald), Der Schwabenspiegel übertragen in heutige Deutsch, Munich, 2002.

DINZELBACHER (Peter), Das fremde Mittelalter, Gottesurteil und Tierprozess, Essen, 2006.

 

Notices connexes

Bétail (commerce du et marchands de)

Boucher

Droit_de_l'Alsace

Élevage

Karcher

Indemnités

Notstall

Orge-Gerst(e)

Pferd-Cheval

Pâturage-Pâture

Sorcellerie

François Igersheim et Jean-Michel Boehler